• l’année dernière

[Un témoignage inédit au micro de Jacques Vendroux pour Europe 1] Pendant des années, parce qu’il était en Sport-Etudes en France, Yannick Noah a vécu loin de sa famille, notamment de sa mère Marie-Claire. Après sa victoire à Roland-Garros et devenu adulte, Yannick Noah comprend qu’elle lui a fait le plus beau des cadeaux : celui de le laisser voler de ses propres ailes pour pouvoir accomplir son rêve. Au fil des années, c’est toujours elle, Marie-Claire, qui oeuvre pour développer le village d’Etoudi et qui aide Yannick Noah à donner du sens à sa notoriété. Devenu une star internationale, Yannick Noah le dit sans détour : il a l’impression de se "prostituer" quand il surfe sur sa célébrité. Pour utiliser son succès désormais pour une bonne cause, sa mère le fait entrer dans le domaine de l’humanitaire, et lui propose de monter avec elle un projet associatif aujourd’hui connu sous le nom de "Les enfants de la terre"... Dans l’épisode 4 du podcast "Yannick Noah : entre vous et moi", Yannick Noah sur sa relation unique, si forte, avec sa mère, sur les valeurs qu’elle lui a transmises et sur son engagement associatif au sens large.

Pour les 40 ans de la victoire de Yannick Noah à Roland-Garros, Europe 1, radio officielle du tournoi, s’est rendue au Cameroun pour rencontrer la légende du tennis français. Il a accepté de se confier comme jamais auparavant sur ses rêves d’enfant, ses souvenirs de champion et sa nouvelle vie en Afrique au cours d’un entretien exceptionnel au micro de Jacques Vendroux.
Retrouvez "Yannick Noah, entre vous et moi" sur : http://www.europe1.fr/emissions/podcast-yannick-noah

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Transcription
00:00 Maman a été...
00:03 une maman.
00:06 Une maman...
00:09 Et bien sûr que nous, de par mon parcours, on a eu un...
00:13 C'était différent, quand je dis extraordinaire, c'est-à-dire c'était pas ordinaire
00:19 d'avoir ton enfant qui part à cet âge-là.
00:27 Pendant toute son adolescence, Yannick Noah vit seul à Nice.
00:31 Il écrit chaque jour à sa mère, resté au Cameroun.
00:34 Marie-Claire Noah est décédée en 2012.
00:37 Bienvenue dans le podcast Yannick Noah Entre vous et moi.
00:42 Un podcast européen, une saga exceptionnelle en dix épisodes.
00:48 Salut à tous, nous sommes à Etoudi, dans le lieu-dit village Noah.
00:54 Épisode 4, Maman, mon ange gardien.
00:57 Je lui ai demandé un jour, mais comment tu as fait pour me...
01:02 Mais comment tu as fait ?
01:04 C'est pas comme si j'allais en pension parce que j'étais puni.
01:07 C'est pas parce que j'allais en pension parce que j'avais déconné ou parce que voilà...
01:11 Non, j'allais en pension parce que je voulais jouer au tennis,
01:14 qui est quelque chose de complètement abstrait,
01:17 avec très peu de chances de réussite en plus.
01:20 J'ai dit, comment tu as fait ? Comment tu vivais ça ?
01:24 Elle me dit, chérie, je vais te dire la vérité.
01:27 C'était beaucoup plus tard, plus tard, j'étais adulte.
01:30 Parce que j'étais déjà père et Joachim voulait jouer au basket.
01:35 Et Joachim voulait partir faire des stages tout seul.
01:39 Et d'un côté j'avais envie de le pousser,
01:42 l'encourager avec sa mère,
01:45 mais d'un autre côté j'étais détruit.
01:47 Je ne vais pas laisser mon petit partir.
01:49 Mais je te parle de partir alors qu'on pouvait se téléphoner tous les jours.
01:53 Alors qu'on pouvait voyager.
01:55 Mais j'ai dit à maman, comment tu as fait ?
01:59 Elle me dit, chérie, je vais te dire,
02:01 je ne vais pas te mettre de pression particulière,
02:03 mais je pense que pendant 5, 6 ans avant que je rentre en France,
02:07 j'ai pleuré tous les soirs.
02:08 Donc, tu sais, on parle souvent des sacrifices des joueurs,
02:13 mais on oublie l'entourage, on oublie les sacrifices,
02:16 on oublie la torture des parents qui se séparent de leur gamin
02:22 pour toujours.
02:24 Pendant des années qui sont des plus belles années de la vie,
02:27 l'enfance, l'adolescence.
02:29 Donc je n'ai pas vécu ça avec mes parents.
02:31 Et ça je l'ai ressenti après,
02:35 quand j'ai dû me, comment dire,
02:38 me construire en tant qu'homme.
