Mardi 13 juin 2023, SMART TECH reçoit Sébastien Soriano (directeur général, IGN)
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00:00 (Générique)
00:06 -Bannir Twitter, bannir TikTok, sérieusement,
00:09 j'ai envie de poser la question.
00:11 Ca va être notre sujet de débat dans Smartech
00:13 avec Julien Pillot, économiste. Bonjour, Julien.
00:16 Merci d'être avec nous.
00:18 Vous serez dans ce débat à distance avec Winston Maxwell,
00:21 directeur d'études en droit et numérique
00:24 à l'école d'ingénieurs Télécom Paris.
00:26 Bonjour à vous également.
00:28 On va s'intéresser en tout premier lieu
00:32 à une nouvelle alliance dans la donnée.
00:34 Celle-ci veut nous permettre d'accélérer
00:37 sur les questions d'urgence climatique.
00:39 Bonjour, Sébastien Soriano. -Bonjour.
00:42 -Merci d'être avec nous.
00:43 La dernière fois que je vous ai quitté,
00:46 vous étiez sur le départ de l'ARCEP.
00:48 Vous avez intégré l'Institut national
00:50 de l'information géographique et forestière, l'IGN.
00:53 Vous êtes le directeur général de l'IGN
00:55 et vous lancez cette initiative,
00:57 cette alliance autour de la donnée,
00:59 derrière laquelle on va retrouver des acteurs publics
01:02 et privés. Vous nous dites que ça va permettre
01:05 d'accélérer les politiques publiques
01:07 en matière environnementale.
01:09 Quelles sont ces données,
01:10 ces données géographiques,
01:12 qui sont intéressantes pour travailler
01:14 cette question de l'urgence climatique ?
01:16 -Elles sont de multiples ordres.
01:18 La planification écologique, la transition,
01:21 ça touche à tout.
01:22 Ca touche à la manière d'habiter,
01:24 à la consommation, la manière de produire,
01:27 la manière de faire des agricultures.
01:29 La transition écologique nous engage
01:31 dans des directions multiples.
01:32 L'idée, c'est d'apporter des données pilotées.
01:35 C'est comme les entreprises qui structurent leurs datas
01:38 pour se moderniser et avoir une meilleure compréhension
01:41 de ce qu'elles font, de là où elles vont.
01:43 C'est le même enjeu.
01:45 Mais là où c'est le défi, c'est qu'on parle du territoire.
01:48 Ca veut dire, par exemple,
01:49 mieux connaître la description du bâtiment
01:52 pour savoir quelles sont les priorités
01:54 en termes de rénovation thermique.
01:56 -Ca veut dire suivre le recul du littoral
01:58 et, en croisant des données météorologiques,
02:01 de marées, la connaissance du terrain
02:03 et de son sous-sol, notamment,
02:05 pouvoir faire des prédictions sur ce qu'on appelle
02:08 le recul du trait de côte
02:10 et prendre les bonnes décisions d'aménagement.
02:12 -C'est pas uniquement l'hygiène qui met ces données,
02:15 mais vous allez aussi collecter des données
02:18 autour de cette date alliance ?
02:20 -Ce sont des coproductions.
02:21 Chaque fois, on va travailler pour un ministère
02:24 ou un opérateur public.
02:26 Ca peut être l'ONF s'il s'agit de la forêt,
02:28 le ministère de l'Écologie s'il s'agit
02:30 d'artificialisation des sols.
02:32 A chaque fois, on va produire un référentiel,
02:34 une carte, si vous voulez.
02:36 On vient de produire pour Agnès Pannier-Runacher
02:39 de la transition énergétique
02:41 un portail qui recense toutes les énergies renouvelables,
02:44 à la fois l'éolien, le photovoltaïque,
02:47 la géothermie et bien d'autres,
02:49 et qui va permettre de recenser ce qui existe,
02:51 de voir où sont les arrivées de grands câbles électriques,
02:55 qui permettent de se brancher,
02:57 et qui vont permettre aux communes de déclarer les zones,
03:00 ces fameuses zones d'accélération,
03:02 où les règles seront simplifiées pour l'installation.
03:05 C'est ce type de données qu'on va apporter au cas par cas
03:08 pour chacune de ces politiques.
03:10 -Qui est-ce que vous rassemblez dans cette alliance ?
03:13 -Pourquoi une alliance ?
03:15 On aurait pu se dire qu'on est un service public,
03:18 on s'occupe de tout.
03:19 Notre analyse, c'est qu'il y a énormément d'innovation
03:22 dans notre secteur.
03:23 On est fiers de la porter nous-mêmes,
03:25 dans le New Space, l'IA, on fait des belles innovations.
03:29 Mais on se dit, on regarde autour de nous,
03:31 il y a des start-up incroyables qui se sont développées
03:34 ces dernières années, dans le New Space,
03:37 dans l'utilisation des données satellitaires,
03:39 fournies par des acteurs comme Airbus
03:41 ou la constellation européenne de Copernicus.
