Frédéric Taddeï et ses invités débattent des grandes questions du XXIe siècle dans les #VisiteursDuSoir
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00:00:00 Les quatre premiers visiteurs du soir sont déjà autour de moi.
00:00:05 L'émission commence juste après le rappel des titres.
00:00:08 Emmanuel Macron publie une lettre manuscrite sur Twitter.
00:00:15 Le président de la République y remercie ses électeurs de lui avoir fait confiance
00:00:19 pour la première fois il y a six ans.
00:00:20 « Comptez sur tout mon engagement et ma détermination », a conclu dans le texte le chef de l'État.
00:00:26 La CGT du Rhône va déposer un recours contre la mise en place d'un périmètre d'interdiction
00:00:31 de manifester dans le quartier de Montluc à Lyon.
00:00:33 Demain, à l'occasion du 8 mai, Emmanuel Macron y est attendu pour rendre hommage à
00:00:37 la Résistance française et à Jean Moulin.
00:00:39 Si la justice ne lève pas l'interdiction, le rassemblement pourrait avoir lieu un peu
00:00:43 plus loin, a précisé le syndicat.
00:00:45 Et puis on connaît le grand gagnant du concours L'Épine à la Foire de Paris.
00:00:50 Ce dimanche, le jury de la compétition, qui récompense les meilleures innovations de l'année,
00:00:54 va attribuer son premier prix à Drift, un système de freinage adaptable à tous les
00:00:58 fauteuils roulants manuels.
00:00:59 Depuis 1901, le concours L'Épine a vu passer les inventeurs du stylo à billes, du fer
00:01:04 à repasser vapeur ou encore des lentilles de contact.
00:01:06 (Générique)
00:01:22 Bonsoir, bienvenue sur le plateau des visiteurs du soir.
00:01:24 C'est la fin de la semaine, il est 22h, on peut se dire des choses qu'on n'entend pas ailleurs.
00:01:29 Laetitia Strauch-Bonhart est avec nous ce soir.
00:01:32 Vous êtes l'auteur de Vous avez dit conservateur et de De la France, ce pays que l'on croyait connaître.
00:01:38 On parlera tout à l'heure avec vous d'Emmanuel Macron.
00:01:40 Selon un sondage paru dans l'Opinion, 44% des Français ne le trouvent pas assez libéral.
00:01:46 On va voir ce qu'en pense Henri Sterdyniak, l'un des fondateurs des économistes atterrés,
00:01:51 dont le dernier essai est consacré à la crise économique liée au Covid.
00:01:55 Et l'historien Christophe De Vogue, spécialiste des idées politiques et de la rhétorique
00:02:00 qui les accompagne. Votre dernier livre a beau être sorti en 2017, il est toujours d'actualité.
00:02:05 Il s'intitule Réformer, quel discours pour convaincre ?
00:02:08 Et Jean-François Colosimo, l'auteur du Sabre et le Turban.
00:02:12 Et là également, à 23h, on s'intéressera avec vous aux élections turques
00:02:15 qui se dérouleront le 14 mai prochain.
00:02:18 Qu'est-ce qui se joue exactement dans la réélection ou pas d'Erdogan ?
00:02:22 Il y aura également Nora Seni et Jean-François Pérouse.
00:02:25 Mais d'abord, place aux mathématiques avec Martine Quignot-Benhamot,
00:02:29 qui est en duplex avec nous. Bonsoir Martine, vous avez été longtemps
00:02:33 professeur de maths à l'université d'Aix-Marseille.
00:02:36 Aujourd'hui, vous vous adressez au plus grand nombre dans un livre intitulé
00:02:40 "Un grindry sur l'échiquier". On connaît la légende indienne
00:02:44 à laquelle vous faites allusion. Le roi aurait demandé à l'inventeur du jeu d'échecs
00:02:47 ce qu'il voulait être en récompense. Celui-ci aurait répondu de poser un grindry
00:02:51 sur la première case, deux sur la deuxième, quatre sur la suivante, et ainsi de suite.
00:02:56 De doubler le nombre de grindry à chaque case, qu'est-ce que cette histoire
00:02:59 vous enseigne à vous ?
00:03:02 Alors elle enseigne plusieurs choses. Elle enseigne d'abord un récit qui sert
00:03:06 à faire passer une connaissance, à savoir le récit qui illustre ainsi
00:03:13 la croissance exponentielle et les ordres de grandeur que l'on maîtrise très mal.
00:03:20 Donc, pour le dire rapidement, le nombre de grindry double de case en case,
00:03:26 et dès la onzième case, on a plus de 1000 grains de riz.
00:03:31 Et sur la dernière et 64e case, il y a ou il y aurait,
00:03:37 c'est impossible évidemment de les mettre tous, mais il faudrait mettre
00:03:41 10 milliards de milliards de grains de riz pour que le roi puisse honorer
00:03:45 la promesse qu'il avait faite à l'inventeur du jeu d'échecs, à savoir
00:03:50 prendre tout ce qu'il y a sur la dernière case de ce jeu d'échecs.
00:03:55 Donc, ce que l'on voit ici par cette légende, et j'aimais bien quand j'étais
00:04:00 professeur, et je redis ici la joie que j'ai eue à faire des mathématiques
00:04:06 et surtout à la transmettre à de jeunes élèves, de jeunes étudiants.
00:04:12 Et maintenant, l'enjeu c'est de transmettre avec le même enthousiasme
00:04:17 pour des adultes, des citoyens. Et donc, la croissance exponentielle
00:04:23 que l'on voit ici à l'œuvre, ou qu'on imagine en tout cas,
00:04:27 eh bien, elle montre la rapidité et la difficulté qu'on a à maîtriser
00:04:34 des ordres de grandeur.
00:04:35 Et en fait, c'est le même calcul qu'on a fait pendant le Covid,
00:04:41 quand le taux de reproduction était de 2, par exemple.
00:04:45 - Ça veut dire que, à chaque fois, ça doublait ?
00:04:48 - A chaque fois, ça double. Et donc, quand le taux de reproduction,
00:04:50 c'est-à-dire la capacité qu'a une personne éventuellement de contaminer
00:04:54 d'autres personnes, donc, eh bien, au bout de 10 contaminations,
00:05:00 on peut avoir plus de 1000 personnes contaminées.
00:05:03 Et donc, ça nous dit cette chose-là. Ça nous dit aussi que, eh bien,
00:05:11 si notre croissance d'énergie, qui a doublé depuis les 40 dernières années,
00:05:16 continue à ce rythme-là, eh bien, les choses pourront aller très mal.
00:05:20 Il pourra nous arriver les mêmes mésaventures que le roi Bektib.
00:05:26 - Les mathématiques, c'est politique, dites-vous.
00:05:30 Vous voulez dire que ce sont des armes ?
00:05:33 - Non, je veux dire qu'il s'agit, en fait, de partager l'idée
00:05:39 qui a été à l'origine de ce livre, à savoir, les mathématiques
00:05:43 sont un bien commun mal partagé. Un bien commun, donc, ça veut dire déjà
00:05:48 que c'est un bien. Et cela va peut-être contre le sens commun.
00:05:53 C'est un bien parce qu'il permet effectivement aux citoyens,
00:05:56 à tous les citoyens, même inutiles de savoir résoudre des équations,
00:06:00 mais un citoyen mieux armé face à l'ensemble des informations chiffrées
00:06:06 qui nous tombent dessus même quand on ne l'a pas désirée.
00:06:11 Cette injonction à évaluer tout et n'importe quoi, eh bien,
00:06:16 un citoyen mieux armé avec des connaissances du langage mathématique
00:06:23 et surtout des mots du vocabulaire mathématique, qui sont, à mon avis,
00:06:28 absolument indispensables pour comprendre non seulement
00:06:32 la croissance exponentielle, mais même un mot très simple,
00:06:35 je l'explique dans le livre, comme pourcentage, par exemple.
00:06:39 On nous parle tout le temps de moyenne, mais il faut se méfier des moyennes,
00:06:48 dites-vous, qui ne signifient pas toujours ce que l'on croit.
00:06:52 C'est surtout qu'il faut rentrer dans la nuance et la moyenne ne le permet pas.
00:06:56 Quant à l'allongement de l'espérance de vie, qui d'ailleurs était vrai
00:07:01 jusqu'aux années 2010 et qui n'est plus vrai maintenant,
00:07:05 pour des questions d'environnement, pour des questions d'alimentation,
00:07:08 pour des questions de santé publique, il est faux de continuer à penser
00:07:14 que l'espérance de vie augmente, mais même admettons qu'elle augmente,
00:07:18 disons, en moyenne, cela ne masque pas les écarts considérables
00:07:23 qu'il peut y avoir entre un cadre supérieur vivant dans un environnement
00:07:27 protégé et une personne ayant un travail pénible vivant dans un milieu
00:07:33 très pollué pour aller jusqu'aux extrêmes.
00:07:36 Donc la moyenne est un indicateur de tendance et elle sert à prendre
00:07:40 des décisions comme d'autres indicateurs, mais vraiment celui-là,
00:07:44 c'est l'indicateur vedette.
00:07:48 Et donc cet indicateur de moyenne, il est bien insuffisant pour tenir compte
00:07:52 de la nuance et de la complexité des choses.
00:07:54 Les mathématiques Martine Quignot-Benhamot,
00:07:58 ce n'est pas seulement une histoire de calcul, c'est avant tout un raisonnement,
00:08:02 ce qu'on appelle le raisonnement mathématique.
00:08:04 Si je mise au casino sur le rouge, j'ai une chance sur deux de gagner,
00:08:09 mais un joueur de basket n'a pas une chance sur deux de mettre un panier
00:08:13 quand il lance le ballon.
00:08:15 Et non, et si je joue contre Raphaël Nadal au tennis,
00:08:19 il y a effectivement deux possibilités, je gagne ou je perds.
00:08:22 Mais vous pensez bien qu'il est très, très, très peu probable que je gagne.
00:08:28 Et donc, j'ai surtout pas une chance sur deux.
00:08:30 D'ailleurs, il est impossible même de calculer la probabilité de gagner.
00:08:35 Mais c'est vrai que quand on voit un joueur de basket qui s'approche,
00:08:38 on se dit il a une chance sur deux.
00:08:39 Il va le mettre ou il va pas le mettre.
00:08:40 Mais non, en réalité, non, parce que ça dépend du joueur.
00:08:43 Alors qu'entre le rouge et le noir, ça dépend pas du rouge ou du noir.
00:08:47 Ce n'est qu'une question de hasard pour le rouge et le noir.
00:08:50 Alors en 2016, il suffisait à Hillary Clinton de gagner un des quatre États-clés
00:08:57 pour être élue présidente des États-Unis.
00:08:59 Et un sur quatre, on s'est dit, et c'est ce que sont dits les sondeurs,
00:09:04 ils se sont dit, elle va forcément être élue présidente des États-Unis.
00:09:08 Pourquoi est-ce qu'ils se sont trompés ?
00:09:11 Eh bien, ils se sont trompés parce qu'ils n'ont pas utilisé
00:09:13 des qualités requises pour faire des mathématiques,
00:09:16 à savoir le discernement et la clairvoyance.
00:09:21 Ils ont manqué de discernement et du coup, ils ont manqué de clairvoyance
00:09:24 parce qu'ils ont considéré qu'il était impossible ou très peu probable
00:09:30 que les quatre États-clés perdent, soit tous les quatre en faveur de Trump.
00:09:35 Mais les raisons qui ont fait que les électeurs de Trump ont voté dans un État
00:09:40 sont exactement les mêmes d'un État à l'autre.
00:09:42 Donc, en fait, c'est ce qu'on appelle en probabilité des événements dépendants
00:09:47 et non pas indépendants.
00:09:49 Ce n'est pas comme les naissances d'enfants.
00:09:52 Si vous avez eu trois filles, eh bien, la quatrième naissance a tout autant
00:09:58 de probabilités d'être une fille que les précédentes,
00:10:02 à savoir une chance sur deux environ.
00:10:04 Voilà, comme de se rouler tout le temps sur le rouge au casino.
00:10:07 La quatrième fois, on a autant de chances de tomber sur le rouge que sur le noir.
00:10:11 Exactement. La roulette n'a pas de mémoire.
00:10:15 Et beaucoup de gens pensent que les paris sportifs,
00:10:20 et là je mets le doigt sur quelque chose de très douloureux pour certaines familles
00:10:25 qui sont confrontées à ce véritable fléau, mais on a pu faire croire
00:10:29 et on continue de faire croire sur des sites internet
00:10:32 que les mathématiques et l'intelligence artificielle peuvent faire gagner
00:10:37 des joueurs à des paris sportifs tout simplement parce que c'est mathématique.
00:10:43 Eh bien, c'est une tromperie.
00:10:46 Et donc, l'objet du livre, c'est vraiment de montrer qu'armer,
00:10:50 et plus généralement, la science, si vous voulez,
00:10:53 je crois en la puissance de la science.
00:10:55 Je crois en la puissance de la science pour ramener plus de démocratie
00:11:00 et ramener les électeurs à la confiance qu'ils ont peut-être perdue
00:11:06 en leur politique.
00:11:08 - Mais alors, en juillet 2021, vous citez cet exemple, Martin Quignot-Bueno,
00:11:14 en juillet 2021, il y a eu 53 cas de troubles thrombo-emboliques
00:11:19 signalés en France à la suite des injections d'AstraZeneca.
00:11:26 Il y a eu quand même 13 décès.
00:11:28 Or, sur 6,5 millions d'injections, vous dites que ça restait extrêmement rare.
00:11:33 Mais ça faisait quand même 53 cas, dont 13 morts.
00:11:40 Alors, ça ne fait que 0,0008% des cas.
00:11:45 Mais quel est le chiffre le plus vrai, au fond ?
00:11:48 Est-ce que c'est 13 morts, 53 personnes qui ont des problèmes graves,
00:11:52 13 morts, ou c'est 0,0008% ?
00:11:56 - Les deux, en général.
00:11:58 Les deux sont vrais.
00:12:00 Seulement, il y en a un qui oublie le dénominateur.
00:12:04 C'est-à-dire que quand on dit 13 cas sur 6,5 milliards,
00:12:08 vous, moi, tout le monde se focalise sur les 13 cas.
00:12:14 Et oublie qu'il y a eu 6 millions et quelques d'injections
00:12:17 qui se sont très bien passées.
00:12:20 Mais cette crainte, elle est tout à fait naturelle.
00:12:25 C'est Daniel Kahneman, dans son livre "Systeme 1, Système 2",
00:12:29 qui le dit beaucoup mieux que moi.
00:12:30 Moi, je ne suis pas une sociologue.
00:12:34 Mais voilà, le fait d'avoir un pourcentage, 0,0008,
00:12:42 est beaucoup moins inquiétant parce que les 13 morts, malheureusement,
00:12:47 et les 53 effets secondaires graves, eh bien, on les imagine très bien.
