Humour résistant : «C'est se moquer de ceux qui oppressent», estime Alya Aglan
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Alya Aglan, professeure d'histoire contemporaine Paris I Panthéon-Sorbonne, répond aux questions de Dimitri Pavlenko. Elle publie "Le rire ou la vie : Anthologie de l'humour résistant 1940-1945" aux éditions Gallimard.
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Transcript
00:00 - Il est 7h12 sur Europe 1. Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin l'historienne Alia Aglan.
00:05 - Bonjour Alia Aglan. - Bonjour.
00:07 - Bienvenue sur Europe 1. Vous êtes professeure d'histoire contemporaine à l'Université Paris, un panthéon Sorbonne.
00:11 Vous êtes spécialiste de la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement de la résistance.
00:16 Vous venez de publier "Le rire ou la vie ? Anthologie de l'humour résistant 1940-1945" chez Gallimard.
00:23 Ça vient de sortir. Emmanuel Macron, Alia Aglan, va présider ce matin sur les Champs-Elysées
00:28 la commémoration du 78e anniversaire de la victoire, 8 mai 1945.
00:34 Ensuite, il ira à Lyon pour un hommage aux résistants et à Jean Moulin.
00:37 Avant de parler de Lyon, peut-être un mot un peu général sur ce 8 mai.
00:40 De quel événement commémore-t-on précisément en ce 8 mai, Alia Aglan ?
00:46 - On commémore la capitulation de l'Allemagne nazie.
00:49 Et il y a une première capitulation qui a lieu à Reims, côté Alliés.
00:54 - Le 7 mai. - Le 7 mai, dans la nuit du 7 au 8 mai.
00:58 Elle prend effet le 8 mai, en fin de nuit.
01:04 Et ensuite, il y a une autre capitulation, cette fois-ci avec les généraux soviétiques
01:10 qui ont réclamé une capitulation de leur côté à Berlin, qui aura lieu le 9 mai.
01:16 Donc, c'est la capitulation qu'on commémore.
01:19 - La capitulation, c'est une rédition, c'est une décision militaire et non pas politique, à la différence d'un armistice.
01:25 - Oui, et de toute façon, à cette époque-là, il n'y a plus de pouvoir politique en Allemagne
01:30 puisque Hitler s'est suicidé dans son bunker.
01:32 Mais attention, ce n'est pas vraiment la fin de la guerre parce que pendant l'été 1945,
01:38 il faut attendre la rédition du Japon après Hiroshima et Nagasaki.
01:42 - La bataille du Pacifique, qui dure beaucoup plus longtemps.
01:44 - La capitulation, c'est le 2 septembre 1945, dans le Pacifique.
01:48 - Alors voilà, c'était important quand même de faire ce rappel un peu général.
01:52 Alors Lyon, je le disais, au lieu de la Résistance, pourquoi ?
01:57 Parce que les trois grands mouvements de résistance de la zone sud vont se créer à Lyon.
02:01 Il y a une mémoire très particulière de la Résistance à Lyon.
02:06 Et pourtant, on en parlait à l'instant hors antenne à Liaglon, on se demandait
02:09 « mais y a-t-il eu déjà une cérémonie officielle, importante, avec le président de la République,
02:14 en un 8 mai, qui mettrait Lyon à l'honneur ? »
02:17 Pas évident, comme ça, à dire comme ça, il n'y a pas une cérémonie qui nous revient à l'esprit.
02:21 Pourquoi cette symbolique lyonnaise est-elle mise à l'honneur, d'après vous, par Emmanuel Macron cette année ?
02:26 - Alors, le choix symbolique de la prison de Montluc à Lyon,
02:30 c'est une manière de rappeler que Lyon a été l'une des capitales de la Résistance,
02:34 parce que c'était en zone sud et que précisément, les Allemands n'y étaient pas encore.
02:39 Ça a d'abord été, Montluc, une prison militaire française,
02:44 puis à partir de février 1943, une prison allemande.
02:47 - Oui, la prison de Vichy, puis la prison allemande.
02:51 - Puis c'est redevenu une prison militaire, notamment quelques nationalistes algériens y ont été incarcérés.
02:57 Choisir Lyon comme centre névralgique des commémorations de cette année,
03:03 c'est réinsérer la seconde guerre mondiale dans des enjeux franco-français.
03:08 C'est-à-dire que la Résistance est quelque chose qui est quand même un symbole d'unité,
03:16 parce que c'est une réaction universelle, à la barbarie.
03:19 Donc au-delà de la seconde guerre mondiale et des enjeux, on peut y voir un message actuel, c'est-à-dire qu'on résiste.