03:44 On voit un tas de boîtes qui ont développé des analyses,
03:47 par exemple sur la forêt, sur l'évolution du trait de côte,
03:51 sur les enjeux thermiques du bâtiment.
03:53 Je vais vous expliquer quelques-unes.
03:55 Prometheus, Space Sense, One Spatial,
03:58 Kairos, Kermap ou IC, par exemple,
04:00 sur ce domaine du New Space.
04:01 L'idée, c'est de faire alliance avec elles,
04:04 plutôt que de redevelopper nous une chaîne de traitement,
04:07 d'analyse, pour reconnaître, pour distinguer,
04:10 le pain maritime du chêne plus baissant dans la forêt,
04:13 on va regarder s'il n'y a pas une boîte
04:15 qui a déjà craqué le sujet, trouvé l'algo,
04:18 et à ce moment-là, apprendre à se connaître
04:20 et aller voir l'Office des forêts en disant,
04:23 "Voilà, on a une solution."
04:24 Elle est à la fois agile, innovante,
04:26 c'est l'entreprise, la start-up qui amène ça,
04:29 et en même temps, c'est une donnée de qualité,
04:32 souveraine, vérifiée et cohérente avec ce qui existe en matière de data.
04:36 Cette alliance des deux mondes va permettre de produire cette donnée.
04:40 -Est-ce qu'il y avait des données que vous collectiez
04:43 et qui n'étaient pas utilisées suffisamment ?
04:46 -Oui, mais le sujet, c'est surtout des questions de croisement.
04:49 Nous avons, depuis une dizaine d'années,
04:52 ce qu'on appelle un inventaire forestier.
04:54 Il existe depuis 60 ans,
04:56 mais l'hygiène le conduit depuis 10 ans.
04:58 Il mobilise une soixantaine d'équipes
05:00 qui vont sur le terrain chaque année
05:02 et qui vont faire des relevés,
05:04 regarder la taille des troncs d'arbres,
05:06 mettre des coups de pelle dans le sol...
05:09 C'est 200 datas par placette.
05:10 On fait environ 12 000 placettes par an.
05:13 C'est une quantité de data énorme.
05:15 Pour l'instant, cette donnée,
05:17 c'est surtout pour faire une statistique nationale.
05:20 Le volume de bois évolue de telle manière,
05:22 le châtaignier, ça réduit, etc.
05:24 Là, on va pouvoir croiser cette donnée statistique
05:27 avec de la donnée spatiale,
05:29 qui peut être du satellite, du LIDAR,
05:31 un programme de captation de vue 3D
05:33 qu'on fait sur toute la France.
05:35 Avec ce croisement, on aura une information plus fine.
05:38 Pas seulement nationale, mais de pouvoir dire
05:40 à la commune forestière que le bois de la commune
05:43 évolue comme si on prenait telle décision.
05:46 -Alors, là, on va être face
05:47 à quelques urgences climatiques très claires cet été,
05:50 à savoir, d'un côté, les incendies,
05:53 les risques d'incendie, et puis aussi le manque d'eau.
05:56 Comment travaillez-vous sur ces sujets ?
05:58 Est-ce que la data alliance est déjà opérationnelle
06:01 pour répondre à ces problématiques ?
06:03 -Non. C'est pas le sujet sur lequel on est le plus avancé.
06:06 L'eau, c'est un sujet complexe,
06:08 car elle mobilise des données de surface et de souterraine,
06:11 qui sont articulées, bien sûr, mais qui pourraient l'être mieux,
06:15 et qui est aussi une galaxie d'acteurs publics assez nombreuses.
06:18 Donc, aujourd'hui, il y a ce qu'on appelle
06:21 la planification écologique, portée par la Première ministre,
06:24 le programme France Nation verte,
06:26 et il y a un travail qui est en cours,
06:28 pour savoir, sur les 22 chantiers de France Nation verte,
06:32 dont celui de l'eau, comment on peut mieux travailler ensemble
06:35 pour construire des données.
06:37 C'est typiquement un sujet, la ressource en eau,
06:39 qu'on sera amené à travailler dans ce cadre-là.
06:42 Pour dézoomer un peu, on a ce sujet adaptation,
06:45 pour reprendre le terme de Christophe Béchut,
06:47 ministre de la Transition écologique.
06:49 Ce sujet adaptation nous amène à regarder
06:52 ce qu'on appelle des jumeaux numériques.
06:54 Vous avez non seulement une description,
06:57 mais des simulations qui vous permettent de comprendre
07:00 ce qui va se passer si le niveau des besoins augmente,
07:03 en termes d'inondation, ou si les intempéries se multiplient.
07:06 On veut aller vers ces jumeaux numériques.
07:09 -On a commencé à voir des images,
07:11 j'avais reçu quelqu'un de l'hygiène en plateau,
07:14 c'est le début de jumeaux numériques de la France.
