Jeudi 8 juin 2023, SMART IMPACT reçoit Hervé de Chillaz (président, Nextroad)
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00:00 [Musique]
00:06 Bonjour Hervé Duchillas, bienvenue.
00:08 Bonjour Thomas Huck.
00:09 Vous êtes donc le président de Nextroad, vous publiez un guide, un livre blanc sur l'état des routes et ponts de France.
00:15 On va en détailler le contenu, le constat, l'usage qui pourra en être fait notamment par les décideurs publics.
00:21 Mais d'abord, Nextroad c'est quoi votre métier ? Expliquez-moi.
00:23 Alors Nextroad c'est une ingénierie spécialisée dans l'audit et la gestion des routes et des ouvrages d'art.
00:29 Nous avons 200 collaborateurs sur le territoire français, donc au plus près des gestionnaires de ce patrimoine.
00:34 Qui en France sont les collectivités en très grande partie, mais également les sociétés d'autoroutes.
00:39 Donc on a un objectif simple en réalité, c'est d'accompagner ces gestionnaires de patrimoine
00:43 dans une démarche de gestion qui soit la plus vertueuse possible pour leur porte-monnaie, pour la planète et pour la sécurité des usagers.
00:50 Oui, on y reviendra sur le côté planète parce que c'est peut-être pas forcément évident de prime abord,
00:54 mais il y a effectivement de bons arguments.
00:56 Ça démarre par quoi ? Par un audit tout simplement ?
00:58 Exactement, en réalité on réalise quatre grands types de prestations qui quand on les met bout à bout
01:03 forment cette démarche de gestion vertueuse. La première c'est l'audit.
01:07 Donc c'est le diagnostic de l'état des routes et des ponts.
01:11 Donc on a un certain nombre de mesures qui caractérisent l'état des routes, on localise les dégradations.
01:15 Mais on ne s'arrête pas là, on comprend ces dégradations parce qu'une dégradation sur une route c'est
01:19 d'une certaine manière un vieillissement prématuré de travaux qui ont été réalisés.
01:22 Donc il faut comprendre tout ça. Donc ça c'est la phase d'audit.
01:25 La deuxième étape, une fois qu'on sait de quoi on parle, c'est une phase de conseil et de programmation.
01:30 Donc on s'assied avec les gestionnaires et on établit avec eux en fonction de leurs priorités politiques,
01:36 financières, environnementales, transition climatique, on établit des scénarii d'entretien.
01:40 Et on programme les travaux et on dimensionne les travaux par rapport à ça.
01:44 Donc ça c'est la deuxième étape. Troisième étape c'est le contrôle.
01:46 Une fois que les travaux sont lancés, on contrôle la bonne mise en oeuvre des travaux.
01:50 Vous ne faites pas les travaux mais vous les contrôlez c'est ça ?
01:52 On les contrôle absolument. Et la quatrième étape c'est l'aide à la décision.
01:56 C'est-à-dire qu'on organise toute la data, parce que la data routière sur le trafic, sur l'état des routes,
02:02 c'est une data massive, assez complexe à gérer.
02:04 Et donc on restitue cette donnée sous forme de cockpit de pilotage au gestionnaire
02:08 pour leur donner la capacité de prendre du recul.
02:10 Ça veut dire quoi ? Anticiper sur les périodes où il y a, je peux une question de B aussi, un plus de trafic ?
02:15 Cette data qu'est-ce que ça donne comme info par exemple ?
02:18 Cette data ça permet de comprendre, on a quelques centaines, quelques milliers de kilomètres de routes et de ponts à gérer,
02:24 quels sont les endroits qui sont les plus critiques, où est-ce que le trafic passe,
02:28 quelles sont nos priorités et de faire remonter, on en parlera aussi peut-être,
02:31 de la donnée qui vient directement des véhicules, des particuliers qui circulent sur ces routes-là.
02:36 Donc vos clients sont les sociétés d'autoroutes aussi ?
02:39 Egalement, absolument.
02:40 Elles ne font pas ce métier elles-mêmes en quelque sorte ?
