ISRAËL : JUSQU’OÙ IRA NETANYAHOU ?

  • l’année dernière
Les tensions continuent de grimper au Proche-Orient. En Israël, ce qu’on appelle déjà le “gouvernement le plus à droite de l’histoire” continue sa fuite en avant fascisante. Le feu aux poudres à été mis par un projet de réforme de la justice entrepris le gouvernement Netanyahu issu de la coalition de la droite avec l’extrême-droite et les ultra-orthodoxe. Qualifiée de “coup d’Etat judiciaire” par les opposant à la réforme, celle-ci prévoit de réduire drastiquement les pouvoirs de la Cour Suprême. Cette toutefois eu la qualité de mettre des centaines de milliers d’israéliens dans les rues depuis mi-janvier. Samedi encore, ils ont battu le pavé pour demander le retrait pur et simple de ce projet. Le mois dernier, ils étaient aux alentours de 700 000 dans les rues de tout le pays pour demander la même chose.
Parallèlement, la violence monte et s’exacerbe à l’égard de la communauté palestinienne et la Bande de Gaza. Comme l’illustre l’assaut terriblement violent de la Mosquée Al-Aqsa, située sur l’esplanade des mosquées à Jérusalem, et 3ème lieu saint le plus important de l’Islam, et ce, en plein ramadan.

Pour revenir sur ces différents points, Irving Magi a le plaisir d’accueillir Alain Gresh, journaliste, fondateur et directeur du média Orient XXI. Il est notamment l’auteur de Israël-Palestine : vérités sur un conflit.

C’est parti pour l’entretien d’actu.

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Transcription
00:00 Les tensions continuent de grimper au Proche-Orient. En Israël, ce qu'on appelle déjà le gouvernement le plus à droite de l'histoire continue sa fuite en avant fascisante.
00:10 Le feu aux poudres a été mis par un projet de réforme de la justice entrepris par le gouvernement Netanyahou, issu d'une coalition de la droite avec l'extrême droite et les ultra-orthodoxes.
00:20 Qualifiée de coup d'État judiciaire par les opposants à la réforme, celle-ci prévoit de réduire drastiquement les pouvoirs de la Cour suprême.
00:29 Cette réforme a toutefois eu la qualité de mettre des centaines de milliers d'Israéliens dans les rues depuis mi-janvier.
00:34 Samedi encore, ils ont battu le pavé pour demander le retrait pur et simple de ce projet.
00:39 Le mois dernier, ils étaient aux alentours de 700 000 dans les rues de tout le pays pour demander exactement la même chose.
00:44 Parallèlement, la violence monte et s'exacerbe à l'égard de la communauté palestinienne et la bande de Gaza.
00:51 Comme l'illustre l'assaut terriblement violent de la mosquée Al-Aqsa située sur l'esplanade des mosquées à Jérusalem et troisième lieu saint le plus important de l'islam et ce en plein ramadan.
01:03 Pour revenir sur ces différents points, j'ai le plaisir d'accueillir Alain Greche, journaliste, fondateur et directeur du Média Orient 21.
01:11 Il est notamment l'auteur de "Israël, Palestine, vérité sur un conflit". C'est parti pour l'entretien d'actu.
01:17 (Générique)
01:24 – Bonjour, bonsoir Alain plutôt. Merci beaucoup d'être venu. Vous allez bien ?
01:29 – Très bien, merci.
01:30 – Donc je le rappelle, vous êtes directeur du Média Orient 21.
01:34 Alors j'ai envie de rentrer un petit peu dans le vif du sujet avec vous.
01:39 Donc très récemment, on l'a vu sur les images, l'attaque ultra-violente d'Al-Aqsa, les raids à Gaza.
01:47 En gros, la montée des violences envers les Palestiniens ont-ils un lien de cause à effet
01:52 avec l'extrême droatisation du gouvernement israélien qui d'ailleurs provoque d'immenses manifestations là-bas ?
01:58 – Oui, je dirais la répression contre les Palestiniens dans les territoires occupés.