02:40 Mais mes parents, ils n'ont jamais eu ça en fait.
02:44 Ils ont eu leur fils aîné,
02:46 avec lequel ils n'ont jamais vécu.
02:48 Donc quand on se voyait c'était toujours très intense mais trop court.
02:52 Et maman était sportive,
02:55 et du coup maman, cette énergie et cette frustration,
02:59 elle l'a mis dans l'encouragement.
03:02 Elle l'a mis dans l'encouragement.
03:04 Donc c'était maman,
03:06 quand je jouais,
03:08 si je perdais, elle était malade.
03:09 Mais vraiment malade quoi.
03:11 S'il y avait un gars qui sifflait contre Yannick,
03:19 je pouvais descendre le...
03:22 À la coupe de Vies, je me rappelle,
03:24 je m'étais disputée avec un mec
03:26 dont la fille était amoureuse de Sampras en coupe de Vies.
03:29 Et je disais "mais comment elle peut encourager Sampras ?"
03:31 "Oui mais elle l'aime."
03:32 "Mais c'est pas possible, c'est Yannick qui joue !"
03:34 "Ah mais c'était sincère !"
03:36 Et quand je gagnais, je savais que...
03:46 Alors si c'était un tournoi, je savais qu'elle était heureuse.
03:49 Et sans exprimer, c'était...
03:52 "Nous, je t'aime."
03:54 C'était un truc où on se parlait pas comme ça.
03:56 Mais c'était dans le ressenti.
03:58 Dans le ressenti.
03:59 Dans ce ressenti-là, maman, c'était...
04:01 Je sais qu'il y a certains joueurs français
04:05 qui étaient ou mes adversaires,
04:07 ou même après que j'ai arrêté,
04:09 je pense que maman mettait des pics dans des poupées
04:12 pour qu'ils perdent.
04:14 Je sais que certains Français jouaient bien,
04:17 à des moments, mieux que moi,
04:20 elle était effondrée.
04:22 Maman, elle était terrible pour ça.
04:25 Et puis cette présence, quoi.
04:27 Oui, la présence, parce que j'ai eu la chance.
04:30 Parce que voilà, à un moment, on s'est retrouvés.
04:33 Ou on s'est même trouvés, je veux dire,
04:35 plus que retrouvés.
04:36 Où là, elle a réussi,
04:40 à travers la création d'Association,
04:43 de donner un sens un petit peu
04:45 à ce qui était mon succès.
04:47 Qu'est-ce que tu peux faire du succès ?
04:50 Tu vois, parce qu'une fois que tu as la bagnole,
04:52 une fois que tu as les nanas,
04:53 une fois que tu as la meilleure table,
04:56 ça va deux minutes.
04:57 Mais bon, moi, je ne me nourrissais pas de ça du tout.
04:59 Ce n'était pas du tout mon éducation et mon trip, quoi.
05:02 Mais tout d'un coup, ça donnait un sens
05:04 à mon travail, à ma vie,
05:06 à mon statut de personnalité connue,
05:10 de pouvoir me servir de ça
05:12 pour quelque chose d'utile.
05:13 Et ça, c'est maman qui a eu cette vision
05:15 de faire ça avec moi.
05:16 Le succès, il est intéressant s'il profite à l'autre,
05:22 si tu ne peux pas le faire profiter.
05:24 Et maman m'a donné cette dimension-là
05:26 que je vis jusqu'à aujourd'hui
05:27 parce que c'est devenu un mode de fonctionnement
05:29 de personnel, quoi.
05:31 Les enfants de la Terre.
05:33 Notre but, c'est l'enfance,
05:38 l'aide à l'enfance.
05:39 Donc ça peut être une aide scolaire,
05:42 une aide médicale, une aide culturelle.
05:44 Je disais que les enfants de la Terre,
05:45 en fait, c'était...
05:47 On a commencé par...
05:48 On a travaillé
05:49 avec une association,
05:52 une grosse association internationale
05:54 qui s'appelait CARE.
05:56 On a commencé à travailler
05:58 et en fait, on a été assez frustrés.
06:00 Parce que ces grosses associations,
06:03 il y a tellement de frais.
06:05 C'est-à-dire qu'à un moment,
06:07 l'énergie, l'argent que tu envoies,
06:09 une fois que c'est passé dans la broyeuse des frais,
06:12 il reste très très peu
06:14 pour les projets.
06:16 Ça, ça nous a vraiment gênés.
06:18 Mon premier projet, c'était une photo,
06:22 une signature pour...
06:24 pour faire un...
06:26 Comment dire ?
06:27 Pour être parrain
06:29 d'un projet de huit puits
06:32 dans le Nord-Cameroun.