02:42 Non, il y a un certain nombre, elles sont davantage dotées en ingénierie, en matériel,
02:46 mais elles s'appuient quand même sur nous pour certaines des phases que je vous ai décrites ici.
02:49 D'accord. Donc il y a un peu plus d'un an, c'était en mars 2022,
02:52 la Cour des comptes dressait un bilan de l'état de nos routes et ponts, je disais, préoccupants.
02:58 C'est quoi les conclusions de ce rapport ?
03:00 Alors peut-être juste avant pour expliquer, pour expliquer ce qu'est le pont.
03:04 Pour donner un contexte.
03:05 Les routes et les ponts en France, donc on a plus d'un million de kilomètres de routes,
03:08 donc c'est trois fois la distance entre la Terre et la Lune.
03:11 On a environ 250 000 ponts en France.
03:13 On dit que c'est le premier patrimoine de l'État, donc ça a une valeur financière qui est absolument colossale.
03:17 Mais au-delà de ça, d'un point de vue usage et sociétal, c'est considérable.
03:21 C'est-à-dire que 9 Français sur 10 utilisent la route tous les jours,
03:25 donc en voiture, en moto, mais de plus en plus en vélo aussi.
03:27 C'est ce qui permet d'emmener les enfants à l'école, d'aller voir les parents, les grands-parents.
03:30 La route va partout, donc elle permet aussi d'acheminer, par exemple, les secours dans les endroits les plus reculés.
03:35 Donc en fait, la route, on y pense peu parce qu'elle est là et on la voit tous les jours,
03:39 mais c'est clairement le premier réseau social en réalité en France.
03:42 Et économique aussi.
03:44 Et économique aussi.
03:45 Si la route est défectueuse, l'économie va en pâtir.
03:48 Exactement.
03:49 Donc une fois que ce cadre est posé, effectivement, la situation n'est pas bonne.
03:56 C'est-à-dire qu'à la fois en instantané, en tendance, la situation n'est pas bonne.
03:58 Donc la France perd des places.
04:01 Elle est passée de la première à la 18e place dans un classement mondial sur l'état des routes en 10 ans.
04:05 Entre quelles...
04:07 Dans les 10 dernières années, on va dire, la dernière fois que ce classement a été établi.
04:10 D'accord. On était premier dans les années 2010 et on est 18e.
04:14 Absolument.
04:15 Par manque d'entretien, tout simplement.
04:17 Alors, pour plusieurs raisons.
04:18 La Cour des comptes, de ce point de vue-là, a fait un travail fantastique.
04:21 Et on partage très largement le diagnostic qui a été fait.
04:25 Je mettrais en avant peut-être deux raisons structurelles qui nous paraissent importantes.
04:29 La première, c'est un problème de compétence.
04:31 C'est-à-dire qu'on a un mouvement de décentralisation qui fait que les gestionnaires,
04:34 aujourd'hui, sont des collectivités de taille assez variable,
04:37 mais dont certaines sont des communes ou des communes.
04:39 Et on a aujourd'hui, par manque de compétence, quelque part,
04:43 les bonnes pratiques de gestion et les méthodes ne sont pas suffisamment connues chez les gestionnaires.
04:47 Première raison.
04:48 Deuxième raison, c'est probablement le regard qui est porté sur ce sujet par les décideurs.
04:53 On a tendance...
04:54 C'est assez politique, en quelque sorte.
04:56 Probablement. On a tendance à considérer que c'est un sujet technique, on le laisse aux techniciens.
05:00 Et du coup, ça devient une variable d'ajustement budgétaire assez souvent.
05:03 Alors qu'il y a toutes les dimensions dans ce sujet pour en faire un sujet éminemment politique.
05:07 A la fois, c'est des montants très importants dans l'entretien des routes.
05:10 C'est plus de 14 milliards à l'échelle du pays.
05:12 C'est, comme on l'a dit, le premier réseau social de France.
05:15 Donc, probablement que le regard porté est un sujet.
05:18 Et donc, du coup, la situation aujourd'hui, on est très souvent dans une logique d'entretien curatif.
05:24 En caricaturant à l'extrême, on peut dire qu'on répare les nid de poule quand il y en a.
