L'interview d'actualité - Philippe Brochard

  • l’année dernière
Chroniqueuse : Julia Vignali


Ce week-end, la Première ministre Élisabeth Borne a assuré que ces prochains mois, l'inflation serait moins forte, notamment sur des produits importants et très consommés, comme l'huile, les pâtes ou la volaille. Aujourd'hui, Julia Vignali reçoit Philippe Brochard, directeur général d'Auchan France, pour parler de l'inflation dans l'alimentaire. 

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Transcript
00:00 Bonjour Philippe Brochard, merci d'avoir accepté l'invitation de Télématin.
00:03 Alors ce week-end, la Première Ministre Elisabeth Borne a assuré que l'inflation dans les prochains mois serait moins forte,
00:09 notamment pour des produits très importants, c'est-à-dire l'huile, les pâtes et la volaille.
00:13 Vous confirmez, après cet été, les prix des produits alimentaires vont enfin baisser ?
00:18 Oui, et c'est une bonne nouvelle.
00:20 C'est une bonne nouvelle notamment au regard de ce que les consommateurs vivent depuis maintenant quelques mois,
00:24 qui fait poser une situation qui est très difficile, il faut la reconnaître sur la capacité à se nourrir correctement.
00:30 Par contre, la question que vous posez est essentielle, parce que c'est quoi les bons produits ?
00:35 C'est quoi les produits importants qui vont baisser ?
00:37 Et ce qui est intéressant, c'est que chez Auchan, on a choisi, depuis le début de cette période,
00:42 de mettre au cœur de nos choix, de notre politique commerciale, des produits frais.
00:48 Alors pour vous, c'est quoi les produits importants ?
00:49 Parce que pour Elisabeth Borne, elle dit que c'est la volaille, l'huile, les pâtes. Pour vous, c'est quoi ?
00:53 Alors pour nous, c'est tous les produits qui font du bien.
00:56 C'est les produits qui soutiennent nos enjeux de souveraineté alimentaire,
00:59 nos enjeux de pérennité du monde agricole et surtout de santé alimentaire.
01:03 Et donc, c'est du poisson frais.
01:04 C'est du poisson frais chez nous, tous les jours, une marée à moins de 5 euros le kilo.
01:08 D'accord, et ça, ça a déjà commencé.
01:09 Ça a déjà commencé depuis plusieurs mois et aujourd'hui, on a décidé d'accélérer.
01:13 Et donc aujourd'hui, on accélère avec, tout l'été, une campagne qui va promouvoir l'origine France,
01:18 notamment en produits frais et en produits bruts.
01:20 Mais ça, c'est pour les poissons.
01:21 Ça, c'est pour les poissons. Mais il n'y aurait que le poisson chez Auchan qui est moins cher ?
01:24 Bien sûr que non. C'est un exemple.
01:26 C'est juste que Auchan a la chance d'être la première poissonnerie de France depuis le travail qu'on fait.
01:30 Mais c'est aussi 100% de notre viande de bœuf, donc viande de porc, notre viande de volaille qui est française.
01:34 Alors, vous parliez tout à l'heure, on parlait des changements des consommateurs.
01:37 Vous les avez observés, j'imagine, ces comportements.
01:39 Le caddie a changé. Qu'est-ce qui a changé ?
01:41 Qu'est-ce qu'on n'achète plus ? Qu'est-ce qu'on a sacrifié, nous, les Français ?
01:44 Alors, on a constaté une évolution qui est très négative dans l'évolution de la consommation des produits
01:53 que je qualifierais bons pour la santé et bons pour la planète.
01:55 Donc, c'est une baisse des volumes de consommation de fruits et légumes, de viande, de poisson.
02:01 Et l'enjeu, il est là, puisque là, on est en train de parler de souveraineté alimentaire,
02:04 on est en train de parler de santé publique et on est en train de parler de pérennité de nos agriculteurs,
02:09 de nos éleveurs, de nos pêcheurs, de nos viticulteurs. Et ça, c'est essentiel.
02:12 Donc, vous allez baisser certains prix, des prix qui font du bien et qui empêchent les Français de mal se nourrir,
02:17 c'est ce que je comprends. Et pourtant, en mai, malgré le ralentissement de l'inflation,
02:21 les prix ont tout de même augmenté de 1%. Comment vous pouvez expliquer ça, cette augmentation ?
02:26 Franchement, le trimestre anti-inflation, pour nous, les consommateurs, on ne comprend pas comment ça marche.
02:30 On est censé payer moins cher, mais à la caisse, on paye plus cher.
02:34 Alors, il y a deux choses. Il y a deux choses. Tout d'abord, il y a les convictions d'Ochan.
02:38 Que sont les produits bons, sains et locaux, ne doivent pas servir à financer
02:43 ce qui les est un peu moins pour la santé, pour la planète. Ça, c'est une chose.
02:46 Et ensuite, concernant la légère inflation qui a pu être constatée pendant le trimestre anti-inflation,
02:51 c'est juste que dans un produit, vous avez une matière première agricole,
02:54 qui, elle, est sujette à des évolutions de cours et la juste rémunération du monde agricole,
02:58 elle est protégée dans notre contexte.
03:00 Mais ça, nous, en tant que consommateurs, on a envie de protéger le monde agricole,
03:04 mais on se pose quand même la question, qui prend l'argent ?
03:06 Excusez-moi, c'est les industriels, c'est vous, les agriculteurs,
03:10 qui s'enrichit en moment de crise, au moment du passage de la caisse ?
03:14 Ce qui est certain, c'est que le grand épicier que je suis sert ses marges.
