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Maya Lauqué reçoit l'athlète Halba Diouf dont les paroles « Je suis une femme, il va falloir dealer avec çà » se sont affichées à la une de l'Équipe. L'athlète transgenre a récemment été exclue des compétitions, elle revient sur cette décision et sur la question de l'inclusion. 

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Transcription
00:00 Bonjour El Badio.
00:01 Bonjour.
00:02 Merci d'être avec nous ce matin.
00:03 Je suis une femme, il va falloir dealer avec ça.
00:07 Votre photo et vos paroles se sont affichées il y a quelques jours en une de l'équipe.
00:12 Comment avez-vous vécu cette subite mise en lumière ?
00:16 Ce fut très compliqué pendant quelques temps,
00:18 parce que moi je suis une personne assez discrète dans la vie de tous les jours.
00:22 Je suis étudiante en double licence en sociologie géopolitique,
00:24 Aix-en-Provence.
00:26 Je suis haute entrepreneuse aussi depuis quelques temps
00:28 dans le développement personnel et dans le coaching.
00:30 J'ai déjà ma petite vie tranquille,
00:32 donc c'était assez brutal et assez compliqué de gérer cela.
00:37 Mais il faut que les choses changent effectivement.
00:40 On est en 2023, l'inclusion ne devrait pas être une question de courage
00:44 et de bonne volonté comme je l'ai dit dans mon communiqué.
00:47 Alors on va expliquer votre situation.
00:48 Vous avez 21 ans cet hiver,
00:50 alors que vous faites partie des meilleures sprinteuses du pays,
00:53 où vous vous êtes vu retirer des listes des championnats transféminines
00:56 Espoir et Élite par la Fédération Française d'athlétisme,
00:59 privés de compétition car vous êtes nés dans le corps d'un garçon.
01:02 Comment avez-vous vécu cette décision ?
01:05 Alors où commencer ?
01:08 Lorsque Sébastien Coe a décidé d'exclure les femmes transgenres des compétitions,
01:13 je me suis posé un tas de questions déjà.
01:16 Qui avait été à cette réunion ?
01:18 Parce que c'est une commission qui s'est déroulée en fin mars.
01:21 Il y avait-il un endocrinologue, un psychologue, un médecin généraliste ?
01:25 Pour quelles raisons a-t-il décidé d'exclure ?
01:28 Parce que cette décision s'est faite en deux temps.
01:30 On va expliquer d'abord, la Fédération Française a demandé à pouvoir consulter
01:34 votre suivi biologique pour vérifier vos taux de testostérone.
01:38 C'était, et donc je parle volontairement au passé,
01:41 la règle qui était fixée par la Fédération Internationale.
01:44 Expliquez-nous cette règle d'abord des taux de testostérone.
01:47 En fait, les femmes transgenres ont toujours été autorisées à courir,
01:49 mais sous certaines conditions, maintenir leurs taux de testostérone
01:52 en dessous de 5 nanomoles pendant une période de 12 mois.
01:56 Moi, je suis largement en règle, c'est-à-dire que ça fait…
01:59 On voit ici en l'extrait de vos réseaux sociaux, vous les avez publiés.
02:02 Ça fait trois ans que je suis en traitement hormonal,
02:05 donc je peux courir depuis deux ans, mais je ne me sentais pas forcément prête de courir,
02:09 car je savais que ça allait être assez compliqué au niveau des critiques
02:13 et je ne me sentais pas prête à assumer.
02:16 Quand j'ai commencé à faire des compétitions,
02:19 notamment pour les régionaux à Miramas,
02:22 c'est vraiment là que les choses ont pris de l'ampleur.
02:25 Parce que vous avez réalisé des chronos exceptionnels.
02:27 Oui, au 60 mètres, au 200 mètres, je suis arrivé premier de ma catégorie.
02:30 Donc oui, j'ai été qualifié pour les championnats de France et les championnats d'élite.
02:35 C'est à partir de ce moment-là que ça a commencé à devenir compliqué.
02:38 On vous évoquait le 23 mars dernier cette réunion de la Fédération Internationale.
02:42 Elle a décidé de changer les règles.
02:44 Elle interdit les compétitions pour les femmes transgenres
02:46 ayant connu une puberté masculine.
02:48 Donc ça veut dire que là, vous n'avez plus, pour l'instant,
02:51 accès aux compétitions internationales.
02:53 C'est ça. Sébastien Coe a décidé de nous bannir.
02:56 Ce mot qui est assez dur.
02:58 C'est-à-dire qu'on n'est plus en 1940.
03:00 On ne peut plus bannir les femmes transgenres.
03:02 On est en 2023. Les choses doivent effectivement changer.
03:05 On sait très bien que Sébastien Coe,
03:09 qui est le président de l'Award Athlétique,
03:11 veut présenter un troisième mandat.
