Maximilienne nous livre son témoignage sincère et bouleversant, qui met en lumière sa résilience et sa force de caractère. Nous sommes fiers de vous présenter cette histoire inspirante et nous sommes convaincus qu'elle vous touchera autant qu'elle nous a touchés. N'hésitez pas à partager cette vidéo pour diffuser un message de courage et d'espoir autour de vous.#LaRéunion #Réunion #îledelareunion #ileintense #Enfantdelacreuse #Histoire #Lontan #Enfance #Maltraitance #Enfants #Gers #Souvenirs
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00:00 n'avaient aucune connaissance de nous.
00:04 Ils ne voyaient que notre couleur,
00:05 mais ils ne savaient pas d'où on venait exactement,
00:07 parce que personne n'avait pris soin de le dire.
00:10 J'ai quitté La Réunion à l'âge de 4 ans,
00:33 je ne sais pas pourquoi.
00:34 Je suis Maximilienne Fleury,
00:36 je suis née le 5 janvier 1962.
00:40 Lorsque j'ai pris l'avion,
00:41 il y avait d'autres enfants que je ne connaissais pas,
00:44 qui étaient accompagnés comme moi.
00:46 Le voyage m'a paru très long,
00:48 quelques enfants pleuraient,
00:50 moi je ne pleurais pas, mais j'avais très peur.
00:53 Au petit matin, nous sommes arrivés,
00:55 je l'ai appris quelques années après,
00:57 que c'était la ville de Paris.
00:58 On a dû prendre le train,
01:00 et le train m'a menée directement dans le Gers.
01:04 Dans le Gers, j'ai atterri dans un aérium,
01:07 et j'y suis restée 3 ans.
01:08 En fait, dans ce centre, on apprenait aussi la communauté,
01:12 et puis on apprenait surtout à se débrouiller.
01:14 Quelques années après, un couple est venu.
01:18 Ce jour-là, nous étions 3,
01:20 c'est-à-dire qu'il y avait 2 garçons,
01:22 mais je ne savais pas encore que c'était mes frères.
01:24 Les parents, je ne savais pas ce que c'était.
01:28 Ils nous ont emmenés,
01:29 je dirais même qu'ils nous ont embarqués.
01:32 Le voyage était long,
01:34 puisque nous avons atterri en Charente, exactement.
01:37 Un couple qui était âgé,
01:38 parce qu'à cette époque-là,
01:40 ils auraient pu être nos grands-parents.
01:42 Mon premier jour d'école,
01:43 puisque quand je suis arrivée, j'avais 7 ans,
01:46 j'étais donc en primaire,
01:48 ça a été très dur pour moi,
01:50 puisque je ne connaissais personne.
01:52 Je me suis retrouvée accolée à un arbre,
01:56 et je ne parlais pas.
01:57 Puis j'ai attendu la cloche pour rentrer en classe.
02:01 J'aurais tellement aimé qu'on me dise
02:02 "Est-ce que tu vas bien ?"
02:04 Non, je n'ai pas eu ça.
02:07 Il a fallu s'adapter à ces personnes-là,
02:10 qui se disaient être nos parents.
02:12 Il a fallu s'adapter à changer de nom.
02:15 Là, ça a été la première faille.
02:17 C'est que du jour au lendemain,
02:19 on m'a dit "Tu n'écriras plus le nom Fleury,
02:22 tu vas écrire Morin."
02:23 Et ça, j'avais du mal à l'accepter,
02:26 parce que je posais la question "le pourquoi ?"
02:29 et on ne me donnait pas la réponse.
02:31 Ma première punition,
02:33 j'ai dû écrire cent fois le nom Morin.
02:36 Je ne sais ce que c'est que des lignes,
02:39 et je ne sais ce que c'est que de bien écrire.
02:41 Dans cette famille, je n'ai pas trouvé ma place.
02:44 Je ne me suis jamais sentie intégrée,
02:46 parce que j'ai eu un rôle un peu bizarre
02:49 à l'âge de mes huit ans.
02:52 J'ai dû m'occuper de l'arrière-grand-mère de cette famille.
02:55 On m'a simplement obligée à partager la chambre avec elle.
03:01 Imaginez un enfant de huit ans
03:03 qui partage une chambre avec une grand-mère de 86 ans.
03:06 La maltraitance que j'ai connue dans cette famille,
03:09 elle a commencé à partir de ce jour-là,
03:12 où je me suis retrouvée à m'occuper de la grand-mère,
03:16 l'emmener aux toilettes,
03:17 la déshabiller,
03:19 l'essuyer,
03:20 pour n'importe quelle circonstance,
03:22 la rhabiller.
03:23 On découvre que la grand-mère est tombée dans la cave
03:26 et qu'elle est terriblement blessée.
03:29 Quand on est enfant, on voit du sang,
03:30 on n'est pas habitué.
03:32 Je partage la chambre de cette grand-mère.
03:35 Je n'ose pas bouger parce que la grand-mère,
03:37 elle a un gros râle.
