Le DTN de ka FFT, Nicolas Escudé, dresse le bilan du tennis français de ce Roland-Garros 2023. Le constat est dur, froid, glaçant... Pour la deuxième fois de l'ère Open, il n'y aura aucun Tricolore au troisième tour. La dernière fois c'était il y a deux ans, en 2021.
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00:00 On dit souvent que le tennis est un sport individuel, alors qu'il n'est jamais plus
00:06 beau que quand il est collectif.
00:08 BNP Paribas, fidèle au tennis de demain depuis 50 ans.
00:13 Le bilan il est pas bon quand on regarde les résultats.
00:18 Après je pense qu'on ne peut pas non plus rendre la fédération responsable de tout.
00:28 Sur ces résultats-là, je pense que vous avez pu avoir les joueurs et les joueuses
00:35 individuellement en conférence de presse aussi, et que vous étiez aussi à même à pouvoir
00:39 leur poser certaines questions.
00:40 Ça ne veut en aucun cas dire que la fédération n'assume pas les responsabilités qui sont
00:46 les siennes.
00:47 On met depuis maintenant deux ans énormément de choses en place sur la formation de nos
00:53 joueurs, les formations de nos joueuses, dès le plus jeune âge, dès l'école de tennis
00:58 avec la modernisation, que ce soit sur la façon dont peut fonctionner Poitiers, la
01:05 façon dont le centre national aussi fonctionne.
01:09 Après oui, on se retrouve sur un tournoi majeur ici à Roland-Garros, un tournoi du
01:14 Rangelheim.
01:15 On a tous un seul but, c'est que forcément nos joueurs et nos joueuses y brillent.
01:20 Après, ce n'est pas le cas aujourd'hui, mais les premiers, quelque part, pénalisés
01:29 et responsables de ces résultats-là sont les joueurs et les joueuses aussi, et les
01:35 premiers malheureux.
01:36 Si je venais à vous retourner la question, vous vous attendiez cette année, est-ce qu'un
01:39 Français garçon gagne Roland-Garros ? Voilà, c'est pour ça que j'ai dit garçon.
01:46 Avant le début du tournoi, Yannick Noah disait aux jeunes joueurs français « si vous voulez
01:52 gagner, il faut faire vos bagages et vous casser parce que les coachs n'ont rien gagné,
01:57 vous êtes entouré de gens qui n'ont jamais rien gagné ». Qu'est-ce que vous lui répondez
02:02 ?
02:03 Je ne sais pas, Joe ne s'est jamais entraîné avec un entraîneur étranger, Gaël ne s'est
02:11 jamais entraîné avec un entraîneur étranger, Richard aussi, ils n'ont pas gagné le Grand
02:19 Chalem, donc ça ne veut rien dire, tout simplement.
02:23 Nicolas, évidemment, sans mettre la fédération responsable de tout, mais c'est peu ou prou
02:33 le même bilan depuis deux ou trois saisons sur Roland-Garros, qu'est-ce qui manque ?
02:39 Vous avez identifié qu'il y a un gros travail de fait, qu'est-ce qui manque aujourd'hui
02:45 pour voir un français gagner Roland-Garros, mais pour en voir un en deuxième semaine
02:49 au moins ?
02:50 Déjà, on n'a pas un français qui est tête de série, et ça ce n'est pas juste Roland-Garros,
03:00 c'est un travail, un investissement de tous les jours, toute l'année pour pouvoir avoir
03:05 un classement qui va vous permettre d'être tête de série.
03:09 Donc forcément, au niveau des garçons, d'avoir un plus grand nombre de garçons classés
03:14 à minima dans les 30, ce n'est pas le cas aujourd'hui.
03:17 De vous dire exactement ce qui peut manquer individuellement à chaque garçon, je ne
03:24 le sais pas forcément.
03:25 Par contre, on est à leur côté, que ce soit avec le boulot que peut faire Paul-Henri,
03:31 que ce soit Yvan, que ce soit Seb en tant que capitaine de la Coupe Davis, Bennett au
03:37 niveau des filles.
03:38 On est en contact justement avec ces joueurs-là, avec leur staff.