05:28 Et on n'est pas suffisamment dans la démarche que je vous décrivais au début,
05:31 qui est une démarche d'anticipation.
05:33 Et du coup, le réseau est très peu connu. Dans 80% des cas, il n'est jamais ausculté.
05:38 Les travaux sont très rarement contrôlés dans moins de 10% des cas.
05:41 Et donc, mécaniquement, on a un effet de route, de réseau routier et d'ouvrage d'art qui se dégrade.
05:46 Alors que si on anticipe, ça coûte moins cher.
05:48 C'est vrai pour une maison. C'est vrai aussi pour une route.
05:51 Absolument. Si on anticipe, ça coûte moins cher.
05:54 Si on prend une chaussée qui commence à se dégrader, à montrer quelques signaux de faiblesse,
06:01 soit on ne le voit pas parce qu'on ne l'ausculte pas, soit on décide de ne pas la réparer et qu'on attend.
06:05 La masse de travaux qui sera nécessaire quelques années après pour revenir à un état normal
06:10 sera exponentiellement beaucoup plus importante que si on avait traité au début.
06:13 Donc oui, le préventif permet de dépenser moins dans la durée.
06:17 Et on en parlera aussi sur l'effet CO2. Moins de travaux, c'est aussi moins de CO2.
06:22 Je veux bien qu'on y vienne tout de suite parce qu'effectivement, vous y avez fait référence déjà deux fois.
06:27 Pourquoi finalement l'expertise que vous proposez avec NextRoute permet d'améliorer le bilan carbone de notre mobilité ?
06:36 Alors, il y a deux grandes raisons. La première raison, c'est sur le poste d'entretien des routes justement.
06:40 Donc, c'est un poste qui émet du CO2 parce qu'il faut produire ce qu'on appelle des enrobés.
06:45 Il faut les acheminer. Donc, on estime qu'il y a plusieurs, quelques millions de tonnes par an de CO2
06:49 qui sont émises par ce poste d'entretien des routes.
06:53 Et comme je l'ai dit, on a commencé à l'aborder, c'est qu'une démarche de gestion permet de réduire d'au minimum 25 % ces émissions-là.
07:00 Pourquoi ? La première raison, c'est parce que c'est moins de travaux.
07:03 Comme je l'ai dit, quand on est en préventif, on fait moins de travaux qu'en curatif.
07:06 La deuxième raison, ou plutôt une deuxième illustration, c'est le contrôle des travaux.
07:10 L'erreur est humaine. Donc, quand on ne contrôle pas les travaux, il y a parfois des non-conformités qui peuvent se produire,
07:16 dont certaines peuvent avoir un impact important sur la durée de vie des travaux.
07:20 Donc, si on ne contrôle pas systématiquement et qu'on laisse passer certaines non-conformités,
07:25 on va devoir y revenir plus souvent. Donc, contrôler les travaux, d'une certaine manière, c'est un peu garantir la durée de vie.
07:31 Donc, ça, c'est la première raison sur le poste d'entretien des routes.
07:34 Et la deuxième raison, c'est que des routes en meilleur état, globalement, diminuent les émissions CO2 des véhicules qui circulent sur les routes.
07:41 Alors, c'est quelques pourcents, mais quelques pourcents sur ce qui est le principal poste en France d'émissions,
07:47 c'est le bord routier qui est 30% de nos émissions de gaz à effet de serre. C'est assez colossal.
07:50 Donc, voilà les deux grandes raisons.
07:51 – Pourquoi vous avez sorti ce livre blanc ? C'est à destination des élus ? C'est pour évangéliser, en quelque sorte ?
07:57 – Oui, en fait, on a voulu marquer un peu, à notre façon, l'anniversaire de la parution du rapport de la Cour des comptes,
08:02 prendre notre part dans un sujet qui nous paraît être un sujet important de société.
08:06 Et l'angle qu'on a choisi, en effet, c'est d'interpeller les décideurs qui, certes, ont plein de sujets à traiter,
08:11 mais pour leur faire prendre conscience de l'importance des sujets et surtout leur apporter de bonnes nouvelles.