06:33 J'ai signé ça entre deux autographes et machin.
06:37 Une photo.
06:38 Six mois après,
06:39 j'ai revu cette photo
06:41 de gamin autour d'un puits.
06:43 Merci Yannick, j'avais rien fait.
06:45 Mais je me dis que c'est la puissance
06:47 de l'image,
06:48 de mon image,
06:49 et d'autres qui font la même chose mieux.
06:52 Mais en tout cas, ces gens-là,
06:54 du coup, m'ont inspiré.
06:55 Je les ai regardés différemment.
06:56 Et je me suis dit, tiens,
06:57 on peut faire plus que juste une photo.
07:00 Et on a commencé à faire un certain nombre de choses.
07:02 Et on s'est dit, on va monter une association
07:04
07:06 92% de l'argent qui va rentrer
07:09 ira sur le terrain.
07:11 Ça sera plus petit,
07:13 mais au moins,
07:14 on se sentira bien investi.
07:16 Et donc, on est parti là-dedans,
07:17 en faisant des exhibitions de tennis,
07:19 des tennis-concerts,
07:20 des événements.
07:22 Et ça, on a eu une,
07:24 puis deux, puis trois,
07:25 puis quatre, puis cinq maisons.
07:27 Et c'était merveilleux
07:29 parce que ça donnait un sens,
07:31 moi, à ma notoriété.
07:33 La notoriété, on la vit
07:35 comme on veut et surtout comme on peut.
07:37 Et moi, il y a eu des moments
07:40 où la notoriété m'a pesé.
07:42 La notoriété m'a gêné
07:46 à tel point que j'ai voulu m'exiler.
07:49 Je me suis installé aux États-Unis
07:50 parce que je n'arrivais pas à gérer
07:53 ce truc constant.
07:56 Je ne savais pas, je ne trouvais pas ma place.
07:57 Yannick, il disparaissait.
07:59 C'était Yannick Noir tout le temps.
08:00 Il disparaissait, je ne me trouvais pas.
08:02 J'avais besoin d'autres choses,
08:04 de plus humains.
08:06 Et le fait de travailler
08:09 pour les Enfants de la Terre
08:10 avec ma mère de surcroît
08:12 a donné un sens à tout ça.
08:13 Donc j'acceptais d'aller faire
08:15 certaines émissions
08:16 qui me paraissaient
08:17 des émissions de tellement vide
08:21 où on faisait semblant de rire,
08:23 où on me posait des questions stupides,
08:25 où je me faisais...
08:28 où j'avais l'impression, parfois,
08:30 d'être à la limite de la prostitution.
08:33 Mais un jour, il s'est passé quelque chose.
08:36 J'ai fait la Star Academy.
08:39 Et ça a été très douloureux.
08:41 Parce que j'avais vraiment l'impression
08:44 d'être une pute.
08:46 D'être là pour vendre un produit.
08:49 Moi, je chante, c'est une thérapie de chanter.
08:51 Et bien sûr, je veux que ça marche.
08:52 Mais c'était un passage obligatoire
08:55 parce que c'était une thérapie
08:57 qui était obligatoire.
08:58 Et je voulais faire ça.
08:59 Et j'ai fait ça.
09:00 Et c'était un passage obligatoire
09:02 parce que c'était une magnifique promotion
09:05 de mon projet.
09:06 Mais j'étais pas bien.
09:08 J'étais pas bien.
09:09 Mais il s'est trouvé que le lendemain,
09:11 on avait une visite à l'hôpital Necker.
09:13 Et du coup, je vais à l'hôpital Necker le lendemain.
09:16 Et là, les gamins,
09:19 surexcités,
09:21 parce qu'ils m'avaient vu à la Star Academy,
09:24 vous vous rendez compte ?
09:25 Et du coup, la Star Academy
09:27 que j'ai refaite après,
09:29 j'ai trouvé une raison de la faire
09:31 qui était autre chose.
09:32 Ça donnait un sens à tout ça.
09:34 Et les enfants de la Terre,
09:36 et quand on parle des enfants de la Terre,
09:38 on parle de "faites le mur après",
09:39 de mon engagement humanitaire ou social,
09:42 ça vient de ça.
09:45 En fait, oui, je peux faire parfois des choses
09:48 qui peuvent paraître légères ou ludiques
09:51 ou superficielles à mourir.
09:54 Mais derrière, il y a cette chose qui fait que,
09:57 il y a des gamins qui regardent ça
09:59 et pour lesquels, ça compte.
10:01 Et donc, maman est partie il y a 10 ans maintenant.
10:05 Et Nathalie, ma petite sœur,
10:07 a repris le flambeau
10:08 et le fait de manière extraordinairement bien.
