Jean Massiet : "Les jeunes adorent la politique mais ils en boudent les formes traditionnelles"

  • l’année dernière
Jean Massiet : "Les jeunes adorent la politique, ils sont les deux pieds dans la société […] en revanche, ils boudent les formes traditionnelles de la politique." Sur la plateforme Twitch, le streameur et vulgarisateur politique Jean Massiet parle autrement aux jeunes.

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Transcript
00:00 On peut aller un peu trop rapidement dans l'analyse en disant que les jeunes n'aiment pas la politique
00:03 et qu'ils s'en désintéressent et que c'est une génération "je m'en foutiste" etc.
00:06 Toutes ces analyses là sont fausses, puisque quand on rentre un peu dans le détail,
00:09 on se rend compte que les jeunes adorent la politique,
00:11 les jeunes sont les deux pieds dans la société, dans le monde réel.
00:13 Ils ont un rapport au monde qui les entoure.
00:15 En revanche, c'est vrai, les jeunes boudent les formes traditionnelles de la politique,
00:20 c'est-à-dire le bon vieux bulletin de vote,
00:22 la bonne vieille carte d'adhésion à un parti ou à un syndicat.
00:26 Les jeunes privilégient d'autres manières de se "politiser".
00:31 Mais c'est la conversation avec des copains, c'est regarder des contenus sur internet,
00:34 participer à des conversations sur internet.
00:36 Pour le meilleur comme pour le pire, je ne dis pas que c'est formidable,
00:38 mais c'est vrai que les formes traditionnelles, les jeunes s'en détournent.
00:42 La politique, vous Jean-Massiev, vous y êtes entré par l'associatif ?
00:45 Oui, en plus oui.
00:46 Oui, oui, j'y suis entré par l'associatif.
00:47 Je n'ai pas fait l'école de formation classique, le syndicat étudiant, le parti, etc.
00:51 Non, non, moi j'y suis entré par l'associatif.
00:53 J'ai été au lycée, j'ai découvert avec passion l'engagement pour des causes cools,
00:57 des projets sympas qu'on monte avec des potes et qui en fait a du sens politiquement.
01:02 Mais à l'époque, je ne mettais même pas le mot dessus.
01:03 Et c'est plus tard que j'ai compris qu'en fait faire de l'associatif, il n'y a rien de plus politique.
01:07 C'est beau, on fait société, on fait des projets, ça a du sens, c'est de la culture, c'est de la solidarité,
01:11 c'est plein de trucs.
01:12 Et donc j'y suis entré comme ça.
01:14 J'ai commencé à rencontrer des élus avec le Richard Tricolor, là,
01:16 parce qu'il fallait bien négocier des subventions.
01:18 C'est comme ça que j'ai connu la politique.
01:19 La question, elle est légitime.
01:21 Qu'est-ce qui pousse dans la rue une génération qui n'est pas encore entrée dans la vie professionnelle ?
01:25 Une sensibilité peut-être aux inégalités sociales déjà ?
01:28 Oui, c'est vrai, une sensibilité à l'injustice aussi.
01:31 Et puis aussi, je pense, un refus de la fatalité.
01:34 Je pense que beaucoup de jeunes refusent l'idée selon laquelle l'histoire est terminée, c'est bon,
01:39 c'est comme ça, ma bonne dame, la planète se réchauffe, le monde est injuste,
01:42 les femmes sont méprisées par les hommes, c'est comme ça.
01:45 Et bien non, il y a plein de jeunes qui ne sont pas du tout d'accord avec ça
01:49 et veulent se mobiliser.
01:50 Alors ça passe par des manifs, des mouvements de grève à l'occasion de la réforme des retraites,
01:54 mais en fait à l'occasion de beaucoup de réformes.
01:56 On a vu un petit peu moins peut-être dans les mouvements des gilets jaunes,
