Dans “La France bouge”, Elisabeth Assayag fait le tour de France des initiatives positives et novatrices. Travail, éducation, santé… Ils œuvrent aux quatre coins du pays pour faire bouger les lignes et casser les codes : qui sont ces citoyens, ces entreprises, ces collectivités qui s’engagent et inventent le monde de demain ? Des portraits et des témoignages inspirants.
Retrouvez "Les Trophées Europe 1" sur : http://www.europe1.fr/emissions/la-france-bouge-academie
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 On va poursuivre avec une autre entrepreneur, elle s'appelle Sonia Eskech, elle aussi elle est médecin.
00:05 La France bouge,
00:08 la pépite du jour. Chaque année nous remettons des trophées Europe 1 de l'avenir, ici on découvre des pétipites, des toutes petites entreprises.
00:14 Aujourd'hui c'est le cas, c'est un projet qui est né il y a deux mois, c'est bien cela Sonia Eskech ?
00:20 La société a été créée il y a deux mois mais le projet date de plus longtemps.
00:23 De plus longtemps !
00:24 Vous avez 63 ans, vous êtes chercheur, vous êtes passionnée par les innovations thérapeutiques, vous avez travaillé surtout dans l'industrie pharmaceutique,
00:31 vous avez démarré en Autriche c'est ça ?
00:35 Oui pour Sandoz.
00:36 Sandoz, aux Etats-Unis dans la Silicon Valley et vous êtes rentrée en France pour travailler sur les antiviraux,
00:41 notamment sur le sida. Ce n'est pas votre première start-up ?
00:45 Non, j'ai créé déjà plusieurs start-up.
00:48 Que vous avez dirigées, vendues.
00:51 Mais comment ça vous vient cette histoire de venin de serpent, du serpent mamba ? Il paraît que c'est le serpent le plus vénimeux au monde.
00:56 Oui alors en fait,
00:58 ces travaux sont issus des recherches menées au CEA par le co-fondateur de la société VFORCURE
01:05 et qui travaille donc sur l'identification de molécules d'intérêt thérapeutique
01:09 dans des venins animaux. Donc c'est basé sur des technologies assez nouvelles,
01:14 d'analyse par génomique, par protéomique, pour repérer
01:20 des séquences de molécules qui ont un intérêt thérapeutique.
01:23 Donc c'est des résultats de travaux de recherche qui datent déjà de nombreuses années.
01:29 Mais le projet de l'entreprise,
01:31 la boîte a été lancée en mars,
01:34 il y a tout juste deux mois. Donc VFORCURE c'est quoi ?
01:38 Vous aussi vous allez pitcher, est-ce que vous êtes prête Sonia Eskech ?
01:41 Ok.
01:41 Allez, on vous écoute, c'est parti.
01:43 Donc VFORCURE développe des médicaments innovants dérivés de venins. Pourquoi cela ?
01:49 Ces venins contiennent en fait de multiples molécules biologiques
01:53 très puissantes et à action très rapide. Ils sont donc une source de molécules d'intérêt thérapeutique innovants.
02:01 Donc c'est le but des recherches menées au CEA.
02:03 Et notre produit phare aujourd'hui est un peptide de synthèse
02:07 dérivé d'une molécule découverte dans le venin du mont Bavaire,
02:12 serpent très venimeux, mais je vous rassure la molécule n'est pas du tout toxique.
02:18 En fait son activité est très spécifique et très sûre sur les reins et donc il permet de traiter certaines pathologies cardio-rénales.
02:26 Donc c'est des pathologies qui touchent des millions de personnes dans le monde,
02:29 qui ont des conséquences très graves sur la santé et pour lesquelles il existe peu ou pas de traitement efficace.
02:35 Donc l'objectif de VFORCURE
02:37 est de faire la preuve de l'efficacité clinique de cette molécule et ensuite de l'amener sur le marché via des partenariats industriels.
02:46 Merci et bravo, merci pour votre pitch Sonia Escaich, vous êtes la présidente de VFORCURE.
02:52 Aujourd'hui vous êtes trois fondateurs, vous espérez embaucher entre 5 et 7 personnes.
02:59 Vous avez besoin de pas mal de profils autour de la tech, des compétences différentes.
03:05 Vous avez obtenu pas mal d'accompagnement en termes financiers, notamment auprès de la BPI, la Banque publique.
03:12 En fait on a été grand prix du concours pour l'innovation iLab l'année dernière.
03:18 Donc bravo.
03:20 Quel regard portez-vous là-dessus Audrey Dervelois, vous êtes la présidente de Sanofi France.
03:24 Je trouve que ça illustre l'écosystème français, en fait on dit toujours les Etats-Unis, Bosson etc.
