Clotilde Courau, 54 ans ; Anne Brochet, 56 ; Valérie Bruni Tedeschi, 58 , Lea Drucker, 51. Aure Atika, Lea Drucker… 12 actrices témoignent dans ce documentaire intitulé « Re-belles : et si vieillir au cinéma n’était plus un drame » de la difficulté de trouver des roles intéressants une fois l’age de 40 ou 45 ans dépassé. Les rôles deviennent à partir de cet âge là pour les femmes de plus en plus stéréotypés. Certaines ont recours à la chirurgie esthétique pour rester parfaite en gros plan devant la caméra. Heureusement, il existe encore des contre exemples, mais le Festival de Cannes qui vient de s’achever a encore fait la part belle à des acteurs de plus de 50 ans comme Harrison Ford, Robert de Niro ou Johnny Depp. Certaines actrices françaises ont aussi refusé de participer à ce documentaire : Comme l’explique Sophie Pagès, scénariste et réalisatrice du documentaire : « c'est vrai que ce n'est pas le sujet sur lequel les actrices vont s'exprimer comme ça très, très librement. »
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00:00 Vous avez eu l'idée de ce documentaire, vous êtes Madame Cinéma sur Canal+, et aussi sur Europe 1.
00:05 Bonjour Sophie Pagès !
00:06 Bonjour !
00:07 Vous l'avez écrit, vous l'avez réalisé ce documentaire, elles sont nombreuses à témoigner.
00:10 Clotilde Courreau, 54 ans, Anne Brochet, 56, Valérie Brunit-Redeschi, Valéria Brunit-Redeschi, 58,
00:18 Léa Drucker, 51, mais j'avoue que celle qui m'a encore une fois le plus marquée, c'est elle.
00:23 Ce document d'archive en 96.
00:25 Annie Gérardot, après 15 ans de vache maigre, qui reçoit un César pour son rôle dans "Les Misérables" de Claude Lelouch.
00:31 Le César est attribué à Annie Gérardot dans "Les Misérables".
00:35 Ça fait tellement longtemps, je ne sais pas si j'ai manqué au cinéma français,
00:39 mais à moi le cinéma français a manqué follement et perdument, douloureusement.
00:47 Et votre témoignage, votre amour, me font penser que peut-être, je dis bien peut-être, je ne suis pas encore tout à fait morte.
00:59 (Applaudissements)
01:01 - Marie Choleva, en fait, elle n'avait pas tourné pendant 15 ans parce qu'elle avait dépassé, j'allais dire, la date limite, c'est ça ?
01:08 - Oui, c'est vrai qu'elle revenait d'une longue traversée du désert.
01:12 Cette archive, c'est incroyable, on peut la réécouter maintes et maintes fois, elle nous émeut toujours autant.
01:18 Mais oui, voilà, c'est vraiment un cri de joie, mais en même temps de désespoir,
01:24 où on sent toute la souffrance qu'Annie Gérardot a éprouvée pendant ces années,
01:29 où elle ne tournait pas et elle ne suscitait pas l'envie de la part des cinéastes, jusqu'à ce que Claude Lelouch lui propose ce rôle.
01:35 - Et en même temps, il nous explique dans votre documentaire, "Sophie Pagès et Laurie Choleva",
01:39 comment cette séquence incroyable qu'elle a tournée, qui lui a valu ce César,
01:44 était assez dure pour elle parce qu'elle avait des problèmes d'argent incroyables à ce moment-là.
01:48 - Oui, puis c'était un moment où elle n'avait pas envie, où elle lui a dit "on fait ça, vite fait".
01:53 C'est vraiment la surprise sur le tournage d'une séquence qui finalement s'avère être la scène où tout bascule du bon côté pour Annie Gérardot.
02:04 - Est-ce que c'est ce témoignage qui vous a donné envie, l'idée de faire ce documentaire, Laurie Choleva ?
02:09 - Alors sincèrement, non. Ce qui m'a donné l'envie de faire ce documentaire, déjà c'est de côtoyer des actrices au quotidien,
02:15 que j'aime, qui me fascinent, qui m'inspirent depuis toujours.
