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00:00 Comment les plateformes de streaming ont-elles changé le travail des scénaristes ?
00:03 Des formats plus libres, des thématiques plus audacieuses,
00:06 mais aussi des auteurs pas toujours mieux rémunérés qu'avant.
00:09 L'audace, cette espèce de révolution d'effervescence qu'il y avait,
00:12 d'émulation forcément pour les auteurs français, c'était très positif.
00:16 Et puis les choses se sont assez rapidement gâtées.
00:19 La grève des scénaristes américains déclenchée en mai 2023
00:24 montre le décalage entre les attentes des auteurs et leur rémunération,
00:27 proposée en grande partie par les plateformes.
00:29 Mais est-ce que c'est le cas en France aussi ?
00:31 Sur Mixte, la série que j'avais créée sur Amazon,
00:33 il y avait une belle part qui était réservée à l'écriture.
00:37 On travaillait en atelier d'écriture, on était nombreux,
00:39 il y avait un beau budget pour l'écriture,
00:41 ce qui n'est pas du tout les budgets dont j'entends parler aujourd'hui pour les plateformes.
00:45 Pour un épisode de 52 minutes, la rémunération initiale des scénaristes
00:49 représente 3,9% du coût de l'œuvre en moyenne, selon les chiffres du CNC.
00:53 Même ordre de grandeur pour les films.
00:55 Mais un élément chagrine les scénaristes.
00:57 Si leur création cartonne à l'étranger, ils ne sont pas forcément rémunérés plus.
01:01 Pourquoi ? Parce que la récolte des droits d'auteur,
01:04 régie par la Société des auteurs et compositeurs dramatiques,
01:07 ne se fait pas partout.
01:08 Si la SACD a des accords avec de nombreux pays,
01:10 un gros morceau manque à l'appel, les Etats-Unis, en raison d'un système différent.
01:14 Les auteurs peuvent alors nouer des contrats individuellement avec les producteurs,
01:17 mais ceux-ci rapportent le plus souvent presque aucun droit d'auteur.
01:20 Aux Etats-Unis par exemple, que ce soit un carton ou un flop,
01:24 les scénaristes ne toucheront rien d'autre que cette somme fixe.
01:28 On sait que 10% a été vu beaucoup aux Etats-Unis.
01:33 C'est une série française de France 2 au départ, mais diffusée sur Netflix.
01:37 Personne en France, aucun auteur en France n'a bénéficié de ce succès outre-Atlantique.
01:41 Quand vous faites des grands succès, vous aimeriez bien être rémunérés au succès.
01:46 Je travaille plus, je travaille beaucoup.
01:48 Je ne pense pas qu'on puisse travailler plus que ce que je travaille.
01:50 Et je gagne plutôt moins d'argent, oui.
01:52 Et les agents sont furieux, ils ont raison.
01:54 Pour ne rien faciliter, les plateformes communiquent très peu de chiffres d'audience précis,
01:59 hormis un classement.
02:00 Même si ça devrait évoluer à l'avenir.
02:02 À leur arrivée, les plateformes avaient pourtant suscité beaucoup d'espoir pour les auteurs.
02:06 En 2016, Marseille, première série française produite par une plateforme de streaming,
02:11 rejoint le catalogue de Netflix.
02:12 À sa suite, d'autres séries apportent un vent de renouveau,
02:15 avec notamment une ouverture à des genres novateurs.
02:17 Il y avait une audace. Moi j'ai vu l'arrivée des plateformes.
02:21 Les chaînes de la TNT étaient assez conservatrices, très frileuses.
02:26 Il y avait ce qu'on avait le droit de faire, pas le droit de faire.
02:27 On vivait dans la hantise du "ça passera jamais".
02:30 Parmi les premières séries françaises des plateformes,
02:32 Marianne mêle paranormal et horreur.
02:35 Planqueur brise le tabou de l'intime.
02:37 Parmi leurs premières séries, il y avait Osmosis, qui était du genre,
02:39 qui était quand même une tentative de faire quelque chose qu'on n'aurait pas vu sur TF1,
02:44 a priori à l'époque.
