Roland Lescure, ministre chargé de l’Industrie de France, est l'invité du 7h50. Il revient sur le forum Vivatech au cours duquel Emmanuel Macron s'est exprimé sur sa vision de l'industrie française. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-jeudi-15-juin-2023-7269360
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 Nicolas Demorand : le directeur 48, Yael Ghos, votre invité ce matin est le ministre délégué à l'industrie.
00:05 Yael Ghos, ministre délégué à l'industrie. Bonjour Roland Lescure, je ne sais pas combien de fois le mot « souveraineté » a été prononcé depuis le début de la semaine et ça va continuer comme ça.
00:12 Batterie électrique, médicaments, aéronautique bientôt, quasiment un jour sur trois, le président est à l'usine.
00:18 Hier c'était VivaTech, le salon des nouvelles technologies, l'État va verser 500 millions d'euros pour essayer de créer des champions français de l'intelligence artificielle.
00:27 Et demain, guest star, invité vedette, tapis rouge pour Elon Musk, le triple patron de Tesla, SpaceX et Twitter.
00:33 Comment allez-vous le convaincre Elon Musk d'implanter chez nous sa future usine de batteries Tesla ?
00:39 Déjà il vient, je pense qu'il y a dix ans Elon Musk il ne serait pas passé par Paris, il aurait peut-être fait Londres, Francfort et quelques autres.
00:46 D'ailleurs il a fait Francfort puisqu'il a installé une usine en Allemagne.
00:49 Aujourd'hui la France est plus attractive que jamais mais elle est dans une compétition extrêmement forte avec d'autres pays.
00:54 Donc on sort tous nos atouts pour attirer les meilleurs, évidemment Elon Musk.
00:59 Qu'est-ce qui vous demande pour venir en France ?
01:01 Alors on n'est pas dans une logique de demande ou d'exigence, on est dans une logique de négociation.
01:07 Avec trois nerfs de la guerre si je puis dire.
01:09 Un, des subventions, c'est vrai, on en donne comme d'autres pour décarboner l'industrie.
01:14 Mais surtout, du foncier et de l'électricité décarbonée est pas cher et sur ces deux points de vue là, on a un avantage compétitif.
01:22 L'Espagne en a aussi, le monde est, je dirais, la place dans laquelle il regarde aujourd'hui.
01:28 Il est bienvenu en France, je vais vous dire une chose, l'ensemble des constructeurs automobiles mondiaux qui souhaitent produire des véhicules sont bienvenus en France, y compris les français.
01:36 Y compris le groupe Stellantis qui produit la 208 électrique, vous voulez qu'elle soit produite en France ?
01:41 Oui, on a des constructeurs français qui se sont engagés juste avant le mondial de l'auto pour produire 15 nouveaux modèles en France.
01:48 La Renault 5, la 4L, la 308 vont être produites en France.
01:52 J'aimerais évidemment que la 208 le soit aussi, c'est important à la fois pour les françaises et les français et les employés de Stellantis.
01:58 Mais sous quelles conditions que vous demande Stellantis pour vendre en France ?
02:00 On est dans des discussions qui sont aussi assez, je dirais, sportives mais sur lesquelles on avance.
02:05 C'est le secret des affaires, vous ne dites pas quelles sont les conditions ?
02:07 Non mais ce genre de choses, vous savez, on a annoncé 5 milliards d'investissement de Prologium pour des batteries électriques à Dunkerque.
02:15 Deux jours avant l'annonce, ce n'était pas fait. Donc tant que ce n'est pas fait, ce n'est pas fait.
02:19 Ce n'est pas juste pour éviter de provoquer le destin, c'est aussi parce que ces négociations sont extrêmement complexes et qu'on souhaite les mener à terme.
02:26 Je reviens à Elon Musk, il n'y a pas si longtemps c'était le méchant milliardaire américain qui s'affranchit des règles de l'Europe,
02:32 laisse les fake news, la haine en ligne revenir sur les réseaux sociaux, sur Twitter,
02:36 que votre collègue du numérique Jean-Noël Barraud, ministre, menaçait même de bannir.