03:42 Après, on n'est pas non plus au quotidien permanent avec eux, à l'entraînement, en
03:48 compétition, pour voir ce qui peut s'y passer.
03:51 Mais il y a une logique implacable qui est que oui, notre numéro un français est tout
03:57 juste dans les 40 aujourd'hui.
03:58 Cela dit, ça fait plaisir de le revoir déjà à ce niveau et je pense que ça va continuer
04:02 à avancer quelque part pour lui en la personne de Hugo Imbert.
04:06 Après, ce ne sont, et pour tous, que des, et le haut niveau en règle générale, des
04:14 projets individuels.
04:15 C'est eux qui se structurent, c'est eux qui choisissent leur staff, c'est eux qui choisissent
04:18 leur entraîneur, leur prépa physique et qui mettent en place forcément une feuille
04:23 de route par rapport à des objectifs qui se fixent et des moyens à mettre aussi en
04:28 place pour pouvoir arriver à les atteindre.
04:30 Mais malheureusement aujourd'hui, on n'y est pas.
04:37 Du moins, ils n'y sont pas.
04:39 Je ne pense pas qu'ils se satisfassent des résultats qui sont les leurs aujourd'hui.
04:42 - Bonjour Nicolas, justement, il y a un an, tu avais appelé les joueurs et les joueuses
04:49 à se responsabiliser, à se structurer.
04:51 Est-ce qu'un an plus tard, tu t'es senti écouté ?
04:53 - Oui, je pense.
04:56 Je pense.
04:58 Après, quand on regarde d'où partait, je vous en parlais précédemment, de Hugo et
05:05 qu'on voit aujourd'hui un petit peu la structuration qui est la sienne, le fait d'avoir demandé
05:09 à Jerem de le prendre en main, de se structurer aussi au niveau physique, travailler aussi
05:16 sur l'alimentation.
05:17 Il y a des choses qui se passent.
05:20 Quand on regarde un Hugo Gaston même, qui a mis fin en bonne entente avec Marc Barbier,
05:29 leur collaboration, qui là aujourd'hui a fait appel à Younes.
05:33 Je pense avoir été entendu, et de par les échanges que je peux avoir avec certains,
05:42 de par les retours aussi que je peux avoir de Paul-Henri, d'Ivan aujourd'hui.
05:48 Oui, oui.
05:50 Mais les premiers à qui il faut poser cette question, et j'en reviens toujours à la même
05:56 chose, c'est les joueurs.
05:58 C'est les joueurs.
05:59 Oui, en tant que fédération, avec un tournoi du Grand Chlem, ici à la maison, on est forcément
06:03 déçus des résultats.
06:04 Je ne vais pas vous dire le contraire.
06:05 Mais les premiers déçus, je pense que c'est les joueurs et les joueuses.
06:09 - Tu as parlé de structure, tu as parlé d'entraîneurs, d'entraîneurs physiques, et le mot "mental"
06:14 n'a pas été prononcé.
06:15 Pourtant, aujourd'hui, c'est au cœur du projet du sportif individuel, notamment dans
06:21 le tennis.
06:22 Est-ce que tu penses qu'il y a suffisamment d'efforts qui sont faits sur la préparation
06:25 mentale dans le tennis français aujourd'hui ? Et je prends comme exemple Renling Garcia,
06:28 qui n'a pas perdu son tennis entre le Masters l'année dernière et aujourd'hui, mais qui
06:32 semble être enfermé dans un problème qui est plus d'ordre mental que technique, tennistique,
06:39 ou quoi que ce soit.
06:40 Puisqu'elle parle beaucoup de gestion des émotions, un terme qui revient systématiquement
06:44 dans beaucoup de bouches de joueurs et de joueuses.
06:46 - Je pense que ce n'est pas purement français, même.
06:51 Ce domaine-là est extrêmement important dans tout sport de haut niveau.
06:58 Après, c'est un sujet et un domaine que j'ai pu prendre à bras-le-corps dès mon arrivée
07:04 à la Direction Technique Nationale, pour avoir justement structuré un pôle et servir
07:10 au mieux tous les jeunes qu'on peut avoir en formation.
