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00:00 avec moi sur ce plateau Bruno Cotteres,
00:02 chercheur au CNRS, au Cvipof,
00:04 enseignant à Sciences Po,
00:05 politologue.
00:06 Bruno Cotteres, bonsoir.
00:08 Merci d'être avec nous.
00:10 Marine Le Pen, on s'attendait
00:11 à ce qu'elle dise ça
00:13 devant cette commission à l'Assemblée nationale.
00:16 Est-ce que ça va suffire à lever les soupçons
00:18 d'ingérence russe ?
00:19 -C'est un dossier difficile et compliqué
00:22 pour le RN et pour Marine Le Pen.
00:24 On se rappelle tous du débat de l'entre-deux-tours
00:26 où Marine Le Pen avait été particulièrement attaquée
00:30 par Emmanuel Macron sur cette question
00:32 de ses liens avec la Russie,
00:33 avec Poutine, avec les banques russes.
00:36 -Il avait estimé qu'elle parlait à son banquier
00:39 quand elle parle de la Russie.
00:40 -Elle a décrédibilisé en disant
00:42 que les Françaises ne peuvent pas élire
00:45 quelqu'un qui mange dans la main de Vladimir Poutine.
00:48 C'était ça, le message, fondamentalement.
00:50 Marine Le Pen a, de ce point de vue-là,
00:53 un dossier qui est difficile.
00:54 Ça ne va pas suffire.
00:56 De toute façon, le dommage est déjà fait
00:58 dans l'opinion pour le RN.
01:00 C'est cette idée qui traîne,
01:02 qui est qu'au fond, non seulement le RN a eu besoin
01:05 à un moment donné de financement
01:07 que personne ne lui prêtait en France...
01:09 -C'était deux ans après la victoire de François Hollande.
01:13 -Voilà. Donc Marine Le Pen a toujours maintenu
01:15 la même ligne de défense,
01:17 qui est de dire qu'elle avait toqué à la porte
01:20 des banques françaises qui lui avaient refusé le soutien,
01:23 qu'elle avait été obligée d'aller demander un prêt
01:26 à une banque russe,
01:27 et qu'elle avait emprunté de l'argent.
01:29 -En même temps, ces financements
01:31 sont globalement accompagnés d'un alignement de son parti,
01:35 le Front National, à l'époque,
01:37 sur les positions du Kremlin.
01:39 Marine Le Pen, aujourd'hui,
01:40 tente de faire oublier toutes ses positions pro-russes,
01:44 ses voyages à Moscou.
01:45 Mais comme vous l'avez dit, c'est difficile à faire passer.
01:49 -C'est là où ça devient intéressant,
01:51 parce que le RN d'aujourd'hui,
01:53 effectivement, n'est plus dans la même position.
01:56 Marine Le Pen s'est qualifiée au deuxième tour en 2017,
02:00 elle s'est qualifiée au deuxième tour en 2022.
02:03 Elle a changé d'une certaine manière de stratégie.
02:06 Elle mise aujourd'hui sur la question
02:08 de la crédibilité gouvernementale du RN.
02:11 Il s'agit, par ailleurs, dans le contexte de la guerre,
02:14 de faire oublier les liens passés avec la Russie.
02:17 -Elle a défendu une ligne à écoeuillissance
02:20 entre les Etats-Unis et la Russie.
02:22 -C'est toujours difficile pour le RN,
02:24 qui a toujours souhaité prendre une position
02:27 qui était de dire qu'il y a une sorte de pensée dominante,
02:30 que la Russie serait l'ennemi absolu, le mal absolu.
02:33 C'est un dossier compliqué,
02:34 parce qu'avec la guerre en Ukraine, en particulier,
02:37 il devient très difficile.
02:39 Pour l'opinion en France, les choses sont très claires.
02:42 C'est bien l'agresseur qui est la Russie.
02:45 Le rejet de Vladimir Poutine,
02:46 un certain nombre d'enquêtes d'opinion sont disponibles.
02:50 Le rejet est vraiment très important.
02:52 Il inspire beaucoup de craintes et beaucoup une image très négative.
02:57 Pour un parti comme le RN,
02:59 qui essaie de se crédibiliser dans la perspective
03:02 des prochaines échéances,
03:03 il y a toujours un boulet à traîner.
03:06 -Et le comble, c'est que cette commission,
03:08 où on a vu Marine Le Pen s'exprimer tout à l'heure,
03:11 c'est qu'elle a été créée
03:13 par le groupe RN à l'Assemblée.