02:18 Et puis surtout, quand j'ai eu moi, 40 ans, j'ai éprouvé comme un sentiment d'angoisse,
02:23 de me dire "j'ai envie de faire encore tellement de choses, mais peut-être que dans 5 ans, 10 ans, je vais être périmée.
02:29 Est-ce que j'ai le droit de vieillir ? Comment ça se passe pour les femmes ?"
02:33 Et je me suis dit "non, c'est à moi d'être convaincue que je ne suis encore qu'au début".
02:37 Et de fil en aiguille, je me suis dit "si ces actrices qui nous inspirent tant le vivent bien, ça va parler à toutes les femmes".
02:45 En fait, à travers ces actrices, on parle de la société, on parle des femmes.
02:49 - On parle de la société. Sophie Pagès, il y a un chiffre qui m'a stupéfait dans votre documentaire.
02:53 21% de la population française sont des femmes de plus de 40 ans. Mais dans les films, c'est combien ?
03:00 - C'est 7% en 2021 de rôles offerts aux femmes de 50 ans et plus.
03:05 Et c'est en effet un chiffre un peu édifiant parce que, en gros, les femmes sont sous-représentées.
03:11 Les femmes de plus de 50 ans sont sous-représentées, elles sont très présentes dans la population française,
03:15 mais on ne les voit plus au cinéma.
03:17 - Et comment ça s'explique ? Vous avez beaucoup de témoignages. On leur propose d'abord toujours les mêmes genres de rôles, si je comprends bien.
03:23 - Ce sont des rôles en effet qui sont toujours plus ou moins stéréotypés,
03:27 qui sont des rôles, alors quelquefois de compagne de quelqu'un de plus âgé dont elles font un peu le garde-malade,
03:33 ou quelquefois ce sont elles-mêmes qui sont atteintes de maladies type Alzheimer ou elles perdent la mémoire,
03:40 ou alors ce sont des rôles de grand-mère ou des rôles de belle-mère, pas toujours très souriants.
03:45 Et c'est quelque chose en fait qui a été très bien mis en exergue par une association
03:53 qui s'intitule "Le tunnel de la comédienne de 50 ans" et en fait c'est une association de comédiennes
03:59 qui justement veut un peu réveiller les consciences et dire "mais nous avons d'excellentes actrices qui petit à petit n'ont plus de rôles
04:07 parce que tout simplement on ne leur en propose plus, il n'y en a plus, on n'a pas d'activité".
04:11 - Et il y a même une actrice qui dit qu'en gros ça bascule à la ménopause.
04:17 - Absolument, c'est Marina Thomé qui nous explique qu'il faut voir les choses tout à fait en face.
04:23 Au moment de la ménopause, comme la femme n'est plus fertile, c'est comme si les réalisateurs ou les scénaristes
04:30 n'avaient plus d'imagination eux aussi pour proposer des rôles à ces femmes-là.
04:34 - Alors il y a beaucoup d'actrices douces qui témoignent, Marie Gilin, Irène Jacob, Aurora Tica.
04:40 - Clotilde Courreau aussi.
04:42 - C'était facile de les faire parler de ça.
04:44 - Laurie Echoleva ?
04:46 - Alors celle-là oui. Franchement celles qui sont venues dans notre documentaire avec Sophie, on n'a eu aucun problème.
04:52 Elles étaient même contentes d'en parler, elles le prennent même avec le sourire.
04:56 Et puis ce sont des actrices. Nous ce qu'on voulait en fait, et c'était vraiment important pour nous,
05:00 c'est de proposer un documentaire positif avec des femmes qui se sentent bien, avec des témoignages positifs,
05:05 avec des vraies réussites.
05:07 - Mais est-ce qu'il y en a qui ont refusé de parler ?
05:09 - Ah bah bien sûr !
05:10 - Oui, il y en a beaucoup. Il y en a qui ont refusé. Après c'est jamais un...
05:13 Franchement personne nous a dit "non je veux pas parler de ça".
05:16 C'est toujours "ah, soucis de calendrier, c'est compliqué, on répond pas, je passe mon tour".
05:21 Voilà, de la part de l'agent, bien souvent c'est l'agent qui répond à la place.
05:24 Il y en a aussi, je ne sais même pas si la demande est arrivée jusqu'à elle.