02:41 On est prêt à tout pour réindustrialiser aujourd'hui ? Même à s'asseoir sur ces valeurs-là ?
02:45 Non, on est prêt à parler de tout.
02:46 D'abord Elon Musk, il a créé un nouveau constructeur automobile mondial qui est aujourd'hui un des plus grands de rien.
02:54 Et par ailleurs des véhicules électriques quand même, il faut reconnaître ça.
02:58 Il a inventé, ça paraît bête, mais une fusée qui décolle et qui atterrit et qu'on peut recycler.
03:02 Ça aussi c'est absolument exceptionnel.
03:04 Donc il y a, je dirais, l'Elon Musk qu'on admire, dont on doit pouvoir s'inspirer,
03:09 on doit pouvoir avoir des Elon Musk à la française.
03:12 Et puis il y a une face parfois un peu plus ambiguë, c'est le moins qu'on puisse dire.
03:15 Il y a un bon et un mauvais Elon Musk ?
03:17 Non mais comme nous tous, je veux dire, on a tous...
03:19 Vous aussi Roland Escure ?
03:20 Ah oui, il y a un bon et un mauvais Roland Escure, je vous le confirme.
03:23 Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise situation, mais il y a un bon ou un mauvais Roland Escure.
03:26 Bien sûr, mais c'est pour ça d'ailleurs que la régulation est importante,
03:30 c'est pour ça que la politique a un rôle à jouer.
03:32 Jean-Noël Barraud l'a dit, sur Twitter, évidemment, l'Europe est plutôt en avance d'un point de vue de la régulation.
03:38 Il faut laisser la liberté d'expression et s'assurer qu'elle ne conduise pas à raconter n'importe quoi, voire des horreurs.
03:43 Et ça, l'Europe est capable de le faire et le fera même avec Elon Musk.
03:46 Il y a eu un petit tacle du président hier au Salon Viva Tech vis-à-vis de l'Europe justement.
03:50 Hier, on a eu une première au Parlement européen, le premier règlement encadrant l'intelligence artificielle en Europe.
03:56 Et le président a dit "attention, là, il ne faudrait pas qu'on soit à la traîne. L'innovation d'abord."
04:01 Bah oui, je préfère innover avant de réguler que de réguler avant d'innover.
04:05 Alors, évidemment, ça ne veut pas dire que c'est le Far West.
04:08 Mais ça veut dire qu'on laisse les innovations évoluer, c'est le cas de le dire, on regarde, on met en place des régulations.
04:15 C'est compliqué en Europe parce qu'on a tendance à prendre beaucoup de temps avant d'arrêter les régulations.
04:18 Donc, ce qui a été voté cette semaine a commencé à être négocié alors que Chad Jibidi n'existait même pas.
04:24 Donc, c'est un défi de flexibilité, d'adaptabilité de la régulation.
04:28 Mais évidemment, on peut se retrouver dans une Europe trop régulée, sans intelligence artificielle.
04:35 Et y compris sans intelligence artificielle, je dirais "made in Europe" et surtout, c'est le cas de le dire, francophone.
04:40 - Mais soyons concrets, c'est-à-dire que la France, demain, va s'opposer, contrer ce que le Parlement européen a voté ?
04:46 - Non, ça veut dire qu'il faut mettre en place des conditions d'évolution de cette régulation
04:52 de manière à ce qu'elle soit plus adaptée à l'évolution de l'intelligence artificielle
04:56 qui est aujourd'hui beaucoup plus moderne, beaucoup plus puissante aussi, mais intéressante d'un point de vue économique.
05:01 Y compris pour l'industrie d'ailleurs, qu'elle l'était au moment où on a commencé à discuter de ce texte.
05:05 - L'industrie, c'est aussi l'aéronautique, il y a le salon du Bourget qui ouvre la semaine prochaine.
05:08 Ce soir, dîner à l'Elysée au Sommet, le Président reçoit les responsables de la filière, Safran, Airbus, ADP.