00:12:54 On se met à leur place.
00:12:56 On se dit, ça aurait pu être moins.
00:12:58 Mais c'est comme si vous refusiez la vaccination.
00:13:02 C'est un peu comme si vous refusiez de prendre un avion
00:13:04 parce que la veille, il y a eu un accident.
00:13:06 - Certes, mais j'en reviens parce que c'est vrai que les pourcentages
00:13:09 sont souvent trompeurs.
00:13:11 Mais j'ai l'impression que les numérateurs et les dénominateurs,
00:13:14 comme vous les appelez, ça peut être trompeur aussi.
00:13:16 En 2022, il y a eu 109 femmes tuées en France par leur conjoint
00:13:21 ou leur ex-conjoint.
00:13:23 Un féminicide a eu lieu tous les trois jours et demi.
00:13:26 C'est horrible.
00:13:27 On comprend que les femmes puissent avoir peur.
00:13:30 Mais si, au lieu, comme vous le dites, de se concentrer sur le numérateur,
00:13:34 le nombre de féminicides, on se rappelle le dénominateur,
00:13:38 c'est-à-dire le nombre de femmes de plus de 15 ans en France, 30 millions.
00:13:41 À ce moment-là, on obtient 0,0003%.
00:13:46 Mais une statistique exprimée comme celle-ci, ça n'a pas le même effet
00:13:51 qu'une femme mourant tous les trois jours.
00:13:56 Et par la même occasion, ce chiffre-là, ça permet de prendre réellement en compte
00:14:02 des meurtres qui ont eu lieu, ce qu'un pourcentage ne nous permettra jamais de faire.
00:14:09 Oui, c'est ce que je vous ai dit.
00:14:10 Effectivement, tout dépend de l'endroit où on met le focus.
00:14:16 Mais il me semble que quand vous avez une information chiffrée,
00:14:20 mais une autre information d'ailleurs, l'important, c'est de savoir qui parle.
00:14:24 Qui parle ?
00:14:25 Donc, quel crédit est accordé à l'information ?
00:14:28 Je ne dis pas que les chiffres sont faux, je ne dis pas non plus qu'ils mentent,
00:14:31 parce que si on commence à aller dans cette voie-là, les chiffres mentent,
00:14:36 tout le monde est pourri, etc., cela conduit à un populisme,
00:14:40 et donc c'est délétère de penser cela.
00:14:44 Je pense au contraire, il faut redonner confiance dans la science.
00:14:47 Et c'est pour ça que je vous dis, pour moi, il est important,
00:14:52 quand je reçois une information, je me demande d'où elle vient.
00:14:58 Si elle vient d'Étienne Klein, eh bien ça a un poids,
00:15:02 et je lui accorde le poids que cela mérite.
00:15:06 Mais ça, ça voudrait dire que les chiffres sont intéressants à la tête du client.
00:15:09 Non.
00:15:10 Ce que vous avez l'air de dire dans votre livre, et c'est ce qui le rend aussi intéressant,
00:15:13 c'est qu'au fond, les chiffres ne mentent pas, vous l'avez dit,
00:15:15 mais leur interprétation peut être trompeuse.
00:15:18 Elle peut être paresseuse surtout.
00:15:20 Elle peut être paresseuse si on n'a pas envie d'aller voir un peu mieux.
00:15:25 C'est pour ça que c'est difficile les mathématiques en général,
00:15:28 parce qu'on a l'impression que cela peut se réserver à des spécialistes, à une élite.
00:15:34 Or, moi, je dis non, c'est pour tout le monde.
00:15:36 Ce n'est ni réservé à des spécialistes, ni réservé à un genre, la preuve.
00:15:43 Mais voilà, l'important, c'est de savoir exactement l'interprétation qu'il faut en faire.
00:15:52 Si par exemple, je dis que le tabac rapporte 15 milliards d'euros par an à l'État,
00:15:59 c'est une information, elle est probablement, si on prend une fourchette, c'est une estimation.
00:16:04 Il n'y a pas de raison de considérer qu'elle est fausse.
00:16:07 Mais si on ajoute l'information suivante, que le tabac coûte 130 millions à la société par an,
00:16:15 et environ 75 000 morts dus au décès par cette cause-là,
00:16:21 alors vous voyez que le premier chiffre, la première donnée statistique de 15 milliards rapportés à l'État,
00:16:28 prend une toute autre signification.
00:16:32 Donc, il suffit qu'il faut les interpréter.
00:16:34 Ça coûte 130 millions ou ça coûte 130 milliards ?
00:16:37 130 milliards. 130 milliards à la société, oui.
00:16:41 130 milliards à la société.
00:16:43 Non mais les chiffres et moi, vous savez, bon...
00:16:46 C'est le cas de le dire, effectivement.
00:16:48 Il y a un autre exemple qui me revient parce qu'il m'a frappé dans votre livre.
00:16:53 Je marche dans la rue.
00:16:55 Tout à coup, une tuile tombe du toit, tombe juste devant moi.
00:16:59 Pas de chance.
00:17:00 Oh là là, j'ai eu de la chance.
00:17:02 Devant vous, oui.
00:17:04 Je me dis que j'ai eu de la chance.
00:17:05 Mais en réalité, non.
00:17:06 Parce qu'en fait, cette tuile est tombée du toit.
00:17:09 Là-haut non plus.
00:17:10 J'avais une chance sur deux de la prendre sur la tête.
00:17:13 Ah ben non.
00:17:14 Pas plus que le basket, le panier dans le basket,
00:17:17 et pas plus que le fait que si je joue contre Raphaël Nadal,
00:17:21 je n'ai pas une chance sur deux de gagner.
00:17:23 Mais est-ce que le hasard existe en mathématiques ?
00:17:26 Ah oui.
00:17:28 Il existe non seulement en mathématiques,
00:17:30 mais il existe dans la vie des particules qui nous entourent,
00:17:33 dans l'air qui est ambiant.
00:17:34 Il existe dans les gènes qui sont en nous.
00:17:38 Alors c'est vrai qu'il y a deux ou trois siècles,
00:17:41 on pensait que le hasard n'était que l'expression de notre ignorance.
00:17:45 Un jour, une intelligence supérieure pourra dominer le hasard.
00:17:50 Mais non.
00:17:52 Le hasard fait partie de la vie des particules.
00:17:55 On sait bien ça depuis Einstein, en tout cas, au moins.
00:17:58 Dernière question, parce qu'il nous reste une minute.
00:18:00 De même qu'on s'est dit que ce n'est pas possible
00:18:03 qu'Hillary Clinton perde quatre états-clés,
00:18:06 si mon autobus arrive quatre fois en retard la même semaine,
00:18:12 est-ce que c'est un hasard ou il y a un problème ?
00:18:16 Alors là, je ne suis pas spécialiste dans les choses.
00:18:20 Est-ce que je peux me dire que c'est par hasard ?
00:18:22 Est-ce qu'il y a une chance que ce soit par hasard
00:18:24 ou il y a forcément un problème ?
00:18:26 Il faut considérer que le hasard fait partie de nos vies.
00:18:29 Et surtout, non seulement le hasard, mais l'incertitude.
00:18:32 Et l'incertitude, il faut l'accepter.
00:18:34 Ne croyez pas, celui qui va vous annoncer les résultats d'un sondage,
00:18:38 il a, il est, ça, ce n'est pas forcément si visible,
00:18:43 mais il a l'incertitude chevillée au corps, si je puis dire.
00:18:47 Parce qu'il va annoncer un résultat, qui est le résultat d'une estimation.
00:18:51 Et donc, en fait, il va annoncer non pas un résultat, mais une fourchette.
00:18:55 Et en plus, cette fourchette n'est même pas totalement sûre.
00:18:58 Donc, oui, le hasard et l'incertitude, elle fait partie, c'est ça.
00:19:03 Mais les mathématiques, les probabilités en particulier,
00:19:06 permettent de contrôler les risques, permettent d'évaluer les risques.
00:19:10 Et ça, on en a besoin dans la vie quotidienne.
00:19:13 Quand il y a eu un moment du Covid…
00:19:15 – Je suis obligé de vous arrêter Martine Quignot-Bueno,
00:19:19 parce que c'est l'heure du rappel des titres,
00:19:21 mais pas des titres d'ailleurs, mais on est obligé de faire une pause.
00:19:24 Merci en tout cas, et je renvoie à la lecture de votre livre
00:19:27 "Le grinderie sur les chiquiers".
00:19:29 Merci encore, on fait une pause, on se retrouve juste après
00:19:32 et on va parler d'un sondage d'ailleurs.
00:19:34 Enfin, en tout cas, on va partir de ce sondage.
00:19:36 Les visiteurs du soir, c'est de 22h à minuit.
00:19:44 Le quotidien "L'Opinion" a publié cette semaine la 6ème édition
00:19:47 de son sondage annuel sur les Français et le libéralisme.
00:19:51 Et il en ressort que 64% de nos concitoyens considèrent
00:19:55 que les libertés individuelles se sont affaiblies au cours
00:19:58 des dernières années.
00:19:59 Plus étonnant, 44% trouvent qu'Emmanuel Macron n'est pas assez libéral
00:20:04 sur le plan économique.
00:20:05 Il n'était qu'un tiers auparavant, et seulement 29% le jugent trop libéral.
00:20:10 Alors, notre président est-il libéral ou pas ?
00:20:13 Trop ou pas assez ?
00:20:14 Vous avez tous une idée sur le sujet,
00:20:16 Laetitia St-Auchebonnard, Henri Sterdyniak, Christophe De Vogt,
00:20:20 Éric Baird aussi, qui nous a rejoints par Skype.
00:20:23 Bonsoir Éric Baird.
00:20:24 Bonsoir.
00:20:25 Vous enseignez l'économie à l'université de Bordeaux,
00:20:27 vous êtes l'auteur de "L'intégrisme économique"
00:20:30 et dans une tribune dans le monde, vous êtes élevé contre
00:20:33 la politique budgétaire du gouvernement.
00:20:35 Je vous dirai tout à l'heure pourquoi.
00:20:37 Laetitia St-Auchebonnard, vous êtes la seule qui ne soit pas économiste,
00:20:40 mais vous êtes une bonne connaisseuse de la France
00:20:42 et des idées politiques qui la traversent.
00:20:44 A vous l'honneur ?
00:20:45 Trop libéral, Emmanuel Macron, ou pas assez ?
00:20:48 Alors tout dépend de ce qu'on entend par libéral.
00:20:51 Après, je pense qu'Emmanuel Macron n'est pas un libéral authentique.
00:20:57 C'est-à-dire que si on définit le libéralisme comme un attachement
00:21:00 aux libertés individuelles, à la fois dans le domaine politique,
00:21:05 social et en économie, Emmanuel Macron n'en a pas fait son programme,
00:21:12 surtout il y a un an, mais même en 2017.
00:21:15 Il y avait des éléments de libéralisme dans son programme,
00:21:17 mais il y avait aussi des éléments tout à fait fidèles à la tradition française,
00:21:22 disons d'un État présent, d'un État fort, à la fois dans le domaine régalien,
00:21:27 dans le domaine économique, mais, et c'est là que ça se complique,
00:21:32 il est beaucoup plus libéral que d'autres.
00:21:35 C'est-à-dire que tout est relatif.
00:21:37 Vous voulez dire que pour un Français, il est libéral ?
00:21:39 Déjà pour certains Français, il faut le reconnaître,
00:21:41 il est trop libéral, il est très libéral,
00:21:43 mais surtout si on le compare au reste du spectre politique,
00:21:47 on se rend compte que si on le compare à la droite,
00:21:50 si on compare au Rassemblement National,
00:21:52 le Rassemblement National aujourd'hui est plutôt dirigiste,
00:21:55 donc il est plus libéral que ce qu'il y a à droite.
00:21:57 Les Républicains, alors ce qu'il en reste,
00:21:59 ne savent plus très bien où ils en sont.
00:22:01 Avant, ils étaient libéraux, mais certains sont plus dirigistes.
00:22:04 Et si vous allez du côté gauche, pareil, vous n'avez pas de libéralisme économique
00:22:09 et au contraire, au sein de la France Insoumise,
00:22:12 il y a plutôt une très forte opposition au libéralisme économique.
00:22:15 Donc dans ce contexte, il est plus libéral.
00:22:18 Mais si vous demandez aux libéraux convaincus, non,
00:22:22 il est peu convaincant sur ce point.
00:22:25 Henri Sterdyniak, non pas que vous soyez un libéral convaincu,
00:22:27 mais il est assez ou trop libéral, Emmanuel Macron ?
00:22:32 Je ne pense pas que le concept de libéral s'applique dans le cas présent.
00:22:37 Emmanuel Macron est le représentant de l'oligarchie financière.
00:22:42 Il représente ce qu'on appelle maintenant le néolibéralisme,
00:22:46 c'est-à-dire l'idée que grosso modo, il faut mettre l'État au service des entreprises,
00:22:53 que pour s'en sortir, il faut que la France abandonne une grande partie
00:22:58 de son modèle social pour baisser les dépenses publiques,
00:23:02 baisser les dépenses sociales pour pouvoir aider plus les entreprises,
00:23:08 pour augmenter l'attractivité du territoire.
00:23:11 Ce n'est pas vraiment un programme libéral au sens où,
00:23:16 effectivement, il y a toujours une importante intervention de l'État.
00:23:20 On l'a vu au moment du Covid-19, l'État est intervenu massivement
00:23:25 pour aider les ménages, mais aussi les entreprises.
00:23:29 On le voit maintenant avec le programme où on dit
00:23:32 qu'on va aider les entreprises à se décarboner, à faire de l'hydrogène vert, etc.
00:23:38 Ce n'est pas un programme libéral.
00:23:40 La question qu'on peut se poser, c'est en matière économique,
00:23:44 est-ce que le libéralisme a encore un sens aujourd'hui
00:23:47 avec les problèmes auxquels est confrontée l'économie mondiale,
00:23:52 en particulier les contraintes écologiques ?
00:23:55 Christophe Devogue ?
00:23:56 Quand il s'est présenté aux Français, j'avais fait un petit diagnostic
00:24:00 pour le Figaro à l'époque, et je crois que ça a l'air assez conforté
00:24:05 par son évolution d'un strict point de vue des idées politiques.
00:24:08 Il est beaucoup plus saint-simonien.
00:24:10 C'est un homme, on l'a entendu récemment, qui travaille, ordre et progrès.
00:24:14 Ordre et progrès, c'est la devise du Brésil qui a été décidée,
00:24:18 si j'ose dire, par son disciple Auguste Comte.
00:24:21 C'est un véritable saint-simonien,
00:24:23 ce qui est l'idéologie de la technocratie française,
00:24:26 beaucoup plus que des oligarchies financières internationales.
