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Il y a 592 ans, presque jour pour jour, Jeanne d’Arc était brûlée vive sur la place du Vieux-Marché à Rouen, à l’âge de 19 ans. Son épopée commencée 2 ans auparavant a changé le cours de la guerre de Cent Ans. Réhabilitée en 1456, béatifiée en 1909 puis canonisée au lendemain de la Première Guerre mondiale et déclarée patronne secondaire de la France, Jeanne d’Arc est devenue une héroïne du roman national français. Depuis la biographie écrite par Jules Michelet en 1853, ce sont des centaines de livres qui lui furent consacrés. Dans cette émission, Guillaume Fiquet reçoit l’auteur du dernier en date, Valérie Toureille dont l’ouvrage "Jeanne d’Arc" (Perrin, 2020) nous donne un nouvel éclairage sur la Pucelle d'Orléans, la replaçant dans son contexte, dans son milieu familial, écartant les légendes et, grâce à de nouvelles sources faisant parler de nouveaux témoins, détaillant son extraordinaire parcours. Il ne s’agit pas ici de refaire le détail chronologique de l’aventure de Jeanne, de sa mission, mais de comprendre qui elle était.
Transcription
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00:35 Chers téléspectateurs de TVL
00:37 Bonjour et bienvenue dans "Passé-présent"
00:39 votre émission historique proposée en partenariat avec la revue d'histoire européenne.
00:45 Il y a 592 ans, jour pour jour,
00:48 Jeanne d'Arc ébrulait vive sur la place du Vieux Marché à Rouen à l'âge de 19 ans.
00:53 Son épopée, commencée deux ans auparavant, a changé le cours de la guerre de son temps.
00:57 Réhabilité en 1456, béatifiée en 1909,
01:01 puis canonisée au lendemain de la Première Guerre mondiale et déclarée patronne secondaire de la France,
01:07 Jeanne d'Arc est devenue une héroïne du roman national.
01:10 Depuis sa biographie écrite par Jules Michelet en 1853,
01:14 ce sont des centaines de livres qui lui sont consacrés.
01:17 Et aujourd'hui, nous recevons l'auteur du dernier en date, Valéry Toureil,
01:21 dont l'ouvrage nous donne un nouvel éclairage sur Jeanne d'Arc,
01:24 la replaçant dans son contexte, dans son milieu familial,
01:27 écartant les légendes et grâce à de nouvelles sources,
01:30 faisant parler de nouveaux témoins détaillant l'extraordinaire parcours de la pucelle d'Orléans.
01:35 Il ne s'agit pas ici de refaire le détail chronologique de l'aventure de Jeanne,
01:38 de sa mission, mais de comprendre qui elle était.
01:41 [Musique]
01:50 Valéry Toureil, bonjour.
01:52 Bonjour.
01:53 Vous êtes professeur agrégé d'Histoire, docteur en Histoire.
01:56 Vous enseignez à l'université de Cergy-Paris.
01:58 Vous êtes médiéviste et plutôt spécialisé dans la guerre et la violence au Moyen-Âge.
02:03 Et donc, je lisais le dernier livre que vous avez publié en 2020,
02:07 chez aux éditions Perrin, et consacré à Jeanne d'Arc.
02:11 Alors, je m'étais promis de ne pas vous poser la question,
02:14 mais lors de la préparation de cet entretien, vous m'avez dit que c'était finalement une bonne question.
02:18 Alors, je vous la pose.
02:19 Pourquoi un nouveau livre sur Jeanne d'Arc ?
02:22 Effectivement, il y a eu beaucoup d'ouvrages sur Jeanne d'Arc,
02:26 mais des livres d'histoire et de médiévistes consacrés à l'histoire de ce personnage,
02:32 il n'y en a pas autant qu'on pourrait l'imaginer.
02:35 En fait, j'ai répondu à une commande éditoriale,
02:38 ayant travaillé sur la Lorraine, ayant travaillé sur la guerre.
02:42 Eh bien, au fond, il y avait peut-être une nouvelle voie à tracer pour éclairer cette héroïne.
02:48 C'est ainsi que je me suis replongée dans une histoire que je connais bien,
02:53 mais avec un éclairage très différent.
02:55 Et puis surtout, en prenant à bras le corps,
02:57 le corpus extraordinairement riche qui éclaire le parcours de Jean d'Arc.
03:01 Je crois que vous avez travaillé sur des archives qui, jusqu'alors,
03:04 étaient peu ou voire pas exploitées.
03:06 Alors, effectivement, on a longtemps laissé de côté le procès dit en nullité
03:11 ou dit aussi en réhabilitation.
03:13 En fait, le terme le plus juste, c'est le procès en nullité.
03:16 Ce procès, il est riche de très nombreux témoignages,
03:19 de centaines de témoignages.
03:20 Et au fond, parce qu'on le qualifiait d'un procès politique, instrumentalisé,
03:26 les historiens l'ont un peu laissé de côté.
03:27 Ce qui est dommage parce qu'au fond, il y a des grands, des princes,
03:30 qui ont témoigné pour Jeanne, d'autres qui sont morts avant d'avoir pu le faire,
03:35 mais aussi beaucoup de gens du peuple.
03:37 Et c'est sans doute auprès de ces gens-là qu'on peut percevoir
03:41 une autre figure de Jeanne qu'on connaît moins bien.
03:45 Et puis des gens de guerre qui sont moins prestigieux que Dunois ou Jorda Lançon,
03:51 mais qui, au fond, eux aussi ont contribué à apporter leur pierre à l'édifice,
03:55 à apporter donc de nouveaux témoignages sur Jeanne d'Arc.
04:00 Il y a aussi, j'ai trouvé une pièce totalement inédite,
04:03 qui était passée inaperçue parce qu'on n'avait pas identifié le personnage en question.
04:09 Cet homme, c'est Jean de Vouton.
04:10 C'est l'oncle, un des oncles maternels de Jeanne d'Arc,
04:14 que j'ai rencontré en fait en travaillant sur la Lorraine
04:17 à partir d'un grand seigneur de guerre qui combat pour ses propres intérêts,
04:21 mais aussi ceux du roi, Robert de Sarbreug pour ne pas le nommer.
04:25 Et plusieurs de ces hommes de guerre, en fait,
04:28 sont tombés sur ce pauvre oncle, sur ce pauvre Jean de Vouton,
04:33 et a fini par en tuer l'un d'eux.
04:35 Donc c'est une pièce judiciaire qui méritait d'être exhumée
04:40 des tiroirs potiéreux de l'histoire.
04:42 Et on y reviendra peut-être. Évoque aussi la famille de Jeanne.
04:45 Justement, avec l'étude de ces archives, vous replacez bien Jeanne d'Arc,
04:49 d'abord dans son époque.
04:51 Vous employez le terme des héritiers d'Azincourt,
04:55 la génération Azincourt, et vous la replacez dans sa famille.
04:59 D'abord, qu'est-ce que c'est que cette génération Azincourt ?
05:02 C'est 1415.
05:05 Donc cette effroyable défaite, la plus lourde
05:09 qui ait pu essuyer la chevalerie française.
05:13 Pourquoi est-ce que cette défaite a eu un retentissement aussi long ?
05:18 Parce qu'en fait, on a rebattu d'abord les cartes du jeu politique.
05:25 Le roi était déjà très démobilisé, si je puis dire, par la maladie.
05:29 Mais quoi qu'il en soit, la bataille n'a pas entraîné
05:32 que la perte des hommes de guerre.
05:34 Elle a aussi entraîné la disparition d'un certain nombre de cadres
05:38 de l'administration, je pense au bailli, qui combattent aussi sur les champs de bataille.
05:42 Cette défaite, parce qu'elle a été une ponction démographique importante
05:46 dans la noblesse, 6 000 hommes, dit-on, malheureusement,
05:49 on ne peut pas vérifier, mais c'est une estimation qui semble probable,
05:55 a permis aussi, ou a fait monter de nouveaux combattants des marges du Sud.
06:00 Les Gascons qui sont venus combattre dans le sillage de la famille d'Armaniac.
06:07 Ça contribue aussi à porter cette espèce de volonté de revanche.
06:14 Alors évidemment, Azincourt aussi devait être une revanche sur Crécy, sur Poitiers.
06:18 Mais la saignée fut telle qu'on voit bien que de nouvelles générations,
06:23 je pense à Jean d'Alençon, dont le père est mort sur le champ de bataille.
06:26 Ce sont des hommes qui ont cette volonté de reprendre pied dans leur royaume,
06:34 dans leur terre aussi, qui pour partie leur sont confisqués,
06:37 on y reviendra un peu plus tard peut-être, de se battre contre les Anglais
06:42 et d'enfin obtenir cette fameuse revanche.