03:30 Et je pense que nous en tant qu'entreprise française, ça fait partie aussi de notre responsabilité de regarder ce qui se passe en France,
03:37 de promouvoir l'écosystème, c'est ce qu'on fait d'ailleurs pas mal chez Sanofi.
03:41 On a beaucoup de partenariats aussi avec des startups.
03:43 Donc c'est bien, en tout cas ça me réjouit moi de voir toutes ces initiatives.
03:48 Si vous êtes parmi nous aujourd'hui Sonia Escaiche, c'est parce que vous avez des besoins,
03:52 notamment encore des besoins de financement pour continuer la recherche et le développement des tout premiers médicaments.
03:58 Parce que là pour l'instant, c'est encore à l'état de projet si on peut le dire comme ça.
04:02 On va demander à Nathalie Carré qui est en charge de l'entrepreneuriat à la CCIS,
04:06 ce qu'elle en pense parce que c'est son métier d'accompagner les entreprises.
04:09 Elle n'est pas médecin, mais les entreprises qui se développent.
04:11 Bonjour Nathalie.
04:12 Bonjour Elisabeth, bonjour tout le monde.
04:14 Non, pas médecin du tout.
04:15 Pas médecin, mais pour l'entrepreneuriat et pour développer une boîte, c'est votre compétence.
04:19 Quelles sont les suggestions que vous pourriez faire à Sonia pour V4Q?
04:24 Alors, je ne vais pas vous donner le nom de potentiel investisseur clé en main,
04:28 mais sans vouloir m'immiscer dans la stratégie de Sanofi,
04:31 ça pourrait être intéressant pour eux d'explorer les nouvelles données de l'Ibarapetit.
04:35 Moi, j'ai dit ça, je n'ai rien dit.
04:38 En tout cas, au cas où vous devriez aller chercher d'autres financements complémentaires,
04:44 j'ai des questions et des conseils pour préparer cette recherche de financement.
04:47 Déjà, que voulez-vous que V4Q devienne dans les 20 ans à venir?
04:51 Je le dis souvent, mais les investisseurs ont besoin de savoir le cap prévu des entreprises dans lesquelles ils investissent.
04:57 Voulez-vous que V4Q devienne le centre de recherche expert des venins de serpents qui soignent?
05:02 Voulez-vous plus largement qu'il devienne le centre de recherche expert des venins qui soignent,
05:06 qu'il s'agisse de serpents, d'araignées ou autres?
05:09 Voulez-vous aller jusqu'à la phase d'évaluation clinique des molécules,
05:12 puis passer le relais au laboratoire d'une entreprise pharmaceutique?
05:14 Ou voulez-vous aller jusqu'au bout?
05:16 Bref, comment imaginez-vous votre rôle dans ce parcours long et fastidieux du développement d'un médicament?
05:21 Deuxième question, mais qui est en lien avec la première,
05:23 faut-il développer le médicament puis aller chercher un industriel,
05:26 ou aller d'abord chercher un industriel puis développer le médicament avec lui?
05:30 En effet, chaque entreprise pharmaceutique a ses champs de recherche et ses spécialités.
05:34 Et si votre partenaire, celui qui vous fera confiance le premier, spécialise des antitouleurs par exemple,
05:39 vous allez peut-être travailler prioritairement sur les venins qui sont reconnus comme des antitouleurs
05:43 et pas ceux qui peuvent soigner l'hyponatrémie par exemple.
05:47 Vous avez appris un mot là Nathalie Nicolas-Chapelard.
05:49 Oui, alors complètement, mais tu aurais dû me répéter d'ailleurs.
05:51 Vous en pensez quoi Robert Marino, parce que vous, votre métier c'est de fabriquer des...
05:56 c'est les candidats médicaments. Il n'y a pas quelque chose à faire avec V4Cure?
06:01 En fait, ce qui est, je trouve, magnifique avec V4Cure, c'est de réussir à trouver dans les ressources naturelles
06:06 les points de départ pour optimiser et découvrir des médicaments.
06:09 Nous, on peut aider sur ces points de départ à les optimiser, à savoir comment faire mieux plus vite.
06:16 Et c'est souvent le côté essai-erreur qui est difficile avec les retours dans le labo.
06:20 Mais là, la molécule a l'air déjà tellement bien optimisée, tellement prête...
06:23 Elle a l'air bien avancée.
06:25 Il n'y a plus qu'à.
06:27 Justement Nathalie, dans le "il n'y a plus qu'à", je crois qu'il faut aussi rassurer des potentiels investisseurs.
06:32 Eh bien oui, parce que d'après ce que j'ai pu lire, il y a déjà plus de 30 ans qu'on utilise une toxine animale pour un médicament.
06:37 Et pourtant, il n'y en aurait que 6 disponibles sur le marché américain et européen à base de venins animaux.
06:42 Et il n'y aurait qu'un projet de recherche sur le sujet, Venomix,
06:46 qui est donc un projet de recherche fondamentale sur les venins et leurs potentielles propriétés médicales.