03:27 - D'un président aussi qui crée un Conseil national de la refondation,
03:31 reprenant l'acronyme CNR, Conseil national de la Résistance.
03:35 - Oui, et Dieu sait que le Conseil national de la Résistance a été très important
03:39 pour asseoir la légitimité du général de Gaulle et de la France libre.
03:43 - Alors, hommage va être rendu en particulier à Jean Moulin.
03:46 Faut-il rappeler qui est Jean Moulin, allié à Glen ?
03:48 - Si, c'est quand même important, puisque malheureusement le temps passe, certains l'oublissent.
03:52 L'homme qui fut chargé d'unifier la Résistance, et il va être arrêté,
03:57 traqué puis arrêté par Klaus Barbie, à qui l'on fera cet honneur, si je puis dire,
04:02 d'aller visiter justement la prison de Montluc lorsqu'il sera arrêté en 1983.
04:06 - Oui, il y sera lui-même incarcéré. - Une nuit.
04:09 - Oui. Jean Moulin est plus qu'un symbole, c'est vraiment le représentant du général de Gaulle
04:17 auprès des mouvements de Résistance.
04:19 Et il a mis un certain temps à s'imposer, mais il a réussi à s'imposer.
04:23 C'est aussi le grand argentier, donc c'est celui qui va distribuer les subsides
04:27 aux mouvements principaux de la Résistance.
04:30 - Avant qu'elle soit transférée à Paris, malheureusement.
04:32 Le centre névralgique de la Résistance va passer de Lyon à Paris, finalement, assez rapidement.
04:38 - Oui, mais c'est surtout aussi... C'est Alger aussi.
04:41 On oublie, il y a Londres, il y a Alger.
04:44 Alger est une capitale de la Résistance à partir du débarquement...
04:50 L'opération Torch en Afrique du Nord ouvre quand même des territoires qui sont français à l'époque.
04:56 Trois départements français.
04:57 Et s'installe à Alger une assemblée consultative provisoire en novembre 1943
05:02 qui sera vraiment l'assise principale du mouvement gaulliste
05:06 et une légitimité très importante.
05:08 - Alors on va évidemment écouter ce que dira Emmanuel Macron.
05:11 Comment il va peut-être tenter d'actualiser la mémoire de la Résistance,
05:15 à délivrer un message contemporain sur cette mémoire de la guerre et de la Résistance.
05:20 Alors, juste un mot quand même de votre ouvrage, Ali Aghlon, consacré à l'humour résistant.
05:24 Il y a un humour résistant véritablement, particulier.
05:27 - Oui, il y a des textes clandestins qui circulent dès l'été 40
05:31 et qui prennent la veine de l'humour comme arme de guerre.
05:34 En réalité, pour défaire la conquête de la France par les nazis.
05:39 Se moquer des nazis, c'est vraiment leur enlever toute puissance, toute crédibilité.
05:43 - Vous dites réflexe universel contre la barbarie. L'humour, c'est ça ?
05:47 - On le voit aujourd'hui avec ce qui se passe en Ukraine.
05:49 Les Ukrainiens ont fait preuve d'humour
05:52 et l'humour résistant est très réactualisé par cette guerre.
05:57 - Et alors on moque l'occupant, évidemment,
05:58 mais est-ce qu'il y avait une forme d'auto-dérision aussi de la Résistance, Ali Aghlon ?
06:03 - Alors, je n'ai pas trouvé cette veine-là.
06:06 Par contre, je retrouve une tradition politique pamphlétaire
06:11 qui existe dans la civilisation européenne depuis au moins l'époque de la monarchie absolue.
06:18 Mais non, ce n'est pas une auto-dérision.
06:20 C'est plutôt se moquer des collaborationnistes, des valets, des nazis,
06:26 se moquer des ministres de Vichy, se moquer de tout ce qui oppresse,
06:32 la manière dont les Allemands vident littéralement le territoire.
06:36 Non, c'est vraiment se moquer.
06:38 C'est regarder les nazis avec un œil de nazi,
06:40 c'est-à-dire retourner le racisme contre lui-même.
06:43 - Voilà, ça s'appelle ? - Caricature, chanson.
06:45 - Voilà, votre livre "Le rire ou la vie ? Anthologie de l'humour résistant 40-45"
06:50 s'est publié chez Gallimard et s'est refait d'illustrations
06:52 tirées des archives de La France Libre.
06:54 C'était le livre dont il fallait parler en ce jour de commémoration du 8 mai.
06:59 Merci d'être venu nous voir. - Merci à vous.
07:01 - Ici Laurent Pins, Alia Haggland, bonne journée à vous.
07:03 - Merci à vous. - 7h19.
07:05 - Dans moins de 5 minutes.