06:45 – Bien, et donc toujours avec ces archives de Lorraine,
06:48 la famille de Jeanne, ce n'est pas vraiment la petite bergère
06:54 qui court pieds nus dans les champs.
06:56 – Non.
06:57 – Elle vient d'une famille plutôt aisée ?
06:58 – Elle vient en fait d'une famille qu'on dit de laboureurs au Moyen-Âge.
07:02 Donc ce sont des paysans qui ont quelques moyens,
07:05 et dont le père, puisque je l'ai rencontré justement
07:09 en travaillant sur ces archives de Lorraine, est l'un des notables du village.
07:13 Lorsque le village est menacé, il le sera à plusieurs reprises,
07:18 Jacques d'Arc fait partie de cette délégation
07:21 qui va précisément demander la protection militaire
07:24 du seigneur le plus puissant de la région,
07:26 – Le commer de Saint-Bruc.
07:28 – Une protection qui se paye cher,
07:31 que les villageois ont rendu mal d'ailleurs à payer,
07:35 outre le conflit judiciaire qui va s'en suivre.
07:38 Mais ce qui explique aussi que la région est très menacée,
07:42 mais que l'on ne peut trouver de soutien,
07:44 non pas auprès du roi ou de ses représentants,
07:46 mais de celui qui est le plus fort dans la région.
07:48 C'est aussi très intéressant d'un point de vue.
07:50 – Quel est le statut de la Lorraine véritablement à l'époque ?
07:52 Elle est intégrée au Royaume de France ?
07:53 Parce que lorsqu'on lit le procès, on dit à Jeanne
07:56 "Lorsque vous êtes venue en France" ?
07:58 – C'est elle qui le dit.
07:59 – C'est elle ?
08:00 – C'est elle qui le dit.
08:01 Alors c'est extrêmement compliqué,
08:03 pour faire référence à un professeur spécialiste de la Lorraine
08:08 malheureusement disparu, Michel Paris,
08:10 qui disait "c'est impossible, géographie de la Lorraine".
08:13 Parce qu'il faut bien comprendre que c'est un territoire d'enclave multiple.
08:19 Pour faire simple, il y a ce qu'on appelle le barois mouvant,
08:22 qui relève normalement de la suzeraineté du roi de France,
08:26 le barois non mouvant, qui relève du duc de Bas,
08:29 qui penche plutôt du côté des terres d'Empire.
08:32 Et puis il y a l'enclave de Vaucouleur,
08:34 qui n'est pas simplement une ville forte, comme on a tendance à le dire,
08:38 mais tout un territoire qui englobe pour partie, dans sa juridiction,
08:42 Dorémy, mais en partie seulement.
08:44 – En partie Dorémy ?
08:45 – En partie seulement, c'est extrêmement compliqué.
08:47 – Vous ne vous rappelez pas de quel côté, du côté de la maison de Jeanne ?
08:49 – Oui, le village lui-même est partagé, mais on a l'habitude au Moyen-Âge
08:52 de ces découpages politiques et juridiques des territoires,
08:55 ce qui en rend la lecture un peu compliquée.
08:57 Bref, lorsque Jeanne dit qu'elle va en France,
09:00 elle traverse la Champagne, elle va rejoindre effectivement les terres du roi,
09:05 mais au fond, elle relève aussi de l'autorité de Vaucouleur.
09:09 – Donc cette petite, elle est bergère peut-être,
09:12 mais donc elle participe finalement aux travaux, tout simplement.
09:15 – Oui, comme les jeunes filles de son âge,
09:19 on les requiert pour les tâches agricoles, comme les autres.
09:22 – Bien sûr, mais elle a quand même une certaine éducation ?
09:25 – Elle a quand même une certaine éducation,
09:27 et c'est un point très important sur lequel il faut insister.
09:31 Au Moyen-Âge, les petites filles, si les parents y consentent bien sûr,
09:36 peuvent aller à l'école.
09:37 Il y a des petites écoles, il y en a une à Grheux,
09:39 qui est tout près de Donrémy, donc il n'y a pas de ségrégation sociale,
09:44 on peut aller dans une petite école,
09:46 si évidemment vos parents ont quand même quelques moyens
09:49 pour qu'ils ne vous sollicitent pas pour les travaux des champs,
09:52 et ce genre de choses.
09:53 Mais enfin, on ne va pas non plus à l'école de manière continue au Moyen-Âge,
09:57 et certainement pas dans les périodes agricoles les plus intenses.
10:00 Bref, donc Jeanne a pu aller à l'école, et je pense qu'elle est allée à l'école.
10:04 – Mais qu'est-ce qui vous fait dire ça ? Qu'est-ce qui vous fait penser ça ?
10:07 – Alors, son intérêt pour l'écrit.
10:11 Très tôt, elle va écrire des lettres,
10:15 alors au Moyen-Âge on fait écrire des lettres,
10:17 mais quelqu'un qui serait totalement analphabète
10:22 ne s'intéresserait pas, me semble-t-il, à ces questions.
10:25 La guerre exige aussi des formes écrites,
10:29 ce sont les défis, ce sont les sommations.
10:32 Alors, sans doute, lui a-t-on dit qu'il fallait faire ainsi,
10:35 mais quoi qu'il en soit, elle s'y plie avec d'autant plus de volonté
10:40 qu'elle va démultiplier cette correspondance quand même.
10:43 Donc, elle ne fait pas qu'envoyer des défis aux Anglais,
10:46 elle écrit, elle écrit au grand, on la sollicite aussi,
10:49 et elle répond, et elle signe.
10:51 Alors, il y a eu de nombreux débats sur sa signature.
10:54 Moi, je trouve que sa main est ferme,
10:56 et quand on superpose les lettres où il reste encore sa signature,
11:00 c'est la même signature.
11:02 En photographe, il y a, comment dirais-je,
11:04 une sorte de régularité du geste qui prouve que
11:07 ça n'est pas une main malhabile qu'on a tenue pour signer.
11:10 Et puis, il y a d'autres éléments qui prouvent qu'elle sait lire
11:15 au moment où elle est enfermée à Rouen,
11:17 elle demande à lire, justement, une des pièces du procès,
11:21 qu'on lui fait au même moment.
11:24 Enfin, tous ces éléments concourent, me semble-t-il,
11:28 à dire que Jeanne n'est pas analphabète.
11:30 Elle est peut-être illettrée, c'est-à-dire qu'elle ne connaît pas le latin,
11:34 mais elle sait lire et elle sait signer.
11:38 Il y a cette expression qu'on reprend toujours
11:41 lorsqu'elle est interrogée à Poitiers,
11:43 "Je ne sais ni A ni B".
11:45 Oui, mais on l'interroge, c'est un parterre de près là
11:47 qui l'interroge, sur des questions de théologie,
11:50 et en théologie, c'est sûr, Jeanne fait preuve d'humilité,
11:53 comme tout un chacun quand on vient dans son extraction.
11:57 - Alors, justement, en propos de théologie,
11:59 l'importance de la foi chez Jeanne,
12:02 est-ce qu'on peut dire que c'est une exaltée,
12:04 que c'est une mystique, ou alors elle est simplement
12:07 une pieuse, une croyante de son temps ?
12:11 - Ce n'est pas une exaltée, ce n'est pas proprement dit non plus
12:15 une mystique, mais c'est une femme profondément pieuse
12:21 et elle en donne des témoignages, ou plutôt,
12:23 les gens de son village révèlent cette profonde piété.
12:29 Les jeunes gens disent "elle ne venait pas très souvent
12:32 jouer avec nous, préférant se rendre à l'église pour prier,
12:36 elle y allait même plusieurs fois par jour".
12:38 Donc, cette piété profonde, on la mesure très bien
12:42 dès l'enfance de Jeanne.
12:44 - Mais les voix qu'elle entend, ses conseils, comme elle dit,
12:46 il y a quand même un côté un peu mystique, non ?
12:49 C'est vrai que vous n'abordez pas le sujet spirituel ?
12:53 - J'essaie d'aborder le personnage sur le plan le plus historique possible,
12:58 sans évacuer non plus la dimension sacrée,
13:01 ça n'aurait pas de sens, mais c'est vrai que je n'y consacre pas
13:05 des pages particulières.
13:08 Il faut bien comprendre qu'au Moyen-Âge, lorsqu'on est profondément pieux,
13:12 on peut se sentir, comment dirais-je, inspiré,
13:16 et que la foi peut se manifester de différentes manières,
13:20 par des signes, par des voix, par des rêves.