06:50 Donc la question qu'il va se poser un investisseur potentiel, c'est pourquoi ce champ prometteur
06:54 n'est pas plus exploré ?
06:56 Votre associé a dit dans la presse il y a quelques années que
06:59 "l'industrie pharmaceutique préfère les petites molécules simples, actives par voie orale et qui coûtent très peu cher à fabriquer.
07:05 Identifier un candidat médicament à partir d'un venin animal est une opération complexe.
07:09 Cette procédure peut prendre jusqu'à un an avec un taux d'échec important."
07:12 Alors pouvez-vous rassurer sur ce point ?
07:14 Sans compter que la plupart des animaux utilisés pour leurs venins sont en voie de disparition,
07:18 victimes de chasse illégale et de leur écosystème détruit,
07:21 du coup, cuite de la matière première.
07:23 Est-ce que vous allez les synthétiser ou faire des élevages de serpents vénimeux ?
07:27 Vous l'avez dit dans votre pitch, mais dites-le dans la présentation de votre entreprise.
07:31 Par ailleurs, quels sont les perspectives pour d'autres médicaments de venin ?
07:34 Combien de millions, voire de milliards de personnes pourraient être concernés ?
07:37 Certes, on parle de médicaments, mais vos investisseurs futurs restent des structures ou individus qui cherchent un retour sur investissement.
07:43 Côté autorité sanitaire, quels sont les potentiels "a priori" des instances
07:47 qui donnent leurs autorisations de mise sur le marché sur ce type de traitement ?
07:50 Est-ce que vous avez déjà évoqué ce sujet avec leurs experts ?
07:53 Et enfin, côté médecins et pharmaciens, ont-ils appris à utiliser ces médicaments dans leur formation ?
07:57 Sont-ils à l'aise avec ça ? Ne faut-il pas commencer à les sensibiliser pour faciliter la prescription demain ?
08:02 Et il y a sûrement plein d'autres questions que pourrait se poser un investisseur.
08:05 Vous devez donc commencer à documenter vos travaux, leur déboucher potentiel, votre cap,
08:09 bref, commencer à expliquer pour rassurer et à faire savoir ce que vous faites,
08:13 encore une fois pour rassurer sur la pertinence d'investir à vos côtés et pour sensibiliser toutes les parties prenantes.
08:19 Vous aurez gagné quand V4Q aura fait en sorte qu'avaler du venin d'animaux pour soigner devienne une évidence pour chacun et chacune
08:25 et que, en plus, on finisse par trouver mignons ces petits animaux venimis.
08:29 Merci Nathalie Carrèche, on voit ce sourire, Sonia Eskech.
08:32 Vous avez pris note, j'espère, de tout ce que vous a raconté, Nathalie, c'est tout l'aspect business, tout ça,
08:39 tout pour faire en sorte de rentabiliser, de pérenniser l'entreprise.
08:45 C'est souvent le cas dans l'industrie pharmaceutique, c'est le fameux "il n'y a plus qu'à",
08:48 c'est-à-dire qu'on a trouvé la solution mais...
08:51 Oui, je voudrais quand même corriger tout de suite, il ne s'agit pas d'avaler du venin.
08:55 Non, non, c'est une façon de parler, c'est une façon de parler Nathalie.
08:57 On parle en fait de molécules d'origine naturelle, les molécules dont on parle en fait sont des peptides,
09:04 donc des molécules d'origine naturelle, il est très facile de les dériver, de les modifier génétiquement
09:11 pour qu'elles ne soient pas toxiques et surtout pour qu'elles soient compatibles avec un développement pharmaceutique.
09:17 Donc il y a déjà des peptides qui sont commercialisés pour d'autres indications,
09:21 donc ce n'est pas le sujet, ils sont bien sûr synthétisés chimiquement.
09:25 Mais bien sûr, oui.
09:26 Donc au niveau business, il est clair que c'est une aventure longue et compliquée
09:31 qui nécessite beaucoup de moyens parce que développer un médicament, ça coûte très cher.
09:35 Et donc l'idée c'est quand même de partir de la base des molécules que nous avons
09:39 qui sont caractérisées et qui sont actives,
09:41 donc on a un pipeline en dehors de la première dont je parlais tout à l'heure.
09:44 Et en fait d'utiliser ces molécules dans des pathologies vraiment où il y a un besoin médical.
09:50 Ça concerne combien de personnes dans le besoin médical ?
09:52 C'est pour les pathologies cardio-rénales, c'est ça ?
09:54 C'est des dizaines de millions de personnes dans le monde
09:56 qui sont très mal adressées par les thérapeutiques actuelles.
09:59 Donc vous reviendrez en tout cas, j'espère nous en parler, pour nous donner la suite de V4Q.