03:17 Est-ce qu'il n'y a pas un risque aussi
03:20 que ce soit une tribune
03:21 pour la présidente du RN,
03:25 pour se justifier, justifier ses positions,
03:27 et s'en prendre à Emmanuel Macron ?
03:29 Elle l'a tout à l'heure accusée de calomnie
03:32 après ses propos pendant la campagne présidentielle.
03:35 -Une ligne de défense assez classique chez Marine Le Pen,
03:38 qui a régulièrement, particulièrement au débat en 2017,
03:42 moins dans le débat de 2022, mais particulièrement en 2017,
03:45 voulu contre-attaquer en disant
03:47 que Emmanuel Macron, lui-même, n'est-il pas l'ami des banquiers.
03:51 On voit un élément de sémantique extrêmement fréquent
03:54 auprès de la présidente du RN,
03:56 ancienne présidente du RN,
03:58 future candidate, sans aucun doute,
04:00 de son parti à la présidentielle de 2027,
04:03 qui essaie de gommer, on va dire, ses liens avec la Russie,
04:06 en rappelant les liens d'Emmanuel Macron
04:08 avec le milieu des banques.
04:10 -François Bayrou avait proposé, en 2017,
04:12 puis cinq ans plus tard, de créer une banque de la démocratie,
04:16 qui permettrait aux partis de se financer
04:18 de manière transparente, sans passer par une banque privée.
04:22 Ca en est où, cette idée ?
04:24 Est-ce que ça serait la solution, finalement,
04:26 pour laver de tout soupçon d'ingérence
04:28 les partis politiques ?
04:30 -C'est une idée qui est un peu mortenée,
04:32 parce qu'il y a eu une vraie bonne idée.
04:34 Notre vie politique, au cours des 30-40 dernières années,
04:38 a eu plusieurs dossiers à affronter,
04:40 en particulier celui des soupçons,
04:42 voire des réalités de corruption,
04:44 de fonds secrets qui alimentaient la vie politique.
04:47 Il y a eu un certain nombre de scandales
04:49 dans notre vie politique, dans les années 1990,
04:52 et la législation, le droit,
04:54 et puis aussi les politiques publiques
04:56 ont beaucoup évolué dans le sens de davantage de transparence,
04:59 de soutien public à la vie politique,
05:02 à travers le financement des partis politiques,
05:04 à travers un éclaircissement des règles
05:07 du financement des campagnes électorales.
05:09 Mais il y a toujours cette question,
05:11 qui est, au moment de l'élection présidentielle,
05:14 qui court après les fameuses 500 signatures
05:16 ou court après l'argent.
05:18 De ce point de vue-là, la situation n'est pas optimale.
05:21 Les personnes morales en France
05:23 ne peuvent pas financer la vie politique.
05:26 Les candidats à l'élection présidentielle
05:29 peuvent recevoir des dons privés,
05:31 mais pas des dons de personnes morales ou d'entreprises.
05:34 C'est peut-être une bonne chose,
05:36 car ça évite les circuits entre la vie économique et la politique.
05:39 Par contre, ça pose la question du financement régulier
05:43 des candidats à l'élection présidentielle
05:45 et des formations politiques
05:46 qui ne peuvent pas recevoir de financement public.
05:49 -Une ingérence via les partis politiques.
05:52 On observe aussi des ingérences étrangères
05:54 via les réseaux sociaux.
05:56 Comment réguler ça, aujourd'hui,
06:00 dans la vie politique française ?
06:02 -C'est un travail de longue haleine.
06:04 Il n'y a pas de solution miracle qui va s'imposer tout de suite.
06:08 Il est évident qu'autour de davantage de civisme numérique,
06:13 davantage de civisme digital, de meilleurs comportements,
06:16 aussi une question d'éducation de longue durée.
06:19 Il y a un gros sujet, je pense.
06:21 Aujourd'hui, on bénéficie tous
06:23 d'un extraordinaire environnement digital et numérique.
06:26 Nos vies ont changé depuis l'existence de ces réseaux sociaux.
06:30 C'est devenu une sorte de place publique permanente,
06:34 de canot de communication extrêmement intéressant,
06:37 mais malheureusement souvent très mal utilisé.
06:39 Donc il y a la question de la lutte contre la désinformation.
06:43 Les chaînes d'information, vous en faites partie,
06:45 ont un rôle éminent à jouer,
06:47 en particulier les chaînes d'information du service public.
06:50 -Merci, Bruno Cotterest, d'avoir été notre invité.