13:23 Et donc Jeanne est inspirée dans un moment extrêmement difficile,
13:29 le village a déjà été attaqué à plusieurs reprises,
13:33 donc c'est aussi ce que j'essaie de montrer dans le livre.
13:36 Jeanne, c'est une enfant de la guerre, c'est une enfant qui vit
13:39 dans un contexte extrêmement tendu, violent,
13:43 et au fond, sa foi, elle va la trouver dans le combat armé,
13:48 placée sous la protection divine, plus que placée sous la protection divine.
13:52 Là aussi, inspirée par ses voix.
13:55 - On peut dire que c'est la foi qui lui donne sa force, principalement.
13:58 - Tout à fait.
13:59 - Maintenant, est-ce qu'on arrive à...
14:02 Elle va rencontrer... Elle le rencontre, Robert de Sarbreuc ?
14:05 - Je ne pense pas, c'est son père.
14:08 - En revanche, elle va rencontrer Robert de Baudricot.
14:11 - Justement, elle rencontre Robert de Baudricot,
14:13 qui est un frère d'armes de Robert de Sarbreuc,
14:16 ils combattent ensemble, ils sont dans le même camp politique.
14:20 Mais on voit bien, peut-être, est-ce lié à la proximité de la famille
14:25 de cette jeune femme, qu'au fond, ils ne sont pas fascinés, je ne sais pas.
14:30 Il y a des clés qui sont, j'ose pas dire définitivement perdues,
14:36 mais en tout cas, auxquelles on n'accèdera peut-être pas facilement.
14:39 Non, Baudricot n'est pas fasciné par Jeanne d'Arc,
14:43 pas plus que Robert de Sarbreuc.
14:45 - Il n'est pas fasciné, mais il va quand même l'aider, à ce qu'on arrive à...
14:48 - Oui, mais effectivement, Robert...
14:51 - Est-ce que c'est une façon, finalement, de botter en touche, de s'en débarrasser ?
14:53 - Non, en fait, ce que j'ai montré aussi,
14:56 parce qu'on n'y avait pas accordé peut-être d'importance,
14:59 c'est qu'il y a dans l'entourage de Robert de Sarbreuc,
15:03 un messager qui se charge de faire le lien entre Vaucouleurs et Chinon-Poitiers.
15:11 En tout cas, là où réside le dauphin,
15:14 on sait que celui-ci entretient une correspondance avec tous ses officiers.
15:18 Donc, la rumeur qui très vite accompagne Jeanne,
15:23 une rumeur positive, la popularité qui croit autour de Jeanne,
15:28 incite sans doute Baudricot à envoyer un message
15:32 au dauphin pour l'interroger sur l'intérêt peut-être d'une rencontre,
15:38 puisque c'est ce que veut Jeanne, alors que Baudricot l'a renvoyée
15:42 presque mani militari dans sa famille.
15:45 - Mais au bout d'un moment, est-ce que vous avez réussi à comprendre
15:48 comment cette société guerrière, fait d'hommes plutôt durs,
15:53 arrive-t-il à faire confiance à Jeanne ?
15:56 Il décèle en elle un petit quelque chose en disant
15:59 "Tiens, ça pourrait nous servir".
16:02 - C'est l'aspect le plus mystérieux de l'épopée de Jeanne.
16:05 Enfin, l'un des aspects les plus mystérieux.
16:08 Pour reprendre l'exemple de Baudricot, qui est le point initial de l'épopée,
16:13 au fond, on comprend bien qu'il lui donne cet accès au dauphin
16:19 parce qu'il a reçu un ordre.
16:21 Donc, c'est un choix politique, après tout.
16:23 - Il reçoit l'ordre du dauphin, enfin, il va faire venir,
16:25 parce qu'on commence à parler de Jeanne.
16:27 - On commence à parler de Jeanne et qu'il serait peut-être utile de la rencontrer.
16:31 On a parlé aussi dans "L'entourage du dauphin" de Yolande d'Aragon,
16:35 qui est une fille politique, une fille stratège,
16:37 qui se dit que, pourquoi pas, il faudrait sans doute rencontrer cette jeune femme.
16:43 Après, elle va croiser de grands capitaines de guerre au cours de son périple.
16:50 C'est vrai que, lorsqu'elle rencontre Jean d'Alençon,
16:55 on a l'impression, là encore, je parle d'impression,
16:59 parce que nous n'avons pas de preuve, si ce n'est le témoignage d'Alençon lui-même,
17:03 qui traduit son affection pour Jeanne.
17:05 Elle est réelle.
17:07 Une fascination, peut-être, pour la mission, la force qui se dégage de Jeanne.
17:13 On aurait tendance à dire une espèce d'auréole qui l'entoure déjà,
17:19 et qui la rend fascinante.
17:22 Même lorsque l'on reprend le témoignage de Jean D'Alençon,
17:27 qui dit qu'au fond, nous étions des hommes de guerre,
17:31 mais nous respections Jeanne,
17:33 comme s'il se dégageait une force de cette jeune femme.
17:37 - On peut dire quand même que ces hommes de guerre,
17:39 parce qu'il faut repasser dans l'époque, sont sensibles au message divin, certainement.
17:43 - Ils sont sensibles au message divin,
17:45 ils sont sensibles aux merveilleux, comme tous les hommes et les femmes du Moyen-Âge.
17:49 Ils y voient quand même une occasion politique.
17:52 Moi, ce qui m'intéresse, c'est de savoir, est-ce que Jeanne, à cette époque,
17:55 la voit comme une égérie, porte-drapeau, une passionaria, une prophétesse ?
17:59 C'est pas la première, en plus, femme qui se manifeste, je crois, sur le terrain.
18:03 - C'est vrai, il y a une vague de prophétisme féminin anti-anglais à l'époque.
18:10 - Égérie, porte-drapeau, passionaria...
18:14 - Pour revenir à votre question, je pense qu'il faut distinguer le roi de ses capitaines.
18:18 - Oui, je parle des capitaines, ça m'intéresse, c'est l'armée, vraiment.
18:21 - Pour ce qui est des capitaines, je pense qu'elle leur apporte cette légitimité
18:26 portée justement par le message divin.
18:28 Vous savez qu'au Moyen-Âge, celui qui est dans son bon droit
18:32 est celui que Dieu a désigné et que Dieu a choisi.
18:36 Au fond, elle est cette part de légitimité divine
18:40 qui leur donne ce surcroît d'assurance, de confiance.
18:44 Et dans le combat, c'est le cas à Orléans, mais pas seulement,
18:48 c'est elle qui va les ramener à chaque fois à l'assaut
18:53 et leur redonner courage.
18:55 - Une meneuse d'hommes.
18:58 - Je n'irai pas jusque-là.
19:01 - J'imagine que sur un champ de bataille, il fallait des grosses voix aussi
19:03 pour se rentendre, ou le commandement se donnait la voix à l'époque.
19:07 - C'est vrai, mais on utilise aussi beaucoup les bannières et les étendards.
19:11 C'est comme ça qu'on guide matériellement.
19:13 - Elle a aussi son étendard.
19:14 - Elle a aussi son étendard.
19:15 - Elle préfère à son épée.
19:16 - Voilà, c'est avec l'étendard qu'elle ramène ces hommes à la bataille.
19:20 Cet étendard qui se distingue par ses couleurs, justement,
19:23 dans le champ de bataille.
19:25 Donc, ils la suivent, c'est étonnant,
19:28 mais sans doute par cette adhésion religieuse qu'elle porte.
19:31 - D'ailleurs, comment se passe son intégration, si je puis dire, dans l'armée ?
19:36 J'ai lu que dans certains textes, certains textes disent
19:39 qu'elle est experte dans les choses de la guerre.
19:41 Alors, est-ce qu'elle a vraiment un talent militaire,
19:44 si je puis dire, l'instinct, le nez pour la tactique ?
19:47 - Il faut rester un peu modéré dans les propos.
19:52 Quoi qu'il en soit, son intégration ne s'est pas faite non plus de soi.
19:58 Lorsqu'elle arrive à Orléans, elle évite les lignes anglaises.
20:02 C'est vrai que c'est un convoi de vivres, donc on en a déjà perdu un,
20:05 à Rouvray-Saint-Denis.
20:07 Donc là, il faut faire attention à ce que les vivres et les munitions
20:11 parviennent à bon port.
20:14 Mais on la tient à écarter de l'état-major et des décisions qui se prennent.
20:19 Donc on la voit se rebeller.
20:21 Alors on pourra dire, c'est un discours construit qui montre la volonté de Jeanne,
20:25 plus forte que celle des grands capitaines.
20:28 Mais on a quand même le sentiment qu'elle a gagné cette confiance,
20:32 cette reconnaissance au fil des jours auprès de ces hommes de guerre.