00:24:29 C'est-à-dire qu'Elisabeth Borne la partage,
00:24:31 cette idée que l'État, et là je cite beaucoup la suite,
00:24:34 ce qui fait qu'il n'est pas libéral à mon avis,
00:24:36 pour lui l'État est au centre de tout.
00:24:38 Et contrairement à ce qu'on croit souvent, il l'a dit dès 2017.
00:24:41 Il parle de la puissance souveraine de l'État,
00:24:44 qui doit rester nécessaire et intacte.
00:24:46 Donc Emmanuel Macron est plutôt un représentant typique
00:24:50 des élites françaises, qui sont marqués par ce saint-simonisme
00:24:54 très fort à l'école polytechnique, très fort à l'ENA,
00:24:58 et dont il est la parfaite incarnation.
00:25:00 Et on le voit bien, vous l'avez très justement rappelé,
00:25:03 les déficits publics n'ont jamais été aussi élevés.
00:25:06 Oui, mais enfin là, il se trouve qu'il y a eu le Covid.
00:25:08 Non, mais même avant le Covid,
00:25:10 le déficit budgétaire de la France remontait.
00:25:13 Tout le monde l'oublie un petit peu.
00:25:14 En 2019, le déficit budgétaire avait remonté.
00:25:17 Nos dépenses publiques sont considérables, avec ou sans Covid,
00:25:22 et nos prélèvements obligatoires atteignent un record historique.
00:25:25 On fait mieux dans le libéralisme.
00:25:27 On fait aussi mieux dans le saint-simonisme, d'ailleurs.
00:25:29 Mais en tout cas, l'inspiration politique,
00:25:31 l'inspiration philosophique me paraît très clairement celle...
00:25:34 Regardez la pédagogie, c'était typiquement racismonien.
00:25:37 Regardez le côté messianique, c'était noté par Cécile Alduit
00:25:41 dans son vocabulaire, son côté français, je vais vous dire,
00:25:44 l'espérance, la vérité, ce langage, ce type de langage très inspiré.
00:25:49 Jean-François Colussimo connaît bien cette inspiration religieuse,
00:25:53 est typiquement saint-simonienne.
00:25:55 Le nouveau christianisme, disait saint-Simon.
00:25:58 Donc, si vous prenez toutes les cases,
00:26:00 le contenu, le résultat et l'inspiration,
00:26:03 vous avez quelque chose qui est quand même assez loin de la matrice libérale.
00:26:07 On écoute le rappel des titres par Miquel Dos Santos
00:26:11 et on revient à notre débat et notamment à Eric Baird.
00:26:15 Après le couronnement de Charles III,
00:26:20 des milliers de britanniques se sont réunis pour les Big Lunch.
00:26:23 Plus de 67 000 grands déjeuners de rue ont eu lieu dans tout le royaume.
00:26:27 En ce moment même, environ 20 000 personnes sont réunies
00:26:30 pour un grand concert au château de Windsor.
00:26:32 Parmi les invités, Katy Perry, Lionel Richie ou encore Tom Cruise.
00:26:36 Le référendum d'initiative partagée sur l'immigration
00:26:39 ne fait pas l'unanimité au sein des républicains.
00:26:41 C'est constitutionnellement impossible,
00:26:43 a dit le président LR du Sénat, Gérard Larcher,
00:26:45 au sujet de la proposition faite par Aurélien Pradié et Pierre-Henri Dumont.
00:26:48 Dans le journal du dimanche, les deux hommes avaient proposé
00:26:51 de passer d'une immigration familiale subie sous qualifié
00:26:54 à une immigration de travail choisie sur qualifié.
00:26:57 Et puis la vidéo avait largement été relayée et commentée fin avril dernier.
00:27:02 L'un des auteurs du rodeo dans un centre commercial près de Nantes a été écroué.
00:27:06 L'homme de 20 ans déjà connu des services de police
00:27:08 a reconnu l'effet lors de sa garde à vue.
00:27:10 En attendant son jugement, il a été placé en détention provisoire.
00:27:14 Alors on continue, le président de la République est-il trop libéral ou pas assez libéral ?
00:27:23 Je rappelle que 44% des français, 46%...
00:27:29 Non c'est 44, 44% le trouvent pas assez libéral.
00:27:34 C'est un sondage de l'Opinion cette semaine.
00:27:37 Eric Baird, quel est votre avis sur ce sujet ?
00:27:41 Oui alors tout dépend si on parle de libéralisme politique ou économique.
00:27:45 Moi si je m'en tiens à la version économique,
00:27:48 effectivement Emmanuel Macron est pas un libéral au sens strict du terme
00:27:53 puisque le libéralisme c'est le moins d'État,
00:27:58 mais est un vrai néolibéral, comme le rappelait Henri Sterdyniak.
00:28:02 Le néolibéralisme c'est en fait l'État qui se met au service du marché
00:28:06 donc au service des grands intérêts économiques
00:28:10 puisque le marché c'est une construction sociale.
00:28:13 Donc l'idée derrière tout ça, c'est qu'on peut avoir une logique économique
00:28:20 favorisant le marché comme meilleur outil de régulation,
00:28:25 mais avec un État fort qui est là pour avoir un rôle d'arbitre en quelque sorte.
00:28:31 Il fixe les règles du jeu du bon fonctionnement du marché
00:28:34 et puis il est là pour veiller à une bonne application de ces règles de marché.
00:28:41 Et on le voit, alors évidemment on n'est plus du tout dans un système vraiment libéral,
00:28:45 ça a été rappelé, puisque l'État intervient massivement.
00:28:49 Je rappelle que les entreprises elles-mêmes perçoivent des aides
00:28:54 à hauteur de près de 160 milliards d'euros par an.
00:28:57 Donc on est dans une économie mixte, on n'est pas dans un véritable libéralisme.
00:29:03 Mais là où il y a une logique néolibérale, c'est aussi l'idée,
00:29:08 on y reviendra peut-être, mais que tout doit être étudié sous l'angle d'un marché.
00:29:15 On a un marché de la santé, on a un marché de l'éducation,
00:29:17 la réforme du lycée professionnel est un exemple typique de ce genre de choses.
00:29:23 Donc je dirais que non, ce n'est pas un libéral, mais c'est un vrai néolibéral par contre.
00:29:27 Un État fort peut être au service de l'application de ce type de politique.
00:29:33 – On reviendra sur cette notion de néolibéralisme,
00:29:35 parce qu'elle n'est jamais très claire, cela dit, vous allez me dire
00:29:37 que la notion de libéralisme n'est pas très claire non plus.
00:29:39 Jean-François Collosimo ?
00:29:41 – Oui, moi je crois qu'on a dit l'essentiel sur le volant économique,
00:29:44 ce n'est pas de libéralisme, là encore une fois,
00:29:48 les derniers plans de relance sont là pour le montrer,
00:29:51 c'est bien l'État qui est là pour réguler, je dirais, et le marché et la société.
00:29:57 Mais en revanche, il y a un autre aspect,
00:29:59 parce qu'il y a un messianisme de la bonne société malgré tout,
00:30:02 une forme de positivisme, on parlait d'Auguste Comte tout à l'heure,
00:30:06 voire un peu de messianisme saint-simonien, comme on est sûr de ses bons choix,
00:30:10 paradoxalement, cette légère teinture de libéralisme économique
00:30:15 se traduit aussi par un certain autoritarisme politique.
00:30:18 – C'est ce qui est traduit dans le sondage par le résultat que je vous donnais tout à l'heure,
00:30:22 64% des Français considèrent que les libertés individuelles
00:30:25 se sont affaiblies au cours des dernières années.
00:30:27 – Et ce n'est pas si contradictoire, en fait, puisque comme on a donné
00:30:31 un petit axe libéral à une politique qui reste une politique étatique,
00:30:35 l'État va reprendre aussi ses billes dans l'ordre du politique,
00:30:40 et ça se voit, je pense, assez bien, par exemple,
00:30:44 on voit par exemple la manière dont le gouvernement s'est emparé
00:30:48 de la lutte contre les fake news, n'est-ce pas,
00:30:50 à un moment ça a quasiment été une espèce de croisade qui justifiait la bonne société,
00:30:56 et c'est pour ça que tout ça me fait penser, moi, un peu tout de même plus
00:30:59 à une ambiance, un peu type restauration, un peu Louis-Philippe,
00:31:02 non mais ce n'est pas pour me moquer, ce n'est pas pour me moquer,
00:31:05 parce qu'il n'y a pas… – Ou second empire, mais…
00:31:08 – Ou monarchie culière, saint-simoniens.
00:31:10 – Ou second empire, à côté de Napoléon III aussi,
00:31:13 et à côté de Napoléon III aussi, ça n'a pas toujours été
00:31:16 que d'ailleurs des catastrophes pour la France, c'est pas exactement,
00:31:19 sauf l'aventurisme, Napoléon III, militaire, mais c'est autre chose,
00:31:23 et donc on voit que c'est quand même une grosse tendance,
00:31:26 au fond parce que je pense qu'Emmanuel Macron, par éducation et par volonté,
00:31:31 il serait plutôt libéral, mais il ne peut pas faire l'impasse
00:31:34 sur le fait que le ciment français c'est l'État, n'est-ce pas, tout simplement.
00:31:39 – Mais là où ça peut paraître étonnant, c'est qu'il passait pour libéral-libertaire,
00:31:45 Emmanuel Macron en 2017, quand il s'est présenté à la présidentielle,
00:31:48 c'est ce que lui reprochait quelqu'un comme Manuel Valls par exemple,
00:31:51 il le trouvait pas assez républicain, aujourd'hui le fait qu'il passe
00:31:54 pour très républicain et autoritaire me semble étonnant,
00:31:58 ça ne vous semble pas étonnant, Ludicien Stroch-Bonheur ?
00:32:01 – La loi sur la laïcité, pardon, ou plutôt sur la confrontation de la laïcité,
00:32:06 c'est une loi qui peut apparaître à d'authentiques libéraux
00:32:09 comme un tout petit peu quand même liberticide,
00:32:13 on pourrait dire quasiment à d'authentiques libéraux,
00:32:15 je pense qu'il y a les deux.
00:32:17 – Le problème c'est que c'est quelqu'un de beaucoup trop fluide aussi,
00:32:19 c'est quand même quelqu'un qui se contredit, qui change d'avis,
00:32:22 enfin le fameux "en même temps dont on se gosse",
00:32:25 et c'est quelqu'un de très opportuniste aussi, il voit très bien,
00:32:28 il change un petit peu son orientation en fonction de ce qu'il ressent,
00:32:31 de ce qu'il perçoit, il y a quand même une chose aussi que je trouve très frappante
00:32:35 qu'on n'a pas encore évoqué, c'est son exercice du pouvoir,
00:32:37 c'est quelqu'un qui a une conception du pouvoir
00:32:39 comme quelque chose de très vertical, de très centralisé,
00:32:43 et le pouvoir n'a jamais été aussi centralisé qu'aujourd'hui en France,
00:32:48 que ce soit Emmanuel Macron, parce que même du temps de Charles de Gaulle,
00:32:53 il y avait quand même un Parlement plus important, plus vivant,
00:32:56 il y avait des ministres qui avaient quand même plus d'envergure,
00:32:58 qui avaient une vraie légitimité, là on voit bien que tout part de l'Élysée,
00:33:02 tout remonte à l'Élysée, et de toute façon, je crois que tous les Français ont conscience
00:33:07 que ça pose un vrai problème à notre vie démocratique.
00:33:10 C'est lié aussi au fait que le mandat du Président de la République
00:33:13 est devenu le même que celui de l'Assemblée,
00:33:15 et que donc il est devenu une sorte de super Premier ministre.
00:33:18 L'inversion aussi des mandats, bien sûr,
00:33:19 mais nous sommes tous, enfin nous sommes collectivement responsables de cette situation,
00:33:23 mais on a aussi, enfin comment dire, ça fait quand même des décennies
00:33:28 qu'on va vers un renforcement, une centralisation accentuée du pouvoir présidentiel,
00:33:33 et le problème c'est que je pense que par tempérament,
00:33:36 et c'est peut-être là que je vais diverger un petit peu de ce que vous avez dit,
00:33:39 je pense qu'Emmanuel Macron aime bien tenir les rênes,
00:33:41 et il n'a aucune envie d'exercer le pouvoir différemment,
00:33:44 parce qu'il y a quand même une marge de manœuvre dans l'interprétation de la Constitution,
00:33:47 il pourrait exercer son pouvoir autrement,
00:33:49 il pourrait par exemple avoir un Premier ministre, une Première ministre,
00:33:53 qui a vraiment de la trempe politique, il fait le contraire,
00:33:56 après Édouard Philippe, il s'est rendu compte qu'il valait mieux choisir des technocrates.
00:34:01 Parce qu'ils occupent tous les deux le même poste au fond.
00:34:03 Oui, je peux ajouter un mot, justement dans le sens de la décentralisation,
00:34:07 c'est très important, on en parle trop peu en France,
00:34:09 un libéral est décentralisateur, ça c'est consubstantiel à toutes les écoles de libéralisme,
00:34:15 Emmanuel Macron, comme vous le savez, est un très grand centralisateur,
00:34:18 il a des gros problèmes, vous avez suivi ça, avec tous les élus,
00:34:22 tous les corps intermédiaires, les maires de France, etc.
00:34:24 Et les syndicats particuliers.
00:34:25 Les syndicats, etc. Il a beaucoup de mal à faire confiance à la société,
00:34:30 ce qui est quand même un marqueur fort du libéralisme,
00:34:32 vous faites confiance à la société alors que le saint-simonisme va éduquer la société.
00:34:37 Toujours pareil, on va apprendre aux gens, les experts, les sachants,
00:34:42 c'est quand même très macronien, vont dire aux gens quelle est la bonne voie,
00:34:45 quelle est la solution au problème qui est posé.
00:34:48 On l'a vu au moment du Covid, on le voit, je vais vous expliquer,
00:34:51 je vais vous expliquer les retraites, je vais vous expliquer,
00:34:54 vous voyez comment il parle au français de façon très pédagogique,
00:34:57 je sais, je vais vous dire.
00:34:59 Et ça, cela, on ne le retrouve pas normalement dans une démarche libérale
00:35:02 qui est beaucoup plus fondée, ce qui terrorise évidemment,
00:35:05 ce qui atterre certains économistes, fondée sur l'idée plus d'ordre spontané,
00:35:10 c'est-à-dire que la société et les individus ont quelque chose à dire et à faire ensemble.
00:35:15 Et ça, c'est très anti-macronien dans son essence.
00:35:18 Alors l'économiste atterré, après je demanderai ce qu'il en pense à Éric Baer,
00:35:22 l'économiste atterré, c'est vous, quelle est l'allusion ?