07:14 Après, c'est toujours pareil.
07:16 Est-ce que nos meilleurs joueurs ou nos meilleures joueuses, individuellement parlant, dans leur
07:21 structure, se structurent par rapport à la dimension mentale et psychologique ? Travaillent
07:28 avec quelqu'un ou pas ? Osent en parler ou pas aussi ? Parce qu'on a pu le savoir par
07:34 le passé, bon nombre de joueurs ou de joueuses pouvaient travailler éventuellement avec
07:37 quelqu'un mais ne souhaitaient pas que ça se sache.
07:40 Mais oui, je te rejoins complètement.
07:42 Au-delà du pur cas de Caroline, c'est un élément aujourd'hui extrêmement important
07:51 après je l'ai souvent dit, c'est un mot qui a été un petit peu galvaudé en France.
08:00 C'était un petit peu un fourre-tout.
08:02 Ça gagne parce qu'il avait du mental, il a perdu parce qu'il n'a pas de mental.
08:08 Il ne faut pas oublier non plus l'essentiel, à savoir le tennis, travailler, passer des
08:13 heures sur le terrain, travailler physiquement.
08:16 C'est un ensemble de plein de choses, dont ce domaine-là.
08:20 Ivan Ljubicic est arrivé il y a quelques mois à la Fédération.
08:24 Qu'est-ce qu'il a apporté ? Quel bilan vous pourriez tirer pour l'instant de ses
08:28 premiers mois en collaboration avec lui ?
08:30 Les premiers mois, il a surtout passé du temps à comprendre un petit peu notre fonctionnement.
08:38 Au-delà de la DN, de la Fédération, mais un petit peu aussi la culture française.
08:43 Visiter que c'était Poitiers, il est descendu aussi au Petit Zas, il est allé dans des
08:48 clubs pour regarder un petit peu comment tout l'écosystème fonctionnait.
08:54 Aujourd'hui, il est avec Paul-Henri, aux côtés de nos meilleurs joueurs au sein de la Fédération,
09:03 des entraîneurs bien évidemment, et au contact aussi des joueurs qu'on peut avoir sur le
09:08 circuit et qu'on n'a pas forcément dans nos structures, avec forcément son expérience,
09:14 sa connaissance du haut niveau, voire même du très haut niveau vu la personne qu'il
09:20 a eu à s'occuper, la personne de Roger Federer.
09:23 Donc on travaille main dans la main avec lui justement sur tous ces aspects-là et regarder
09:28 un petit peu les choses qui pourraient être améliorées.
09:31 On travaille aussi sur les programmations de compétition de certains joueurs.
09:35 Plein de choses qui concernent en tout cas, du moins d'être au plus près possible de
09:42 nos cellules.
09:43 Justement pour rester sur Ivan Ljubicic, il est à un audit et est en préparation à
09:49 priori ou tout du moins un rendu de ses observations de sa part.
09:52 A lui, il disait qu'il voulait rendre un petit peu, donner quelques observations de
09:57 ce qu'il avait pu voir.
09:58 Est-ce qu'en interne, vous en avez déjà parlé de manière un peu plus précise, est-ce
10:01 que des pistes ont été évoquées justement par rapport à ce que lui a pu observer ?
10:04 Audit, je n'ai pas l'impression qu'il y ait un audit vu qu'en fait on échange tous
10:10 les jours.
10:11 Depuis le début de la quinzaine, voire même le début du premier tour des qualifications,
10:17 on passe nos journées ensemble à regarder les matchs, à échanger, à discuter avec
10:20 certains entraîneurs sur, par moments, des échanges qu'on peut avoir, des débats,
10:26 du travail technique qu'on peut voir à un moment donné sur un joueur.
10:29 Donc c'est toute cette analyse-là justement pour arriver à rendre encore plus performant
10:33 nos joueurs et nos joueuses.
10:35 Un audit, le mot est peut-être un petit peu gros on va dire.
10:39 On parlait tout à l'heure de pression sur, justement, au-delà de tout notre écosystème
10:47 et de nos joueurs et de nos joueuses françaises à l'approche de Roland-Garros et pendant
10:53 Roland-Garros.