10:11 Et donc voilà, les enfants de la Terre continuent.
10:14 Moi, je continue ici ce qu'il y a à faire ici,
10:17 et Nathalie continue avec les enfants de la Terre.
10:26 Ma maman est très présente à Etoudi,
10:29 et très présente dans la vie des noix, évidemment,
10:31 dans ma vie, évidemment.
10:34 Il va sans dire que j'ai un petit peu un impact
10:37 sur ce qui se passe aujourd'hui,
10:39 de par le fait que j'ai eu les moyens,
10:42 la possibilité, l'envie,
10:44 à la fois moralement et spirituellement,
10:46 de continuer cet endroit,
10:48 de faire vivre cet endroit,
10:50 pour moi et les générations qui viennent après.
10:53 Mais maman, elle était appréciée, aimée ici.
10:58 Et maman, elle a fait un truc incroyable,
11:01 elle a fait une école.
11:03 Moi, c'est M. Kuma Essam Fabien,
11:13 je suis le directeur de l'école Lamaphé.
11:16 Lamaphé est créée en 1972 par Mme Marie-Claire Noah,
11:21 la maman de Yannick Noah.
11:24 Elle était alors professeure au lycée technique de Yaoundé.
11:27 Elle avait constaté qu'à cette époque-là,
11:30 à Yaoundé, il manquait un espace, n'est-ce pas,
11:34 pour accueillir les petits-enfants, c'est-à-dire les bébés.
11:38 Alors, elle a créé une première salle en tant qu'enseignante.
11:42 L'idée lui est venue de créer une première salle
11:44 qu'elle a appelée le jardin d'enfants.
11:46 Et c'est là où tout est parti.
11:48 A l'époque, c'était une dizaine d'enfants,
11:51 et c'était uniquement les enfants des espadriers.
11:53 Et quand tu arrives à un certain âge qui est le mien,
11:59 tu réalises à quel point
12:02 ce que tu as à faire maintenant, c'est transmettre.
12:05 Quoi de mieux que de transmettre à travers une école ?
12:08 C'est-à-dire que je suis arrivé ici,
12:10 et cet outil était déjà existant.
12:13 Donc c'est naturellement que je l'ai agrandi,
12:16 que je l'ai baptisé à Marfais Marie-Claire Noa,
12:19 parce qu'aujourd'hui, tous ces enfants,
12:21 ces milliers d'enfants,
12:23 maintenant on va parler de dizaines de milliers d'enfants
12:25 qui sont partis, sont repartis avec une éducation
12:28 grâce à maman.
12:30 Et moi, je vis ici.
12:31 Mais maman, elle a fait 25 ans ici,
12:34 ou elle a vraiment un impact ?
12:36 Et j'en ai parlé à quelqu'un qui m'aide spirituellement ici,
12:39 parce que les ancêtres, tout ça, on a un lien très...
12:43 on est très connectés, quoi.
12:46 Et cette dame qui me conseille me dit
12:49 "Mais ta maman était très discrète,
12:51 et elle est bien là où elle est,
12:53 mais tu as déjà fait quelque chose ici
12:56 en baptisant l'école Marie-Claire Noa.
12:59 Et peut-être que tu as envie de faire autre chose,
13:01 donc j'ai décidé de faire cette petite stèle à l'entrée de l'école,
13:04 mais c'est surtout que dans le caveau familial
13:06 où ont enterré papa, mon grand-père, ma grand-mère et mon oncle,
13:09 il y a une photo de maman,
13:11 donc elle pourrait être là aussi.
13:13 Donc elle est là.
13:15 J'ai pensé faire revenir son corps,
13:18 mais je ne pense pas que c'était sa volonté.
13:23 Vous venez d'écouter Yannick Noa, entre vous et moi.
13:33 Un témoignage exceptionnel recueilli par Jacques Vandrouw au Cameroun pour Europe 1.
13:39 Dans l'épisode suivant...
13:41 Vite, 18 ans, mon permis !
13:43 Il faut que je gagne des matchs pour me payer la putain de bagnole !
13:46 Que je me prenne mon petit studio rue Poussin,
13:48 avec une cuisine et une chambre !
13:51 Mais après, la bagnole, l'auto Bianchi à Barthe,
13:55 attention, avec les jantes alu,
13:58 avec l'autoradio, parce qu'il ne faut pas déconner !
14:01 Il a jamais ça !
14:03 Yannick Noa, entre vous et moi.
14:05 Entre vous et moi !
14:07 Production Europe 1 Studio, Sébastien Duillaud.
14:10 Réalisation et direction artistique, Xavier Joli.
14:13 Pour découvrir la suite, vous pouvez vous abonner gratuitement
14:16 et glisser un maximum d'étoiles sur votre plateforme préférée.

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