00:35:25 Non, il y a un problème personnel avec Macron, c'est tout à fait évident,
00:35:29 Macron n'est pas un démocrate, c'est-à-dire que c'est quelqu'un
00:35:32 qui choisit ses copains pour les faire monter à des postes de responsabilité,
00:35:37 c'est quelqu'un qui ne fait aucune confiance à la démocratie sociale,
00:35:42 qui a fait passer les retraites, le chômage,
00:35:45 qui maintenant va faire passer la réforme du RSA
00:35:48 sans tenir compte absolument du point de vue des syndicats
00:35:51 et sans tenir compte absolument du point de vue des gens
00:35:55 qui effectivement connaissent les personnes qui sont au RSA.
00:35:58 Donc effectivement, il y a un mouvement personnel de concentration du pouvoir,
00:36:07 mais qui s'ajoute aussi à un phénomène fondamental
00:36:11 qui est que dans un système comme le nôtre,
00:36:15 l'oligarchie financière doit gouverner contre le peuple d'une certaine façon,
00:36:24 elle est forcément minoritaire, faire passer, regardez,
00:36:28 faire passer la réforme des retraites, on peut en penser ce qu'on veut,
00:36:32 mais quand même Macron la fait passer alors que 80% des gens s'en comptent,
00:36:38 que 95% des actifs s'en comptent tout simplement
00:36:42 parce qu'ils pensent que du point de vue,
00:36:45 ils savent que l'oligarchie financière, les marchés financiers,
00:36:50 l'Europe en ont absolument besoin.
00:36:53 Donc c'est cette conjonction entre le macronisme
00:36:58 et puis la dictature d'une minorité qui fait notre situation actuelle
00:37:03 et qui fait que ce n'est pas tout à fait étonnant
00:37:06 que les gens ont le sentiment d'avoir moins de liberté tout simplement
00:37:10 parce qu'ils ont le sentiment que leur voix est de moins en moins entendue,
00:37:15 que ce soit sur les retraites, le chômage,
00:37:17 on n'entend pas ce que les gens ont envie de dire.
00:37:21 – Je veux juste quand même rappeler qu'il y a eu des élections,
00:37:24 parce que là on a une dictature qui nous est annoncée,
00:37:28 il n'y a pas eu de prise du palais de l'Elysée par les armes.
00:37:32 – Oui, il y a eu une élection aussi en Turquie,
00:37:34 et vous pensez qu'Erdogan est un dictateur.
00:37:37 – Je pense que ce que disait Laetitia est important,
00:37:40 et vous le disiez Frédéric, c'est le raccourcissement du cycle
00:37:45 qui fait que de toute façon les présidents doivent gouverner
00:37:49 alors qu'avant ils présidaient, n'est-ce pas ?
00:37:51 Et ça c'est très important, quant au fait d'avoir des premiers ministres
00:37:54 sans grand talent, Nicolas Sarkozy avait un premier ministre
00:37:58 qu'il a empêché de se représenter, François Fillon,
00:38:01 François Hollande avait un premier ministre qui lui a expliqué
00:38:05 qu'il ne fallait pas qu'il se présente, Manuel Valls,
00:38:08 alors effectivement il n'y a pas trop de Fillon et de Valls
00:38:11 autour d'Emmanuel Macron, mais il y a peut-être des raisons aussi.
00:38:15 – Mais c'est inscrit, il faut les faire fonctionner les deux fonctions.
00:38:19 – Eric Baird, pardon.
00:38:24 – Oui, revenons sur cette notion de néolibéralisme,
00:38:27 parce que vous en donnez une définition assez précise du néolibéralisme,
00:38:31 ce qui n'arrive quasiment jamais, c'est devenu une espèce de mot valise
00:38:34 le néolibéralisme qu'on invoque en permanence,
00:38:37 dont personne ne se réclame jamais d'ailleurs, on le colle aux uns et aux autres,
00:38:42 mais jamais personne ne dit "moi je suis un néolibéral".
00:38:45 Donc j'aimerais que vous creusiez cette idée que le néolibéralisme au fond
00:38:49 c'est quand l'État se met au service des entreprises,
00:38:53 enfin sous de Gaulle aussi l'État était un peu au service des entreprises,
00:38:57 il y avait un plan, ça existait.
00:39:00 – Oui mais le plan il donnait la direction à suivre pour les entreprises,
00:39:06 l'État néolibéral c'est un peu le contraire de l'État-providence
00:39:11 issue de Keynes, de l'économiste anglais Keynes,
00:39:15 et l'État-providence telle qu'on l'a connue pendant la période des 30 glorieuses,
00:39:19 c'est-à-dire là c'est un État qui contrôle le marché,
00:39:22 ou qui corrige les imperfections du marché,
00:39:25 le néolibéralisme c'est l'inverse de ça,
00:39:31 c'est au contraire le marché, alors quand je dis le marché,
00:39:35 ce sont les grands intérêts économiques privés,
00:39:40 et c'est l'État qui sert ces intérêts économiques privés,
00:39:44 et pour faire passer ça,
00:39:46 et bien derrière le libéralisme il y a la liberté,
00:39:52 mais derrière surtout il y a l'idée que tout repose sur la responsabilité individuelle,
00:39:59 c'est-à-dire c'est un peu une société où il n'y a pas de classe sociale,
00:40:04 c'était d'ailleurs un peu la logique macroniste,
00:40:07 la promesse de Macron en 2017,
00:40:11 il allait dépasser l'ancien monde, il allait créer un nouveau monde,
00:40:14 il y allait y avoir, on allait être ni de droite ni de gauche,
00:40:19 mais où en même temps de droite et en même temps de gauche,
00:40:21 l'expérience historique montre que quand on est ni de droite ni de gauche,
00:40:24 généralement on est de droite,
00:40:26 - Ça c'est les gens de gauche qui disent ça !
00:40:29 - Peut-être, mais ça se vérifie très souvent,
00:40:31 vous regarderez dans les élections,
00:40:33 les candidats qui se présentent comme ni de droite ni de gauche,
00:40:35 généralement ils ne sont pas souvent à gauche, mais bon peu importe,
00:40:38 et l'idée, aussi une idée centrale, c'est cette responsabilité individuelle,
00:40:43 il n'y a pas de société, c'est un peu comme ce que disait Margaret Thatcher,
00:40:46 il n'y a pas de société, il n'y a que des individus,
00:40:50 et donc on comprend aussi la logique des politiques d'Emmanuel Macron,
00:40:55 et pourquoi elles sont impopulaires,
00:40:57 parce que si vous êtes au chômage, c'est de votre faute,
00:40:59 et donc il faut durcir les indemnités chômage
00:41:03 pour vous inciter à retrouver du travail,
00:41:05 comme si vous faisiez exprès d'être au chômage,
00:41:08 les dépenses de santé sont réduites,
00:41:10 parce qu'il faut rationaliser les soins,
00:41:12 il faut responsabiliser les patients,
00:41:14 comme si les malades avaient choisi d'être malades, etc.
00:41:18 Pour trouver un emploi, il faut traverser la rue,
00:41:21 et on renvoie toujours à la responsabilité individuelle,
00:41:24 et on fait souvent de la victime le responsable de son propre sort,
00:41:29 et à l'inverse, les plus nantis, on va dire,
00:41:33 eux, ils sont là parce qu'ils le doivent à leur mérite,
00:41:37 sachant que le mérite est une notion aussi très discutable.
00:41:40 C'est Jacques Attali qui connaît bien Emmanuel Macron,
00:41:43 qui disait qu'il croit à la réussite plus qu'à l'égalité, Emmanuel Macron,
00:41:46 et qu'en fait, il faut qu'il y ait le plus possible de gens qui réussissent,
00:41:51 pour lui, pour créer des emplois et de la richesse,
00:41:54 dont profiteront le plus grand nombre possible,
00:41:57 mais d'abord, il faut encourager la réussite,
00:42:00 pour Emmanuel Macron, ça a sa logique.
00:42:03 Oui, et d'ailleurs, je pense que ça, c'est quand même une caractéristique libérale,
00:42:08 et j'ai une petite divergence avec ce que vient de dire M. Baer,
00:42:11 c'est que l'éloge de la responsabilité individuelle,
00:42:14 c'est un principe libéral, simplement, c'est souvent très mal compris.
00:42:17 L'idée, ce n'est pas de dire aux gens, débrouillez-vous tout seuls,
00:42:21 on va vous laisser tomber, vous êtes une île.
00:42:24 Non, c'est de dire que quand on agit, il y a des conséquences,
00:42:28 et donc, on a un certain nombre de droits, mais on a aussi des devoirs,
00:42:32 et c'est cette interaction entre individus qui ont tous des droits et des devoirs
00:42:35 qui fait qu'on peut vivre en société.
00:42:37 Et alors, en plus, il y a un énorme contresens qui est fait en France,
00:42:40 mais ça, ça date de Margaret Thatcher, c'est là pour durer,
00:42:44 c'est que Margaret Thatcher, quand elle disait "la société n'existe pas",
00:42:47 on ne cite jamais ce qu'elle dit après.
00:42:49 Elle dit "la société n'existe pas, il n'y a que des individus et des familles
00:42:54 et des gens qui sont responsables les uns vis-à-vis des autres,
00:42:56 et notamment, par exemple, si quelqu'un est dans le besoin,
00:42:58 eh bien, on ne se doit de le secourir".
00:43:00 Donc, ce qui est incroyable, c'est que quand on cite cette phrase de Thatcher...
00:43:03 Elle dit exactement "I never met society".
00:43:06 Voilà, elle voulait dire arrêtez d'accuser tout le temps la société
00:43:08 quand quelque chose ne vous plaît pas, prenez vos responsabilités.
00:43:11 Je pense que tout le monde, enfin, beaucoup de Français sont d'accord avec cette idée,
00:43:16 y compris des gens modestes.
00:43:18 Après, là où je suis d'accord avec M. Baer, c'est que Emmanuel Macron
00:43:22 a une façon de dire ces choses qui est très blessante,
00:43:27 c'est-à-dire traverser la rue, ou bien, moi, ce que j'avais trouvé horrible,
00:43:31 c'était ce qu'il avait dit sur la gare du Nord, ou à la gare du Nord,
00:43:34 en disant "à la gare du Nord", ou à la gare, il y a des gens
00:43:37 qui se croisent, des gens qui ne sont rien, et des gens qui réussissent,
00:43:42 et des gens qui ne sont rien.
00:43:44 Et l'essentialisation, comme ça, d'une condition sociale est horrible.
00:43:49 Donc, oui, il y a eu...
00:43:50 Juste pour vous dire, c'est quand même terrible d'être un président de la République aujourd'hui,
00:43:54 c'est-à-dire qu'on vous enregistre en permanence.
00:43:56 Vous imaginez tout ce qu'on aurait entendu dans la bouche du Gérald De Gaulle
00:43:59 si on lui avait tendu des micros en permanence, avec des caméras,
00:44:02 avec des appareils photos, quoi.
00:44:03 Là, je dis un peu...
00:44:04 Je pense qu'il aurait dit des "énormités".
00:44:06 - Je suis un petit peu en désaccord avec vous,
00:44:07 parce qu'Emmanuel Macron parle tout le temps et veut tout le temps parler.
00:44:10 C'est-à-dire qu'en fait, il cherche les micros.
00:44:12 On ne lui tend pas les micros, c'est lui qui les cherche.
00:44:15 - Oui, mais il y a peut-être aussi une condamnation de notre société à ça,
00:44:18 en dehors d'Emmanuel Macron.
00:44:20 Rappelez-vous qu'au début de son premier quinquennat,
00:44:23 il avait isolé sa parole, et que les journalistes lui en ont énormément voulu pour ça.
00:44:28 C'était vraiment la loi du silence, et la parole présidentielle
00:44:32 était totalement rarissime.
00:44:35 - On a l'impression que ça ne marche plus, ça.
00:44:37 Vous voyez ce que je veux dire ?
00:44:38 - Rien ne marche, parce que si le président...
00:44:39 - Parce que l'humain a dû revenir là-dessus.
00:44:41 Il semble qu'on a besoin d'un président commentateur,
00:44:44 un président qui se déplace en permanence, qui est sur tous les fronts.
00:44:47 "Il y a eu un incendie dans le Var, il faut qu'il soit là.
00:44:50 Il faut qu'il ait toujours un mur, etc."
00:44:52 - Mais il passe d'un extrémité à l'autre.
00:44:53 - Et là encore, c'est un abaissement, en fait, de la fonction.
00:44:56 Vous voyez ce que je veux dire ?
00:44:57 - Vous vous rendez compte que Georges Pompidou, il prenait deux mois de vacances.
00:45:00 Aujourd'hui, ils ont le droit à une semaine de vacances,
00:45:02 et encore, il faut qu'il fasse semblant de travailler tout le temps.
00:45:04 - Oui, mais Emmanuel Macron, au départ, était un peu prétentieux.
00:45:08 Il est arrivé en...
00:45:09 Bon, il se comparait à Jupiter, plus ou moins, au roi de France.
00:45:13 Enfin, quand même, il donnait des interviews très rares
00:45:15 où il expliquait quand même que...
00:45:16 - Après François Hollande, ça faisait un peu de bien aussi de voir l'enlevé.
00:45:20 C'était plutôt bien reçu, y compris la déambulation sur la place du Louvre
00:45:25 et la pyramide, etc.
00:45:26 Tout ça a été, au départ, tout le monde a dit,
00:45:28 "Ah, enfin, on retrouve le pouvoir aux droits publics."
00:45:31 - Le problème, c'est qu'il est toujours prétentieux.
00:45:34 Il a la manie de vouloir intervenir sur tous les sujets,
00:45:37 alors que ce n'est pas son domaine.
00:45:39 Il ridiculise les ministres.
00:45:41 Pensez à ce pauvre ministre de l'Éducation nationale.
00:45:44 À chaque fois, on le voit derrière
00:45:46 pendant que Macron nous donne les détails des réformes.
00:45:51 Et en plus, ces réformes que Macron annonce,
00:45:55 ce ne sont pas des réformes qui ont été concertées
00:45:57 avec l'ensemble des personnes concernées.
00:46:00 Regardez la réforme du lycée technologique.
00:46:03 C'est un machin qui tombe brutalement sur la tête
00:46:07 des malheureux enseignants
00:46:09 et qui modifie complètement leur métier
00:46:12 sans qu'on les ait consultés,
00:46:14 sans qu'ils en savent les conséquences.
00:46:19 Macron se dit peut-être qu'il faut bousculer le paysage,
00:46:24 mais le résultat, c'est quand même qu'il va se heurter
00:46:27 à une opposition effrénée.
00:46:29 À la décharge des modèles Macron,
00:46:31 quelques chiffres qu'il faut rappeler
00:46:33 après notre intervention mathématique.
00:46:35 Les dépenses de santé en France n'ont pas baissé,
00:46:38 elles augmentent.
00:46:39 Il faut rappeler quelques vérités.
