Elaha Iqbali est une jeune Afghane épatante que l’on retrouvera dans le documentaire de Manon Loizeau « La vie devant elle » qui sera diffusé ce soir sur France 2. Il s’agit de la retranscription de son journal intime qui retrace son exil à seulement 14 ans. C’est dans un camp de réfugiés que la réalisatrice a rencontré cette jeune fille qui a co-réalisé ce documentaire exceptionnel. Dans cet enfer, la protagoniste a filmé la vie, la résilience de ces enfants dont les rêves viennent se fracasser dans ces camps. C’est en octobre 2028 qu’Elaha et sa famille ont fui l’Afghanistan avant d’errer sur les routes pendant plus de quatre ans. Un parcours hors-norme de 7000 kilomètres à découvrir dans un film extraordinaire.
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00:00 Il est 8h12 et l'interview d'actualité avec deux invités ce matin, la réalisatrice Manon Loiseau et Ella Iqbali qui est une jeune afghane
00:07 que l'on retrouvera ce soir dans le documentaire "La vie devant elle". Bonjour et bienvenue à toutes les deux.
00:11 Bonjour à toutes les deux, merci d'avoir accepté l'invitation de Télé Matins. Alors Manon Loiseau, Thomas le disait, on vous reçoit pour le documentaire "La vie devant elle"
00:19 qui sera diffusé ce soir à 22h45 sur France 2. C'est le journal intime de ton exil Ella en tant que jeune afghane de 14 ans.
00:28 Ce documentaire met des images que vous avez captées toutes les deux, c'est vraiment un film que vous avez fait ensemble.
00:35 Manon, comment vous avez rencontré Ella ? Racontez-nous un peu votre rencontre.
00:39 Alors on a rencontré Ella dans le camp de Moria en Grèce, à Lesbos, un camp où il y a 25 000 migrants pour 3 000 places seulement
00:46 et où viennent se fracasser tous les rêves des enfants de l'exil. Et j'ai rencontré Ella grâce à Tolo qui est une association qui s'occupe d'aider à la scolarité des enfants dans les camps.
00:53 Et c'est cette association qui a donné, je crois, à Ella sa caméra qui lui a permis de co-réaliser avec vous.
00:59 Elle filmait déjà, en fait c'est ça qui était formidable, c'est qu'en fait elle m'a montré ses images et dans cet enfer elle avait filmé la vie,
01:04 la résilience des enfants, les anniversaires, les jeux et c'est là que je me suis dit il y a une possibilité de faire un film ensemble les deux.
01:09 Et on a cheminé ensuite pendant un an toutes les deux.
01:11 Alors Ella, toi et ta famille, vous avez quitté l'Afghanistan en octobre 2018, vous avez été en errance sur les routes pendant 4 ans,
01:19 vous avez parcouru avec ta famille 7000 kilomètres, vous êtes passée par le Pakistan, l'Iran, la Turquie, la Grèce.
01:26 Comment toi et ta famille vous avez tenu le coup, tout ce temps et tous ces kilomètres ?
01:30 C'était très difficile quand on est arrivé, quand on est parti et on a quitté notre pays.
01:41 J'étais très triste quand j'ai quitté ma maison, mon pays, l'Afghanistan. C'était le moment le plus difficile de ma vie et j'ai vécu un chemin très difficile.
01:55 Et je suis venue jusqu'ici, je suis très contente aujourd'hui que je sois là, je me trouve ici en tant qu'une femme et une jeune forte.
02:05 Alors dans le film, on te voit plusieurs reprises, tu prends l'initiative de créer des petites écoles là où tu te trouves.
02:12 Tu n'entends plus ce que je te dis peut-être ? Parce que je vais avoir du mal à te parler en afghan.
02:17 Tu crées des écoles, partout où tu vas, tu crées des écoles.
02:21 Exactement, pourquoi tu as voulu créer des écoles ?