02:04 Les raids contre Gaza ont commencé depuis longtemps, bien avant l'arrivée de ce gouvernement.
02:12 L'année dernière, il y a eu plus de Palestiniens tués en Cisjordanie que depuis 20 ans.
02:18 Donc c'était déjà l'ancien gouvernement.
02:20 Mais c'est sûr qu'avec ce gouvernement, on a des gens, je dirais,
02:23 qui parlent plus franchement que l'ancien gouvernement,
02:25 puisqu'ils disent clairement "cette terre nous appartient, au mieux on vous accepte comme invité,
02:30 mais vous n'avez aucun droit, seuls les Juifs ont des droits sur cette terre".
02:33 Et ça se traduit concrètement par la présence au gouvernement de gens
02:39 que des Israéliens qualifient de nazis au sens idéologique.
02:43 C'est-à-dire des gens qui sont, on appelle des suprémacistes juifs
02:48 et qui jouent un rôle important dans la colonisation,
02:51 dans les services de police, dans la répression.
02:56 Donc ça a été un stade supérieur dans la répression des Palestiniens.
03:01 Et évidemment, ça suscite du côté palestinien une résistance à cette oppression.
03:07 – Oui, alors pour revenir aux manifestations qui ont lieu un peu partout en Israël,
03:12 contre le gouvernement et donc principalement contre la réforme judiciaire,
03:17 j'ai envie de demander de façon un peu naïve,
03:19 mais c'est un petit peu pour avoir un avis plus éclairé sur la question.
03:23 Est-ce que cette mobilisation qu'on dit historique
03:25 pourrait sonner le glas pour Benyamin Netanyahou ?
03:28 – Écoutez, il faut d'abord comprendre ce qui est en jeu.
03:31 Notamment la défense de la Cour suprême qui défend les libertés fondamentales.
03:35 Et de ce point de vue, le fait qu'il y ait eu des centaines de milliers de gens dans la rue
03:39 est tout à fait important.
03:40 Les gens n'ont pas envie de voir leur liberté reniée.
03:44 Mais quand je dis la Cour suprême défend les intérêts de la population,
03:50 ils défendent les intérêts de la population juive.
03:53 Sans même parler des territoires occupés, les Palestiniens qui sont citoyens,
03:58 qui ont la nationalité israélienne, qui sont environ 2 millions,
04:02 eux ne sont pas défendus par cette Cour suprême.
04:05 Et la Cour suprême, depuis des années, a toujours légalisé toutes les actions
04:09 de colonisation, toutes les actions de discrimination
04:12 contre cette population arabe-palestinienne, à quelques exceptions près.
04:16 Et malheureusement, je veux dire, ce que les gens qui descendent dans la rue
04:20 ne voient pas, c'est le rapport qu'il y a entre cette fascisation
04:25 du gouvernement israélien et l'oppression des Palestiniens.
04:29 C'est Marx qui disait qu'un peuple qui en opprime un autre
04:31 ne peut pas être un peuple libre.
04:32 On le voit concrètement, je veux dire, on le voit concrètement.
04:35 Donc, ce qui est… on pourrait avoir des manifestations qui, demain,
04:40 débouchent sur une victoire et que le gouvernement Netanyahou
04:46 renonce à la réforme de la Cour suprême et avoir la même politique
04:49 d'oppression des Palestiniens qui continue.
04:52 La plupart des grandes manifestations refusaient la présence de drapeaux palestiniens.
04:57 Et seuls des petits groupes très courageux, à l'intérieur de ces manifestations,
05:01 osaient avancer la défense de la population palestinienne.
05:06 Pas seulement au nom de la justice, parce que, je veux dire,
05:09 qu'on soit juif ou palestinien, l'oppression devrait susciter une condamnation,
05:13 mais aussi parce qu'ils savent, ces Juifs israéliens,
05:16 que quelque part, cette oppression des Palestiniens a des conséquences
05:21 sur leur société, c'est-à-dire que ce qui a provoqué depuis 50 ans
05:23 l'extrême droitisation de la vie politique israélienne,
05:27 la montée de ces groupes fascistes, suprémacistes juifs,
05:30 c'est justement l'occupation.