01:58 mais il y avait déjà la loi travail avant, puis le 49-3, ça les passionne, ça les intéresse.
02:03 Le 49-3, véritablement, il a déclenché la colère des jeunes.
02:06 Absolument, une énorme colère des jeunes qui refusent un mode de fonctionnement
02:09 qu'ils jugent antidémocratique.
02:12 Faut pas se faire d'illusions, les jeunes adorent la démocratie.
02:15 S'il y a bien une idée qui n'est pas en crise chez les jeunes, c'est bien la question démocratique.
02:18 Alors comment elle se fait, ça c'est un vaste débat.
02:20 Et vive la démocratie, puisqu'on peut débattre de démocratie en démocratie, c'est chouette.
02:24 Mais le 49-3, c'est un de ces moments où là, clairement, les jeunes disent
02:27 « non, moi ça, dans le monde de demain, plus jamais ».
02:28 - Et que cette réforme des retraites, ils la trouvent injuste pour leur famille.
02:32 - Injuste pour leur famille.
02:33 Alors ça aussi, il y a un côté intergénérationnel qui est intéressant
02:35 où beaucoup de jeunes ont parlé de leurs parents ou de leurs grands-parents.
02:38 Et ils voient leurs parents, qui ont 59, 60 ans.
02:41 Et ils les voient et ils se disent « mais ça, je suis désolé, ma maman,
02:43 elle ne peut pas continuer jusqu'à 64 ans, elle est épuisée, elle est brisée, elle ne va pas bien ».
02:47 Donc c'est vrai que là aussi, il y a eu un truc très personnel dans la réforme des retraites
02:50 pour des jeunes qui en sont très très loin pour eux,
02:52 ils en sont très très proches par leurs proches, justement, ils le voient autour d'eux.
02:56 - Mobilisation aussi, peut-être, contre les violences policières ?
02:59 - Beaucoup, effectivement, beaucoup.
03:01 Des jeunes qui, c'est vrai que pour le coup, je suis un peu plus âgé qu'eux, j'ai 34 ans,
03:04 moi je n'ai pas connu ces manifestations dans lesquelles on va à la boule au ventre par peur.
03:08 Peur des cas lacrymogènes, peur de la violence, peur de la répression.
03:12 Et ça aussi, c'est quelque chose qui mobilise les jeunes,
03:14 qui se demandent dans quoi est-ce qu'on va militer demain,
03:17 comment est-ce qu'on va s'exprimer si la moindre expression politique devient intolérable,
03:22 en dehors de l'arc de l'acceptable.
03:24 Mais alors ça veut dire quoi ? Que j'ai le choix entre quoi et quoi,
03:26 accepter et me taire ? Non, je ne veux pas, je n'ai pas envie.
03:28 Et donc c'est vrai que la violence policière devient là aussi un truc qui matérialise
03:32 beaucoup de prises de conscience politiques, oui.
03:34 - Et vous vous retrouvez, vous, dans tout ce que défendent les jeunes aujourd'hui,
03:37 alors que vous n'avez plus leur âge ?
03:39 - Oui, je me retrouve totalement, parce que j'ai toujours été un militant,
03:42 de la place des jeunes dans la démocratie.
03:44 Les jeunes font partie de notre société, c'est pas une sous-catégorie,
03:47 c'est pas une catégorie en attente de devenir adulte et donc citoyenne.
03:50 Non, non, non, les jeunes sont là, ils font partie de la cité,
03:53 ils sont citoyens, et donc je me retrouve dans leur envie d'être entendu, d'être écouté.
03:57 Parfois ils ont envie de mettre des claques au boomer,
03:59 et je peux le comprendre, parce que c'est parfois exaspérant.
04:02 Peut-être que parfois il y en a certains d'entre eux qui en méritent aussi des claques,
04:04 mais pourquoi pas, c'est aussi ça la démocratie.
04:06 Donc oui, oui, je me retrouve dans ces combats-là, bien sûr.

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