10:54 Oui, c'est vrai que le fait que Yannick ait gagné il y a 40 ans revient tous les ans.
11:01 Je l'ai même entendu tout à l'heure, je n'avais pas vu sa conférence de presse
11:06 Arthur Hinderknecht hier sur son match où le public pouvait l'apostropher par moments
11:11 et lui dire "tu es le dernier joueur français, allez, gagne ce match".
11:14 Oui, il y a une attente de tout le monde.
11:17 Après, comment arriver à se servir d'expériences comme celle de Yannick, on l'a eu fait justement
11:26 dans la création où il a été à nos côtés de ce pôle dimension mentale et psychologique
11:30 dans l'approche de ces choses-là.
11:32 Ce n'est pas forcément une personne qui est disponible autant que possible, on va
11:39 dire, pour pouvoir arriver à travailler avec lui.
11:43 Il peut nous donner des coups de main quand on en a besoin.
11:47 Après, je ne vous cache pas, même moi en tant que directeur technique national et la
11:53 position qui est la mienne aujourd'hui, voire même avant quand j'étais joueur, d'entendre
11:59 cette rengaine permanente.
12:00 C'est bon, il y a un successeur à Yannick Noa, mais c'est pour ça que les filles aussi
12:08 nous ont fait du bien à gagner certains tournois du Grand Chelem et dont Marie la dernière
12:12 en tout cas ici.
12:13 Ce n'est pas beaucoup mieux en Australie, aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.
12:21 Est-ce que ces fédérations, qui sont paradoxalement les plus riches, n'ont pas un problème quand
12:28 on voit que des petits pays comme le Danemark, la Serbie, la Croatie, la Suisse, qui n'est
12:34 pas une fédération qui a beaucoup d'argent, arrivent à faire bien mieux ?
12:37 C'est peut-être un problème de riches.
12:42 Est-ce que les joueurs reçoivent trop d'aides trop tôt par exemple ?
12:46 C'est une réflexion qu'on peut avoir, qui a déjà existé.
12:51 C'est en tout cas le travail qu'on a entamé.
12:55 C'est cette acculturation auprès de nos jeunes le plus vite possible d'une compréhension
13:04 de ce que sera le haut niveau, vu qu'ils n'y sont pas encore.
13:08 Et quand je dis une compréhension de ces choses-là, c'est qu'à un moment donné, il va falloir
13:11 qu'ils s'approprient leur projet.
13:13 Ce n'est pas une fédération qui va faire que quelqu'un va gagner un tournoi du Grand
13:18 Chelem.
13:19 Ça va être avant tout le joueur qui va avoir à aller chercher ça.
13:23 La fédération va être à ses côtés pour l'aider, l'aider éventuellement à se structurer.
13:28 Mais ça n'est en aucun cas une histoire d'argent.
13:30 De savoir si à un moment donné, on n'a pas trop aidé nos joueurs, c'est un débat
13:37 perpétuel.
13:38 Mais en tout cas, on les sensibilise à ce qu'implique justement le haut niveau.
13:42 Les concessions qu'ils vont avoir à y faire, l'investissement que ça va aussi demander
13:47 de leur part, que ce soit humain, que ce soit aussi financier, pour pouvoir arriver à atteindre
13:52 leur objectif.
13:53 Mais bon, après, je dirais aux Etats-Unis, il y a quand même une des générations qui
14:01 ont gagné des tournois du Grand Chelem.
14:02 Les Sempras à Gassy.
14:03 On regarde l'Angleterre avec la carrière d'Anandi Murray.
14:08 Même nous, si on regarde la génération des Joe, Gaël, la seule chose qui leur a manqué,
14:17 c'est un titre en Grand Chelem.
14:18 Ils ont tout gagné pour par moments se retrouver sur des fins de saison avec trois joueurs
14:24 dans les dix premiers au monde, limite trois au Masters, à savoir dans les huit.
14:28 Il a juste manqué ce Grand Chelem.
14:32 Et s'il avait été remporté dès 2008, je crois, Joe, en finale, on arrêterait avec
14:39 cette rengaine.
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