05:15 Il va leur dire qu'il faut faire plus pour décarboner l'aviation.
05:20 Ça existe un avion propre ?
05:22 - Alors, ça existe et c'est d'autant plus fascinant.
05:25 Vous savez que la France, l'Europe, aujourd'hui, exportent à peu près 50% des avions mondiaux.
05:30 Donc, on a la capacité de décarboner 50% de l'aviation mondiale.
05:34 C'est pas juste les avions qui vont Paris-Toulouse qu'on va décarboner.
05:37 C'est, si on arrive à construire un avion européen décarboné, et on va le faire,
05:42 ils sont prêts à investir aujourd'hui beaucoup d'argent, on va les aider un peu.
05:45 Là encore, on a des discussions intéressantes, de manière à ce qu'on puisse développer un avion décarboné.
05:50 Qu'est-ce que c'est qu'un avion décarboné ?
05:51 C'est essentiellement un avion très frugal, qui consomme très peu de carburant.
05:56 Et en plus, ces carburants-là sont des carburants recyclés.
05:59 Ce qu'on appelle des SAF, des carburants durables,
06:02 et qui permettent de recycler des matières, y compris industrielles d'ailleurs, du plastique et autres,
06:07 des biocarburants, de manière à créer un avion propre, oui c'est possible.
06:11 Est-ce que la clé, c'est pas de tarir la demande et donc d'augmenter le prix des billets, tout simplement ?
06:14 Alors, peut-être qu'on échappera pas à ça non plus d'ailleurs.
06:17 La transition écologique, ça a un coût.
06:19 Mais moi, je pense qu'aujourd'hui, on a une industrie extrêmement performante.
06:23 Elle est leader mondiale.
06:25 Elle fait partie des 2-3 secteurs qui nous permettent d'avoir une balance commerciale positive.
06:29 Et puis il y a quelques autres pour lesquels c'est l'inverse.
06:31 Soyons fiers, investissons, il y a des milliers d'emplois à la clé.
06:34 Évidemment, faisons-le de manière responsable.
06:36 En innovant et en décarbonant.
06:38 Le RN, le Rassemblement National, considère qu'ils engrangent une victoire idéologique
06:42 avec ce mot "souveraineté" et "réindustrialisation" que vous utilisez tous les jours désormais.
06:47 Laure Lavalette, la députée RN qui était invitée à ce micro hier, le disait.
06:50 Est-ce que c'est un point enregistré, gagné par le RN ?
06:54 C'est exactement l'inverse.
06:55 Pourquoi ?
06:56 Parce que ça fait 25 ans que le FN puis le RN se nourrissent de la désindustrialisation.
07:01 La réindustrialisation, c'est une arme anticolère.
07:04 Quand vous créez une usine, vous créez de l'espoir.
07:06 Quand vous créez de l'espoir, les extrêmes reculent.
07:08 Moi, je suis convaincu d'être une des armes anti-FN de ce gouvernement.
07:11 Et je suis très fier de l'être d'ailleurs.
07:13 Votre collègue Marlène Schiappa, chargée au gouvernement de l'économie sociale et solidaire,
07:16 a passé un moment un peu compliqué hier au Sénat.
07:18 Auditionné dans l'affaire du fonds Marianne, ce fonds lancé 6 mois après l'assassinat de Samuel Paty
07:24 qui devait financer des associations en défense de la République contre l'islam radical.
07:29 Est-ce qu'elle peut dire que c'est la faute de son administration et pas la sienne ?
07:34 Je ne suis pas sûr que ce soit tout à fait ce qu'elle a dit.
07:36 D'abord, elle est allée en commission d'enquête du Sénat.
07:39 Moi, j'en ai assisté.
07:40 J'ai participé à une il y a quelques semaines sur les médicaments.
07:43 C'est un exercice qui est assez difficile.
07:45 Et j'allais dire, tant mieux, le Sénat fait son boulot de contrôle.
07:48 Elle a répondu à toutes les questions.
07:50 Il faut que les sénateurs, maintenant, fassent leur part du travail et nous rendent le rapport.
