Pap Ndiaye, ministre de l'Education, était l'invité de franceinfo le 6 juin 2023.
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00:00 Elle est devenue le visage d'un fléau qui touche un élève sur dix.
00:03 Lincey, 13 ans, a mis fin à ses jours le mois dernier dans le Pas-de-Calais,
00:06 après avoir été harcelée pendant des mois dans son collège et sur les réseaux sociaux.
00:10 Bonjour Papendiaïe.
00:11 Bonjour.
00:12 Ministre de l'Éducation, vous avez reçu hier les parents de cette adolescente.
00:15 Que leur avez-vous dit ?
00:16 Je leur ai dit d'abord évidemment mes condoléances et mon émotion.
00:22 Et puis je leur ai dit ce que l'Éducation nationale va faire pour lutter contre le harcèlement
00:28 parce que nous devons monter en puissance sur cette question, nous devons accélérer
00:34 ce que nous avons déjà commencé à faire.
00:36 Il y a encore du chemin à faire, à l'évidence car nous avons des drames dans l'Éducation
00:41 nationale qui sont absolument intolérables et insupportables.
00:44 Mais nous sommes en action et nous devons agir avec un certain nombre de mesures que
00:51 je leur ai développées.
00:52 Est-ce que vous leur avez présenté des excuses au nom de l'Éducation nationale pour ce
00:56 qui s'est passé ?
00:57 Je leur ai dit qu'à l'évidence c'était un échec collectif.
01:00 Il y a deux enquêtes qui sont en cours, une enquête judiciaire et une enquête administrative.
01:05 Et à l'issue de cette enquête administrative, je prendrai des décisions qui s'imposent.
01:11 Mais attendons bien sûr les conclusions de l'enquête administrative sans anticiper
01:18 sur les responsabilités des uns et des autres.
01:20 A l'issue de cette réunion avec vous, la maire de l'INSEE a pris la parole.
01:23 Moi je ne l'ai pas trouvé sincère en fait.
01:26 J'attends que les choses bougent, j'attends de voir des actes.
01:29 Moi je voudrais que ma fille revienne aujourd'hui.
01:32 Je pense que s'ils auraient été là avant, elle serait là, ma fille.
01:35 Je ne comprends pas, on n'a pas été aidé.
01:36 Attends, je m'étends seule.
01:38 Il n'a pas aidé.
01:39 Il y a une forme d'impuissance de l'Éducation nationale face à ces affaires, Pape Ndiaye ?
01:42 Non, ce n'est pas de l'impuissance.
01:44 Il y a une prise de conscience depuis plusieurs années.
01:47 Nous avons développé un dispositif, le dispositif phare que nous avons généralisé à la
01:53 rentrée dans toutes les écoles et dans tous les collèges.
01:56 Mais à l'évidence, et c'est un dispositif efficace avec des élèves ambassadeurs qui
02:01 permettent de détecter les situations, de prévenir et puis également de mettre en
02:06 oeuvre des solutions.
02:07 Mais à l'évidence, ça ne fonctionne pas comme il se doit dans tous les établissements.
02:12 Et c'est justement l'objet...
02:13 Dans le collège de l'INSEE, le programme était en place, mais les enseignants n'étaient
02:17 pas encore formés, c'est ça ?
02:18 Le programme était en place.
02:20 D'ailleurs, une des meneuses principales a été exclue définitivement du collège
02:25 le 27 février dernier.
02:27 Mais à l'évidence, il y a eu des dysfonctionnements et c'est l'objet de l'enquête administrative
02:32 que de nous éclairer là-dessus.
02:34 Les syndicats affirment que ce plan, le fameux programme phare, se fait sans moyens supplémentaires.
02:38 Est-ce que vous envisagez par exemple d'accorder des primes aux enseignants qui s'investissent
02:43 plus particulièrement en faisant des heures sup, en travaillant plus contre le harcèlement ?
02:46 Nous allons mettre des moyens supplémentaires sur cette question.
02:51 D'abord avec un référent harcèlement dans chaque établissement qui sera attaché au
02:57 chef d'établissement.
02:58 Donc il y aura des moyens financiers pour cela.
03:02 Ce sera rémunéré ?
03:03 Ce sera rémunéré.
03:04 Il y aura aussi dans le cadre...
03:06 En plus du salaire, pardon.
03:07 En plus du salaire, bien sûr.
03:08 Et vous savez que dans le cadre des nouvelles missions qui seront confiées à partir de
03:13 la rentrée aux enseignants, les questions de harcèlement pourront être incluses.
03:17 Et puis de surcroît, nous mettons des moyens supplémentaires sur le 30-20 et le 30-18.
03:24 Vous savez, c'est deux numéros gratuits sur le cyberharcèlement ou le harcèlement scolaire
03:29 qui d'ailleurs rencontrent une grande audience.
03:31 On voit les chiffres monter de manière tout à fait importante.
03:35 Donc nous mettons des moyens supplémentaires là-dessus.
03:37 Et puis j'ai enjoint au chef d'établissement de prendre contact systématiquement en cas
03:43 de harcèlement avéré avec le procureur de la République, avec les autorités judiciaires
03:48 en lien avec la loi de mars 2022.
03:51 Vous l'avez rappelé, la principale harceleuse de l'INSEE a été exclue à la fin du mois
03:55 de février.
03:56 Mais le harcèlement s'est poursuivi pendant des semaines, pendant des mois sur les réseaux
04:01 sociaux.