20:36 Donc elle assiste aux réunions d'état-major, on peut dire ?
20:39 Elle s'y impose.
20:42 Et en tout cas, elle prend des initiatives.
20:45 Et l'Aïr la suit aussi.
20:47 On se demande pourquoi.
20:48 S'il y a bien un homme peu versé dans les choses de la religion,
20:51 en tout cas c'est comme ça qu'on le perçoit, c'est bien l'Aïr.
20:55 Mais pour autant, elle doit apprendre.
20:59 On raconte que Jean d'Alençon la forme aussi à monter à cheval,
21:03 à tenir la lance, même si elle ne combattra jamais à la lance.
21:07 Elle apprend très vite.
21:09 Lors du siège de Troyes, qui n'est pas vraiment un siège,
21:12 mais en tout cas des préparatifs de siège,
21:14 on raconte qu'elle donne des ordres sur la manière de prendre position,
21:17 d'installer des dispositifs.
21:19 Donc ça n'est pas une stratège, mais qui est un grand stratège à ce moment-là ?
21:24 On a beaucoup critiqué quand même parfois les choix militaires
21:28 des capitaines en question.
21:30 Mais Jeanne, en tout cas, prend sa place, tient sa place.
21:34 Et elle fait vraiment preuve d'un vrai courage physique.
21:37 On la voit au cœur de la bataille, elle est en retrait.
21:40 Elle a été blessée à Orléans, elle revient.
21:44 Elle sera blessée à Paris, elle a été blessée à Jargeau.
21:47 Donc je pense que ça aussi, ça a dû marquer ces hommes de guerre
21:51 et leur inspirer ce respect qu'ils ont pour elle.
21:54 Donc en revanche, elle ne combat pas l'épée à la main sur son cheval.
21:58 Et comment se passe également cette promiscuité avec ces hommes au camp ?
22:05 Ça n'a pas dû être facile non plus tous les jours.
22:08 J'imagine qu'elle ne restait pas en armure toute la journée et toute la nuit.
22:11 Lorsqu'elle chevauche jusqu'à Chinon,
22:15 on a des témoignages qui disent qu'elle garde son armure.
22:17 Enfin, pas l'armure de plate, en tout cas peut-être sa cote de maille.
22:22 Donc non, elle ne s'est pas dévêtue dans un premier temps
22:25 parce qu'elle se méfie des hommes de guerre, comme toute femme de ce temps.
22:29 Son père qui lui dit "mais que vas-tu, suivre les soldats ?"
22:33 Donc il y a évidemment un grand péril pour une femme à côtoyer ces hommes-là.
22:39 Mais il la respecte.
22:42 Lorsqu'elle s'arrête par contre dans des villes,
22:45 qu'elle est accueillie dans des maisons,
22:48 elle dort avec les femmes, certaines ont témoigné de cela.
22:51 Elle le dira d'ailleurs.
22:53 Elle préfère dormir avec les jeunes filles qu'avec les vieilles femmes.
22:56 Donc il y a la vie au camp, il y a la vie...
22:59 Il y a quelques témoignages aussi de soldats qui l'aperçoivent.
23:02 Jean Dolon évoque son physique en disant qu'elle a des jolis seins,
23:11 qu'il a vu ses jambes nues.
23:13 Donc effectivement, lorsqu'il faut revêtir l'armure et qu'on se change dans les camps,
23:17 les hommes ont dû...
23:19 - À propos de physique, on a une représentation ?
23:22 En couverture de votre livre, on a un tableau.
23:25 Il y a mille représentations de jeunes d'art qui ressemblent plus ou moins.
23:28 Est-ce qu'on arrive à... Est-ce qu'il y a une description physique ?
23:31 - Non, pas complète en tout cas.
23:33 Malheureusement non.
23:35 On a un petit dessin qui a été fait en marge d'un registre au Parlement de Paris.
23:40 C'est un dessin à la plume, très stéréotypé.
23:43 Mais non, on ne peut pas distinguer, à proprement dit, des traits.
23:47 On sait qu'elle est plutôt châtain.
23:50 Comme une fille de la campagne, elle doit être assez robuste.
23:53 - Une grande et costaude.
23:55 - Après, il y a quelques éléments autour de la construction,
23:59 de la fabrication de son armure qui pourraient être des éléments.
24:03 Il est difficile quand même d'en savoir plus.
24:06 Mais on est loin, peut-être qu'on en reparlera,
24:09 des figures un peu éthérées qu'on voit dans le cinéma.
24:12 - Exactement.
24:13 - Maintenant, on parlait de ses relations avec les grands capitaines,
24:17 ses relations avec le Dauphin, le Roi, parce qu'il est couronné.
24:21 Le Roi, la relation a l'air assez ambivalente.
24:26 - C'est vrai.
24:28 - La réalité de la rencontre de Chinon, là on est un peu dans la légende.
24:32 - Oui, là je pense qu'on est dans la légende et dans la construction.
24:38 On pense même que peut-être il y avait-il eu un entretien au préalable
24:43 avec le Dauphin avant cette grande réunion, dans la grande salle,
24:46 où elle vient le reconnaître.
24:48 On peut tout imaginer.
24:49 Mais au fond, ce n'est pas très important.
24:51 J'ai laissé de côté la question de la triple donation.
24:54 - Oui, je ne posais pas de question dessus.
24:56 - Mais c'est assez compliqué de savoir quel est le fond de la pensée de Charles VII,
25:03 pour Jeanne d'Arc comme pour le reste d'ailleurs.
25:06 Si ce n'est que j'y vois au fond une forme d'opportunité politique.
25:11 - Il l'instrumentalise.
25:13 - Il faut bien voir quand même qu'à ce moment-là,
25:17 la situation du royaume de France est catastrophique
25:20 parce qu'on évoque la pression des Anglais sur la loi en 1428.
25:25 On oublie qu'il y en a une aussi sur vos couleurs au même moment.
25:29 C'est aussi pour ça que Baudricourt a d'autres chats à fouetter
25:33 de recevoir cette petite paysanne inspirée.
25:37 Mais la menace anglaise est si forte qu'après tout,
25:43 pourquoi pas écouter cette jeune femme
25:46 qui peut-être va redonner un peu de force à ses troupes,
25:49 un sens à leur combat.
25:51 - Donc là, il fait preuve finalement d'un bon sens politique.
25:54 Même si c'est une instrumentalise.
25:56 Alors en revanche...
25:58 - Il y mettra beaucoup de précautions quand même.
26:00 Il ne faut pas oublier qu'elle va être examinée à Poitiers
26:04 par un certain nombre de prélats qui vont l'interroger.
26:08 Alors on l'avait déjà un peu examinée à vos couleurs,
26:13 puisqu'on lui a envoyé un exorciste.
26:15 Mais lorsqu'elle va être interrogée à Poitiers,
26:20 malheureusement cette enquête a disparu,
26:22 tous les prélats reconnaissent que la mission de Jeanne
26:24 est bonne et pure et qu'elle peut poursuivre.
26:27 Donc Charles a pris ses précautions.
26:30 Et on le comprend aisément.
26:32 - Mais alors on a l'impression qu'après l'échec de Paris,
26:35 leurs chemins se séparent ?
26:37 - Déjà avant.
26:39 Au fond, après le sacre,
26:42 il ne faut pas oublier non plus qu'au moment du siège d'Orléans,
26:46 les bourguignons quittaient la place.
26:48 Et que durant la guerre de Cent Ans,
26:53 très souvent les opérations diplomatiques
26:55 suivent les opérations militaires en parallèle.
26:57 Et Charles est présent sur les champs de bataille,
27:02 même si ce n'est pas un chef de guerre, il est là.
27:05 Pour autant, son choix, son inclinaison,
27:08 va plutôt à la politique et à la diplomatie.
27:11 Lorsque Jeanne veut amener les troupes royales autour de Paris,
27:18 déjà Charles VII est beaucoup plus réservé
27:21 pour des raisons objectives.
27:22 Prendre Paris, c'est quand même un enjeu d'une autre dimension.
27:28 Et puis parce qu'il a repris les négociations avec le Duc de Bourgogne.
27:34 - Alors les bourguignons capturent Jeanne à Compiègne.
27:41 Est-ce qu'on peut dire à ce moment-là que Charles VII la lâche véritablement ?
27:46 Parce qu'elle est considérée comme prisonnier de guerre.
27:49 - Alors ce qui est intéressant, c'est de voir qu'après l'échec de Paris,
27:54 je remonte un tout petit peu en arrière,
27:56 après l'échec devant Paris, c'est vrai que Charles VII licencie ses armées.
