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C’est un phénomène récent et inquiétant : 10 % d’élèves infirmiers abandonnent leurs études avant de finir leur formation. Proportion multipliée par trois en 10 ans. L’État est en grande partie responsable de cette situation selon Sébastien Le Corre, le président de l'ordre des infirmiers pour les départements du Calvados, de l'Orne et de la Manche.

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00:00 - Le 6/9 - France Bleu Normandie
00:02 8h15, bienvenue sur France Bleu, France 3 Normandie. Pourquoi autant d'élèves infirmiers abandonnent leur formation ?
00:10 Et bien question posée à notre invité France Bleu Didier Charpin.
00:13 - Nous recevons ce matin en studio Sébastien Lecor, président de l'Ordre interdépartemental des infirmiers pour lequel Vados leur met la manche. Bonjour.
00:20 - Merci pour l'invitation.
00:22 - Selon une enquête de la direction de la recherche des études de l'évaluation et des statistiques,
00:26 10% des élèves infirmiers abandonnent dès leur première année. C'est un phénomène que vous constatez également, nous, dans notre secteur ?
00:35 - Oui, malheureusement, surtout qu'en plus les données montrent qu'en Normandie, une augmentation particulière qui monte, je crois, jusqu'à presque 20% d'abandon.
00:44 - Deux fois plus, c'est impressionnant.
00:47 - Deux fois plus, en sachant que le chiffre que vous évoquiez à 10% était déjà trois fois plus que sur les dix dernières années.
00:54 - Effectivement, c'est inquiétant. C'est inquiétant pour le métier, mais c'est inquiétant également pour les patients,
01:00 parce que le but, évidemment, c'est de se retrouver avec des gens qui soignent les futurs patients de ces jeunes étudiants.
01:07 - Et pourquoi autant d'abandon ?
01:09 - Une souffrance, on va dire, assez globale, qui est due à une politique, alors pas que actuelle,
01:15 une politique depuis ces 20 dernières années qui ne met pas l'argent, qui ne met pas les moyens pour que la profession soit valorisée.
01:24 - C'est uniquement pour des raisons financières ? Ça ne paye pas assez ?
01:27 - C'est une question, si vous voulez, qu'on est amené à se poser depuis longtemps au Conseil de l'Ordre.
01:31 Pourquoi est-ce qu'il n'y a pas ces moyens ? Pourquoi est-ce que l'hôpital va mal ? Pourquoi est-ce que les infirmiers sont mal rémunérés ?
01:38 C'est une vraie question.
01:40 - Le Ségur, il a été inefficace ?
01:42 - Le Ségur, si vous voulez, il a permis de rattraper un retard.
01:47 - 180 euros par mois ?
01:48 - Voilà, alors effectivement, sur le coup, les infirmiers ne pouvaient être que satisfaits de cette revalorisation salariale.
01:54 Mais sur le fond, si vous voulez, avec le gel du point d'indice depuis de nombreuses années,
01:59 on a à peine rattrapé un retard endémique à la profession.
02:03 - Pour revenir aux élèves, est-ce qu'il y a un choc quand ils découvrent la réalité, c'est-à-dire lors du premier stage ?
02:08 - Écoutez, oui, c'est brutal, c'est brutal parce qu'on peut comprendre un jeune étudiant qui a une image de la profession d'infirmière
02:16 plus que positive, comme dans la tête de beaucoup de Français.
02:19 L'arrivée en stage dans un hôpital qui va mal, qui est délabré, avec, comme on disait, beaucoup de moyens insuffisants.
02:26 Les infirmiers qui sont là pour les encadrer, qui vont eux-mêmes très mal,
02:29 qui n'ont pas le temps de soigner correctement, qui ne sont pas assez nombreux.
02:31 On peut imaginer l'accueil d'un jeune étudiant dans des conditions pareilles.
02:35 - Ça doit être difficile à vivre pour les infirmiers titulaires parce qu'ils voient à travers ces jeunes une possible relève.
02:40 Ils pourraient combler les manques d'effectifs, mais au final, sans le vouloir, ils les découragent eux-mêmes.
02:45 - Oui, bien sûr. On peut les comprendre aussi.
02:49 Eux-mêmes se posent des questions sur leur devenir, parfois à l'hôpital, parfois dans une clinique, parfois en libéral.