07:16 -On est en train de faire la maquette,
07:19 qui est le terrain de jeu, qui modélise,
07:21 donc ça, c'est en cours.
07:23 Maintenant, ce qu'on va vouloir développer,
07:25 c'est en lien avec France 2030,
07:27 en partenariat avec l'INRIA,
07:29 l'Institut de recherche notamment en informatique,
07:32 et le CEREMA, qui est un opérateur
07:34 qui connaît les thématiques d'aménagement du territoire.
07:38 On veut construire ce jumeau numérique
07:40 pour aller plus loin, pour faire des simulations,
07:43 pour savoir ce qui va se passer dans tel cas,
07:45 quel est le scénario le plus probable,
07:48 aussi faire des simulations, par exemple,
07:50 "ça ressemblera à quoi si on implante une éolienne ici ?"
07:53 C'est le coup d'après du jumeau numérique.
07:56 -Si je reviens à la date-alliance,
07:58 cette alliance autour de la donnée,
08:00 c'est aujourd'hui la mine d'or, c'est hyper stratégique.
08:03 Sur les sujets de géographie, de cartographie,
08:06 on sait où sont les grands concurrents.
08:09 Ce sont les grands concurrents américains.
08:11 Est-ce que ça veut dire que cette date-alliance
08:14 est uniquement européenne ?
08:16 Est-ce qu'elle est poreuse ? Est-ce qu'elle est ouverte ?
08:19 Comment vous la positionnez
08:21 par rapport au marché et à la concurrence ?
08:24 -Moi, je crois... Ca peut paraître paradoxal,
08:26 mais je crois que la souveraineté,
08:28 on va la conquérir par des communs,
08:30 c'est-à-dire par l'ouverture.
08:32 C'est ça qui nous différencie des GAFA.
08:34 Quand un grand acteur américain fait du suivi
08:37 de l'artificialisation des sols
08:39 ou de la prévision d'inondation,
08:41 c'est joli, ça marche bien,
08:43 mais on ne contrôle pas.
08:45 On ne contrôle pas parce qu'il y a une propriété intellectuelle,
08:48 parce que c'est développé de manière fermée,
08:51 parce que ça n'associe pas les parties prenantes.
08:54 Je pense que c'est par l'ouverture,
08:56 et toutes les données de l'IGN sont en open data,
08:58 depuis deux ans et demi,
09:00 qu'on va reconquérir de la souveraineté.
09:02 -C'est ce que j'entends beaucoup.
09:04 C'est vrai que c'est par ce moyen-là
09:06 de l'ouverture et des communs
09:08 qu'on peut se positionner face aux GAFAM,
09:11 aux grandes plateformes numériques,
09:13 mais elles font la même chose, elles aussi créent des alliances.
09:16 -Oui, mais il y a une certaine ouverture.
09:19 Il y a notamment un front qui s'est créé contre Google,
09:22 pour ne pas le citer,
09:23 dans le domaine de la géographie,
09:25 qui s'appelle Ouverture Maps,
09:27 une initiative intéressante.
09:29 Même si, à ce stade, on préfère travailler
09:31 avec des acteurs qui sont déjà engagés
09:34 dans des démarches d'ouverture,
09:36 je pense notamment au collectif Open Street Map,
09:38 qui est le Wikipédia de la carte.
09:40 En France, il y a 10 000 volontaires
09:42 qui s'amusent, par plaisir ou par conviction,
09:45 à faire de la cartographie le week-end,
09:47 en soirée, sur leur temps libre.
09:49 C'est avec eux qu'on va faire alliance.
09:51 -Je voulais juste rappeler,
09:53 vous avez écrit un livre, "Un avenir pour le service public,
09:56 "un nouvel état face à la vague écologique, numérique, démocratique".
10:00 Vous êtes en plein dans votre sujet.
10:02 C'est le moment de faire pivoter un institut comme l'IGN.
10:06 -Je crois qu'il faut sortir
10:08 de ce jeu d'opposition,
10:09 dans lequel il y aurait un Etat surplombant
10:11 qui déciderait tout, et à côté,
10:13 une société un peu infantile.
10:15 Moi, je crois à des alliances,
10:17 notamment à ce que j'ai appelé une trilogie
10:20 entre l'Etat, le marché et les communs.
10:22 Il faut une place pour le marché,
10:24 pour le business, pour les entrepreneurs,
10:27 pour l'innovation.
10:28 Il faut chercher la combinatoire
10:30 entre ces trois mondes, et pas se dire
10:32 "je vais résoudre les problèmes du monde".
10:35 -Merci, Sébastien Soriano,
10:37 de l'IGN, pour nous avoir expliqué
10:39 quel était ce projet autour de l'alliance
10:41 des données pour répondre aux urgences climatiques.
10:44 C'est l'heure de notre taux.
10:46 Vous restez avec nous, on va parler de Twitter,
10:49 de TikTok, et on va regarder si l'idée d'un bannissement
10:52 est une idée tout à fait sérieuse.