07:53 Et qu'on voit ce qu'ils en ont à dire.
07:55 Mais je ne pense pas qu'on puisse juger d'un sujet aussi sérieux sur la base d'impression
07:59 liée à une audition, mais bien sur les faits.
08:00 Et c'est ce que j'attends des sénateurs qui, je n'en doute pas, le feront.
08:03 Le rapporteur général du budget, le président de la commission des finances du Sénat,
08:07 ce sont des gens extrêmement sérieux dont je ne doute pas qu'ils feront très bien leur boulot.
08:10 Dans votre ministère, vous suivez l'attribution de l'argent public.
08:14 Est-ce qu'elle a suivi suffisamment ?
08:16 Alors, dans mon ministère, comme dans tous les ministères, je pense,
08:20 on suit l'attribution de l'argent public.
08:22 Ça ne veut pas dire que je signe toutes les subventions.
08:24 Il y en a des grosses qui remontent jusqu'au ministre, il y en a des moins grosses qui suivent un processus.
08:28 L'essentiel, c'est que ce processus, lui, il soit rigoureux.
08:31 Et c'est l'objet, je pense, de cette commission d'enquête.
08:33 Marlène Schiappa peut continuer à son poste ?
08:35 Oui, bien sûr.
08:36 Roland Lescure, est-ce que vous êtes borniste ?
08:38 Ce n'est pas une maladie, c'est comme ça qu'on surnomme les ministres du gouvernement
08:41 qui souhaitent qu'Elisabeth Borne continue à Matignon.
08:44 Il y a besoin d'un nouveau souffle ou pas ?
08:46 Ou vous êtes pour qu'elle reste ?
08:48 Alors moi, je peux vous dire, je ne manque pas de souffle actuellement.
08:50 Elle m'a confié avec le président de la République une mission fantastique,
08:53 réindustrialiser la France.
08:54 Je ne parle pas de vous, je parle d'elle.
08:55 Oui, mais je l'ai fait avec bonheur et c'est grâce à elle et grâce à lui que je l'ai fait.
08:58 Donc je souhaite continuer à la faire en tout cas.
09:00 Moi, ça, c'est ma réponse.
09:01 Je réponds déjà à ce qui dépend de moi, c'est déjà pas mal.
09:03 Au-delà des 100 jours et du 14 juillet ?
09:04 J'espère, oui.
09:06 François Bayrou dans le Figaro dit qu'il ne veut pas d'un gouvernement de restauration RPR.
09:10 Il ferme la porte à une coalition avec la droite.
09:12 Vous êtes pour la coalition avec la droite ?
09:14 Je ne suis pas très RPR, moi, en tout cas, dans mon parcours professionnel et personnel.
09:19 Non, moi, je souhaite qu'on continue avec ce qui nous a plutôt porté depuis 6 ans,
09:23 ce qui fait que la France, aujourd'hui, est attractive, efficace et n'en déplaise à certains
09:27 avec un chômage historiquement bas.
09:29 C'est qu'on continue à faire le meilleur, que ce soit issu plutôt d'inspiration de gauche ou de droite.
09:34 On est capable de rassembler la France autour de ce que François Bayrou appelle un grand centre,
09:39 autour de ce que moi, j'appelle une France qui se développe, qui gagne
09:43 et qui se projette vers l'avant.
09:44 Est-ce que le président a le pouvoir de garder Kylian Mbappé au PSG ?
09:49 Il a dit qu'il allait tout faire pour hier au Salon des Vingt-Aîtres.
09:52 Est-ce qu'il a des super pouvoirs ?
09:53 Je pense qu'Emmanuel Macron a beaucoup, beaucoup, beaucoup d'influence.
09:56 Malheureusement, en tant que supporter régulièrement déçu du PSG,
10:00 j'ai peur que là, son pouvoir ait des limites.
10:02 Mais on verra, on verra.
10:03 Les limites du pouvoir d'Emmanuel Macron.
10:04 Merci Roland Lescure.
10:05 Merci Yael Goz.
10:07 Il est 7h58.