03:38 J'ai toujours peur.
03:39 J'ai peur de la nuit.
03:41 J'ai peur de la mort.
03:42 Je n'ai jamais connu d'enfant de couleur
03:45 lorsque j'étais petite.
03:46 Moi, j'avais droit à la mulâtre,
03:48 la fille chocolatée,
03:50 la négresse, je l'ai entendue aussi.
03:52 Ça a commencé à me faire mal
03:54 parce que je voulais être comme tout le monde.
03:57 Mais c'était difficile parce que notre couleur de peau
03:59 nous différenciait.
04:00 On était les seuls.
04:01 Quand on mangeait à table,
04:03 on n'avait pas le droit de parler, de rire.
04:06 On n'a pas choisi nos parents.
04:08 Ce sont eux qui nous ont choisis.
04:10 J'ai toujours exécuté tout ce qu'ils me demandaient.
04:13 Je me suis rendu compte que,
04:14 par moments, il y avait de l'abus.
04:16 Je devais avoir 16 ans lorsque mon père adoptif
04:19 a commencé à me toucher la poitrine.
04:21 Et c'était tous les jours qu'il me touchait quelque part.
04:26 Je n'ai jamais pu le dire, malheureusement,
04:28 parce que ma mère adoptive ne le croyait pas.
04:30 Elle disait qu'il voulait chahuter.
04:33 Moi, je n'appelle pas ça chahuter.
04:36 Je le dis aujourd'hui pour les enfants adoptés,
04:40 pour qu'ils puissent être protégés.
04:44 Et parfois, je me demande comment j'ai pu me construire
04:47 par rapport à toutes ces choses que j'ai pu entendre
04:50 dans mon enfance, dans mon adolescence.
04:57 Nous, on se sentait toujours redevables.
04:59 Donc, quand il partait, moi, je nettoyais la maison,
05:03 je faisais la chambre de mes parents,
05:04 j'enlevais la poussière,
05:06 je ramassais la brosse, parfois avec des cheveux,
05:08 le linge sale que je faisais tourner,
05:10 j'astiquais la maison, les carreaux.
05:13 Et quand il revenait, j'ai souvent eu des réflexions.
05:18 J'ai appris qu'elle faisait des marques dans son congélateur
05:22 pour voir si on prenait des choses en son absence.
05:25 C'est des petits détails, mais c'est des choses qu'il faut dire.
05:29 Je n'étais pas heureuse.
05:30 Et pourtant, je me sentais redevable.
05:33 Donc, ce que j'ai fait, c'est pour faire plaisir à mes parents.
05:36 J'ai fait tout ce que j'ai pu jusqu'au bout pour eux,
05:39 jusqu'à leur mort,
05:40 puisque j'ai toujours été là quand ils sont décédés.
05:43 Mais ce que je veux dire, c'est que j'ai souhaité,
05:46 je peux le dire aujourd'hui,
05:47 j'ai souhaité la mort de mon père adoptif
05:50 par rapport à ce qu'il m'avait fait,
05:52 parce qu'il est toujours passé pour quelqu'un de bien.
05:55 Oui, il y a eu un impact psychologique
05:57 parce que j'ai des toques.
05:59 J'ai des toques qui reviennent.
06:00 Et il a fallu que je comprenne pourquoi ces toques sont là.
06:04 Je pensais que c'était suite au décès de mon mari.
06:09 Mais je pense que ces toques, je les avais avant.
06:11 C'est-à-dire que j'ai besoin que la maison soit rangée,
06:15 qu'il n'y ait pas de poussière,
06:17 que les objets ne changent pas trop de place.
06:21 Pour moi, c'était un exutoire.
06:23 Quand mes affaires sont rangées, je suis bien.
06:25 Les toques sont revenues lors de mon burn-out.
06:28 Tout est revenu parce que tout est remonté à la surface
06:31 au moment où j'ai dû parler de moi à ce médecin.
06:35 Et je pense que les toques,
06:37 aujourd'hui, vont disparaître grâce à vous,
06:39 parce que vous me permettez de m'exprimer, d'extérioriser.
06:43 Ce n'est pas que je suis fière,
06:44 mais je suis contente de m'en être sortie.
06:48 Et on peut réussir aussi.
06:50 On peut réussir dans la vie.
06:53 La première fois que je suis revenue à La Réunion,
06:56 j'ai eu l'impression que la Terre s'arrêtait.
06:58 J'ai posé ma valise et là, tout est revenu.
07:04 Je me suis dit, c'est là où je suis née.
07:06 C'est là où je dois revenir.
07:08 Les gens sont différents, ils prennent le temps de vivre.
07:10 C'est peut-être dû au climat aussi, je ne sais pas.
07:13 Mais moi, je sais que j'étais comme ça quand j'étais petite.
07:15 J'étais paisible et j'ai envie de redevenir comme ça.
07:19 Le climat humide ne me convient pas.
07:22 Et dès que je reviens à La Réunion, mes douleurs disparaissent.
07:24 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org