02:46 Chez Yann et Lola, autre part qu'une plateforme, non, ça ne serait pas arrivé.
02:50 Osmosis, c'est de la science-fiction.
02:52 Et chez Yann et Lola, l'histoire d'un duo déjanté qui s'enfonce malgré elle dans la criminalité.
02:57 Deuxième apport, des formats différents de ce qui se faisait jusque-là à la télé.
03:01 Les chaînes classiques, les chaînes de la TNT ne commandaient que du 90.
03:05 Moi quand j'ai réussi à faire passer mes premiers 52, c'était une victoire,
03:09 parce que je savais que c'était le bon format.
03:11 Un auteur, il sait s'il est un sprinter, un marathonien, un demi-fond,
03:17 enfin bon, et moi je savais que c'était ça mon format.
03:20 Sur environ 45 minutes sur des plateformes,
03:24 en réalité il peut y avoir un épisode de 48 minutes, un épisode qui va faire 36 minutes,
03:29 donc ça c'est quand même une liberté.
03:30 Et soudain, on a pu créer en 52, 6 fois 52, 8 fois 52,
03:36 donc avec des possibilités d'approfondir les personnages, de créer les univers.
03:41 Les lignes éditoriales des plateformes ont fait bouger les lignes éditoriales
03:44 des chaînes linéaires françaises,
03:46 qui prennent plus de risques, qui ont fait des...
03:50 justement, qui ont tenté le genre dans certains cas.
03:52 Est-ce qu'on aurait fait Vortex il y a 10 ans sur France 2 ?
03:56 Je ne suis pas certaine.
03:58 Et puis les plateformes ont monté des équipes en France.
04:00 Les scénaristes notent qu'avec certaines d'entre elles,
04:02 ce vent de fraîcheur est un peu retombé.
04:04 Des gens assez créatifs, qui aimaient les séries, etc,
04:08 ont été remplacés par des gens qui avaient fait HEC.
04:11 J'ai rien compte, mais enfin, quelquefois on parle pas du tout la même langue.
04:14 Les interlocuteurs français ajoutent un intermédiaire,
04:17 ce qui donne à certains auteurs l'impression que la responsabilité éditoriale se dilue.
04:21 Ça ajoute un niveau de distance entre les échanges qu'on a, nous,
04:26 avec les conseillers français des plateformes,
04:30 et les preneurs de décisions qui sont vraiment très loin.
04:33 Les interlocuteurs qu'on a n'ont pas de pouvoir, en fait.
04:35 Et en fait, les décisions sont prises à Los Angeles.
04:39 Donc, vous écrivez, puis on vous arrête,
04:42 puis on attend.
04:43 On attend.
04:44 On nous dit "ça part à LA".
04:45 Et on sait pas par qui le texte a été traduit.
04:48 On n'a jamais lu la traduction du texte que le mec a en main.
04:51 Et puis ça nous revient.
04:52 "Ah ouais, ça marche, ok, on continue."
04:55 Ou une ou quase, "non, ça marche pas, c'est fini."
04:58 Netflix, comme Amazon Prime Vidéo, nous précise que leurs équipes françaises
05:01 sont constituées de gens issus de la production audiovisuelle,
05:04 et qu'elles ont un réel pouvoir de décision sur le contenu des séries.
05:07 Les scénaristes soulignent enfin des formats qui, à leur tour,
05:10 se standardisent autour d'une sorte de recette du succès.
05:13 Ce dont, là encore, les plateformes se défendent.
05:15 Les jeunes auteurs, en quête d'une ligne prestigieuse sur leur CV
05:18 et d'un éventuel tremplin,
05:20 semblent malgré tout se saisir de ces nouveaux débouchés,
05:22 et en font l'occasion de revoir leur manière de collaborer.
05:25 Alors maintenant, les jeunes, ils ont quelque chose de génial,
05:28 que moi j'avais pas, c'est qu'ils travaillent ensemble.
05:30 Ils forment des équipes.
05:32 Ils forment des réseaux.
05:33 Ils sont ensemble, les coups durs, les vacheries se les prennent ensemble.
05:37 Et ils ont raison, et c'est comme ça qu'il faut survivre.
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