Céline Devaux, Bastien Bouillon, Davy Chou, Paul Kircher... la jeune garde du cinéma se livre

  • l’année dernière
A l’occasion d’un déjeuner intimiste organisé par Unifrance, à Cannes, les talents prometteurs du septième d’art francophone ont répondu à nos questions. Ces quatre talents à suivre de très près, évoquent l’acteur ou réalisateur qui leur a donné envie de se lancer dans ce métier, leurs projets futurs et, même, leur souvenir le plus incroyable de la Croisette.

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Transcript
00:00 Le réalisateur qui m'a donné envie de faire ce métier, c'est Alain Rennet,
00:02 parce que je regardais "On connaît la chanson" en VHS,
00:05 enregistré par ma grand-mère quand j'étais enfant.
00:08 Elle m'a dit d'aller siffler la roue sur la colline,
00:10 de l'attendre avec un petit bouquet d'églantine.
00:12 J'ai cueilli des fleurs, j'ai sifflé tant que j'ai pu.
00:14 J'ai attendu, attendu, elle est jamais venue.
00:16 Zai, zai, zai, zai, zai, zai, zai, zai, zai.
00:19 J'ai regardé ce film, je pense, une trentaine de fois.
00:22 Et j'ai compris qu'on pouvait faire une sorte d'objet d'art,
00:25 drôle, beau, émouvant, tout en même temps. Et je pense que ça m'a marqué pour toujours.
00:30 J'avais déjà envie de faire ce métier, mais c'est vrai que
00:32 quand j'ai vu "Nous ne vieillirons pas ensemble" avec Jean-Yann de Maurice Pialat,
00:37 ça m'a fait quelque chose.
00:38 T'as pas ton micro comme ça, quel con !
00:39 On est dans nos champs, pousse-toi !
00:41 Jean-Yann et Maurice Pialat, ils s'entendaient pas sur le tournage.
00:44 Dès le début du film, tu sens aussi que Jean-Yann,
00:47 il est pas content d'être là, mais à la fois c'est ça.
00:50 Il en fait le rôle, il en fait le film, et c'est trop fort.
00:53 Je pense que quand j'étais enfant et que je rentrais dans des loges de théâtre,
00:57 parce que mon père est metteur en scène,
00:59 je voyais les gens se préparer ou alors exulter à la sortie de scène.
01:05 Je pense que c'était plus globalement quelque chose de l'ordre du jeu
01:09 et de leur train de vie.
01:11 Et là, je parle pas de train de vie financier,
01:13 que je pouvais fantasmer quand j'étais enfant.
01:16 De façon évidente, Martin Scorsese.
01:19 Parce que je me suis pris de passion pour lui.
01:20 J'ai lu tous les bouquins qu'il y avait sur lui en français quand j'étais gamin.
01:23 Le premier que j'ai vu, je pense que c'est Taxi Driver.
01:25 - Mais qui est-ce que tu parles ? Tu parles à moi ?
01:28 - Ah non, non, non, le premier que j'ai vu c'est À tombe ouvert au cinéma.
01:30 - Non !
01:31 - Non !
01:32 - C'est pas le film le plus connu de Scorsese ou le plus… dont on parle le plus,
01:35 mais comme moi c'était le premier que j'ai vu en salle,
01:37 c'était une obsession totale pour moi, À tombe ouvert, avec le génial Nicolas Cage.
01:40 - C'est les premiers cannes qui sont le plus marrants,
01:46 quand tu vas dormir chez quelqu'un, que tu t'ouvres la porte dans le noir,
01:51 c'est un ami de l'ami qui t'amène, tu sais pas chez qui tu vas dormir,
01:54 on te dit couche-toi là, fais pas de bruit, hop !
01:57 Le matin tu te réveilles, ils sont limite déjà partis,
02:00 t'as dormi ou alors un lit simple, qui dit avec ton pote,
02:03 tu prends le sommier ou tu prends le matelas ?
02:05 Moi je prends le sommier, demain tu prendras le matelas, hop !
02:08 Des trucs comme ça, après tu te traînes dans un parc,
02:10 tu te demandes du feu, il y a un chien qui te mord,
02:13 voilà, des trucs comme ça quoi, mais maintenant c'est plus…
02:17 - J'étais dans le hall d'un hôtel,
02:19 et en fait, descendre des marches avec une cigarette un peu particulière,
02:25 Maths Mikkelsen, t'aurais pu croire qu'il était dans James Bond encore,
02:28 et ça c'était une petite cannerie.
02:30 - Ce qui m'a marquée à Cannes l'année dernière,
02:32 en dehors du fait que c'était une des plus grandes émotions de ma vie,
02:34 parce que je montrais mon premier film pour la première fois au monde,
02:38 donc je pense que rien ne dépasse cette émotion-là, en tout cas dans mon métier,
02:42 mais je suis arrivée très très tôt, pour diverses raisons,
02:45 et donc pendant deux, trois jours, j'avais stricto rien à faire.
