"Je me suis demandé si je valais le coup en tant qu'homme, si cette façon de raconter les choses de façon guillerette, un peu joyeuse n'est pas la prémisse à quelque chose d'autre." Yves Duteil dans "Décibels" sur France Bleu.
Category
🎵
MusiqueTranscription
00:00 moment donné, j'ai pris un tournant, un virage et je me suis posé la question de savoir si je valais le coup en tant qu'homme.
00:10 En fait, si cette façon de présenter les choses de façon guillourette, un peu joyeuse, prime sautière, n'était pas la prémisse à quelque chose d'autre.
00:21 Et quand "Prendre un enfant" a été récompensé, a été salué par le public comme étant la chanson du siècle, là j'ai craqué.
00:32 J'étais très surpris et en même temps pas très bien parce que j'avais un peu le sentiment de me poser la question de la légitimité de ce prix.
00:45 Et je me suis dit mais qu'est-ce que je défends dans mes chansons ? Est-ce que il ne faut pas que je passe un peu à l'action aussi ? C'est-à-dire devenir l'humaniste que je décris dans mes chansons,
00:55 devenir l'homme qui défend des causes comme dans mes chansons. Et quelles causes ?
01:02 Alors j'ai commencé à attraper au vol des propositions de défense de causes légitimes, justes, qui n'étaient pas assez éclairées.
01:10 Je me suis dit la notoriété c'est un cadeau, il faut le rendre au public d'une façon ou d'une autre.
01:14 Donc cette façon de mettre en lumière des choses à travers la notoriété qui m'était offerte, c'est une façon d'agir.
01:20 Mais ce n'était pas seulement ça, c'était aussi quand j'ai écrit "La langue de chez nous", parce que j'avais rencontré Félix Leclerc qui s'était battu pour la francophonie,
01:29 j'ai été frappé de voir qu'une chanson avait des pouvoirs. Une chanson n'a pas le pouvoir de convaincre, mais en tout cas elle a le pouvoir de rassembler.
01:37 On le voit dans les hymnes, on part à la guerre en chantant, on est bercé dans son enfance par des chansons, on est accompagné par des chansons jusqu'à la fin.
01:48 Et les chansons elles rassemblent les gens et "La langue de chez nous" a incroyablement rassemblé toute la francophonie.
01:56 Et là je me suis dit il y a quelque chose d'intéressant à cultiver.
02:00 Et voilà pourquoi j'ai écrit "Refuse", pourquoi j'ai écrit "La tibétaine", pourquoi j'ai écrit "Le mur de la prison d'en face" qui était déjà un peu les prémices de ça.
02:07 Mais aussi une chanson sur Yotsia Krabin, sur le mur de Berlin.
02:12 - Vous dites qu'en musique, qu'en chanson, rien n'est indicible. Vous ne vous refusez aucun sujet.
02:17 - Non, j'ai rien éludé, ni la mort, ni la maladie, ni la souffrance, ni le deuil, ni la guerre, ni la violence.
02:25 Mais la poésie, c'est quelque chose qui rend tout ça supportable.
02:30 Qui rend le monde d'aujourd'hui supportable.
02:32 Parce que quand on le regarde, évidemment, ce n'est pas du tout celui auquel on aspire.
02:36 Mais il y a quand même aussi, dans ce monde, les choses auxquelles on aspire.
02:40 Parce qu'en même temps, quand il y a quelqu'un qui réfléchit à combien de billes d'acier on va pouvoir mettre dans une grenade
02:48 pour qu'elle fasse beaucoup de victimes dans un marché, des innocents de préférence.
02:51 Il y a en même temps, dans la même nuit, quelqu'un qui va être en pleine insomnie
02:57 parce qu'il va réfléchir à comment guérir une maladie incurable, comment faire de la recherche et comment sauver des vies.
03:03 Donc ce sont ces deux aspects de l'humanité. Il y en a forcément un qui va dominer l'autre, un jour.
03:07 Faisons en sorte que ce soit le bon.