Est-il devenu plus délicat de demander à un patient de se déshabiller pour l’examiner ? Et de l’examiner tout court ? Le toucher du corps est devenu un sujet sensible, après notamment les polémiques sur certains gestes réalisés sans l’aval ou de manière trop directe. Signe que la question se pose, le conseil national d’éthique s’est emparé du sujet. Il recommande de passer d’un consentement "tacite" à "explicite".
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00:00 -Ce médecin a fait évoluer sa propre pratique,
00:04 de façon presque inconsciente.
00:07 -On était là pour soigner, c'était bien ce qu'on faisait.
00:11 L'idée, c'est de dire au moment où on pose le spéculum
00:16 "Est-ce que vous êtes d'accord pour qu'on fasse l'examen gynéco ?"
00:20 Je le demande 25 fois par jour, mais je ne me rends plus compte.
00:24 Ca redéclenche des saignements ? -Non.
00:28 -On m'a toujours donné des explications.
00:31 Dans quel cadre ? Et après ?
00:34 J'ai jamais eu de problèmes.
00:36 Je suis tombée sur les bons médecins.
00:38 -Pour d'autres patientes, ces examens n'ont pas été sans conséquences.
00:42 Gestes inappropriés, comportement au propos déplacé...
00:46 Face à une méfiance grandissante, le Comité consultatif national
00:49 d'éthique a réalisé une trentaine d'auditions.
00:52 Il recommande de passer d'un consentement tacite ou présumé
00:56 à un consentement explicite et différencié.
00:58 -On précède l'examen d'explication, d'explicitation,
01:02 en quoi il va consister, pourquoi on le réalise,
01:05 est-ce qu'il est susceptible de générer de la douleur,
01:08 de l'inconfort...
01:09 Aux différentes étapes de l'examen, on vérifie l'accord de la personne
01:13 sur les différents actes réalisés.
01:15 -Plus globalement, le Comité d'éthique encourage
01:18 l'intervention de patients dans la formation
01:21 des professionnels de santé pour aborder ces examens
01:24 et les examens de santé.
01:26 -Bonjour, docteur.
01:27 Médecin aux urgences de l'hôpital Ambroise-Paré,
01:30 à Boulogne, près de Paris.
01:32 Le Comité national consultatif d'éthique
01:34 recommande aux médecins de passer d'un consentement tacite
01:38 ou présumé à un consentement explicite et différencié.
01:43 Est-ce que c'est une notion, en tous les cas un conseil,
01:46 qui change votre pratique de l'exercice de votre métier ?
01:50 -Ca va surtout changer pas seulement la pratique
01:54 de notre métier, mais le regard et la communication
01:57 qu'on va devoir avoir avec les patients.
01:59 Il faut savoir que pendant toute notre formation,
02:02 on est conditionné à désacraliser le corps.
02:05 Malheureusement, on oublie que c'est un rapport
02:08 entre un patient et un médecin.
02:10 Ce qui compte, c'est la perception qu'a le patient du soin.
02:14 Même si, pour nous, certains gestes peuvent paraître banals en soi,
02:21 ils ne le sont pas.
02:22 Je le dis souvent, et avec les nouvelles générations,
02:25 c'est quelque chose qui nous est de plus en plus enseigné.
02:29 Ce qui est important, ce n'est pas la nature du soin,
02:32 c'est la perception qu'a le patient du soin.
02:35 -Qu'est-ce qui a fait naître cette conscience ?
02:37 -Probablement aussi une évolution des mœurs.
02:40 Le fait qu'il y ait plus de retours patients,
02:43 qu'on s'intéresse plus au vécu du patient,
02:46 qu'on a probablement aussi pris un peu en humilité.
02:51 C'est une très bonne chose.
02:52 C'est venu avec les années.
02:54 Quand on voit les très vieux médecins,
02:57 cette culture du médecin qui est présent, qui sait tout,
03:00 on a appris à se mettre en question. C'est une très bonne chose.
03:04 -Il y a aussi parfois une forme de défiance ou de prudence.
03:08 Un gynécologue, pour ses consultations avec des patients,
03:11 demande systématiquement que son assistante soit présente.
03:15 -Là, je pense que c'est l'autre revers de la médaille.
03:19 Dans certains cas, je vais vous donner un exemple,
03:22 quand j'étais aux urgences pédiatriques,
03:24 la règle, c'est avec un enfant de plus de 12 ans,
03:28 systématiquement, en présence d'un autre intervenant.
03:31 Dans ce genre de cas, ça devient le revers de la médaille.
03:35 On veut tellement bien se faire qu'on a peur de l'aspect médico-légal.
03:39 C'est pas l'aspect médico-légal qui devrait primer,
03:42 c'est le bien du patient.
03:44 Je vais vous donner un exemple,
03:46 je me suis amusé à titre personnel à demander à une centaine de personnes
03:50 est-ce que pour eux, c'était normal de faire l'examen ?
03:53 Malheureusement, dans ma pratique,
03:56 le stéthoscope, je l'utilise sans gants.
03:58 Je fais le stéthoscope, j'écoute les bruits du coeur,
04:01 les bruits pulmonaires sans gants.
04:03 Je demande à ces 100 personnes combien parmi eux sont gênés.
04:06 16 %, c'est-à-dire qu'il y a 84 % des gens qui ne l'étaient pas.
04:11 Mais ça veut pas dire que c'est 16 %
04:13 parce que la majorité pense que c'est normal,
04:16 et 16 % ne doivent pas écouter leur voix.
04:18 Chaque patient est unique,
04:20 il faut s'adapter à sa perception de son corps, de son intimité.
04:23 -Mais docteur, lorsqu'on dit
04:25 qu'il faut une demande explicite,
04:28 il faut un consentement explicite et différencié.
04:32 Un consentement explicite et différencié,
04:34 ça veut dire quoi ?
04:36 On demande oralement au patient ou à la patiente
04:39 si vous pouvez réaliser cette palpation, cet examen ?
04:42 -En théorie, ça devrait être fait.
04:45 Malheureusement, on ne le fait pas.
04:47 En tant que médecin d'urgence, j'ai des situations
04:50 qui font que la partie consentement
04:52 n'est pas quelque chose sur lequel on fait attention,
04:55 mais en soi, c'est quelque chose qui doit faire partie
04:59 de la consultation.
05:00 Le problème, c'est que cet aspect humain se perd.
05:03 C'est pas seulement demander le consentement,
05:05 c'est expliquer pourquoi on a besoin de lui palper l'abdomen.
05:09 Il faut être capable de lui expliquer pourquoi on lui palpe l'abdomen,
05:13 expliquer ce qu'on cherche, pourquoi il y a ce besoin de contact.
05:17 Et ça, je pense que c'est primordial.