05:27 - C'est surtout ça oui.
05:28 - Sophie Pagès ?
05:29 - Oui, pardon. Il y en a beaucoup, je pense que tu as parfaitement raison Laurie.
05:32 Il y en a beaucoup, on a fait la demande.
05:34 Et j'ai l'impression que les intermédiaires filtrent en se disant
05:36 "c'est peut-être pas l'image qu'on veut que notre comédienne projette".
05:40 Et puis pour d'autres c'était bien sûr des problèmes d'agenda, de machin.
05:43 Mais c'est vrai que ce n'est pas le sujet sur lequel les actrices vont s'exprimer comme ça, très très librement.
05:47 - Et c'est pour ça que ce documentaire est vraiment passionnant à regarder.
05:50 - Bah si !
05:51 - Parce qu'on a ces témoignages.
05:53 Alors il y a quelque chose qui m'a beaucoup intéressé, c'est la tentation de la chirurgie esthétique.
05:59 Vous parlez d'un contre-exemple, moi je n'avais pas réalisé, c'est Nicole Kidman.
06:02 Qu'est-ce que tu lui es arrivé à Nicole Kidman, Sophie Pagès ?
06:04 - Ça va mieux d'ailleurs, je trouve récemment.
06:06 - Elle s'est détendue, c'est le cas de le dire.
06:08 - Elle a pas arrêté de se faire...
06:10 - Dans le documentaire nous avons interviewé Muriel Joudet, qui est une autrice formidable
06:15 et qui a cette analyse très juste de Nicole Kidman, qu'elle considère s'être enfermée dans sa propre perception de la perfection.
06:24 C'est-à-dire qu'à la fois il y a une injonction extérieure à rester jeune pour cette actrice,
06:29 et puis elle-même, cette idée de la perfection avec des traits qui doivent pas bouger depuis ses premiers rôles jusqu'à ses rôles d'aujourd'hui,
06:36 qui font que petit à petit elle en fait peut-être toujours un peu plus, après libre à chacun de faire ce qu'il veut.
06:42 En tout cas, elle tourne toujours Nicole Kidman.
06:44 - Oui, contrairement à d'autres actrices qui ont vraiment trop touché leur visage et qui ont complètement arrêté de tourner.
06:51 - Alors, vous en parliez un peu, Lori, vous vouliez être un petit peu optimiste.
06:56 Mais est-ce que vous trouvez vraiment que ça change ? Parce que regardez, qui a monté les marches cette année au Festival de Cannes qui vient de se refermer ?
07:02 C'est que des nonans génères et des octogénaires, je me trompe pas, Harrison Ford ?
07:06 - Oui, c'est vrai. - Vous avez vu des femmes sur les marches ?
07:09 - Alors, on a vu Julianne Moore. - Hélène Mirenne, mais elle était peut-être pas là pour un film.
07:14 - Hélène Mirenne, qui est-ce qu'on a vu ? - Vous avez raison, on est obligés de chercher.
07:18 - Clotilde Courreau a monté les marches, il y en a eu quelques-unes.
07:22 - Oui, sincèrement, franchement, les choses changent. Les choses changent parce que nous avons déjà de plus en plus de cinéastes femmes qui émergent,
07:30 qui offrent de beaux rôles aux femmes. Donc oui, ça avance. Moi, je pense notamment à Fanny Ardant dans "Les jeunes amants".
07:36 Elle est sublime, elle joue une femme qui a une histoire d'amour avec un homme beaucoup plus jeune qu'elle, qui est joué par Melville Poupeau.
07:42 C'est un très beau rôle de femme. Isabelle Huppert a aussi enchaîné des rôles fantastiques.
07:48 Oui, quand même, les choses changent, mais c'est vrai, trop lentement, et il y a encore trop de différences entre les rôles proposés aux femmes et ceux qu'on propose aux hommes.
07:55 Et c'est vrai que quand on voit Harrison Ford dans "Indiana Jones 5", on se dit "bon ben voilà, on n'a pas l'équivalent féminin".
08:01 - Merci Laurie Choleva, merci Sophie Pagès. - Merci à vous pour l'invitation. Merci beaucoup.