00:46:41 La condition des plus pauvres en France
00:46:43 ne s'est pas détériorée sous Macron,
00:46:45 contrairement à ce qu'on entend partout.
00:46:47 Les inégalités en France n'augmentent pas.
00:46:50 Il faut peut-être rappeler quelques chiffres,
00:46:52 même si l'arithmétique est politique,
00:46:56 mais ça doit être politique dans tous les sens du terme.
00:46:58 Et quand ça lui est favorable, il faut aussi rappeler
00:47:00 que la politique d'Emmanuel Macron est plutôt une politique
00:47:03 qui favorise, quand on regarde les chiffres,
00:47:05 les plus aisés, mais aussi les plus pauvres.
00:47:08 Et que ceux qui peut-être s'interrogent,
00:47:10 et c'est le sondage aussi de l'opinion,
00:47:12 ceux qui s'interrogent sur Emmanuel Macron,
00:47:14 et ça c'est inquiétant pour lui, ce sont les classes moyennes.
00:47:16 Et il perd des points chez ceux qui avaient été ses électeurs historiques.
00:47:20 Il s'en fiche, il se représente pas.
00:47:22 Et curieusement, ce qu'on ne dit pas,
00:47:24 un petit détail amusant dans ce sondage,
00:47:26 qui lui reproche de n'être pas assez libéral,
00:47:28 ce sont les catégories populaires.
00:47:30 Paradoxe.
00:47:32 Donc quand on parle de néolibéralisme,
00:47:34 il faut aussi à ce moment-là ne pas tomber éventuellement
00:47:36 dans un néo-marxisme qui antagoniserait à fond
00:47:40 classe contre classe, et qui rend en effet le dialogue difficile,
00:47:44 comme vous rappelez, le dialogue est difficile
00:47:46 si Emmanuel Macron ne veut pas parler,
00:47:48 et si les autres ne veulent pas lui parler.
00:47:50 Je ne vais pas faire mon prof de maths,
00:47:53 mais le sondage a été fait sur 1000 Français,
00:47:56 représentatifs des Français,
00:47:58 en revanche, 1000 Français, les classes populaires,
00:48:00 comme vous dites, les 300 qui représentent les classes populaires,
00:48:03 ne sont pas représentatifs des classes populaires.
00:48:05 Il ne faut pas leur faire dire ce qu'ils ne disent pas.
00:48:07 Il faudrait qu'il y ait 1000 Français des classes populaires
00:48:11 pour qu'on puisse savoir ce qu'ils pensent.
00:48:13 Le sondage, c'est tout à fait l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire.
00:48:17 C'est-à-dire qu'on demande, on interroge les gens
00:48:20 sur le libéralisme, qui est une question
00:48:23 que les gens ne se sont jamais posées.
00:48:25 Jamais.
00:48:26 Vous croyez ?
00:48:27 C'est quand même un mot qui revient en permanence
00:48:29 dans la vie politique française.
00:48:30 Jamais quand vous vous rasez, aucun Français se pose la question
00:48:33 est-ce que Macron est ou n'est pas libéral ?
00:48:35 Donc, brusquement, on interroge des gens
00:48:38 qui ne se sont jamais posés la question,
00:48:41 et on tire des leçons d'une question
00:48:45 qui ne concerne pas les gens.
00:48:47 Et le deuxième point, je voudrais répondre à monsieur,
00:48:50 c'est que quand même, il faut se rappeler
00:48:52 que les Français sont très opposés au libéralisme économique.
00:48:56 Donc vous voyez bien, ils se posent quand même la question.
00:48:58 Ils sont très opposés.
00:48:59 C'est-à-dire qu'aucun candidat, aucun homme politique
00:49:04 n'a réussi à faire sa carrière sur le libéralisme.
00:49:07 Pensez à ce pauvre Alain Madelin.
00:49:09 Et dans ce sondage que je viens de critiquer,
00:49:12 on demande aux gens, à votre avis,
00:49:14 qu'est-ce qui est meilleur pour la santé ?
00:49:16 Ils répondent le public plutôt que le privé.
00:49:18 Pour l'éducation, le public.
00:49:20 Pour l'eau, le public.
00:49:21 Pour l'énergie, le public.
00:49:23 Pour les transports, le public.
00:49:24 Les Français, fondamentalement, ne sont pas libérales
00:49:28 au sens qu'ils ne veulent pas que le privé
00:49:31 empiète sur le secteur public.
00:49:33 – Alors là, vous avez raison.
00:49:35 C'est que peut-être qu'ils ont mal compris la question.
00:49:37 Parce qu'en France, on ne dit jamais libéral.
00:49:39 Comme vous savez, on dit toujours ultra-libéral.
00:49:42 Avec en plus un côté carnassier dans l'ultra.
00:49:45 – Non mais c'est ça.
00:49:46 Donc peut-être qu'ils n'ont pas simplement compris la question,
00:49:48 n'étaient pas habitués au mot.
00:49:49 Mais la vérité, c'est que le libéralisme,
00:49:51 c'est aussi au départ une école française.
00:49:54 Et qu'on entend par libéral aujourd'hui, en fait,
00:49:57 quoi ? La représentation américaine supposée de l'économie.
00:50:01 C'est-à-dire, effectivement, une espèce de capitalisme sauvage
00:50:05 où les forts écrasent les faibles d'une manière un peu,
00:50:09 je dirais, nietzschéenne, mal comprise.
00:50:11 – À ce point-là, je ne pense pas qu'on aurait trouvé 44%
00:50:13 des Français pour regretter que Macron ne soit pas venu.
00:50:16 Moi, je crois qu'ils ont très bien compris la question.
00:50:18 Ils savent très bien ce que c'est que le libéralisme.
00:50:20 Et ils pensent qu'il ne l'est pas assez.
00:50:22 Parce qu'après tout, il y a un libéralisme
00:50:24 dans une conception française.
00:50:26 Et vous l'avez dit vous-même, il ne l'est pas.
00:50:29 Donc, ils ont tout à fait raison de trouver qu'il ne l'est pas assez.
00:50:33 Peut-être, en tout cas, selon leur point de vue.
00:50:35 Je voudrais poser la question.
00:50:36 – Simplement sur le libéralisme à la française,
00:50:39 je pense qu'on a à la fois une grande tradition de libéralisme politique,
00:50:43 je pense à Benjamin Constant ou Tocqueville,
00:50:46 également économique, Bastia, Serre, on a toute la littérature.
00:50:52 Mais ce qui est étonnant, c'est que dans les 30 dernières années,
00:50:55 on a perdu cette spécificité française
00:50:57 et on s'est mis à faire une espèce de libéralisme
00:50:59 un peu mondialisé, un peu mou.
00:51:01 Et moi, je suis libérale, je défends le libéralisme,
00:51:04 mais je comprends qu'on puisse le détester
00:51:06 parce que l'image qu'on en a, c'est quoi ?
00:51:08 C'est des gens qui ont l'air très nantis
00:51:10 et puis qui se sont amusés à délocaliser des entreprises partout dans le monde.
00:51:13 Je simplifie.
00:51:14 Mais le problème, c'est que quand vous perdez votre emploi
00:51:17 et quand vous dites "c'est le monde libéral, c'est fantastique,
00:51:21 c'est l'avenir de l'humanité", vous vous mettez à détester le libéralisme.
00:51:24 Je pense que les libéraux devraient réfléchir
00:51:26 à construire un libéralisme acceptable pour tout le monde
00:51:30 et très concret, où les gens puissent se rendre compte
00:51:33 de ce que ça leur apporte concrètement d'avoir un marché
00:51:35 et une concurrence très régulée.
00:51:37 Je vous rappelle que les Français sont 68 millions
00:51:40 et que le marché, lui, il est mondial.
00:51:42 C'est non plus compliqué.
00:51:44 Bien sûr, mais vous avez quand même une marge de manœuvre.
00:51:46 Eric Baird.
00:51:48 Ce sondage est assez intéressant
00:51:51 parce qu'il y a plein de résultats très contradictoires.
00:51:54 Effectivement, on dit qu'Emmanuel Macron n'est pas assez libéral,
00:51:57 mais d'un autre côté, il y a une majorité des personnes
00:52:00 qui répondent au sondage qui disent que l'État n'est pas assez protecteur
00:52:04 ou que l'État n'intervient pas assez.
00:52:06 Et tout en disant que Macron n'est pas assez libéral,
00:52:10 il y a aussi seulement un quart des Français
00:52:13 qui jugent positivement le capitalisme,
00:52:15 même pas le libéralisme, le capitalisme.
00:52:17 Tout ça, ça vient aussi du fait que,
00:52:19 quand on regarde les questions, elles sont posées,
00:52:21 on dit est-ce que Macron est libéral,
00:52:23 qu'est-ce que c'est que libéral,
00:52:24 mais on ne fait précisément pas cette distinction
00:52:26 entre le libéralisme politique et le libéralisme économique
00:52:29 qui sont deux choses différentes.
00:52:31 D'où les résultats tout à fait contradictoires
00:52:34 qui feront au final que je ne sais pas
00:52:36 ce qu'on peut vraiment tirer de ce sondage.
00:52:39 Non, mais en fait, ce que les Français pensent
00:52:41 de Macron et du libéralisme, c'est une chose.
00:52:43 Mais c'est intéressant de savoir ce que vous,
00:52:45 vous pensez à savoir, puisque vous, vous savez
00:52:48 ce que c'est que le libéralisme,
00:52:50 à savoir est-ce qu'il l'est ou pas ?
00:52:52 Parce qu'au fond, on n'arrête pas de parler
00:52:54 de libéralisme tout le temps en France.
00:52:56 Et vous l'avez dit, on se traite de néolibéral, etc.
00:52:58 En général, ce n'est pas un compliment.
00:53:00 Oui, non, pour nous, ce n'est pas un compliment.
00:53:02 Quoique, je le disais, ça a rarement été défini,
00:53:05 ce qu'est le néolibéralisme.
00:53:07 Au moins, Éric Baird vient de le faire.
00:53:09 Mais au fond...
00:53:11 Le libéralisme en matière de mœurs,
00:53:13 on peut dire que c'est un compliment.
00:53:15 Le libéralisme en matière de mœurs,
00:53:17 l'idée qu'après tout, chacun a le droit
00:53:19 de vivre sa vie.
00:53:21 C'est ce qu'on reprochait à Emmanuel Macron en 2017.
00:53:25 C'est qu'il était comme ça.
00:53:27 C'était au début, on disait qu'il était libertaire.
00:53:29 Libéral, libertaire.
00:53:31 Il a vraiment allé un peu loin.
00:53:33 D'accord, il a ouvert la voile à la PMA pour toutes les femmes.
00:53:37 Il est assez progressiste dans ce domaine.
00:53:39 Mais là encore, ça colle avec le zazimonisme.
00:53:41 Qui était plutôt léger en matière de mœurs.
00:53:45 À une opinion.
00:53:47 Et à mon avis, ça ne l'intéresse pas.
00:53:49 Les sujets qui l'intéressent sont les sujets régaliens.
00:53:51 Mais au sens des sujets qui le mettent en avant
00:53:53 et où il peut exercer son pouvoir.
00:53:55 Mais il reste une question.
00:53:57 Est-ce qu'on peut être autrement ?
00:53:59 On a l'impression qu'Emmanuel Macron, François Hollande, Nicolas Sarkozy
00:54:05 et avant ça Jacques Chirac,
00:54:07 au fond, ont fait à peu près la même politique.
00:54:11 Pas par goût, mais parce qu'ils y étaient contraints.
00:54:15 C'est peut-être ça qui caractérise ce début du XXIe siècle.
00:54:19 On a l'impression que la France ne fait pas une politique qui lui est propre.
00:54:23 Elle fait ce qu'elle doit faire.
00:54:25 Elle n'a plus le choix.
00:54:27 Elle ne fait pas une politique qui lui est propre à travers les âges.
00:54:31 À laquelle elle peut guérir.
00:54:33 Il n'aurait pas le choix.
00:54:35 Vous pensez qu'il a le choix, Emmanuel Macron ?
00:54:39 Il y a certaines contraintes.
00:54:41 On a un modèle social français original.
00:54:45 Les Français sont attachés.
00:54:47 Et Macron, même s'il le souhaite, ne peut pas trop le détruire.
00:54:53 Macron fait une réforme des retraites.
00:54:55 Il n'introduit pas la capitalisation, ce qui aurait été la réforme libérale.
00:55:01 En matière de santé, il ne diminue pas l'importance de la Sécu
00:55:05 par rapport aux complémentaires santé.
00:55:08 Il y a un attachement du peuple qui fait qu'il peut agir
00:55:12 que par touche extrêmement limitée.
00:55:15 Et par ailleurs, je le répète, les contraintes écologiques
00:55:18 vont nous obliger, qu'on le veuille ou non, à faire de la planification.
00:55:22 On le voit très bien.
00:55:24 Il faut choisir par exemple, est-ce qu'on relance le nucléaire ou le renouvelable ?
00:55:31 C'est un choix que l'État va faire.
00:55:33 On ne va pas laisser au marché ce choix.
00:55:36 Dernier mot, Laëtitia Estre ?
00:55:38 Je ne sais pas si j'utiliserais le terme de planification.
00:55:41 Je pense que c'est important que l'innovation reste dans les entreprises.
00:55:44 On ne va pas demander à des fonctionnaires d'innover
00:55:47 parce qu'on a besoin de technologie pour faire face au changement climatique.
00:55:50 Mais on a aussi besoin de financement public.
00:55:52 Et les États-Unis le font très bien.
00:55:54 Pas pour le changement climatique, mais dans le passé.
00:55:56 Ils sont capables de faire des réductions d'impôts massives
00:55:59 pour favoriser un secteur.
00:56:00 C'est comme ça qu'ils ont fait avec leur complexe militaro-industriel.
00:56:03 L'État pourrait faire ça.
00:56:05 C'est-à-dire à la fois en intervenant,
00:56:07 mais en même temps en laissant faire une fois qu'on a accordé telle ou telle réduction.
00:56:11 Et ça, ce serait une bonne vision de politique industrielle.
00:56:15 Mais je pense qu'on en est très loin aujourd'hui.
00:56:17 Je vous remercie d'avoir participé à ce débat.
00:56:20 Merci à Pierre-Henri Sterdyniak, Christophe Devoogde, Eric Baird et Laetitia Stroche-Bonnard.
00:56:26 Nous, on va s'intéresser maintenant aux élections qui auront lieu en Turquie la semaine prochaine.
00:56:32 Alors là aussi, est-ce que Erdogan est un dictateur ou un démocrate ?
00:56:36 Ils vont voter les Turcains le week-end prochain.
00:56:40 On va se poser la question juste après le rappel des titres par Michael Dos Santos.
00:56:48 Emmanuel Macron publie une lettre manuscrite sur Twitter.