28:05 Jeanne garde une petite troupe quand même.
28:08 Elle a quelques moyens, elle a des chevaux.
28:10 On va d'ailleurs l'envoyer guiroyer contre la charité sur l'oie.
28:13 Et c'est vrai qu'on a une période là très flottante où Jeanne ronge un peu son frein.
28:21 On ne va plus faire appel à ses services.
28:24 Jean d'Alençon voulait l'emmener avec lui en Normandie
28:29 pour combattre à nouveau les Anglais.
28:30 Le roi s'y oppose.
28:32 Et au fond, ce sont les gens de Compiègne qui vont demander l'aide de Jeanne.
28:37 C'est là où on retrouve toute l'importance de la correspondance
28:39 que Jeanne a entretenue pendant ces longs mois avec différentes villes du royaume.
28:44 Cet attachement aussi populaire qu'elle a suscité.
28:48 Et Jeanne vient pour réconforter et aider les habitants de Compiègne.
28:56 C'est lors d'une malheureuse sortie qu'elle est capturée.
29:00 Donc là, évidemment, c'est la fin d'une épopée
29:04 qui avait déjà changé de tonalité.
29:10 C'est-à-dire que vous dites qu'elle n'avait plus de moyens ?
29:13 Parce que c'est vrai que Charles VII est à nouveau empêtré
29:18 dans ces questions politiques qui divisent sa cour.
29:22 D'ailleurs, autour de Charles VII, il n'y a pas que des partisans de Jeanne.
29:26 Je pense à Renaud Tchart, en particulier l'évêque de Reims,
29:30 qui se dit qu'après tout, il faudrait peut-être prendre quelques distances.
29:34 Et puis l'université de Paris commence à murmurer contre Jeanne.
29:39 Donc après tout, Jeanne est devenue peut-être un peu trop encombrante.
29:44 Vous avez vu au quai tout à l'heure, ces grands capitaines, ces seigneurs
29:46 qui devaient recouvrer des terres, chercher des terres.
29:48 Il y a un rapport avec le fait qu'elles soient lâchées au bout d'un moment ?
29:51 Non, je crois que ce sont vraiment des raisons politiques
29:54 qui font que Charles VII fait ce choix-là.
29:57 Il y a un autre élément dont on parle peu, c'est que les Anglais vont se plaindre
30:03 à Charles VII de leur faire la guerre de manière déloyale.
30:08 Cette femme n'a pas sa place sur les champs de bataille.
30:10 Ce n'est pas bien.
30:12 C'est contraire aux usages de la guerre, ce qui n'est pas tout à fait vrai d'ailleurs.
30:16 Et puis c'est vrai que Charles VII veut mener la guerre différemment, sans Jeanne.
30:23 Sans le recours de Jeanne, il veut l'écarter tout simplement.
30:27 Il écrit, il n'explique pas pourquoi ?
30:31 Non.
30:32 Elle ne lui fait pas d'ombre.
30:35 Non, mais quoi qu'il en soit, c'est au roi et à ses capitaines de reprendre en main cette guerre.
30:40 Et si Jeanne a été utile quelques temps, maintenant il faut que les choses rentrent dans l'ordre
30:44 et la guerre suive son cours.
30:46 Donc à partir du moment où elle est capturée, il ne fait strictement rien pour la racheter.
30:51 Les US, les bourguignons et les anglais s'en débrouillent.
30:55 Et personne d'autre n'essaie de la racheter parmi ses amis.
30:58 Il n'y a pas de tentative.
31:00 Si, l'Aïr aurait bien voulu tenter de l'arracher des griffes de ses geuliers.
31:09 Mais c'est vrai qu'il n'y a pas eu de proposition de rachat,
31:13 comme n'importe quel homme de guerre pourrait l'espérer.
31:19 Et c'est dans un temps où les rançons sont extrêmement nombreuses.
31:21 On capture un capitaine, un homme d'armes.
31:25 – Oui, c'est un vrai marché.
31:27 – C'est un vrai marché, tout à fait.
31:29 Sauf que là, elle est dans une sorte de statut un peu ambigu.
31:33 On la reconnaît comme capitaine.
31:35 Les anglais, d'ailleurs, dans un document, la qualifient de prisonnière de guerre.
31:38 C'est très intéressant.
31:40 Donc ils lui reconnaissent ce statut.
31:42 Mais sauf qu'au fond, il n'a jamais été accrédité ce statut,
31:45 puisqu'il n'a pas fonctionné et qu'aucune rançon n'a été proposée pour la racheter.
31:49 – Donc elle tombe aux mains des anglais par l'intermédiaire.
31:52 – Qui pour le coup la rachètent, mais pas pour la libérer.
31:54 – Voilà, donc c'est l'évêque Pierre Cochon, bien connu.
31:56 Mais qui est réellement à la manœuvre derrière son procès et ensuite son exécution ?
32:00 Ce sont les anglais, ce sont les bourguignons.
32:02 Elle fait peur à qui ?
32:04 – Elle fait peur aux anglais.
32:05 – Réellement ?
32:06 – Elle fait peur aux anglais.
32:07 J'évoquais tout à l'heure la lettre de Bedford au roi,
32:11 en lui disant que ce n'est pas ainsi que l'on fait la guerre.
32:15 Et il y a aussi chez les anglais une forme de superstition
32:22 qui va pousser d'ailleurs un certain nombre d'entre eux à fuir, à déserter.
32:27 On a des mandements anglais qui interdisent aux soldats anglais de franchir la manche.
32:33 C'est une situation un peu ambivalente.
32:39 Ils l'injurient, ils la méprisent et ils la craignent en même temps.
32:44 Quand ils disent que c'est une sorcière, il y a cette peur effectivement
32:47 de la voir paraître et de leur jeter un mauvais sort
32:51 et donc de les éculer à la défaite.
32:54 C'est effectivement un élément très important chez les anglais.
32:58 Ils veulent la perte de Jeanne.
33:02 Cochon serait prêt à l'enfermer, les anglais veulent vraiment s'en débarrasser.
33:07 En plus ils sont rendus compte que ça galvanise les troupes.
33:11 Ça représente aussi un autre danger.
33:13 Parce qu'ils sont sensibles aux merveilleux.
33:17 Mais d'une autre manière en se disant qu'elle apporte au fond la main de Dieu
33:21 du côté des français et donc il faut à toute force écarter et éliminer cette femme.
33:28 Quelle est son attitude pendant ce procès ?
33:31 Est-ce que ce procès donne encore un éclairage sur la personnalité de Jeanne d'Arc ?
33:36 Oui, son procès a été bien étudié.
33:39 Son procès en condamnation a été bien étudié.
33:42 Il révèle dans ses nombreuses pages la force, le courage de Jeanne.
33:47 C'est une autre forme de courage cette fois qui s'exprime
33:51 et qui force encore notre admiration.
33:54 Quand on lit les pages du procès en condamnation, c'est flagrant.
33:57 Donc oui, ça a été de longs mois de tourments pour cette jeune femme.
34:03 Elle essaie de s'évader je crois ?
34:05 Avant d'arriver à Rouen, oui.
34:08 Elle va essayer de fuir.
34:11 Elle va sauter aussi d'une tour
34:15 puisqu'elle sait qu'elle va être rendue aux Anglais
34:19 et elle ne craint rien de pire que cela.
34:22 Donc c'est vrai que Jeanne craint ce moment.
34:26 Lorsqu'elle est enfermée dans la jôle de Rouen, c'est assez terrible
34:31 puisqu'elle a des gardiens devant sa porte
34:33 et dans sa porte qu'elle doit enchaîner.
34:35 Donc il faut bien avoir à l'esprit dans quelles conditions de détention
34:39 elle a été tenue.
34:42 C'est déjà un supplice avant le supplice si je puis dire.
34:47 Mais elle fait preuve de courage
34:49 mais également qu'on soit d'un vrai sens de la rhétorique.
34:52 Elle ne perd pas ses moyens non plus.
34:54 C'est vrai.
34:56 C'est là aussi où on peut dire que Jeanne n'est pas cette jeune femme
35:00 un alphabète qu'on voudrait nous faire croire parfois.
35:04 Elle est forte aussi dans ses réponses
35:07 en disant qu'elle sait qu'elle est une bonne chrétienne
35:11 et tous ses grands docteurs de la foi ne la font pas faillir.
35:15 En tout cas, elle reste ferme dans ses positions.
35:18 Elle défend toujours le Dauphin.
35:20 Donc elle est admirable dans ses réponses et dans sa défense.
35:23 Est-ce qu'elle a une chance d'échapper au supplice
35:26 parce qu'on lui demande d'abjurer, de se réveiller en femme ?
