"Fille de Samouraï" d’Etsu Sugimoto - La chronique de Juliette Arnaud

  • l’année dernière
Aujourd'hui, Juliette nous parle du roman d’Etsu Sugimoto, Fille de Samouraï.

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00:00 17h27 sur France Inter, c'est encore classe, le mercredi, chaque mercredi, sans discontinuer,
00:07 ma chère Juliette Arnault, vous nous proposez la lecture de classique.
00:10 Je pense que c'est la première fois que vous nous parlez d'un classique japonais,
00:13 me semble-t-il ?
00:14 Il y a très très très longtemps de ça, j'avais fait un...
00:17 Mais il y a très longtemps, c'était très bien.
00:19 Moi je m'en souvenais.
00:20 Moi je m'en souvenais.
00:21 Non, vous ne vous en souvenez pas du tout, Alex Vizorek.
00:23 C'était à l'époque où on faisait de l'audience.
00:25 Un classique japonais.
00:26 Qui s'intitule "Fille de samouraï d'Etsu Sugimoto".
00:31 Et c'est donc l'histoire de la fille d'un samouraï racontée par elle-même.
00:35 Et si vous vous imaginez que cette histoire va être pleine de sabres, de combats épiques,
00:39 dans des champs de cerisiers en fleurs, avec du vent, et des samouraïs qui ne craignent
00:43 qu'une chose, le déshonneur, passer votre chemin, c'est pas ça du tout.
00:47 Mais il y a une excellente raison à ça.
00:49 Et l'excellente raison c'est que la petite fille, Etsu Sugimoto, elle est née en 1874
00:54 et elle grandit donc au début de l'ère Meiji.
00:56 L'ère Meiji c'est pile le moment où le Japon bascule d'un système féodal tenu par les samouraïs.
01:01 Les samouraïs c'est la classe guerrière qui a dirigé le Japon pendant 700 ans.
01:05 Vers un système industriel à l'occidentale.
01:07 Et les samouraïs, ma foi, ils tentent de s'adapter.
01:10 Sauf que quand ton code moral regarde l'argent avec un mépris absolu et que tu fais face
01:14 à l'esprit d'entreprise et le sens du commerce des Américains,
01:17 eh ben tu te prépares à l'abourrer dans les rochers.
01:19 Mais, le samouraï qui est le père de la narratrice,
01:22 quoique samouraï jusqu'au bout de son kimono en soi,
01:25 il veut s'adapter, en tout cas il veut comprendre.
01:27 Il veut essayer de saisir ce qu'il peut y avoir de positif dans tout ça.
01:32 Et il est attentif par exemple à ce que lui souffle son médecin qui est fan de médecine occidentale.
01:37 Alors là il y a une scène lunaire pour Etsu, elle a 8 ans, elle rentre de l'école
01:40 et elle trouve à sa maison un air de deuil.
01:42 Et quand elle questionne sa grand-mère, troublée, inquiète, quelqu'un est-il mort ?
01:45 La grand-mère lui répond la chose suivante.
01:48 "Ton honorable père a donné l'ordre de manger de la viande dans la maison.
01:51 Le sage médecin, qui suit le sentier des barbares occidentaux,
01:55 lui a déclaré qu'elle rendrait ses enfants robustes et intelligents."
01:58 Oui, c'est la première fois de sa vie qu'Etsu va manger de la viande.
02:01 On notera la politesse infinie de la grand-mère, gardienne du sanctuaire,
02:05 mais qui n'empêche pas l'expression de son manque patent d'enthousiasme.
02:08 Les barbares occidentaux.
02:09 Scène lunaire pour moi électrice parce que j'ignorais totalement qu'avant l'armée de Jille,
02:12 le Japon était parfaitement végétarien
02:14 et que la viande était un objet d'horreur et de dégoût.
02:18 Je répète, coucou les hommes, les vrais, les samouraïs,
02:21 ce modèle de guerrier absolu mangeait des radis, des herbes et des citrouilles.
02:26 Fin de la parenthèse.
02:27 Et finalement, tout fut lunaire dans cette lecture et tant mieux.
02:30 Et j'en avais été prévenu des lignes qui pitent, précieux et modestes en même temps.
02:33 Je le cite.
02:34 "Aux yeux des étrangers, le Japon est un pays où le soleil brille et où les cerisiers fleurissent."
02:39 Alors Etsu commence par nous raconter un hiver de son enfance,
02:42 dans sa province reculée de la côte nord-ouest du Japon,
02:44 où la neige tient souvent de décembre à mars
02:47 et les fleurs de cerisiers symbolisent surtout la brièveté de la vie.
02:50 Où, en bonne fille de samouraï, elle apprend entre autres l'écriture.
02:53 Or l'écriture japonaise nécessite un travail lent et soigneux
02:57 et elle travaille dans une pièce pas chauffée, délibérément.
03:00 Et ses doigts se glacent, se violacent, qu'importe, il faut tenir.
03:03 Je cite Etsu.
03:04 "Le contrôle mental qu'exige le coup de pinceau quand on peint les caractères idéographiques japonais,
03:09 ce travail veut une fermeté et une exactitude de touche parfaite.
03:13 En conduisant la main avec soin, nous apprenions aussi à tenir notre esprit en laisse."
03:19 Intéressant, non ?
03:21 Sauf qu'alors surgit une question vitale.
03:23 Est-ce qu'un esprit en laisse peut écrire un bon livre ?
03:25 Je ne suis pas sûre de ça du tout.
03:27 Sauf qu'Etsu, quoique docile fille de samouraï, vit l'ère du changement.
03:31 Sauf qu'elle est frappée d'une disgrâce que je connais bien.
03:34 Dans un pays de filles à cheveux plats, elle est porteuse,
03:36 je cite un membre de sa famille, de vilains cheveux tordus qui rappellent la fourrure des animaux.
03:41 Sauf qu'Etsu, à peine jeune fille, va faire un immense voyage.
03:44 Elle va quitter sa petite ville pour aller épouser un japonais installé sur la côte ouest des Etats-Unis.
03:49 Et à son tour expérimenter d'avoir des yeux d'étrangère.
03:52 Ce que je vous conterai la semaine prochaine.
03:54 Merci, bisous, merci.
03:55 Julie Tarnot, merci.
03:57 Dites-nous, les classiques c'est tellement vaste.
04:00 Enfin, déjà les livres qui sortent en général.
04:02 Déjà, les livres qui sortent en général.
04:03 Plus les classiques, c'est vertige d'eux.
04:06 Alors, on se demande à chaque fois, comment vous avez eu l'idée de choisir celui-là ?
04:09 Eh bien, il a été publié la première fois aux Etats-Unis en 1925.
04:13 Et il y a une petite maison d'édition française qui vient de le rééditer.
04:17 Et donc, je l'ai vu arriver et je l'ai trouvé très beau.
04:21 C'est une photo d'Etsu Sugimoto.
04:23 Et j'ai trouvé ça très très beau.
04:24 Et je me suis dit, tiens, ça faisait longtemps que je n'avais pas parlé du japonais.
04:26 Et puis, je n'y connais pas grand-chose non plus.
04:28 C'est comme ça que je m'instruis.
04:29 C'est donc à la faveur d'une réédition et vous vous rappelez du nom ?
04:32 La maison c'est Bertilla.
04:34 Merci à la maison Bertilla.

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