03:13 C'est très bien que l'inclusion des femmes transgenres
03:15 dans le monde du sport pose notamment problème.
03:17 À mon sens, il veut juste grappiller des voix à droite et à gauche.
03:22 Lorsqu'il a été interrogé sur votre situation,
03:25 le patron de la Fédération française, André Giraud,
03:27 a expliqué qu'il fallait se conformer aux règles.
03:29 Il a aussi avancé à un autre argument
03:31 en expliquant que lorsque vous participiez à des compétitions masculines,
03:35 vous étiez à la 980e place française,
03:37 alors qu'en compétition féminine, vous êtes 58e mondiale.
03:41 On comprend donc en sous-texte que ça pose la question
03:44 d'une supposée équité sportive.
03:46 Que répondez-vous à ça ?
03:48 La prétendue intention de protéger les femmes
03:50 par des décisions d'exclusion comme celle-ci
03:52 est insidieuse, voire même pernicieuse.
03:54 Elle est destinée à tromper les gens, et surtout les femmes.
03:56 En réalité, ces décisions ne protègent personne
03:58 et n'usent à toutes les femmes, que ce soit femmes transgenres
04:00 ou femmes cisgenres, comme je l'ai évoqué dans mon communiqué.
04:04 Donc ce n'est pas un argument qui est recevable pour vous.
04:07 Pas du tout.
04:08 Pour qu'on comprenne bien, vous nous disiez
04:10 que vous prenez un traitement depuis 3 ans maintenant.
04:13 Quelles sont les conséquences sur vos performances ?
04:16 Vu que moi, mon taux de testostérone est vraiment inférieur à la moyenne,
04:21 je suis à 0,10 nanomoles, c'est-à-dire que depuis 3 ans,
04:24 mon taux de testostérone ne dépasse pas 0,6.
04:27 Il y a énormément de conséquences physiques
04:29 et les gens ne s'en rendent pas forcément compte.
04:31 C'est-à-dire lesquelles ?
04:32 Au niveau de la récupération musculaire, j'ai beaucoup plus de mal.
04:35 J'ai perdu 75% de ma récupération.
04:38 Même au niveau de la musculature, je ne peux plus me muscler comme avant.
04:42 Il y a énormément d'études qui traitent de ce sujet-là.
04:45 Il faut juste se renseigner.
04:47 Votre situation fait bouger les lignes
04:48 puisqu'une commission vient d'être créée au sein de la Fédération française
04:51 pour traiter de la question des athlètes transgenres.
04:54 Il paraît qu'elle a déjà décidé de vous autoriser
04:56 à faire des compétitions jusqu'au niveau départemental.
04:59 Est-ce que vous y voyez un signe d'ouverture, un signe d'espoir ?
05:03 Bien sûr que oui.
05:04 Après, moi, je suis une personne, c'est soit tout, soit rien.
05:07 Je pense qu'il faut accepter ce qu'on nous propose.
05:10 Au niveau départemental, c'est plutôt pas mal.
05:12 Mais moi, je vise vraiment le maximum.
05:13 J'aimerais bien attendre les JO 2024,
05:16 qui vont se dérouler dans 15-16 mois à peu près.
05:19 Il y a eu une championne olympique transgenre à Tokyo en 2021.
05:22 En fait, je ne comprends vraiment pas cette décision
05:24 car les femmes trans n'ont jamais dominé le sport féminin.
05:27 Les gens ne peuvent citer qu'une poignée de femmes trans
05:29 qui sont arrivées à des niveaux nationaux ou même internationaux.
05:31 Les femmes trans ne dominent pas le sport féminin.
05:34 C'est assez paradoxal.
05:36 D'une manière générale, il y a en France et dans d'autres pays
05:38 des débats autour de la transidentité,
05:40 mais également sur l'accompagnement des mineurs
05:43 qui sont en questionnement de genre.
05:45 À quel moment avez-vous compris qui vous étiez ?
05:47 Moi, ça a toujours été très tôt.
05:49 C'est-à-dire qu'on ne devient pas trans.
05:51 On l'a toujours été.
05:52 Moi, c'est vraiment à l'âge de 7 ans
05:54 que j'ai découvert ma transidentité.
05:56 On était dans la cour de récréation avec mes copines.
05:58 On parlait de nos rêves, de nos aspirations.
06:00 On se fut à mon tour et moi, j'ai dit que je voulais devenir maman,
06:03 porter la vie, me marier, avoir mon mari.
06:06 Et c'est là que ma copine m'interpelle et me dit
06:08 que je suis un garçon et que je ne peux pas porter la vie.
06:12 C'est vraiment à partir de ce moment-là que j'ai commencé
06:15 à comprendre que les choses allaient devenir compliquées
06:17 et que je n'étais pas dans mon corps visiblement.
06:19 Merci beaucoup, Abadiou.

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