Noah-Wilander : « Il y avait une tension extrême sur le court » raconte Hervé Duthu

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Chaque jour, Romain Desarbres et ses invités font un point complet sur l'actualité.
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Transcript
00:00 Europe 1 Midi, Romain Desarbres.
00:03 Europe 1 Midi, toujours en direct de Roland Garros, depuis le studio Europe 1 de Roland Garros.
00:09 Et on accueille Hervé Dutu. Merci d'être avec nous Hervé Dutu.
00:12 Bonjour.
00:13 Alors vous êtes ancien journaliste, ancien commentateur de tennis,
00:17 et vous avez notamment commenté la victoire de Yannick Noah le 5 juin 1983.
00:24 C'est une finale historique, on l'a dit plusieurs fois, mais c'est aussi bon de le rappeler, c'est la dernière fois qu'un Français a gagné à Roland Garros.
00:35 Vous avez commenté ce match, c'est le plus beau match de l'histoire du tennis français selon vous ?
00:41 Oui, et puis c'est un privilège pour moi d'avoir été celui qui commentait cette finale-là.
00:47 Donc oui, c'est un des plus beaux moments du sport français, parce que la France ne gagnait jamais en sport collectif,
00:56 même s'il y avait des athlètes qui pointaient, il y avait Alain Prost en Formule 1, il y avait Bernard Hinault dans le cyclisme,
01:02 il y avait Michel Platini en football, mais c'était dans le cadre de sport collectif.
01:07 En revanche, la France perdait toujours dans les sports individuels, et Yannick Noah a montré une voie, a ouvert un chemin.
01:15 Ce qui est intéressant de noter, je me suis repenché sur ce qu'on disait à l'époque, il n'était pas favori Noah ?
01:21 Non.
01:22 Il n'était pas favori, il était face à Mats Vilander qui était tenant du titre.
01:26 Mats Vilander était tenant du titre, maintenant il avait quelques références.
01:30 Yannick Noah, ça part en fait d'un échec.
01:33 D'abord à Monte Carlo, alors qu'il s'était mis en tête avec Patrice Agerroer, son entraîneur, de faire tous les efforts pour essayer de gagner.
01:41 Yannick avait tout de même disputé la finale de la Coupe Davis sur terre battue face aux Etats-Unis le mois de novembre précédent en 1982.
01:48 Donc il savait qu'il s'était rapproché des tout meilleurs.
01:51 Et puis les résultats, il sentait qu'il était proche.
01:54 Et puis il y a eu un coup d'arrêt à Monte Carlo, une défaite qui n'était pas prévue du tout face à Orantes.
02:01 Noah a été sorti la veille, s'est fait engueuler par Patrice Agerroer, logiquement,
02:08 parce que Patrice était l'entraîneur, Yannick lui faisait une confiance extrême, mais il ne fallait pas trahir la confiance de Patrice.
02:14 Et ensuite ils ont bossé, mais trois fois plus, ils ont monté les marches une à une.
02:18 Et c'est ainsi qu'il s'est présenté, après avoir disputé quand même des tournois, en battant une fois Vilander avant Roland-Garros.
02:26 Et donc il avait déjà, celui qui lui faisait le plus peur c'était Evan Lendl.
02:31 C'était curieusement pas le vainqueur de l'année précédente, Mats Vilander, c'était Evan Lendl.
02:36 Comment il était Noah à l'époque ? Vous parliez de fêtes, comment il était à l'époque ?
02:43 Il avait 40 ans de moins qu'aujourd'hui ?
02:46 Oui, mais c'était un être humain. D'abord je trouvais que c'était un être d'une générosité extrême, une personne hypersensible,
02:55 donc qui avait des doutes, mais qui gravissait et à son rythme, les marches qui allaient l'amener vers la victoire ce jour-là.
03:05 Et cette victoire, elle est historique, mais on dit très peu la souffrance qu'il s'est imposée dès l'âge de 11 ans.
03:13 Parce que partir de l'Afrique, partir de son village, le quartier de Yaoundé, quitter sa famille, se faire bisuter, logiquement, comme on le faisait dans toutes les écoles.
03:25 Il a vécu des choses assez difficiles, parce que là il n'y avait personne, il n'y avait pas de portable, on ne pouvait pas téléphoner à ceux que l'on aimait tous les jours.
03:34 Donc c'est beaucoup de solitude, beaucoup de souffrance. Et c'est de cette souffrance qu'il a tiré cette force extraordinaire qu'il a en lui,
03:42 et qui allait lui permettre de remporter Roland-Garros.