00:56:51 Le président de la République y remercie ses électeurs de lui avoir fait confiance pour la première fois il y a six ans.
00:56:57 « Comptez sur tout mon engagement et ma détermination », a conclu dans le texte le chef de l'État.
00:57:02 Enquête ouverte pour homicide après le décès de deux octogénaires.
00:57:06 Les corps sans vie du couple ont été retrouvés dans leur maison de grâce dans les Alpes-Maritimes.
00:57:11 Le principal suspect aurait pris la fuite à bord du véhicule des victimes.
00:57:16 Et puis enfin, 25 000 personnes évacuées dans la province canadienne de l'Alberta.
00:57:20 Une centaine de feux de forêt attisés par des vents forts s'y sont déclenchés, dont un tiers sont hors de contrôle.
00:57:26 L'état d'urgence a été décrété. Il s'agit là d'une situation sans précédent, ont déclaré les autorités.
00:57:33 Bienvenue, si vous nous rejoignez maintenant, les visiteurs du soir, c'est jusqu'à minuit.
00:57:42 Jean-Gabriel Frédé vient de nous rejoindre. Les scénaristes se sont tous mis en grève aux États-Unis.
00:57:47 C'est la panique, il faut dire que dans votre nouveau livre, vous décrivez Hollywood complètement déboussolé.
00:57:53 Aucun nouveau modèle ne se profile, dites-vous, pour renouer avec le profit.
00:57:57 Vous nous raconterez ça à 23h30. Mais d'abord, la Turquie, qui gagnera les élections présidentielles et législatives le 14 mai prochain.
00:58:05 Le président Erdogan au pouvoir depuis 20 ans, ou Kemal Kyrgyz Daroglu, son challenger.
00:58:11 Et qu'est-ce qui se joue exactement entre ces candidats ?
00:58:14 Jean-François Colosimo, vous êtes l'auteur du livre "Le sabre et le turban" et dans une tribune dans le Figaro cette semaine,
00:58:20 vous vous demandez si la Turquie a enfin rendez-vous avec la démocratie.
00:58:24 Nora Seni, vous êtes professeure à l'Institut français de géopolitique.
00:58:29 Vous avez été directrice de l'Institut français d'études anatoliennes à Istanbul de 2008 à 2012.
00:58:34 Et vous êtes responsable de l'Observatoire de la Turquie contemporaine, un site d'information et d'analyse.
00:58:40 Et par Skype, en direct d'Istanbul, nous avons Jean-François Perouze.
00:58:44 Bonjour Jean-François.
00:58:46 Vous êtes géographe, enseignant-chercheur.
00:58:48 Vous avez écrit avec Nicolas Cheviron une biographie du président turc intitulée "Erdoğan, un nouveau père de la Turquie ?"
00:58:56 avec un point d'interrogation, c'est important.
00:58:58 Vous avez dirigé, vous aussi, l'Institut français d'études anatoliennes de 2012 à 2017.
00:59:03 Alors la Turquie est-elle, pour vous qui êtes là-bas, à la croisée des chemins ?
00:59:08 Le week-end prochain, elle choisira entre la démocratie et la dictature, comme on le dit ici.
00:59:13 Mais est-ce qu'on peut parler de dictature quand un dictateur remet son pouvoir en jeu dans les urnes ?
00:59:19 Effectivement, on peut se poser la question.
00:59:23 Ce qui est sûr, c'est que ces élections sont importantes.
00:59:27 Elles sont perçues par la population comme telle, aussi à l'étranger.
00:59:32 Mais que cette dernière semaine s'engage assez mal.
00:59:37 Je voudrais évoquer les violences qui ont eu lieu aujourd'hui,
00:59:41 alors qu'une des grandes figures de l'opposition, le maire d'Istanbul, élu en juin 2019,
00:59:49 était en meeting à Erzurum, dans l'est de la Turquie.
00:59:52 Il a été lynché et la police n'est pas vraiment intervenue.
00:59:57 Donc on peut s'inquiéter sur les conditions de possibilité même de ces scrutins dans une semaine,
01:00:06 compte tenu des tensions et de ces violences.
01:00:09 Ce qui est sûr, c'est que le pouvoir actuel utilise tous les moyens de l'État.
01:00:16 Il y a une confusion entre le Parti de la Justice et du Développement et l'État
01:00:23 en faveur des candidats de l'Union du Peuple.
01:00:29 De ce point de vue-là, il y a une dissymétrie, une inégalité inacceptable.
01:00:35 On ne peut pas parler d'élections démocratiques, mais néanmoins,
01:00:40 je pense qu'il serait exagéré puisqu'il existe quand même une société civile
01:00:46 qui peut s'exprimer par d'autres canaux que les canaux officiels qui sont bloqués,
01:00:50 qui sont verrouillés par le pouvoir, ça c'est clair, mais par les réseaux sociaux
01:00:55 et par les organismes de la société civile qui subsistent.
01:01:02 Je pense au mouvement féministe, je pense au mouvement de jeunes,
01:01:06 au mouvement de travailleurs, au mouvement écologiste,
01:01:08 qui porte un discours de contestation qui peut encore être entendu.
01:01:12 Nora Sini ?
01:01:14 En effet, aujourd'hui, il y a eu un caillassage du bus au-dessus duquel
01:01:20 Imamoglu, le maire d'Istanbul, faisait son discours.
01:01:26 Les pouvoirs policiers ne sont pas intervenus.
01:01:32 Donc ça, c'est en effet inquiétant, mais c'est aussi peut-être juste de l'intimidation,
01:01:37 si vous voulez, mais il est absolument sûr que Erdogan et son entourage
01:01:45 vont faire absolument tout ce qui est en leur pouvoir pour ne pas lâcher ce pouvoir.
01:01:50 Maintenant, de quoi sont-ils encore capables ?
01:01:54 De beaucoup de choses. Il peut y avoir des explosions,
01:01:59 il peut y avoir des... n'importe quoi peut arriver en effet.
01:02:04 Mais il y a... la candidature de Kılıçdaroğlu est portée par une telle joie anticipatrice
01:02:15 et qui est communicative, un espoir.
01:02:20 C'est difficile de ne pas croire avec eux, on a envie de croire,
01:02:25 et de ne pas croire avec eux que c'est une possibilité et qu'il y aura une transition.
01:02:32 Le ministre de l'Intérieur d'Erdogan a été clair, pour lui, le 14 mai prochain,
01:02:37 jour des élections, c'est une tentative de coup d'État de l'Occident.
01:02:42 Alors est-ce que c'est ça qui se joue pour vous, Jean-François Colussimo ?
01:02:45 Les Turcs vont voter pour ou contre nous, les Occidentaux ?
01:02:48 Non, bien sûr que non. D'abord, je veux dire, je vous l'avais dit,
01:02:52 c'est une des possibilités grâce auxquelles, ou plutôt en ample,
01:02:57 c'est un des artifices qu'Erdogan peut utiliser pour rester au pouvoir
01:03:02 et casser une élection qui, pour la première fois, lui est défavorable.
01:03:07 Depuis longtemps, il n'a jamais été aussi prêt de perdre le pouvoir.
01:03:13 Ça, c'est l'évidence et il faut donc saluer cet effort, la coalition,
01:03:18 pour mettre fin à un régime qui n'est peut-être pas dictatorial au sens où
01:03:23 l'entendons nous, mais qui n'est pas démocrate du tout, puisque la plupart
01:03:27 des démocrates sont en prison ou en exil ou dans cette opposition.
01:03:31 Donc de ce point de vue-là, il a à faire éclair.
01:03:34 Est-ce qu'il acceptera, lui, le résultat ?
01:03:37 Mais la réponse, c'est qu'il ne nous a pas habitués du tout à accepter
01:03:41 un résultat politique, rationnel, fondé et démocratique, n'est-ce pas ?
01:03:47 Et c'est ça, l'enjeu de cette élection.
01:03:49 Alors, qu'est-ce qu'il peut faire ?
01:03:51 Bourrer les urnes dans les régions reculées et sinistrées,
01:03:55 comme celle du terrible tremblement de terre qui a frappé le Sud-Est.
01:04:01 Qu'est-ce qu'il peut faire d'autre ?
01:04:02 Comment, en 2015, au moment où il était en train de perdre les élections,
01:04:06 d'un coup, il y a des attentats inexpliqués dans le Sud-Est,
01:04:10 loi martiale, état d'exception, état d'urgence, on remet les élections ?
01:04:14 Il n'a surtout pas reconnu les élections, le résultat des élections.
01:04:17 En 2015, son parti a perdu la majorité absolue.
01:04:23 Et juste après, il lui a encombé de nommer quelqu'un pour qu'il crée
01:04:31 le gouvernement. Il ne l'a pas fait parce qu'il a dit qu'il ne croyait pas
01:04:36 aux coalitions. Et entre-temps, il y a eu des explosions partout,
01:04:43 un état de chaos et qu'il est revenu en proposant des nouvelles élections
01:04:51 et en se montrant comme l'homme providentiel.
01:04:55 - Le sauveur de l'homme.
01:04:57 - Avec l'aide de l'Allemagne, Mme Merkel est venue à une semaine
01:05:03 des élections qui avaient lieu toujours en 2015, 5 mois plus tard.
01:05:09 Et à une semaine quasiment de ces élections, Mme Merkel est venue
01:05:14 faire son accord, faire signer cet accord concernant les réfugiés
01:05:20 et a, d'une certaine façon, légitimé la candidature de Erdogan
01:05:26 et de son parti.
01:05:28 - Une possibilité aussi pour lui de casser cette élection,
01:05:32 je l'annonçais malheureusement, il y a un de ses ministres
01:05:35 qui l'a confirmé, c'est de déclarer que l'opposition, c'est la 5e colonne
01:05:41 d'un Occident qui est là pour détruire le Turc, la turcité,
01:05:46 les gens des LGBT, etc., c'est tous ces thèmes de campagne
01:05:50 qui le rapprochent d'ailleurs furieusement de Vladimir Poutine.
01:05:53 De ce point de vue-là, c'est le même discours, n'est-ce pas ?
01:05:56 Et donc, il y a toutes ces possibilités, puis il y en a encore une,
01:06:00 c'est qu'il perd la présidentielle, mais qu'il gagne les législatives
01:06:03 et qu'on se trouve face à une impasse politique à une capacité de chaos.
01:06:07 Et on voit bien que ce chaos, en fait, c'est sa principale menace,
01:06:11 c'est sa principale arme, on le voit avec Imamoglu qui, donc,
01:06:15 s'est fait caillasser, qui est ce maire d'Istanbul, qui est dans la coalition,
01:06:19 qui est un maire de réputation libérale, qui rassemble la jeunesse, etc.
01:06:23 Donc, on voit que même son intégrité physique, au fond, n'est pas assurée
01:06:28 en pleine campagne électorale.
01:06:30 – Erdogan lui-même était maire d'Istanbul et il avait fini en prison d'ailleurs à l'époque.
01:06:34 – Oui, bien sûr.
01:06:35 – Je me souviens bien.
01:06:36 Jean-François Perrouze, ici, en France, on a un peu l'impression
01:06:42 que le week-end prochain, les élections, ça va se jouer entre d'un côté
01:06:46 une Turquie islamiste, conservatrice et nationaliste, et de l'autre,
01:06:51 une Turquie laïque, progressiste, social-démocrate.
01:06:55 Est-ce que c'est le cas ?
01:06:56 Est-ce que cette coalition en face, elle est… comment on se la représente ?
01:07:00 – Non, pas vraiment, parce qu'elle est extrêmement hétéroclite,
01:07:05 elle comprend un ancien parti d'extrême droite,
01:07:12 elle comprend des anciens islamistes, elle comprend aussi des libéraux
01:07:21 et le parti social-démocrate, le parti républicain du peuple,
01:07:25 est un parti aussi très nationaliste.
01:07:28 Donc le nationalisme est bien partagé de part et d'autre.
01:07:33 Là, ce n'est pas ce qui différencie les deux alliances en lice.
01:07:41 Donc c'est plutôt vraiment l'enjeu, il est sur un renouvellement du pouvoir
01:07:47 et sur un terme à mettre, en tout cas pour l'opposition,
01:07:53 au pouvoir d'Erdogan, dont on estime qu'il a trop duré
01:08:00 et qu'il a particulièrement dégénéré avec cette présidentialisation
01:08:04 entamée après le coup d'État manqué de juillet 2016.
01:08:10 Donc l'enjeu est principalement là et ce qui pose un problème,
01:08:14 en définitive, de pérennité de cette coalition, si celle-ci parvient au pouvoir,
01:08:23 et de capacité à inventer un programme politique qui aille au-delà
01:08:27 de la seule opposition résolue à Recep Tayyip Erdogan.
01:08:32 Il y a déjà eu une crise avant même les élections sur la personne du candidat
01:08:40 de l'opposition de l'alliance de la Nation, crise qui a été résolue,
01:08:45 mais enfin qui révèle bien les fragilités de cette alliance
01:08:52 et donc l'hétérogénéité de celle-ci.
01:08:56 Nora Senni ?
01:08:58 Il est clair que c'est le mariage de la carpe et du lapin, cette coalition-là,
01:09:05 mais il ne faut pas la considérer comme une coalition de gouvernement.
01:09:11 Ce qui lie ces leaders et leur parti, c'est la volonté d'en finir justement
01:09:17 avec le régime Erdogan.
01:09:20 Ce qui va s'ouvrir si jamais ils avaient gain de cause, si jamais ils remportaient les élections,
01:09:26 c'est une période de transition, puisqu'ils ont annoncé eux-mêmes
01:09:31 que la première des choses qu'ils vont s'atteler à faire, c'est le passage,
01:09:37 l'abandon du régime présidentiel pour un régime parlementaire.
01:09:42 Donc il leur faudra faire des élections, il leur faudra organiser une consultation
01:09:48 où ils auront fort à faire pour changer la constitution.
01:09:53 Donc c'est à partir de là.
01:09:56 C'est un moment qui ouvrira les vannes, qui donnera un peu d'oxygène,
01:10:02 qui restaurera sans doute la société civile et donnera un espace politique,
01:10:09 un espace de débat, un espace d'échange, à partir duquel la recomposition
01:10:14 des forces politiques, de leur poids, pourra se réaliser.
01:10:22 C'est un moment de transition, il faut regarder ça comme un gouvernement de transition.
01:10:28 Alors ce gouvernement de transition, il n'a pas encore gagné,
01:10:31 les élections c'est la semaine prochaine, il se peut tout à fait que Erdogan les remporte,
01:10:36 soit en trichant, soit en ne trichant pas d'ailleurs.
01:10:40 – Mais la question que nous on se pose vu d'ici, c'est au fond,
01:10:44 est-ce que c'est devenu notre ennemi Erdogan ?