02:48 Donc j'étais toute seule, personne n'était vraiment là,
02:51 et j'avais pas de rendez-vous, et j'arrêtais pas de croiser des gens qui étaient là,
02:54 "ah attends, je te laisse, j'ai rendez-vous avec un journaliste",
02:56 et moi je ne foutais rien,
02:57 donc j'étais un peu lost in translation dans cette ville qui avait l'air surexcitée,
03:02 et moi il se passait rien pour moi, c'était assez angoissant.
03:04 Je me disais "bon bah c'est pas grave", et donc j'allais me baigner,
03:06 j'ai eu une vie très saine les trois premiers jours de Cannes l'année dernière,
03:09 je mangeais bien, j'allais nager.
03:11 Après, oui, après c'était plus du tout sain.
03:14 - Très simple, mon premier Cannes 2006, avec juste un badge cinéphile,
03:17 j'étais stagiaire dans une boîte de prod à la Zenec avec Alain Roca,
03:20 donc j'avais un badge, et donc je vais voir les films,
03:23 et on était un groupe de potes d'un site, un forum de cinéma qui n'existe plus,
03:27 qui s'appelait Média Critique,
03:28 donc des jeunes qui écrivent des critiques amateurs, on pourrait dire ça comme ça,
03:31 donc j'en faisais partie.
03:31 Et donc c'est notre premier Cannes à tous, on est ultra excités,
03:33 on a loué un appart, donc deux pièces où on dort à 23 dedans,
03:37 assez entassés sur le sol dans des sacs de couchage,
03:39 et à la fin du festival 2006, on voit plein de films,
03:42 vraiment 4 ou 5 films par jour,
03:44 ce qui est là, l'expérience en tant que jury, c'est la plus proche,
03:46 justement pour moi, de ces premières années à Cannes,
03:49 de cette première année,
03:50 et arrive vers la fin du festival, il y a En avant jeunesse, de Pedro Costa,
03:54 et là, Jacqui Goldberg, qui est mon meilleur pote,
03:56 il dit "Eh, David, t'as jamais vu de film de Pedro Costa ?"
03:58 Et je dis "Non, non, j'en ai pas vu, moi non plus, mais je crois que c'est très important,
04:01 donc là on est très fatigué parce que c'est la fin du festival,
04:03 ça va être très lent, mais il faut qu'on s'aide,
04:05 et donc si on s'endort, on se réveille."
04:06 Je fais "Ok, ça marche."
04:07 Et on se met du coup presque au premier rang,
04:09 on est assis au premier rang à l'orchestre,
04:11 le film commence, Pedro Costa est juste derrière nous,
04:13 et au bout de 10 minutes, on commence à piquer du nez,
04:15 donc on se pince,
04:17 au bout de 20 minutes, gros problème,
04:19 donc on se donne carrément des coups de poing dans l'épaule pour se réveiller,
04:21 et je pense qu'au bout de une heure, on laisse tomber et on s'endort jusqu'à la fin.
04:24 Et le film, je pense qu'il fait 2h30, quelque chose comme ça, je ne me rappelle plus,
04:27 et quand on est réveillé par les applaudissements,
04:28 évidemment on se lève et on applaudit comme si on avait vu tout le film,
04:31 on est un chef d'oeuvre.
04:35 Je m'apprête à commencer le tournage de l'adaptation du concours de Nicolas Mathieu,
04:41 "Leurs enfants après eux".
04:42 C'est réalisé par les frères Bukerma,
04:44 et donc ça se passe dans le grand est, comme dans le roman.
04:48 Me mettre à travailler.
04:50 Non, je rigole, mais ça fait un an là,
04:51 maintenant que j'ai fait la promo de "Retour à Seoul",
04:53 qui était assez dense et qui m'a amené à le présenter dans pas mal de pays.
04:57 J'ai eu un enfant aussi il n'y a pas longtemps,
04:58 donc c'est une circonstance d'admiration qui fait que je suis un peu procrastiné.
05:01 Ça fait plusieurs semaines que je suis en préparation d'un rôle dans le biopic
05:10 que "Grand corps malade" et "Médilith" s'apprêtent à faire sur Aznavour,
05:14 avec Tahar Rahim en Aznavour.
05:16 Je joue Pierre Roche, quelqu'un avec qui il a commencé.
05:21 Donc ça c'est le prochain projet qui arrive,
05:24 et je trépigne un peu là de me mettre vraiment dans le tournage
05:31 qui démarre la semaine prochaine.
05:33 Oui, j'ai écrit un nouveau film avec Sylvie Pialat,
05:37 avec qui j'avais déjà travaillé pour "Tout le monde aime Jeanne",
05:39 et c'est un secret.
05:41 On ne peut rien savoir.
05:42 Rien du tout, parce que j'ai l'impression que quand je parle de mes idées,
05:45 elles s'évaporent.

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