03:46 Comment était l'ambiance durant le match ? Le court Philippe Châtrier était un chaudron.
03:52 Bizarrement, c'était une salle de théâtre ou une église avant leur présentation.
04:00 Il y avait un silence incroyable et une tension extrême sur le court, dans les gradins.
04:07 Les premiers jeux, d'ailleurs, étaient en mémoire, il y avait des bois, il y avait des fautes qui étaient faites.
04:16 Et le public avait du mal à s'emballer en tout début de rencontre.
04:20 Et puis c'est venu petit à petit, parce que Noah a emballé la partie face à Wielander ce jour-là,
04:26 et il a commencé à monter au filet ce qu'il avait fait depuis le début du tournoi,
04:30 et à réussir ses volets, et à imposer sa cadence, et à imposer son rythme et sa tactique à Wielander.
04:36 Avec Alexandre Alves qui m'a aidé à préparer cette interview, on a regardé le match.
04:43 Je notais que c'était beaucoup plus long qu'aujourd'hui. C'est amusant, hein ?
04:50 C'est une réalité, mais les matériaux n'étaient pas les mêmes, déjà. Les raquettes n'étaient pas les mêmes.
04:56 Ce n'était pas du fil de carbone, c'était du bois.
04:58 Les joueurs n'étaient pas les mêmes ?
05:00 Les joueurs n'étaient pas les mêmes.
05:01 Peut-être moins massifs ?
05:02 C'est l'éternel débat, savoir si les meilleurs de telle époque auraient été les meilleurs de l'époque suivante.
05:08 C'est un débat qu'on ne peut jamais trancher, mais il est évident qu'ils se seraient tous adaptés,
05:12 et qu'on aurait retrouvé les meilleurs après.
05:15 Sur la finale, c'est vrai quand on regarde les images, mais ce n'est pas artificiel, c'est réel, c'est tactique.
05:22 Il y avait une tactique bien au point pour Noah, pour Wielander.
05:25 Wielander, on le savait depuis l'année précédente, puisqu'il avait battu Villas,
05:29 qui était vraiment la référence sur terre battue à ce moment-là.
05:32 Une finale qui avait été d'une longueur exceptionnelle, et Wielander l'avait emporté, je crois, au 4e ou 4e set, il me semble.
05:41 Alors que ça avait duré cinq heures. On se renvoyait la balle au-dessus du filet, des balles très liftées,
05:47 et Wielander était là et attendait les fautes.
05:50 Noah a su provoquer sa chance ce jour-là dans la finale, même si c'est l'heure, etc.
05:55 Il monte au filet, il utilise des armes auxquelles Wielander ne trouvait pas les réponses ce jour-là.
06:01 Hervé Duthu, commentateur de la finale de 1983 à Roland-Garros, remporté par Yannick Noah.
06:08 Noah, Mats Wielander.
06:11 Comment vous êtes retrouvé à commenter ce match ? Je ne vous ai pas demandé.
06:16 Je commentais le tennis, simplement sur TF1, et auparavant sur ce qui s'appelait Antenne 2.
06:25 Et puis on m'avait demandé de venir à TF1, et j'avais accepté la proposition qui m'avait été faite.
06:32 Et puis ensuite je me suis associé avec Jean-Paul Lotte, c'est à l'occasion d'un US Open en septembre,
06:40 où le samedi on enchaînait les deux demi-finales hommes et une finale dames,
06:46 et donc ça faisait très très long, et Jean-Paul Lotte, qui était directeur technique national, était venu m'aider.
06:51 Et on s'était beaucoup amusé au micro, et j'avais souhaité ensuite que l'on puisse commenter toutes les rencontres importantes ensemble.
06:59 Merci beaucoup Hervé Dutu, merci d'être venu dans le studio Europe 1.
07:04 Tiens, il y a un numéro spécial de Paris Match, avec Yannick Noah en une,
07:10 qui tient le saladier de Roland-Garros, la coupe, qui la porte à bout de bras en regardant le ciel.
07:17 Il ne regarde pas le ciel parce qu'il a les yeux fermés. Elle est magnifique cette une.
07:21 Un numéro spécial de Paris Match, un hors-série de Paris Match, la folie Roland-Garros.
07:26 Yannick Noah, 40 ans de bonheur.
07:29 Et puis il y a le podcast Europe 1 Studio, où Jacques Vendrou est allé rencontrer Yannick Noah à Ayaoundé.
07:34 Et il est remarquable le podcast.
07:36 Ah, c'est validé par Hervé Dutu. Merci beaucoup à nouveau Hervé d'être venu nous voir.

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