35:29 Il y a une espèce de magouille, si je puis dire, judiciaire.
35:33 Oui, il y a plusieurs entorses dans ce procès.
35:36 Si elle est prisonnière de guerre,
35:39 elle aurait dû bénéficier de la possibilité d'un rachat par rançon.
35:44 Si en revanche, il s'agit bien d'un procès ecclésiastique,
35:49 ce qui est le cas, elle aurait dû être enfermée dans une prison d'église
35:53 et non dans ce château de Rouen comme elle le fut.
35:56 Il y a des choses qui sont effectivement contradictoires.
36:00 Est-ce qu'elle aurait pu échapper à la mort ?
36:02 Oui, c'était ce que souhaitait au fond Cochon,
36:05 c'est-à-dire la prison perpétuelle.
36:07 Et Jeanne s'est raccrochée à cette dernière solution,
36:10 cette dernière option.
36:12 C'est l'abjuration de Sainte-Ouen, du cimetière de Sainte-Ouen,
36:17 où on lui montre l'échafaud et où elle signe.
36:21 On ne sait pas très bien ce qu'elle a signé.
36:24 Il y a des doutes sur le document,
36:26 ni sur la manière dont elle l'a signé.
36:28 Mais quoi qu'il en soit, elle a espéré échapper à cette fin terrible.
36:34 Et puis on la ramène, on la ramène dans sa jôle.
36:38 Et il y a ce tour de passe-passe qui est assez cruel,
36:44 puisqu'en fait, elle accepte de prendre des habits de femme,
36:47 puisqu'on lui promet la prison.
36:49 Et vraisemblablement, une agression au sein même de sa cellule,
36:56 qui la contraigne d'abord à être dévêtue,
36:59 et puis à revêtir des habits de homme,
37:02 puisqu'elle n'a plus que ça pour s'habiller.
37:05 Et à partir de ce moment-là,
37:07 puisque l'on constate qu'elle a renié ce qu'elle avait abjuré,
37:11 elle devient un relapse, puisqu'elle est retombée dans l'erreur.
37:14 Et à partir de là, il n'y a plus de rachat possible.
37:17 – Est-ce que l'on sait sa réaction lorsqu'elle apprend sa condamnation à mort
37:21 sur un supplice qui en plus est assez atroce ?
37:25 Est-ce qu'elle fait preuve toujours du même courage,
37:27 même en allant, en montant sur le bûcher ?
37:30 Est-ce que l'on sait, est-ce qu'on a des sources là-dessus ?
37:32 – On connaît le moment par différents témoins,
37:36 directs ou indirects, de ce terrible supplice.
37:42 Elle pleure sur le bûcher et on imagine bien pourquoi.
37:49 C'est une peine terrible pour une chrétienne
37:51 que de voir ses cendres éparpiller au vent,
37:54 sans pouvoir être inhumées dans un territoire,
37:58 dans un sol consacré, dans une terre consacrée.
38:01 Donc il n'y a pas pire, il n'y a pas pire exécution.
38:05 Elle ne bénéficie… – Physiquement non plus.
38:07 – Physiquement non plus.
38:09 Au Moyen-Âge, lorsqu'on condamne des individus au bûcher,
38:13 le bourreau, c'est un geste d'humanité un peu terrible
38:17 que je vais évoquer, mais on peut étrangler la personne
38:21 pour qu'elle ne subisse pas l'assaut des flammes.
38:25 En général, ils peuvent être étouffés par le gaz carbonique avant même.
38:29 Mais bon, je ne veux pas rentrer dans des détails techniques.
38:33 Mais Jeanne ne bénéficiera même pas de cette clémence-là.
38:38 On cite souvent Gilles Le Rey, qui finira sur le bûcher,
38:42 mais qu'on a quand même tué avant de le livrer aux flammes.
38:46 Non, Jeanne subira les rigueurs de sa peine jusqu'au bout,
38:50 et c'est ce qui la rend encore plus, comment dirais-je,
38:54 courageuse dans cette terrible épreuve.
38:57 Elle pleure beaucoup, elle appelle Jésus, elle réclame aussi une croix.
39:01 C'est même un soldat anglais qui va fabriquer…
39:03 – On lui donne le droit de se confesser et de comminer avant…
39:05 – Oui, mais c'est tout le paradoxe là encore, ou des entorses de ce procès,
39:09 puisqu'elle est relapse, mais on accepte de la confesser dans sa cellule
39:12 avant qu'elle ne soit condamnée.
39:14 Donc, il y a des gestes de piété, on raconte qu'il y a aussi des hommes
39:19 et des femmes qui ont pleuré face au bûcher,
39:22 que le bourreau lui-même va renoncer plus tard à son office après cette exécution.
39:27 – Alors, parlons maintenant de la notoriété de Jeanne dans le Royaume.
39:31 Vous nous disiez tout à l'heure qu'avant même qu'elle ne rencontre Charles VII,
39:36 elle commence déjà à être un peu connue, donc elle fait parler d'elle.
39:40 Est-ce qu'on peut même parler de sa librité ?
39:42 Comment ça se passe ? Ça va croissant au fur et à mesure de son épopée ?
39:46 – Oui, elle est très vite entourée de cette aura.
39:53 À vos couleurs, on sait qu'elle a des partisans et que, déjà en Lorraine,
40:00 le duc de Lorraine veut la voir.
40:01 Il n'a pas très bien compris quelle était sa mission,
40:03 peut-être qu'elle est un peu magicienne et qu'elle va le guérir.
40:06 Mais sa notoriété croît très vite,
40:11 beaucoup plus dans les gens du peuple que dans les élites.
40:14 Et c'est cette aura, c'est cette notoriété qui va très vite se répandre dans le Royaume.
40:20 En fait, on imagine mal qu'au Moyen-Âge, les informations circulent aussi,
40:24 elles circulent vite.
40:26 – C'est un bouche-à-oreille.
40:27 – Oui, il y a des marchands sur les routes, sur les fleuves.
40:30 Et d'ailleurs, lorsqu'elle traverse la Loire pour se rendre à Chinon,
40:34 vraisemblablement, des bateliers vont prévenir les habitants d'Orléans.
40:38 Elle doit arriver de nuit, justement, pour que son entrée soit discrète,
40:43 mais rien n'y fait.
40:44 Les gens d'Orléans l'attendent dans une liesse et une foule.
40:48 – Oui, on essaie de la toucher, on raconte même qu'elle ressuscite un enfant.
40:51 Enfin, il y a des choses là où…
40:52 – Oui, plus tard, effectivement.
40:53 Cette ferveur populaire qui entoure Jeanne sera là très vite, très tôt,
40:57 et ne va jamais se démentir.
40:59 Effectivement, les femmes veulent la voir, la toucher,
41:02 lui faire toucher des médailles.
41:03 Elle n'aime pas tellement cela, d'ailleurs.
41:07 Mais en parlant des femmes, il faut dire aussi que les femmes,
41:10 et les femmes de l'aristocratie vont demander à voir Jeanne.
41:13 Il y a aussi une fascination pour ces grandes dames,
41:17 ces dames de la noblesse, de ce personnage qu'incarne déjà Jeanne.
41:23 Elle est déjà une figure héroïque.
41:25 – Est-ce que son exécution provoque un traumatisme national ?
41:29 – Difficile de le mesurer.
41:31 – Est-ce qu'il y a un chagrin collectif ?
41:33 – C'est difficile de le mesurer.
41:35 C'est difficile de le mesurer juste après l'exécution.
41:39 On a effectivement des témoignages de la scène même, de gens qui pleurent,
41:44 mais le retentissement sera sans doute très grand.
41:48 Mais il est difficile de le mesurer, si ce n'est d'attendre le procès en nullité,
41:52 1456, pour avoir des gens qui témoignent.
41:55 Mais ils témoignent de leur affection pour Jeanne.
41:59 C'est pourquoi on ne doit pas douter de ces témoins
42:03 qui n'ont pas été instrumentalisés politiquement.
42:07 Mais ils n'évoquent pas la tristesse,
42:09 ils parlent de leur attachement, de ce lien affectif.
42:11 – Surtout qu'elle participe vraiment à la naissance du sentiment national ?
42:15 D'abord une résistance populaire à l'anglais, puis le sentiment national ?
42:19 – Alors, Jeanne s'incarne dans un moment très particulier de la guerre de Cent Ans,
42:25 la deuxième partie de la guerre de Cent Ans,
42:28 qui au fond ne se traduit plus comme un conflit entre deux princes,
42:31 mais entre deux peuples.
42:33 Il y a des libelles qui s'échangent des deux côtés de la Manche,
42:36 où on s'injurie copieusement.