03:18 Ça, c'est une réalité.
03:19 Vous faites moins de marge.
03:20 Exactement. Pourquoi ? Parce qu'en fait, on a la chance de faire un métier qui est exceptionnel,
03:24 qui est de nourrir la population. Et donc, à un moment, c'est une responsabilité qui nous engage.
03:28 Donc, c'est un choix de société.
03:29 Donc, ce n'est pas vous qui prenez l'argent ?
03:30 Non, ce n'est pas moi qui prends l'argent.
03:31 Qui prend l'argent ?
03:32 Vous savez, je n'ai pas envie d'opposer les industriels et les distributeurs.
03:36 Moi, j'ai envie de rassembler tout le monde autour d'un projet.
03:38 Et vous l'avez compris, dans mes propos, il y a quelque chose d'assez militant.
03:41 J'ai envie de rassembler tout le monde autour d'un projet
03:43 qui est celui de la souveraineté alimentaire et de la préservation du monde agricole.
03:46 Donc, on sera tous très fiers, cette idée de dire qu'on a une France magnifique.
03:50 Et tout ça, c'est parce qu'on a des éleveurs, des agriculteurs
03:53 qui sont les acteurs de notre patrimoine français.
03:55 On est tous d'accord pour lui dire, mais il y a bien quelqu'un, à un moment donné,
03:58 qui va devoir aussi baisser ses marges.
04:00 Alors, vous, vous le faites. Est-ce que les industriels font ça ?
04:03 Est-ce qu'ils jouent le jeu ? Parce que Bruno Le Maire n'a pas l'air de penser qu'ils le fassent.
04:08 Il dit carrément qu'ils jouent la montre.
04:10 Est-ce que vous trouvez que c'est vrai ?
04:11 Alors, ça, c'est une question qui est centrale.
04:13 C'est vrai que quand il s'agit de passer des hausses,
04:16 les industriels sont venus nous voir et on a tous pris l'ascenseur.
04:19 Aujourd'hui, que l'enjeu, c'est de placer des baisses,
04:22 évidemment, tout le monde essaie de prendre l'escalier.
04:24 Mais la responsabilité qu'a la mienne, c'est évidemment de pousser les discussions
04:28 au plus fort et au maximum pour obtenir des répercussions de baisse de prix
04:32 le plus rapidement possible sur le consommateur.
04:33 Par contre, ce que j'aimerais dire, c'est qu'on parle des industriels,
04:37 mais est-ce que vous avez entendu des problèmes avec les 8000 PME françaises
04:40 avec lesquelles on travaille ? Il n'y a jamais de souci.
04:43 Donc, il ne faut pas opposer tous les acteurs du monde de l'alimentaire
04:48 puisqu'en fait, vous avez, en tout cas en ce qui concerne mon entreprise,
04:52 8000 PME françaises qui jouent le jeu.
04:54 Et c'est pour ça qu'aujourd'hui, on lance une campagne pour promouvoir le MediFrance.
04:57 Vous ne vous sentez pas concerné par ces industriels qui feraient des marges énormes
05:00 et qui ne joueraient pas le jeu de la crise ?
05:01 Bien sûr que si, et c'est pour ça qu'on a des discussions qui sont extrêmement sévères.
05:06 Et c'est quoi les négociations ? C'est une fois par an ?
05:08 Entre industriels et grands distributeurs, c'est bien ça,
05:11 mais ce n'est pas suffisant une fois par an ?
05:12 Non, ce n'est pas suffisant.
05:13 Et d'ailleurs, on est plusieurs dans la profession à penser qu'il faut réformer ça.
05:17 On est le seul pays en Europe qui a cette démarche.
05:20 Et puis, vous savez, on parle de la négociation annuelle avec les grands industriels,
05:24 mais aujourd'hui, moi, j'ai près de 3000 producteurs, éleveurs, agriculteurs
05:28 avec lesquels je discute tous les jours sur du cours du jour.
05:31 Donc là encore, il y a oui, certes, des grands industriels
05:34 avec lesquels j'ai une campagne annuelle de négociations,
05:36 mais n'oublions pas qu'on discute avec des acteurs tous les jours
05:39 qui sont ancrés dans le territoire.
05:40 Vous avez vu que Bruno Le Maire disait que ce serait bien de rendre public
05:43 le nom des industriels réticents à rouvrir les négociations.
05:48 Vous en pensez quoi de ce coup de pression de rendre public les mauvais joueurs ?
05:53 Moi, je pense que ce n'est pas une bonne solution.
05:56 Ce n'est pas une bonne solution, c'est pour ça que je vous le dis.
05:57 Moi, je préfère qu'on se retrouve tous engagés sur un projet qui fait sens,
06:02 un projet autour de nos enjeux de souveraineté alimentaire.
06:05 Je pense que des logiques court-termistes,
06:09 quand on est en train de parler d'alimentaire,
06:10 et donc un sujet de temps long, je pense que c'est un débat du passé.
06:14 Bon, un dernier mot pour assurer les consommateurs que nous sommes.
06:17 Les prix vont vraiment baisser tout de suite, là, maintenant ?
06:19 On peut aller chez vous et faire de bonnes affaires ?
06:21 Oui, alors ce que je vais vous dire, chez Auchan,
06:23 c'est qu'on va continuer à œuvrer, on va continuer à serrer les marches
06:25 pour que le consommateur puisse acheter ce qu'il veut et pas seulement ce qu'il peut.
06:29 Et puis, on va continuer à investir très fortement
06:32 dans des produits qui font du bien pour ceux qui les produisent,
06:37 pour ceux qui les vendent et pour ceux qui les consomment.
06:39 C'est clair. Merci beaucoup, Philippe Rocher, d'avoir accepté l'invitation de Télématin.
06:42 Je rappelle donc que vous êtes le directeur général d'Auchan France.
06:45 Merci, Julien.

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