02:24 Je ne suis pas allée à l'école à l'Afghanistan, il n'y avait pas de possibilité pour que je fasse mes études.
02:36 Donc là, pour moi, l'éducation avait beaucoup de valeur et c'est pour ça que j'ai décidé de créer une école.
02:44 Et quand j'ai vu les enfants dans ce camp et qu'ils n'y avaient pas, donc j'ai décidé de faire cette école.
02:50 Manon, vous avez vécu avec Ella, sa famille, pendant un an.
02:55 Racontez-nous comment ça se passait au quotidien pour eux.
02:57 Déjà, c'est une jeune fille incroyable, elle a 14 ans, elle filme et elle crée des écoles.
03:01 C'était pendant le confinement, à chaque fois qu'on la retrouvait, soit à Aucan Moria, soit ensuite,
03:07 ils ont été trimbalés de foyer en foyer dans une errance sans jamais savoir où on allait les emmener le lendemain.
03:12 Et elle recrée une école et les enfants se levaient et la suppliaient d'aller à l'école, donc c'était formidable.
03:17 Ça a été des moments, il y avait la grande force de Lara, de sa famille, de tous ses enfants,
03:23 c'est cette résilience qu'on a vu des enfants et elle filme à hauteur d'enfants.
03:26 Mais ils sont passés aussi par des moments très durs, des moments où justement,
03:29 ne sachant pas si en fait ce rêve, alors qu'ils étaient en Europe, si les enfants allaient pouvoir à l'école.
03:33 Et c'était vraiment, les parents ont pris cette décision parce qu'il y a eu des attaques de talibans sur l'école des trois filles de la famille.
03:39 Ils ont traversé 7000 kilomètres en quatre ans pour ce rêve d'école.
03:42 Et donc on est passé par tous ces moments de tristesse, de désespoir, mais aussi de l'incroyable,
03:49 ils étaient persuadés qu'ils arriveraient à leur rêve et ça, ça les poussait en avant et c'est une leçon pour tous.
03:55 Alors on voit dans le documentaire, Ella, à quel point vous êtes trimbalée.
03:59 D'ailleurs, tu dis, on a l'impression d'être des paquets.
04:01 Ils nous trimbalent d'un endroit à l'autre.
04:03 On ne sait jamais où on va.
04:05 On ne sait rien de notre destin.
04:07 Ça veut dire que tu as eu la sensation de ne plus être considérée comme un être humain pendant ton exil ?
04:12 Oui.
04:14 Tu dis qu'ils te prennent des paquets d'un endroit à l'autre et que tu ne sais pas ce qui va se passer demain.
04:20 C'était difficile pour toi parce que tout le temps, tu es emmenée à un autre endroit et tu ne sais pas quand, tu ne sais pas comment.
04:30 Pour moi, c'était très difficile.
04:36 Quand on est migrant, c'est très difficile.
04:41 J'ai vécu tous ces problèmes pendant la période où j'étais sans papier.
04:46 J'ai vécu dans le camp et le camp a été brûlé.
04:50 Il n'y avait rien et personne ne fait pas attention à nous.
04:54 Tout ça, c'est quelque chose qui est...
04:56 On dit qu'on n'a pas de valeur pour notre vie, pour nous en tant que migrant.
05:01 Tout a été détruit.
05:03 On n'avait rien dans le camp de Moria, mais il n'y avait pas de solution pour nous.
05:08 Je suis contente que je puisse aller à l'école et que j'ai une fille parfaite.
05:13 Vous avez vu Elah se transformer.
05:17 Grâce à la caméra, vraiment.
05:20 Elah dit que filmer me permet de rester en vie.
05:23 Je laisse ma tristesse dans la caméra.
05:25 C'est ce que vous avez observé ?
05:27 C'est complètement ce qu'on a observé.
05:28 On a su par sa maman qu'Elah, quand elle était en Afghanistan, c'était une petite fille totalement recluse, enfermée sur elle-même.