42:38 Il y a des traités politiques qui vont naître à la suite du traité de Troyes,
42:43 qui abandonnent quand même la couronne de France au vainqueur d'Azincourt.
42:47 – Oui, bien sûr.
42:49 – Et donc ce régent, personne n'en veut, parce qu'il est régent d'abord, Henri V.
42:53 Bon, il meurt avant Charles VI.
42:55 Mais quoi qu'il en soit, les effets du traité de Troyes
42:59 vont aussi avoir une incidence sur le sol français.
43:05 Des juristes, des penseurs vont s'opposer à cet effet du traité,
43:10 le dénonçant comme inique et illégal.
43:13 La souveraineté, la souveraineté n'est pas accessible comme un bien privé.
43:18 Et dans des territoires occupés,
43:21 parce que même si les Anglais sont légitimement installés en France,
43:26 cela ne va pas de soi.
43:27 Henri V doit faire la guerre pour imposer son autorité,
43:30 demander le serment à tous les sujets du royaume,
43:32 en Normandie, où ils sont à présent,
43:35 où ils vont chasser des nobles de leur terre,
43:38 où ils vont chasser des petits aussi, de leur maison et de leurs ateliers.
43:41 Il y a une résistance spontanée qui va naître à l'occupant anglais,
43:46 de tous ces hommes, mais de ces femmes aussi,
43:49 qui vont vivre, disent, 20, 30 ans dans les forêts.
43:51 Cette résistance, une vraie résistance populaire
43:55 qui n'est guidée et commandée par personne.
43:57 Elle est évidemment très forte en Normandie,
44:00 il y a des soulèvements d'ailleurs,
44:03 on n'a pas le temps d'en parler,
44:05 mais il y a d'autres, comment dirais-je, réseaux de résistance.
44:10 J'évoquais vos couleurs, évidemment c'est une terre royale,
44:14 mais Annechâteau qui n'est pas une ville française,
44:17 il y a des partisans du Dauphin.
44:20 Et Jeanne, elle gravite quand même dans un environnement politique
44:23 où il y a des gens qui tiennent pour le parti du Dauphin.
44:28 Donc Jeanne s'inscrit aussi dans ce mouvement de résistance populaire,
44:33 de ces petites gens qui prétendent, mais avec force et raison,
44:37 que les Anglais n'ont pas de légitimité à rester là en France.
44:41 – Et 600 ans après, avec le recul,
44:44 des historiens, est-ce qu'on peut dire que vraiment
44:46 ce fut un personnage clé providentiel ?
44:49 Est-ce que les choses auraient été très différentes
44:51 sans Jeanne d'Arc, finalement ?
44:54 – L'historien ne peut pas répondre à cette question.
44:55 – Non, on ne va pas faire de chronique.
44:57 Mais oui, elle fut un personnage providentiel.
45:01 Vous le savez aussi bien que moi,
45:03 on a souvent fait un parallèle entre Jeanne d'Arc et De Gaulle.
45:05 Donc il y a comme ça, dans les moments où la France
45:08 est entrée dans une crise profonde, des hommes, une femme,
45:12 pour redresser la tête et combattre ce destin funeste.
45:17 Donc oui, elle a à un moment donné bougé les lignes.
45:21 Et pour autant, il faudra encore attendre de nombreuses années
45:25 avant que le roi recouvre pleinement son territoire.
45:28 – Alors il nous reste quelques minutes pour une question plus personnelle.
45:31 Quel est votre rapport à Jeanne d'Arc après l'avoir étudiée ?
45:35 Vous la représentez comment ? Vous l'incarnez comment ?
45:38 On a parlé un peu de cinéma, vous avez évoqué le cinéma tout à l'heure.
45:41 Je crois que la première représentation cinématographique date de 1898.
45:46 On a Ingrid Bergman, on en a d'autres qui sont totalement diaphanes,
45:50 exaltées, réolées de blancs.
45:52 Et puis on a la Jeanne d'Arc cocaïnomane de Luc Besson,
45:57 ou Sandrine Bonnet aussi je crois dans le film de Rivette.
46:01 Vous la représentez comment et quel est votre rapport à Jeanne d'Arc ?
46:06 – Il est difficile pour moi de résumer en quelques mots mon rapport à Jeanne d'Arc.
46:13 Il y a une fascination, une admiration, c'est évident,
46:15 pour le courage de cette femme.
46:17 Elle est une lumière pour ces moments difficiles où tout le monde doute,
46:23 où il y a comme ça des personnalités très fortes
46:26 qui vont emporter l'enthousiasme des autres.
46:30 Et pour ce qui est du cinéma, c'est vrai qu'au fond,
46:34 il n'y a pas beaucoup de films qui puissent correspondre
46:38 à l'image que je peux m'en faire, mais c'est une opinion personnelle.
46:42 Moi j'aime bien le film de Rivette.
46:44 Je trouve que Sandrine Bonnet a une certaine prestance physique,
46:48 une force physique, elle n'est pas justement une petite brindille
46:52 perchée sur un destrier.
46:54 Évidemment, on a parlé de Jeanne comme une paysanne,
46:59 elle est formée quand même aussi aux travaux un peu rudes,
47:03 donc elle devait être assez solide physiquement.
47:07 Donc non, c'est vrai que c'est difficile de trouver aujourd'hui
47:12 une représentation juste, parce qu'on n'en a pas non plus.
47:16 Alors moi je travaille à un projet là.
47:18 Oui, mais vous m'avez demandé quels étaient les suites.
47:21 Mais l'avantage c'est qu'en travaillant sur l'outil numérique,
47:24 puisqu'il s'agit en fait d'un documentaire à partir d'images numériques,
47:30 c'est pas vraiment un documentaire, puisqu'au fond,
47:32 on raconte une histoire, mais sans utiliser des acteurs.
47:36 Donc ces images numériques nous permettent des précisions
47:41 qu'on n'a pas forcément, ni les moyens, ni les possibilités
47:45 de réunir derrière une caméra.
47:47 Quand on regarde les films qui ont été tournés sur Jeanne Ack,
47:51 beaucoup plus d'ailleurs sur le procès que sur le volet militaire,
47:55 "Les armures font sourire", ou "Les armements aussi",
47:59 "Besson et ses machines de guerre".
48:01 Or aujourd'hui on a un public, et un public de jeunes gens d'ailleurs,
48:05 de plus en plus exigeants sur ces questions d'armure, d'armes, de vêtements.
48:09 - Oui, de colis à l'art.
48:11 - Voilà, donc c'est vrai que cette option de création est intéressante.
48:15 - Tenez-nous au courant, nous en parlerons à nos téléspectateurs.
48:18 Je rappelle Valérie Tourey, votre jeune d'arc paru chez Perrin en 2020.
48:24 Vous allez maintenant retrouver la petite histoire de Christopher Lanne,
48:28 mais avant, n'oubliez pas de cliquer sur le pouce levé sous la vidéo
48:31 et de vous abonner à notre chaîne YouTube.
48:34 Merci et à bientôt.
48:36 [Générique]
48:45 Je vais vous parler de l'incroyable libération d'Orléans.
48:49 [Générique]
49:04 [Musique]
49:09 Alors le contexte, il est pas jojo, je dois vous l'avouer,
49:12 on est en pleine guerre de cent ans, la France est dans un état lamentable,
49:15 déjà à l'époque, aujourd'hui on a l'habitude, mais lamentable.
49:18 Le roi légitime Charles VII a été déshérité en 1420 par le traité de Troyes,
49:23 la moitié de la France est occupée par les anglo-bourguignons,
49:26 et là je vous mets une petite carte des familles qui va bien pour vous illustrer tout ça.
49:30 Et le 17 octobre 1428, les anglais décident de bon matin comme ça
49:35 d'aller mettre le siège devant Orléans.
49:37 Pourquoi Orléans ? Déjà parce que c'est joli, on va pas se mentir,
49:40 et ensuite parce que c'est vraiment une ville clé, capitale,
49:43 c'est une ville symbolique et en plus c'est le verrou de la Loire.
49:46 Je vous remets la petite carte qui va bien, vous voyez que si Orléans tombe,
49:49 les anglais continuent leur progression vers le sud,
49:51 le sud c'est-à-dire la France qu'occupe Charles VII, il vit actuellement à Bourges.
49:55 Charles VII, lui, il est complètement démoralisé, il attend qu'Orléans tombe
50:00 et il songe déjà à se retirer dans le Dauphiné, voire carrément à quitter la France.
50:04 Alors c'est pour vous dire que quand Jeanne arrive, la France est dans un état critique,
50:09 on peut le dire.
