La triennale d’art contemporain, Chaleur Humaine est inaugurée ce samedi. Parmi les œuvres réalisées pour l’évènement, la pieuvre monumentale de Laure Prouvost a posé ses tentacules sur la digue et restera à Dunkerque. Un long format pour découvrir tous les secrets de sa création.
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00:24 Sa tête émerge du sable, ses tentacules surgissent de la digue.
00:29 Une pieuvre en bronze monumentale est arrivée à Dunkerque en ce mois de juin.
00:34 Installée au pied des grands pavois, elle restera là et fait désormais partie du paysage de notre bord de mer.
00:41 Elle fait écho à celle posée sur la plage de La Panne depuis 2021
00:46 et pourrait bien être sa sœur de l'autre côté de la frontière.
00:54 Ces deux créatures fantastiques, c'est l'or prouvé qui les a imaginées.
00:59 Dans son atelier bruxellois, l'artiste originaire du Nord,
01:03 qui a représenté la France à la Biennale de Venise en 2019,
01:06 est entourée de pieuvres, poulpes et autres tentacules.
01:10 Des formes de vie riches de sens pour elle.
01:14 Cette connexion au monde liquide, au monde malléable,
01:19 j'aime beaucoup l'idée de l'octopus qui peut se faufiler,
01:23 qui peut se déformer, qui peut devenir autre.
01:28 Elle rentre dans une boîte et elle devient boîte.
01:32 Elle intègre toute forme presque.
01:35 On s'est rendu compte que son cerveau était dans ces tentacules.
01:39 Il y a quelque chose d'immédiat, du mental et du physique.
01:44 Les deux en un.
01:45 L'idée de l'octopus qui pense de façon très directe,
01:50 c'est très important.
01:52 Elle a aussi ce symbole d'un début de la vie sur Terre.
01:56 C'est la vie qui commence.
01:58 Elle grimpe, elle sait sortir de l'eau, elle sait respirer hors de l'eau.
02:03 Elle a vraiment ce mouvement qui vient de la liquidité vers le terrestre.
02:10 C'est ce lien qui m'intéresse.
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02:18 De ses idées, ses croquis, ses aquarelles,
02:22 de cet imaginaire poétique, il faut faire une œuvre monumentale, bien réelle.
02:27 Musique
02:30 C'est à quelques kilomètres de Gans, en Belgique,
02:33 dans l'atelier de bronze de Bram Guise que ça se passe.
02:37 Musique
02:40 Ça commence avec un dessin, des esquisses.
02:43 On va travailler avec cette idée.
02:46 On a scanné un vrai octopus.
02:49 Tous les différents morceaux, on peut les retravailler en 3D
02:53 pour les mettre dans la bonne position.
02:55 Ça, c'est avec l'artiste.
02:57 Elle vient ici et on regarde les positions avec ses idées,
03:00 si ça marche, si ça ne marche pas.
03:02 Si ça, c'est validé.
03:04 Nous, on a un robot qui fait des choses.
03:07 On va usiner et réaliser en vrai les différents morceaux de l'octopus.
03:13 Avec l'usinage en 3D, on a des prototypes en mousse,
03:17 mais il nous manque beaucoup de détails.
03:19 C'est encore à la main par des sculpteurs qu'on va ajouter les détails.
03:24 De nouveau, avec l'artiste qui nous corrige quand il y a des choses qui ne vont pas.
03:29 Avec Laure, on travaille très bien ensemble.
03:33 On s'entend très bien et elle nous donne la liberté de faire notre travail aussi.
03:38 La sculpture en mousse retravaillée sert de modèle.
03:46 C'est à partir de ce positif que l'on crée le moule
03:49 qui servira à couler le bronze à la fonderie.
03:52 Ensuite, c'est une deuxième grande étape qui s'engage.
03:55 Dès que ça sort de la fonderie, on va faire la mousse.
04:01 Dès que ça sort de la fonderie, ça rentre ici.
04:04 C'est un grand puzzle.
04:06 On a tous les différents morceaux à mettre ensemble.
04:09 Avec la soudure, on va souder tout ensemble.
04:12 La soudure doit être ciselée pour qu'elle devienne invisible.
04:17 Tout le travail qui se passe ici, à la fin, doit être invisible.
04:21 C'est notre but.
04:23 Après le ciselage, on va sabler.
04:25 Tout sera uniforme.
04:27 Et après, on va mettre une patine.
04:29 C'est une patine de base pour donner un démarrage d'oxydation au bronze.
04:34 Mais vu que la sculpture va être à côté de la mer,
04:38 on ne peut pas trop...
04:40 C'est l'ambiance qui va la patiner.
04:45 C'est la mer, les vagues et le sel dans l'air qui vont patiner le bronze.
04:55 Cette ambiance maritime leur est venue pour l'œuvre La belle pieuvre de Sifrotet.
05:02 Une journée complète d'installation est nécessaire.
05:08 Le grand céphalopode prend sa place dans l'espace public
05:23 sous l'œil attentif de Laure Priveau et des quelques curieux
05:26 déjà venus observer sa mise en place.
05:29 Je parle souvent de mes œuvres comme j'aime beaucoup le fait qu'elles ne m'appartiennent plus.
05:38 C'est la société, ce qu'on crée après, ça appartient à la société.
05:42 Et là, quand j'arrive dans des espaces comme ça, très publics,
05:45 c'est un dialogue vraiment très direct.
05:47 Tu es direct avec l'audience.
05:49 Et l'audience, des fois, n'a pas le choix. Elle a cette œuvre-là, elle a...
05:53 Et en même temps, elle peut en faire ce qu'elle veut.
05:57 L'audience, elle peut la critiquer, elle peut devenir un symbole de rencontre.
06:03 Et là, il y a beaucoup... Les tentacules deviennent des sièges,
06:07 les enfants grimpent, on se cache.
06:11 Tout ça, pour moi, ça reste une œuvre d'art, donc ce n'est pas un terrain de jeu.
06:17 Mais elle est ouverte à l'appropriation, je crois.
06:21 Et donc ça, c'est quelque chose qui m'importe
06:24 et qui est fascinant pour moi, de pouvoir travailler à cette échelle.
06:30 "We will become one another"
06:33 C'est le titre de l'œuvre, un titre au sens multiple,
06:36 qui parle de l'autre créature, celle de la panne, de l'autre côté de la frontière,
06:41 qui parle des traditions flamandes et du carnaval,
06:44 devenir un autre en se déguisant, comme la pieuvre qui arbore un masque d'oiseau,
06:48 avec dans son bec un poisson, qui parle de tolérance de l'autre.
06:53 "We will become one another", c'est un jeu de mots aussi,
06:55 parce que c'est "oui" en français, "oui", "yes", "we will become one another",
07:01 "oui, on deviendra autre", "on deviendra l'un et l'autre".
07:05 Donc c'est aussi encore un titre assez idéaliste,
07:09 parce qu'il faut de l'idée, il faut rêver,
07:14 et il faut être en symbiose avec le monde qui nous entoure.
07:19 [Musique]