08:15 La première, c'est qu'il y a des solutions qui existent et qu'elles sont à notre portée.
08:19 Voilà, c'est des méthodes qui ont fait leur preuve et qui sont à leur portée.
08:23 Et la deuxième bonne nouvelle, c'est que s'il manque de compétences en interne, ce qui est le cas souvent,
08:27 il y a des sociétés d'ingénierie comme Next Route, par exemple, qui sont là pour les accompagner.
08:31 Donc, en fait, ce livre blanc, c'est un appel à l'action qu'on a envoyé à plus d'un millier d'élus en France
08:36 et on a déjà plusieurs dizaines de retours de collectivités qui veulent creuser,
08:40 qui veulent approfondir le sujet avec nous.
08:42 On peut peut-être aussi partager quelques exemples.
08:45 Moi, j'aime beaucoup faire ça dans cette émission, de bonnes pratiques.
08:48 Est-ce qu'il marche déjà ailleurs ?
08:50 Ça peut donner envie à des entrepreneurs ou à des élus de faire la même chose.
08:54 Oui, alors les bonnes pratiques, j'en ai cité une, c'est mettre en place cette démarche de gestion.
08:57 25% de ces budgets, ces émissions.
09:00 Une deuxième, c'est contrôler systématiquement les travaux.
09:02 Il y a un retour sur l'investissement qui est assez rapide, très rapide.
09:06 Une troisième, par exemple, c'est d'utiliser les données qui viennent des véhicules connectés.
09:11 Je l'ai abordé pour parfaire la connaissance de son réseau.
09:14 On a aujourd'hui tout un tas d'informations qui ne sont pas utilisées,
09:17 qui viennent des véhicules de monsieur et madame, tout le monde,
09:21 et qui permettent, en détectant des coups de frein, des coups de volant,
09:24 d'identifier, d'en décrire un complément pour identifier des zones un peu dangereuses.
09:28 Donc ça, on peut les capter et on peut utiliser ces données,
09:32 ce qui permet aussi d'associer l'usager, utiliser ces données pour parfaire la connaissance de son réseau.
09:36 Et peut-être une autre bonne pratique.
09:37 – C'est vrai qu'il y a des applis qui permettent d'aller plus vite sur les routes.
09:40 On signale quand il y a des nids de foules.
09:42 Ça, ce n'est pas suffisamment utilisé par les collectivités, par exemple ?
09:45 – Pas suffisamment.
09:46 – C'est cette idée-là.
09:47 – C'est cette idée-là.
09:48 Et après, en revanche, identifier les endroits, c'est important,
09:50 mais c'est là où l'ingénierie vient derrière,
09:52 c'est de comprendre pourquoi il y a des dégradations
09:54 et comprendre la bonne manière de les réparer.
09:56 Peut-être une autre bonne pratique sur la gestion de l'eau,
09:58 qui est quand même un sujet assez léger pour nous tous.
10:00 – Bien sûr, majeur.
10:01 Traditionnellement, l'eau et la route ne font pas bon ménage.
10:04 Donc la stratégie consiste à évacuer l'eau, d'une certaine manière,
10:07 à empêcher qu'elle pénètre dans la route pour ne pas l'abîmer.
10:10 Or, il existe des techniques, qui ne sont pas adaptées à tous les cas,
10:13 mais qui néanmoins permettent de chausser, qui permettent de stocker l'eau.
10:16 Et donc, plutôt que de l'évacuer et de considérer que l'eau est un déchet,
10:19 il faut considérer que c'est une ressource, de la stocker localement
10:22 pour pouvoir l'utiliser à proximité de la route.
10:24 Donc ce type de bonnes pratiques, d'une certaine manière, il y en a beaucoup.
10:29 Et ça témoigne du fait que mettre davantage de matière grise
10:32 dans la gestion de son patrimoine routier,
10:35 ça permet de répondre à tout un tas de défis d'aujourd'hui.
10:38 – Merci beaucoup Hervé Tchilas et à bientôt sur Bsmart.
10:41 On passe à notre Zoom sur le cap des 100 000 bornes de recharge électrique publique,
10:46 cap passé en France.