50:10 Et pourtant, grâce à elle, tout va changer en quelques mois, quelques semaines.
50:15 Du haut de ses 17 ans et de ses 1,60 m, Jeanne va se muer en chef de guerre.
50:19 Elle va aller rencontrer le roi Achinon, elle va ensuite passer un examen,
50:23 puis on va la désigner, après des entraînements et un équipement, comme chef de guerre.
50:28 Chef de guerre, une gamine de 17 ans.
50:30 La première mission de Jeanne, qui est envoyée de Dieu, guidée par ses voix,
50:34 Sainte Catherine et Sainte Marguerite,
50:36 sa première mission c'est de délivrer Orléans.
50:38 Et ensuite d'aller faire sacrer Charles à Reims.
50:41 Mais la première c'est vraiment de délivrer Orléans,
50:44 c'est pour vous dire à quel point le sort de cette ville était très important.
50:48 Jeanne arrive à Orléans le 29 avril 1429.
50:51 Alors là, vous vous doutez bien, elle fait une entrée triomphale dans la ville,
50:55 parce qu'à Orléans, la situation aussi est critique.
50:57 La famine règne et on n'attend plus qu'un miracle.
51:00 Et bien ce miracle arrive enfin, Jeanne est là, sur son cheval blanc,
51:04 avec son étendard, on veut la toucher, on veut toucher cette ange, cet envoyée de Dieu.
51:09 Jeanne est enfin à Orléans et elle n'a qu'une envie, c'est agir, foncer contre les Anglais.
51:14 Et on la comprend.
51:15 Mais pour l'instant, il faut attendre.
51:17 Le parti de l'inaction se manifeste déjà, il se manifestera tout au long de son aventure.
51:22 On lui dit, et particulièrement le comte de Dunois, appelé aussi le bâtard d'Orléans,
51:26 qui était chargé de la protection de la ville,
51:28 on lui dit qu'il vaut mieux attendre les renforts préparés par le roi à Blois.
51:32 Jeanne insiste, mais elle n'a pas le choix, alors pendant 5 jours, elle va devoir attendre.
51:36 Et que va-t-elle faire pendant ces 5 jours ?
51:38 Elle va s'occuper comme tout le monde, j'ai envie de dire, en allant insulter les Anglais.
51:43 Voilà, rien de plus normal.
51:44 4 mai 1429, les renforts envoyés par le roi arrivent enfin.
51:49 Là, juste avant, je vais vous mettre une petite carte du siège d'Orléans
51:52 pour que vous compreniez bien ce qui se passe.
51:54 Comme vous le voyez, la ville est encerclée par les Anglais,
51:56 qui ont construit tout un tas de bastides, de petits forts, de forteresses autour de la ville.
52:01 Les portes de la ville sont inaccessibles, à l'exception d'une seule, vous la voyez à l'est là,
52:05 la porte de Bourgogne, qui est gardée par la bastide Saint-Loup, mais qui est mal gardée.
52:10 C'est par là que les vivres et les renforts arrivent encore.
52:13 Et lorsque l'armée de secours arrive, le 4 mai 1429, à cette porte de Bourgogne,
52:18 eh bien, il y a des hommes qui vont tenter une sortie.
52:20 Comme ça, sans consulter leur chef, ils voient qu'il y a des renforts qui arrivent,
52:24 en avant Jeannot, on y va.
52:25 C'était courant à l'époque, hein, de tenter des sorties, on avait un petit coup dans le nez, hop, on y allait.
52:30 Nous sommes alors en plein après-midi, et Jeanne est en train de dormir à ce moment-là.
52:34 Petite sieste, quoi, normal.
52:35 Et là, nous dit son page, Jeanne a été miraculeusement réveillée par ses voix.
52:39 Ses voix lui ont dit d'aller immédiatement contre les Anglais.
52:42 Jeanne se lève, arrive vers son page dans la précipitation, puis elle s'équipe,
52:47 elle monte sur son cheval, elle se fait donner son étendard par la fenêtre,
52:51 et elle fonce droit au combat.
52:52 Lorsqu'elle arrive à la Bastide Saint-Loup, les Français sont démoralisés,
52:56 ils sont en train de battre en retraite, et lorsqu'ils aperçoivent Jeanne,
52:59 ils se mettent à pousser des "Houra" et à repartir dans l'autre sens,
53:03 et l'assaut reprend avec vigueur.
53:05 La Bastide tombera avant la nuit, Jeanne a été d'une vaillance extraordinaire au combat,
53:10 toujours en première ligne, c'est sa première victoire.
53:13 Le lendemain, 5 mai, c'est le jour de l'Ascension,
53:15 alors le jour de fête religieuse et respectée, on ne combat pas.
53:18 Mais dès le lendemain, le 6 mai, Jeanne repart à l'assaut,
53:21 alors qu'encore une fois, le parti de l'inaction ne voulait pas attaquer.
53:24 Mais Jeanne entraîne les hommes avec elle, et les amène devant la Bastide des Augustins,
53:30 qui est à l'extrémité du pont, comme vous le voyez sur la carte.
53:33 Le combat va être violent, il va durer toute la journée,
53:36 mais finalement, la Bastide va être emportée, encore une victoire pour Jeanne.
53:40 Le soir de cette bataille, Jeanne prévient "Attention, demain, le sang me sortira du corps par au-dessus de mon sein".
53:46 Et bien c'est précisément ce qui va se passer, puisque le lendemain, le 7 mai,
53:50 Jeanne arrive avec ses hommes, avec l'armée, devant la Bastide des Augustins,
53:54 qui finissait de bloquer le pont, et je vous remets la carte.
53:56 Je suis sympa quand même avec mes cartes !
53:58 Elle avait dit qu'elle serait blessée au-dessus du sein,
54:00 et c'est précisément ce qui va se passer, puisque lors de cet assaut,
54:03 Jeanne va prendre elle-même une échelle, la poser contre la rempart, et monter à l'assaut.
54:07 Et là, elle va être touchée à l'épaule par un trait d'arbalète.
54:11 On emmène Jeanne à l'écart, la blessure est grave tout de même,
54:13 alors on la soigne, et que fait-on à l'époque ?
54:15 Déjà, Jeanne s'arrache la flèche elle-même, tranquillement,
54:18 et ensuite, que fait-on à l'époque pour soigner les plaies ?
54:21 Et bien on met de l'huile d'olive et du lard dessus, tout simplement.
54:24 On garde Jeanne au repos, mais elle ne veut rien entendre,
54:27 elle veut repartir à l'assaut alors qu'elle est grièvement blessée,
54:30 et lorsqu'elle arrive, les Français sont découragés et commencent à se replier.
54:35 Jeanne saisit alors son étendard, et repart à l'assaut,
54:38 et lorsque les Français voient l'étendard de Jeanne s'agiter au vent, c'est reparti.
54:43 L'assaut reprend avec force, et avant la nuit, la Bastide tombe.
54:47 Et comme l'avait prédit Jeanne également, l'armée avec Jeanne rentre à Orléans par le pont.
54:53 Là dans la ville, on lui fait un triomphe, évidemment.
54:56 Voilà l'espoir qui se matérialisait avec son arrivée,
54:59 là il se concrétise avec déjà trois victoires en quatre jours,
55:03 alors que le siège dure depuis sept mois.
55:05 On va festoyer toute la nuit, et le lendemain matin,
55:08 les Anglais vont sortir de leur Bastide et se mettre en position de bataille.
55:13 Alors on se dévisage, on s'observe, on se regarde, rien ne se passe pendant une bonne heure,
55:18 et ensuite les Anglais tournent les talons et s'en vont.
55:22 Nous sommes le 8 mai 1429, et les Anglais lèvent le siège d'Orléans.
55:27 Le siège, rude, difficile, durait depuis sept mois.
55:31 Et là, Jeanne était arrivée, et neuf jours plus tard, la ville était libérée.
55:36 Je ne sais pas si vous vous rendez compte, mais la victoire de Jeanne était totale,
55:40 et elle y a contribué activement.
55:42 Elle n'a pas été qu'un fétiche, qu'une arme psychologique,
55:44 elle a été un véritable chef de guerre, et s'est comportée comme telle.
55:48 Dès lors, sa renommée en Europe va exploser, Orléans était libérée,
55:52 comme elle l'avait prédit dans sa mission, elle n'avait que 17 ans.
55:56 C'est une histoire folle, incroyable, et l'histoire de Jeanne est entièrement comme ça.
56:01 Ensuite, si vous connaissez la suite, c'est la campagne de la Loire,
56:04 puis le Sacre à Reims, etc.
56:06 Ce n'est pas fini pour Jeanne, loin de là.
56:08 [Musique]

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