04:02 Est-ce qu'ils peuvent continuer à être en France des zones de non-droit ?
04:04 Il faut absolument contraindre les réseaux sociaux.
04:07 Le comportement des réseaux sociaux est inacceptable sur les questions de harcèlement.
04:13 Ils sont beaucoup trop lents, beaucoup trop hésitants.
04:16 Nous demandons, et je vais le faire avec le ministre de l'Intérieur, avec le garde des
04:22 sceaux, avec le ministre du numérique, que les réseaux sociaux saisissent ce sujet à
04:30 bras le corps et agissent de manière à bloquer les messages insultants, les messages dégradants
04:38 qui circulent et qui font tant de mal à notre jeunesse.
04:41 Je propose par exemple qu'il y ait une petite icône sous les messages, de manière à ce
04:47 que, instantanément, on puisse cliquer sur la petite icône et signaler un message violent
04:54 de nature...
04:55 Avec l'obligation de le retirer rapidement dans ce cas-là ?
04:57 Avec l'obligation de le retirer rapidement.
04:59 En effet, il faut que les réseaux sociaux agissent parce qu'ils pourrissent la vie de
05:05 trop nombreux jeunes.
05:06 Dans les jours qu'on suivit le suicide de cette adolescente, des messages ont été
05:08 postés sur ces mêmes réseaux sociaux pour se féliciter de sa mort.
05:11 A votre connaissance, ces messages sont-ils toujours en ligne ce matin ?
05:14 Alors, il y en a qui disparaissent et puis d'autres qui réapparaissent.
05:19 On voit bien comment ce genre de choses peuvent fonctionner.
05:22 C'est évidemment intolérable, c'est une atteinte profonde à la dignité humaine et
05:27 j'en suis profondément choqué.
05:29 Il faut absolument que les réseaux sociaux agissent plus rapidement sur la question.
05:33 Aujourd'hui, Papendiaï, dans la plupart des cas, c'est l'enfant qui est victime de harcèlement
05:37 qui doit quitter son établissement.
05:38 Est-ce qu'il faut changer cette règle ?
05:40 Nous l'avons changé, notamment dans le primaire, puisque dans le primaire, il n'y a pas de
05:44 conseil de discipline.
05:45 Le décret que j'ai signé est actuellement en examen au Conseil d'État.
05:50 Il permettra à l'élève harceleur d'être déplacé, d'être changé d'établissement.
05:56 Y compris quand les parents s'y opposent ?
05:58 Oui, lorsque les parents s'y opposent.
05:59 Parce que c'est souvent le cas.
06:00 Parce que c'est souvent le cas.
06:01 Ce qui n'était pas donc possible jusqu'à présent, le sera à l'avenir.
06:06 Ça devrait nous permettre d'agir, de mieux agir en ce qui concerne le primaire.
06:11 Mais dans le secondaire, bien entendu, il y a des exclusions.
06:13 Et vous l'avez aussi dit, le cyberharcèlement dépasse les frontières de l'école.
06:18 Il ne connaît pas de limite de temps et de limite géographique.
06:22 Il y a également la question des parents dont les enfants harcèlent leurs camarades.
06:26 Des enfants, Papendiaï, si vous apprenez demain matin que c'est leur cas, que vos
06:30 enfants ont insulté, insultent, menacent d'autres enfants, vous ferez quoi ?
06:35 La question du harcèlement, elle ne concerne pas seulement l'Éducation nationale et ses
06:39 personnels, elle concerne aussi l'ensemble de la société.
06:42 Si nous voulons faire reculer de façon décisive le harcèlement scolaire, et c'est un impératif,
06:48 c'est une priorité, il faut une mobilisation de chacun, y compris des parents.
06:52 Y compris des parents.
06:53 Et donc nous allons faire notre travail de notre côté en sensibilisant les parents
06:58 en début d'année, mais j'enjoins effectivement les parents à faire attention, à regarder
07:03 ce que font les enfants sur les réseaux sociaux.
07:05 Et qu'est-ce qu'on leur dit à ces enfants qui ne se rendent pas forcément compte de
07:08 ce qu'ils font et du mal qu'ils font ?
07:10 Eh bien, il faut justement, c'est une procédure, l'école c'est un lieu de pédagogie, il faut
07:15 les éduquer, il faut leur montrer le mal qui peut être commis.
07:19 Ce ne sont pas des chamailleries entre enfants.
07:21 On ne parle pas de dispute de cours de récréation.
07:23 On parle de choses très graves qui peuvent avoir des conséquences catastrophiques sur
07:28 les élèves.
07:29 Il faut donc les mettre face à leurs responsabilités, mais aussi les éduquer.
07:32 C'est cela aussi l'éducation.
07:33 Un dernier mot, Papendiaïe, vous avez entendu la colère tout à l'heure de la famille de
07:36 l'INSEE.
07:37 Vous êtes prêt à la recevoir à nouveau cette fois-ci avec des actes, avec des annonces
07:41 dans les jours, dans les semaines qui viennent ?
07:42 J'ai dit que nous allions agir et j'ai développé les mesures que nous allons prendre dans les
07:48 semaines en vue de la rentrée.
07:50 J'ai également indiqué aux parents de l'INSEE, je leur ai donné mon numéro de téléphone
07:56 personnel et je leur ai dit que je les tiendrai au courant de la progression de l'enquête
08:02 et puis bien entendu des conclusions de l'enquête administrative.
08:05 Merci à vous Papendiaïe, ministre de l'Éducation, grand témoin de France Info.