02:54 Ils se lèvent le matin en se disant "comment est-ce que je vais être en capacité de prendre en charge correctement les patients ?"
02:59 Et on leur dit "ce matin, en plus de ta charge de travail, en plus de ton épuisement,
03:03 tu vas avoir un jeune à encadrer, et encadrer un jeune étudiant infirmier, c'est une grosse charge de travail, c'est une responsabilité.
03:09 - Est-ce qu'on lui confie des tâches à ce jeune élève infirmier ? Il ne fait qu'observer ?
03:13 - Évidemment que non ! Vous imaginez bien qu'en pleine période Covid, comme on l'a vécu, on leur a demandé de faire plus,
03:17 on leur a demandé d'être autonome alors qu'ils n'ont pas le droit d'être autonome.
03:21 Donc une charge mentale pour un étudiant qui a besoin d'être soutenu, d'être surveillé, d'être corrigé,
03:26 et se retrouver dans une position qu'il n'aurait jamais dû être.
03:31 - Si vous aviez en face de vous François Braun, le ministre de la Santé, en quelques mots, vous lui diriez quoi ?
03:35 - Pourquoi ? Pourquoi on en est là ? Pourquoi est-ce que dans les mots, les infirmiers sont toujours appréciés,
03:45 sont toujours remerciés, sont applaudis parfois aux fenêtres pendant la période Covid,
03:49 mais que dans les faits, on a la sensation qu'il ne se passe pas grand-chose ?
03:52 Donc j'aimerais qu'il m'explique pourquoi on en est là aujourd'hui.
03:55 - Il faut augmenter d'urgence ? Est-ce qu'il faut revoir les priorités ?
03:59 Est-ce que dans le budget, il y a trop de priorités sur l'administratif et pas assez sur le médical ?
04:03 - Bien sûr, on peut se comparer. Alors souvent, nos politiques actuelles, on aime se comparer aux autres pays,
04:08 mais dans ce cas-là, il faut aller jusqu'au bout. Il faut se comparer à l'Allemagne où il n'y a que 10% d'agents administratifs dans l'hôpital.
04:12 Nous, on approche les 30%. Pourquoi est-ce qu'il y a plus d'argent pour les agents administratifs ?
04:18 Pas pour les infirmiers, pas pour les médecins, pas pour les aides-soignants.
04:20 C'est une vraie question. Je pense que même, en tout cas, ils ne sont pas aujourd'hui en capacité de nous expliquer
04:26 pour qu'on comprenne bien. Ils aiment bien faire de la pédagogie, qu'ils en fassent parce qu'on n'a toujours pas compris.
04:30 - Au manque de personnes dans les hôpitaux, la nouveauté, c'est ce décret qui suspend, entre guillemets,
04:36 la suspension de ceux qui avaient refusé de se vacciner contre le Covid. Ça va ramener un petit peu de monde dans les services ?
04:43 - Non, on est très à la marge. Alors effectivement, quand on est en difficulté, rajouter du nombre de soignants,
04:48 c'est toujours intéressant si vous voulez, mais je pense que sur le plan politique, il fallait à un moment donné
04:55 les autoriser à reprendre un exercice. On est à distance de la crise Covid. Bon, voilà, j'ai pas spécialement de commentaires à faire.
05:01 Ça ne va pas révolutionner la problématique que vivent nos collègues aujourd'hui.
05:06 - À l'échelle nationale, c'était 0,3% des soignants selon le ministère de la Santé.
05:11 - Voilà, on va les accueillir évidemment, mais on est loin du résultat qu'on espère.
05:17 - Et surtout, il faudrait réussir à garder ses élèves infirmiers. C'est ce que vous avez fait ?
05:21 - L'homoragie, augmenter le nombre d'étudiants, les promocer bien, mais ce qu'il faut c'est stopper l'homoragie.
05:27 On n'y est pas aujourd'hui.
05:28 - Merci beaucoup Sébastien Lecor, vous êtes président de l'ordre interdépartemental des infirmiers dans le Calvados.
05:35 Lornais et Laman, je suis invité ce matin. France Bleu et France 3, bonne journée.
05:38 - Également.
05:38 - Merci. 8h21, notre invité à retrouver sur francebleu.fr en podcast évidemment.

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