05:33 Sa maman l'a vue comme ça, devenir cette jeune fille incroyable et franchir les obstacles sur la route, à force de tous ces obstacles.
05:39 Et puis la caméra, elle se calmait, elle me rend forte.
05:42 La caméra l'a rendue forte.
05:43 Elle allait partout dans le camp, là où il y avait une population masculine très importante.
05:48 Son père avait un peu peur au début.
05:49 Petit à petit, il a vu.
05:50 Tout le monde dans le camp disait "the girl with the camera is on".
05:53 Tout le monde lui parlait.
05:54 Elle a ce don, en fait.
05:56 Elle recueille des témoignages, les gens vont vers elle.
05:59 Tout le monde lui parle.
06:00 Et elle est devenue une journaliste qu'elle rêve d'être et une cinéaste au fil de la route.
06:05 Et elle filmait de plus en plus avec des cadres magnifiques.
06:07 Elle s'affirmait dans son écriture, dans le film.
06:12 Et c'était merveilleux de la voir comme une chrysalide, comme ça,
06:14 devenir cette jeune fille incroyable et forte, si forte.
06:17 Justement, toi qui veux être journaliste, Elah, j'ai une question à ce sujet.
06:20 En Afghanistan, les talibans sont revenus au pouvoir en août 2021.
06:24 C'est quoi ton regard à toi sur la situation actuelle dans ton pays ?
06:27 Que penses-tu en ce moment ?
06:30 En Afghanistan, j'ai juste la chance,
06:43 mais il n'y a aucune chance pour les autres filles en Afghanistan.
06:47 Les filles ne peuvent pas faire l'éducation.
06:49 Alors moi, je veux donner un exemple.
06:52 Moi, je suis comme un oiseau et je ne peux pas voler.
06:57 Et alors là, l'Afghanistan, les filles, maintenant, c'est comme ça.
07:00 Ils sont comme ça, ils sont dans une cage.
07:03 Ils ne peuvent pas voler.
07:05 Ils sont prisonniers dans leur pays.
07:08 Et tout ça, ça me rend triste.
07:11 Mais ils ne peuvent pas réaliser leurs rêves.
07:14 Un jour, j'espère qu'elles réalisent leurs rêves et soient libres un jour.
07:20 J'imagine que quand tu nous parles de ça, tu penses notamment à ta cousine
07:23 que tu as laissée là-bas et à tes amis et ta grand-mère.
07:28 Oui, mon amie très proche, c'est des Zohra.
07:37 Quand les talibans sont arrivés, ils ont tué plein de gens.
07:41 Et je suis très triste pour Zohra.
07:44 Elle a quitté l'Afghanistan.
07:47 Maintenant, elle est en Iran.
07:49 Zohra, mon amie proche, hier, j'ai parlé avec elle.
07:53 Elle ne peut pas aller à l'école.
07:54 Elle travaille alors qu'elle a un enfant en Iran.
07:58 Et elle a les mains blessées à cause du travail.
08:02 Je suis très désolée parce qu'elle a un enfant et elle ne peut pas aller à l'école.
08:06 Elle habite en Iran sans papiers, sans faire les écoles, les études.
08:11 Donc, je suis triste.
08:13 Merci beaucoup pour ton témoignage.
08:15 Et là, il y a un témoignage très fort qui nous fait comprendre
08:17 l'exil que tu as vécu avec ta famille pendant 7000 km pendant 4 ans.
08:21 Merci à toutes les deux d'être venues sur le plateau Télématin.
08:23 Je rappelle que votre documentaire commun est diffusé ce soir à 22h45 sur France 2.
08:28 Ça s'appelle "La vie de Vorel".
08:30 Avec la musique d'Emilie Loiseau.
08:32 Avec la musique de votre soeur, qui est magnifique.
08:34 Merci beaucoup.
08:36 Merci à vous.
08:37 Quelle force dans le regard et dans le sourire d'Elara.
08:39 Merci.