Plus de deux semaines après la promulgation express de la réforme des retraites, Jean-Luc Mélenchon a profité du 1er mai pour affirmer sa volonté de continuer à se battre.
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00:00 Monsieur Croissando, nous allons revenir avec vous ce matin sur une petite phrase qui a été prononcée hier par Jean-Luc Mélenchon
00:05 avant le départ de la manifestation parisienne du 1er mai et donc contre la réforme des retraites.
00:10 On va d'abord écouter Jean-Luc Mélenchon.
00:13 Ne vous laissez pas domestiquer, quoi qu'il vous en coûte, si vous êtes des insoumis, des insoumises,
00:21 soyez-le jusqu'au bout, les derniers à céder, c'est vous !
00:27 Abat la Mauvaise République !
00:31 Oui, alors je ne sais pas vous, mais moi quand j'entends un leader de premier plan
00:35 haranguer ses militants en mettant dans la même phrase "abat" et puis "la République",
00:39 ça me met particulièrement mal à l'aise.
00:41 Alors attention, je répète depuis hier soir les insoumis,
00:44 qui ne portent jamais aussi mal leur nom que quand il s'agit de commenter les propos du patron,
00:48 Jean-Luc Mélenchon n'a pas dit "abat la République" bien sûr, mais "abat la Mauvaise République"
00:52 en faisant évidemment référence à la Ve République, ça change tout, disent-ils.
00:56 Alors peut-être, mais faites le test autour de vous, je vous fiche mon billet que quand les gens entendent
01:00 "abat la Mauvaise République", le premier truc qu'ils retiennent, ce n'est pas "abat la Mauvaise"
01:03 mais plutôt "abat la République" et que quand on habite les Français à entendre ce genre de propos,
01:06 ça n'augure jamais rien de bon.
01:08 Et puis je vous fiche aussi mon billet que si les adversaires politiques des insoumis,
01:11 Emmanuel Macron, Marine Le Pen, avaient prononcé les mêmes mots,
01:13 on ne se serait pas embarrassé du contexte et les insoumis
01:16 et les amis de Jean-Luc Mélenchon seraient déjà dans leur rue et ils auraient raison.
01:19 Alors pourquoi il dit ça ?
01:20 Pour deux raisons.
01:21 D'abord parce que Jean-Luc Mélenchon considère que la Ve République est un régime à bout de souffle
01:24 qui permet une dérive autoritaire du pouvoir.
01:26 Il en appelle même à une VIe République qui redonne davantage la parole au peuple
01:30 et le pouvoir aux citoyens.
01:31 Il a tout à fait le droit de le penser et de le dire.
01:34 Il n'est d'ailleurs pas le premier.
01:35 François Mitterrand, en son temps, qu'il surnomme affectueusement "le Vieux",
01:38 avait même qualifié ce régime taillé sur mesure pour le général de Gaulle de "coup d'État permanent".
01:43 Avant, on s'en souvient, une fois élu, de considérer que finalement cette constitution n'était pas si mal.
01:47 L'autre raison, c'est que depuis la réélection d'Emmanuel Macron,
01:50 les Insoumis se sont lancés dans une remise en cause systématique du jeu institutionnel.
01:54 Vous vous souvenez, ça a commencé par Emmanuel Macron réélu,
01:57 "Ah, le président mal élu", la majorité relative au Parlement.
02:02 "Ah ben non, c'est une minorité", la commission mixte paritaire.
02:05 "Ah, ça c'est une chambre noire", les critiques contre le Conseil constitutionnel.
02:08 Bref, ça pèle existant pour montrer la nécessité de passer à autre chose.
02:12 On comprend bien l'idée et Jean-Luc Mélenchon aurait tout aussi bien pu crier hier
02:15 "Vive la VIe République" ou "Vivement la VIe République".
02:18 Mais lui, qui connaît parfaitement le sens des mots, a choisi une nouvelle fois la provocation.
02:22 On croyait que la République, c'était lui.
02:23 On comprend aujourd'hui que la Mauvaise République, c'est les autres.
02:25 Donc vous vous dites quoi ? C'est une erreur politique ?
02:28 Oui, parce que c'est ambigu et donc peu compréhensible.
02:30 Et puis, ça accrédite un peu plus l'idée que son approche à Jean-Luc Mélenchon
02:33 est évidemment radicale, dirons les uns, révolutionnaire, dirons les autres.
02:36 Or, une partie de son camp, de la gauche de son électorat,
02:38 considère que c'est une erreur stratégique, que ces excès,
02:40 que ce positionnement politique ne seront jamais majoritaires en France.
02:44 Ensuite, parce que ça donne du grain à moudre aux adversaires,
02:46 précisément de Jean-Luc Mélenchon, qui ne cesse de répéter
02:48 que les Insoumis sont hors de ce qu'Elisabeth Borne qualifiait d'arc républicain.
02:52 Vous vous souvenez, elle avait dit ça en juin dernier.
02:55 Enfin, parce que la République, ce sont nos règles communes.
02:57 C'est ce que tous les partis partagent.
02:59 C'est ce qui permet à la France insoumise d'exister, de revendiquer, de se faire élire.
03:02 Et que changer les règles du jeu, ça ne peut se faire que dans le consensus le plus large.
03:06 Montesquieu disait qu'il ne faut toucher à la Constitution que d'une main tremblante.
03:09 Et non pas, on a envie d'ajouter, avec la voix qui tonne,
03:12 même quand on s'appelle Jean-Luc Mélenchon.
03:14 - Merci Mathieu.