01:10:46 Parce qu'il y a eu des mots échangés avec Emmanuel Macron,
01:10:49 Erdogan n'avait pas été très tendre, mais il fait partie de l'OTAN,
01:10:55 ce n'est pas un allié de Vladimir Poutine Erdogan, et pourtant on les associe.
01:11:00 – Alors… – Il est dans l'OTAN je veux dire.
01:11:04 – Alors je dirais d'abord, évidemment ce sont les Turcs qui vont voter,
01:11:08 c'est un pays souverain, mais il faut déjà dire qu'Erdogan,
01:11:12 c'est l'ennemi des Turcs avec lesquels nous sommes en dialogue, en dialogue culturel.
01:11:17 – Absolument.
01:11:18 – Voilà, c'est-à-dire il y a une élite turque, universitaire, artistique,
01:11:22 littéraire, philosophique, cinématographique,
01:11:25 c'est des gens avec lesquels on est de plein pied,
01:11:28 Erdogan les met en prison ou les exile, il ne veut pas entendre parler d'eux,
01:11:31 ça c'est la première chose.
01:11:33 La deuxième chose c'est que oui Erdogan est dans l'OTAN,
01:11:38 oui Erdogan a réussi à accéder au pouvoir parce qu'il avait ramassé le drapeau
01:11:44 d'une Turquie européenne qui avait été abandonnée par les militaires,
01:11:48 il a fait croire à tout ça, oui Erdogan est arrivé au pouvoir
01:11:51 en faisant croire qu'il allait s'occuper enfin des Kurdes ou des Alevis,
01:11:56 cette minorité musulmane très libérale, qu'il allait enfin s'en occuper.
01:12:02 Erdogan mentit sur tout et aujourd'hui on est face à un pouvoir vertical,
01:12:06 ce pouvoir vertical, son carburant, c'est l'aventure à l'extérieur,
01:12:12 alors une aventure pas d'islamiste, une aventure pan-turque,
01:12:15 une aventure néo-ottomane, tout est bon pour faire feu de tout bois
01:12:19 et essayer de restaurer cette image du turc puissant,
01:12:23 en quelque sorte dominant l'histoire, n'est-ce pas,
01:12:25 que lui incarnerait par-dessus tout et dont il serait le garant,
01:12:28 une espèce d'attaque turque bis mais projetée hors des frontières.
01:12:32 – À l'inverse.
01:12:33 – Oui, mais projetée hors des frontières.
01:12:35 – On a l'impression que vous nous faites le portrait de Poutine
01:12:38 face au collège Simone.
01:12:39 – Oui, et il s'entend très bien avec Poutine par exemple dans le Caucase,
01:12:44 alors avec Poutine c'est toujours pareil, c'est un peu comme d'ailleurs
01:12:47 avec Xi Jinping, avec Modi, avec les Iraniens de Kamenei,
01:12:52 tous ces gens-là ont en fait un ennemi, ce qu'ils appellent l'Occident,
01:12:56 c'est-à-dire généralement la représentation des droits de l'Homme
01:12:59 et ils veulent amener le reste du monde derrière eux et ils ont des aventures.
01:13:02 – Ils sont déjà très très nombreux là, c'est la moitié de l'humanité.
01:13:06 – Déjà les deux tiers de l'humanité.
01:13:07 – La moitié, la moitié, la bonne moitié.
01:13:10 – Chine plus Inde, plus Russie.
01:13:13 – Mais ils ont tous eu des problèmes entre eux à travers les siècles,
01:13:17 on compte pas le nombre de guerres russo-turques,
01:13:20 le nombre de guerres russo-chinoises, le nombre de guerres indochinoises,
01:13:24 le nombre de guerres irano-turques, irano-russes,
01:13:28 mais là pour l'instant ce qui les structure c'est nous, leur ennemi commun.
01:13:32 Quand on en vient à cet ennemi commun, eh bien Erdogan joue avec Poutine,
01:13:37 alors il est d'accord avec Poutine au Caucase,
01:13:39 mais ils ont des intérêts divergents en Syrie ou en Libye,
01:13:42 en revanche en Afrique subsaharienne, il marche main dans la main
01:13:47 pour écarter en fait les anciennes puissances coloniales dont la France.
01:13:51 C'est un jeu très compliqué mais est-ce qu'Erdogan est notre ami ?
01:13:56 La réponse c'est non, il n'est pas plus notre ami
01:13:58 qu'il est l'ami des Turcs, encore une fois, avec lesquels nous aimons dialoguer.
01:14:03 – Jean-François Perrouz, vous êtes d'accord ?
01:14:07 – Alors il me semble qu'il faut quand même essayer de comprendre
01:14:11 qu'il y a encore beaucoup de gens qui en Turquie s'identifient à Erdogan
01:14:18 et donc il faut se demander pourquoi, pourquoi cette pérennité ?
01:14:24 Et je crois que ça conduit quand même à voir les choses un peu autrement.
01:14:34 Erdogan quand on regarde, depuis 2003, depuis mars 2003,
01:14:43 depuis qu'il a accédé au poste de Premier ministre avant de devenir président,
01:14:48 il a quand même incarné une forme, pendant un temps,
01:14:57 de renouvellement de la vie politique en Turquie
01:15:00 en assurant l'intégration de classes et de groupes sociaux
01:15:05 qui s'estimaient exclus du jeu politique.
01:15:09 Et il a été, on ne peut pas lui dénier ce rôle, cette fonction,
01:15:18 l'opérateur d'une intégration de ces classes conservatrices d'origine provinciale
01:15:30 dans le jeu politique puis le jeu économique de la Turquie.
01:15:35 Et il a contribué, et là encore je crois qu'il faut pouvoir admettre cela
01:15:44 pour comprendre toute la complexité, pour comprendre la force de l'attachement,
01:15:48 un attachement qui subsiste et qui explique qu'on a du mal à descendre en dessous des 40%
01:15:55 lors des élections.
01:15:58 Il a aussi contribué à restituer une forme de fierté nationale
01:16:05 en jouant sur la possibilité de faire de la Turquie un acteur à part entière
01:16:16 du jeu régional, du jeu international, et d'en faire une puissance respectée
01:16:25 et qui a la capacité d'imposer une autre manière, de voir l'ordre du monde.
01:16:35 À ce titre, l'ouvrage paru récemment de Recep Tayyip Erdogan
01:16:42 qui s'appelle "Un monde plus juste et possible" est vraiment intéressant.
01:16:45 Quant à la vision que peut avoir Erdogan et qui a une résonance,
01:16:54 c'est-à-dire qui touche l'opinion, et on entend beaucoup cette remarque faite à son propos,
01:17:04 c'est un leader mondial qui a fait entendre la voix de la Turquie
01:17:09 sur la scène internationale, qui a redonné une respectabilité à ce pays.
01:17:15 Ceci doit être aussi pris en compte.
01:17:20 Après, les registres que Erdogan a pu mobiliser pour cela peuvent être discutés,
01:17:29 mais plus que les registres, les méthodes.
01:17:33 On le voit, vraiment le dernier moment de la campagne, il se campe en chef de guerre
01:17:41 et son principal argument est de mettre en avant l'essor du complexe militaro-industriel turc.
01:17:50 Effectivement, là, on change de registre et on touche à une dimension beaucoup plus critiquable et discutable.
01:18:06 Mais comme il n'a plus au niveau intérieur de véritables arguments pour convaincre l'opinion
01:18:13 compte tenu de la situation économique désastreuse, compte tenu de la polarisation,
01:18:18 il ne peut jouer plus que sur la carte de sa prétendue envergure de leader international.
01:18:27 Nora Asseni, on dit ici qu'Erdogan, c'est le candidat des femmes voilées,
01:18:32 ce serait celui du droit des femmes.
01:18:37 Vous vous souvenez qu'Erdogan est sorti des accords d'Istanbul,
01:18:45 qui sont des accords contre la violence faite aux femmes,
01:18:49 et sortir d'un accord de cet ordre, c'est quand même assez hallucinant.
01:18:55 Ce que ça veut dire, c'est "licence to kill", l'autorisation de tuer, de tabasser.
01:19:05 Pour revenir à votre question, il y a eu en effet, Erdogan, son électorat l'a assigné à l'islam.
01:19:17 C'est un islam auquel il a dit "vous êtes musulmans, donc les musulmans ça fait comme ci, comme ça".
01:19:24 Les femmes couvrent leur tête, elles ne travaillent pas,
01:19:28 et tout un ensemble de pratiques qui vont avec.
01:19:33 Ça en effet, ça a été légitime sous Erdogan.
01:19:37 Mais pardon de vous interrompre, mais il faut quand même rappeler que les femmes turques ont été libres très très vite,
01:19:41 elles ont eu le droit de vote avant les françaises.
01:19:43 Exactement.
01:19:44 Donc comment peut-on... On a l'impression qu'Erdogan est parvenu à ce que les femmes turques se voilent.
01:19:52 Non, c'est son électorat, quand même, il ne faut pas exagérer.
01:19:55 Même quand 50% ont voté pour Erdogan, il y a quand même 50% du reste de l'électorat qui est non voilé, moderne.
01:20:10 Le mouvement Gezi, en 2013, l'a bien montré.
01:20:15 Il y a toute une jeunesse, pas seulement des très jeunes, mais des professionnels, des jeunes professionnels,
01:20:25 qui se sont rebellés contre les assignations d'Erdogan, des femmes n'avaient pas travaillé, etc.
01:20:32 Mais je voulais revenir sur votre question de "Est-ce que l'Occident est l'ennemi d'Erdogan, d'où ça sort ?"
01:20:40 Eh bien, une partie d'Erdogan a fait de la Turquie une puissance régionale, il l'a fait reconnaître,
01:20:46 Jean-François Perrouz le disait, il l'a fait reconnaître à avoir une place respectable dans le monde,
01:20:52 mais il l'a fait à coup de sa possibilité de nuisance aussi.
01:20:58 Donc c'est lui qui déclare que l'Occident n'est pas son ami, c'est lui qui joue cette carte-là d'enfer, d'enfer ennemi.
01:21:09 Il faut, je vous rappelle qu'aujourd'hui, le monde entier est angoissé pour ces élections.
01:21:21 Il y a le Washington Post, l'Economist, Chatham House, qui ont tous titré "Est-ce qu'il va pouvoir partir ?
01:21:29 Ce sont les élections les plus importantes du monde." Ils ont titré ça.
01:21:35 Le point a titré "Le monde entier retient son souffle."
01:21:40 Bon, ça, il faut avoir eu une capacité de nuisance pour en faire ça.
01:21:45 C'est vrai qu'il s'agit d'une élection qui décidera d'une civilisation.
01:21:51 Il faut considérer ces élections à la lumière de ce qui se passe entre l'Ukraine et la Russie, entre la Russie et l'Europe.
01:22:02 La Russie menace l'Europe dans un modèle économique non démocratique.
01:22:12 Eh bien, si Erdogan passe, on aura un modèle, un régime qui combat l'Occident, peut-être des valeurs, etc.,
01:22:23 mais qui combat la démocratie, les principes démocratiques à la frontière de l'Europe.
01:22:30 Donc ça, il faut le savoir. Et il faut aussi que, si jamais Kılıçdaroğlu et son équipe passent,
01:22:38 l'Europe devra donner un coup de main d'une certaine façon et s'impliquer dans la reconquête d'un système démocratique en Turquie.
01:22:50 Donc on est d'accord, l'élection qui se joue la semaine prochaine, c'est aussi à sa manière une élection pour ou contre nous ?
01:22:57 Ça, c'est évident. On gagnera, si Kılıçdaroğlu est élu, l'Europe et l'OTAN gagneront un partenaire apaisé qui arrêtera d'insulter la terre entière.
01:23:12 Parce que ça, c'est peut-être le côté un peu moins respectable d'Erdogan, n'est-ce pas ?
01:23:16 Sa manie de l'insulte à l'égard des autres chefs d'État, même si ça flatte une certaine base populaire turque,
01:23:22 parce qu'il y a l'image de la virilité du chef qui ose, qui dit la vérité, etc.
01:23:28 Oui, bien sûr, mais on n'aura rien réglé. On n'aura rien réglé. Les Turcs n'auront pas réglé le principal problème.
01:23:35 Alors on l'a dit, Jean-François Perroux l'a dit, il y a quand même un parti islamiste,
01:23:40 sixioniste du parti d'Erdogan qui est dans la coalition, il y a un parti d'extrême droite,
01:23:44 sixioniste du parti d'extrême droite qui permet à Erdogan de garder le pouvoir qui est dans la coalition.
01:23:50 Cette coalition, qu'est-ce qu'elle va faire ? Elle peut gagner que parce que les Kurdes, le parti kurde s'abstient
01:23:57 et le parti kurde dont le chef est en prison et assiste, sous exécution fallacieuse,
01:24:04 avec un nombre de militants de ce parti qui sont en prison, mais les Kurdes vont quand même demander,
01:24:09 dans ce cas-là, je dirais, le retour sur investissement du fait qu'ils n'auront pas présenté leur candidat.
01:24:17 Et est-ce que M. Kiliç Daroglu, qui représente quand même le kémalisme, est prêt à aller sur les Kurdes ?
01:24:27 Bon, M. le candidat de l'opposition a aussi déclaré qu'il était à Lévis.
01:24:32 Les Alévis ont besoin de ça, les Alévis et les Kurdes, c'est 25% de la population turque,
01:24:37 les uns avec les autres, ils sont souvent les deux d'ailleurs, etc.
01:24:40 Et puis il y a ce problème, c'est que ce pays qui est très jeune, qui a en fait un siècle,
01:24:46 juste pile un siècle d'existence, il vit sur un trou noir qui est antérieur à lui,
01:24:51 dont il n'est pas responsable, le génocide des Arméniens, ce pays repose sur une négation,
01:24:56 une négation d'un crime essentiel. De ce point de vue-là, quel est le problème ?
01:25:01 Le problème, c'est qu'on n'est pas européen parce qu'on respecte la loi des urnes, simplement.
01:25:05 On est européen parce qu'on est capable d'un retour critique sur son histoire.
01:25:08 Pour l'instant, je ne vois pas cette coalition inscrire ce retour critique dans son histoire.
01:25:13 Je pense, elle aussi, elle sera, si elle résiste à l'éclatement après la prise de pouvoir,
01:25:19 si elle en vient à prendre le pouvoir, ça fait beaucoup de scie,
01:25:22 elle sera quand même face à ce mur de cette identité bâtie de manière,
01:25:29 je dirais un peu à marche forcée, identité turque, où effectivement,
01:25:33 aujourd'hui, il y a des femmes non-oualaises et des femmes oualaises qui se côtoient,
01:25:36 mais qui ne connaissent pas leur véritable histoire
01:25:40 dans toute la diversité des peuples qui ont fait la Turquie actuelle.
01:25:43 Jean-François Pérouse, il reste une minute d'être d'accord avec ce que vient de dire Jean-François Colussibaud.
01:25:49 Moi, je pense qu'il faut penser aux Français d'origine turque et aux Turcs de France
01:25:57 et se demander pourquoi est-ce qu'ils peuvent se reconnaître dans Erdogan,
01:26:03 qu'il faut éviter de diaboliser, et puis voir les liens,
01:26:06 que Erdogan n'est pas du tout, du tout enclin à remettre en question les liens avec l'Europe,
01:26:12 de la même façon qu'il n'est pas du tout, contrairement à l'intention qu'on lui prête parfois,
01:26:17 prêt à remettre en question l'appartenance à l'OTAN.
01:26:20 C'est impragmatique, il fait feu de tout bois,
01:26:23 et il utilise toutes les alliances et tous les types d'appartenance.
01:26:29 Donc, évitons peut-être de trop l'enfermer dans une identité,
01:26:36 dans un prétendu projet, pour bien voir qu'on a là actuellement à faire un homme aux abois,
01:26:43 qui tente tous les discours possibles et imaginables pour se maintenir au pouvoir,
01:26:48 et qui ne tourne pas le dos à l'Europe du tout, puisqu'il sait très bien,
01:26:55 de la même façon qu'il sait que son armée n'existerait pas sans l'OTAN,
01:26:59 que tout ce qu'il doit à l'Europe, et que, faisons un peu d'économie politique aussi,
01:27:05 que la majorité du commerce extérieur turc se fait encore avec l'Europe.
01:27:12 Je vous interromps, Jean-François Pérouse, parce que ça va être le rappel des titres.
01:27:18 Je vous remercie beaucoup d'avoir été avec nous ce soir.
01:27:21 Mais c'est l'heure de Michael Dos Santos, le rappel des titres.
01:27:27 Les atteintes à la laïcité ont presque doublé à l'école en l'espace d'un mois.
01:27:34 En mars, 504 atteintes ont été recensées, a annoncé Papendiaï.
01:27:38 Selon le ministre de l'Éducation nationale, cette augmentation est liée principalement à la pratique du ramadan.
01:27:43 Le Paris-Saint-Germain reprend le large en ligue 1.
01:27:46 Les Parisiens se sont imposés 3 buts à 1 lors de leur déplacement à Troyes.
01:27:50 Kylian Mbappé a ouvert la marque, Vitinha et Fabienne Ruiz ont creusé l'écart.
01:27:55 Avec cette victoire, le club de la capitale se rapproche un peu plus du titre de champion de France.
01:28:00 Il compte désormais 6 points d'avance sur l'Anse à seulement 4 journées de la fin.
01:28:04 Et puis enfin, Max Verstappen remporte le Grand Prix de Miami en Formule 1.
01:28:09 Pourtant 9e sur la grille de départ, le double champion du monde en titre s'est imposé sans difficulté.
01:28:14 Le pilote néerlandais remporte ainsi sa 3e victoire de la saison
01:28:18 et devance une nouvelle fois son coéquipier de l'écurie Red Bull, Sergio Perez.
01:28:23 Les visiteurs du soir, c'est jusqu'à minuit.
01:28:30 Des milliers de scénaristes américains se sont mis en grève après l'échec de leur négociation avec les studios et les plateformes.
01:28:36 Ce qui est en cause en particulier, c'est leur rémunération liée au streaming.
01:28:40 Jean-Gabriel Fredé, vous êtes journaliste, vous avez été longtemps correspondant aux Etats-Unis.
01:28:45 Vous venez de publier "Les 7 vies d'Hollywood", c'est sous-titré "Irons-nous encore au cinéma demain ?"
01:28:51 Vous décrivez Hollywood complètement déboussolé, un paysage dévasté où aucun nouveau modèle économique ne se profile pour renouer avec le profit.
01:29:01 C'est si grave que ça ?
01:29:02 Je pense que dans tout cas, l'idée qu'on se fait d'Hollywood, l'âge d'or avec le système des studios,
01:29:10 avec tout ce qui allait au-delà du lieu géographique mais qui était associé à une culture,
01:29:19 est en train de changer énormément sous l'effet de la révolution numérique.
01:29:26 Et ce qui se passe en ce moment, cette grève des 11 000 screenwriters, scénaristes,
01:29:34 raconte un petit peu ce désarroi, cette incapacité pour l'instant à trouver un nouvel ordre.
01:29:39 Qu'est-ce qui se passe ?
01:29:40 C'est bien tout simplement que le cinéma progressivement, petit à petit, s'efface devant le monde des séries.
01:29:51 Et les séries, ce sont les streamers, ce sont les plateformes vidéo, c'est Netflix, c'est Amazon Prime, c'est Apple Plus, en attendant la Big Tech.
01:30:04 Et tous ces nouveaux opérateurs agissent de façon très différente que n'agissaient autrefois les studios.
01:30:11 En d'autres termes, ça signifie quoi pour les scénaristes ?
01:30:15 C'est-à-dire qu'au lieu d'avoir des saisons avec pour chaque saison 24 ou 22 épisodes,
01:30:26 on va avoir des saisons avec 10, 12, quelquefois 8 épisodes.
01:30:31 Donc, perte de pouvoir d'achat pour les scénaristes.
01:30:35 On va voir, au lieu d'avoir ces écuries de screenwriters, de scénaristes qui jusqu'au bout accompagnaient leur texte,
01:30:44 on va avoir des mini script rooms.
01:30:48 Donc, il va y avoir des gens qui vont être licenciés.
01:30:51 Et dans un monde où traditionnellement, le scénariste est très souvent interchangeable,
01:30:57 c'est un maillon de la fabrication de films.
01:31:00 Jusqu'à une date très récente, il n'avait aucun droit moral sur ce qu'il écrivait.
01:31:07 Une fois que le scénario était accepté, il appartenait au producteur et il n'avait aucun droit financier.
01:31:14 Avec l'arrivée, la montée des streamers, tout ça s'est accentué.
01:31:21 Les débouchés qu'avaient malgré tout les scénaristes avec la syndication, avec les DVD, avec les câbles opérateurs, tout ça s'est fini.
01:31:37 La syndication, je le rappelle, c'est qu'une fois que votre série est interrompue sur la chaîne où elle a été créée,
01:31:42 elle peut être revendue sur une autre chaîne, qui n'existe pas en France.
01:31:47 Avec la nouvelle donne, tout ça s'est complètement fini.
01:31:51 C'est d'autant plus agaçant et frustrant pour les scénaristes qu'avec le système de streaming,
01:31:58 le même produit peut être vu ad lib autant qu'on veut.
01:32:03 - Et dans le monde entier ? - Et dans le monde entier.
01:32:05 - Et il ne touche rien ? - Par les souscripteurs.
01:32:07 Et ces fameuses reliance, ils ne touchent rien.
01:32:10 Voilà comment ça se passe, voilà comment le monde est vu par les scénaristes.
01:32:14 Mais du côté des producteurs, ça ne va pas non plus très très bien.
01:32:18 - Mais alors justement, je vous interromps parce que dans votre livre, vous dites,
01:32:24 l'âge d'or du streaming, c'est déjà fini.
01:32:28 En fait, Netflix a connu 20 ans de croissance et nous on est resté là.
01:32:34 On a l'impression que Netflix, qu'on aime ou qu'on n'aime pas, mais c'est ultra puissant,
01:32:39 que les autres plateformes qui lui font concurrence sont ultra puissantes.
01:32:42 Alors vous dites, non, ça y est, déjà c'est fini l'âge d'or.
01:32:45 Ce modèle économique-là, il est déjà en perdition.
01:32:48 - Disons qu'il est vulnérable. C'est une chose qui est vieille comme le monde.
01:32:53 Après l'âge d'or, vous avez l'âge critique.
01:32:55 On s'aperçoit que ce système, ce modèle qui était incontournable,
01:32:59 il est extrêmement... Il a ses faiblesses, si vous voulez.
01:33:03 Pourquoi ? Parce que le streaming, c'est un média de flux
01:33:07 et qu'il faut donner manger à la bête, si vous voulez.
01:33:10 Si chacun d'entre nous, souscripteur, abonné, peut sur n'importe quel support,
01:33:17 une tablette, son poste de télévision, oui, même maintenant, son téléphone,
01:33:23 consommer autant qu'il le veut le produit fabriqué par les scénaristes,
01:33:33 eh bien, si vous voulez, ça ne peut qu'accroître le sentiment de frustration des screenwriters.
01:33:41 - Des scénaristes, certainement.
01:33:42 Mais quand vous dites que le modèle lui-même ne fonctionne plus,
01:33:46 ça veut dire qu'il y a trop de plateformes ?
01:33:48 - Oui. Ça veut dire aussi que ce modèle-là, si vous voulez,
01:33:52 Netflix a eu une sorte de période bénie qui a duré cinq ou six ans.
01:33:57 Et puis, il y a eu la rodomontage des autres studios.
01:34:00 Tous les studios, à commencer par Disney et ensuite par Warner,
01:34:04 on s'est dit Universal, se sont dotés de plateformes.
01:34:08 Qu'est-ce qui se passe dans ces cas-là ?
01:34:09 C'est qu'il y a une concurrence qui fait monter les prix.
01:34:13 Et pour attirer, débaucher des téléspectateurs, des spectateurs,
01:34:18 il faut faire de l'exceptionnel.
01:34:21 Et l'exceptionnel, ça coûte excessivement cher.
01:34:23 Donc, c'est une espèce de course-poursuite qui creuse un trou
01:34:27 entre le moment où vous investissez pour faire des films
01:34:31 et le moment où vous récoltez des abonnés pour les financer.
01:34:35 Il y a toujours un décalage.
01:34:36 Et c'est ce décalage qu'on constate de plus en plus.
01:34:39 - Alors, vous dites aussi dans votre livre,
01:34:41 et c'est pour ça que ça s'appelle "Les sept vies d'Hollywood",
01:34:43 c'est pas la première fois qu'on nous prédit la mort de l'industrie
01:34:49 ou la mort d'Hollywood.
01:34:50 C'est arrivé la première fois avec l'arrivée du parlant.
01:34:52 - Tout à fait.
01:34:53 - C'est encore arrivé avec l'arrivée de la télévision.
01:34:56 C'est encore arrivé au moment où arrive Internet.
01:35:01 Pourquoi cette fois-ci, ce serait plus grave ?
01:35:04 - Pourquoi cette fois-ci, c'est plus grave ?
01:35:06 C'est que, si vous voulez, d'une part, le modèle Netsfli,
01:35:09 qu'on croyait inaltérable, gagnant dans tous les cas de figure,
01:35:14 révèle ses faiblesses.
01:35:16 Il y a des concurrents.
01:35:18 Il y a une hausse des coûts absolument colossale.
01:35:21 - Le marché est saturé.
01:35:22 - Le marché est saturé, si vous voulez.
01:35:24 A commencer par le marché américain.
01:35:26 Ce qu'on oublie, c'est que le streaming, c'est formidable,
01:35:30 mais on peut se désabonner sur un clic.
01:35:32 Donc, il y a une volatilité extraordinaire des abonnés.
01:35:35 Et pour les reconquérir, pour les fidéliser,
01:35:38 il y a cette espèce de course au "il faut faire mieux,
01:35:41 il faut faire plus cher, il faut faire plus spectaculaire".
01:35:44 Et ça coûte beaucoup, beaucoup d'argent.
01:35:48 - Vous dites "spectaculaire", je ne suis pas tout à fait d'accord.
01:35:51 Ça fonctionne sur d'autres critères.
01:35:53 C'était des films moins ambitieux.
01:35:56 Mais ce qu'on a vu avec HBO et avec Netflix,
01:36:00 l'un faisant la préquelle de...
01:36:04 Comment dirais-je?
01:36:07 Il y a eu deux préquelles.
01:36:11 Ce que je veux dire, c'est que le blockbuster
01:36:14 est entré maintenant dans le streaming.
01:36:17 Il y a eu la préquelle de "Le Monde",
01:36:20 dans le streaming.
01:36:23 Il y a eu la préquelle de...
01:36:26 Le nom m'échappe.
01:36:29 - De "Star Wars" ou de "Le Seigneur des Anneaux"?
01:36:32 - De "Game of Thrones",
01:36:35 pour lequel HBO a investi 200 millions.
01:36:39 Et puis la préquelle de "Le Seigneur des Anneaux",
01:36:43 pour lequel Amazon a payé 200 millions.
01:36:47 Amazon a payé 250 millions pour faire 5 saisons
01:36:51 qui vont coûter environ 450 millions.
01:36:55 Avec pour chaque épisode, un coût d'entre 35 et 50 millions.
01:36:59 Donc le blockbuster qu'on croyait ne pouvoir voir
01:37:03 que dans les grandes salles avec un grand écran,
01:37:06 il entre maintenant dans le cinéma à domicile
01:37:10 avec une bande-son et avec une capacité de fascination
01:37:14 carrément égale à celle qui existe dans les grands cinémas.
01:37:18 - C'est vrai que Netflix a changé notre rapport au cinéma.
01:37:22 Pas seulement en nous montrant des séries,
01:37:26 mais aussi en nous montrant des films.
01:37:30 Et parfois des films faits par des grands réalisateurs.
01:37:34 Mais tout à coup, d'avoir à disposition des films
01:37:38 qu'on peut voir quand on en a envie,
01:37:42 ça a changé notre rapport au cinéma.
01:37:46 - Oui, dans un premier temps, tout est pour le mieux
01:37:50 dans le meilleur des mondes possibles.
01:37:54 On a une sorte de ciné-club chez soi qu'on peut actionner
01:37:58 à la demande. Cette logique de flux déclenche
01:38:02 une inflation de programmes, car il faut nourrir la bête,
01:38:06 avec le risque de plus en plus aigu d'un formatage
01:38:10 qui est un peu comme dans certains clubs de vacances,
01:38:14 devant un buffet extraordinaire où l'inflation de ce qu'on vous propose
01:38:18 vous met dans un tas de temps que cet effort
01:38:22 et à la fin, vous ne consommez plus.
01:38:26 Quand vous arrivez sur la page de Netflix et que vous voyez
01:38:30 ce défilé de films, que choisir ? L'éditorialisation est très faible
01:38:34 et on a le sentiment, car ils l'ont dit et répété,
01:38:38 que le jeu des algorithmes, ils savent mieux que nous
01:38:42 ce que l'on devrait choisir. Donc on est sous surveillance permanente,
01:38:46 on a des algorithmes recommandations qui deviennent très facilement
01:38:50 des algorithmes d'addiction.
01:38:54 - Reconnaissez que l'algorithme de Netflix est complètement idiot.
01:38:58 - Pourquoi c'est idiot ? - Il n'arrête pas de me recommander
01:39:02 des films que j'ai déjà vus, ou pire encore, il me recommande
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