05:31 – Oui, mais alors dans ce cas-là, pourquoi le gouvernement,
05:35 puisque de toute façon, le gouvernement Netanyahou a depuis des années
05:39 une marge de manœuvre énorme, et c'est vrai que j'ai pris l'exemple
05:42 des raids israéliens, on se souvient que l'un des raids israéliens
05:45 les plus meurtriers, c'était celui de 2008, qui avait fait à peu près 2000 morts,
05:49 qui avait été qualifié même de crime de guerre,
05:50 c'était déjà Netanyahou qui était Premier ministre, c'est vrai.
05:52 Alors dans ce cas-là, pourquoi réformer le système judiciaire ?
05:56 – Je veux dire, il y a des... enfin, si vous voulez, il y a une gradation aussi,
05:59 je veux pas dire que tous les gouvernements sont les mêmes,
06:01 quels que soient, je veux dire, on peut être de plus en plus à droite,
06:06 et on peut être de plus en plus fascisant.
06:08 Donc là, ils veulent prendre quand même des mesures,
06:10 y compris à l'égard des Palestiniens, qui vont encore plus loin,
06:14 et notamment avec le poids des extrémistes laïcs,
06:19 ou d'ailleurs colons, je dirais, certains religieux, d'autres non,
06:22 il y a beaucoup de problèmes en Israël, c'est une société très complexe,
06:25 il y a le problème du rapport à la laïcité, du rapport des groupes religieux,
06:29 vous savez qu'un certain nombre de religieux sont exempts du service militaire,
06:33 il y a plein de choses qui se mêlent,
06:35 mais ce qui est important du point de vue de la situation dans la région,
06:39 parce que ce qui se passe en Palestine, occupée, a des conséquences,
06:44 c'est ce qui est fait aux Palestiniens, et de ce point de vue,
06:47 je ne pense pas que ça va toucher grand-chose.
06:52 On a vu avec intérêt le fait que des aviateurs ont dit
06:57 qu'ils ne répondraient pas aux ordres du gouvernement,
07:00 que des militaires n'obéiraient pas aux ordres du gouvernement dans les territoires occupés,
07:06 mais je ne crois pas que c'est vrai.
07:08 Ceux qui ont mené les raids sur Jénine avec des dizaines de morts,
07:12 continueront à le faire, et les aviateurs qui ont dit "nous ne bombarderons jamais",
07:17 depuis plusieurs semaines, ils bombardent la Syrie sans le moindre état d'âme.
07:22 Donc c'est cette espèce de...
07:25 je vais dire... comment je dirais ?
07:27 – C'est un rébrétat en fait, il y a l'État, le gouvernement et l'armée à côté, c'est ça ?
07:30 – Non, non, ce n'est pas ça, d'aveuglement, c'est-à-dire d'aveuglement à ce qui se passe,
07:35 ils ont l'impression que c'est un État, enfin tous ces gens qui manifestent,
07:38 qu'ils soient en État démocratique normal, sans se rendre compte
07:41 qu'on ne peut pas être un État démocratique normal quand on réprime toute une population.
07:45 – Mais justement, dans les motifs de cette contestation,
07:49 donc on le disait, il y a la réforme judiciaire,
07:51 mais pour que ce soit massif à ce point-là,
07:53 est-ce qu'il n'y a pas un ras-le-bol plus général,
07:55 et qui par exemple pourrait concerner justement l'attitude de plus en plus belliqueuse
07:59 de Benyamin Netanyahou et son gouvernement ?
08:01 – Malheureusement non, malheureusement non.
08:04 Il y a eu effectivement, quand il y a eu le pogrom à Awara,
08:08 vous savez cette cité en Cisjordanie occupée où des colons ont été,
08:13 ils ont cassé tout, sous le contrôle de l'armée.
08:16 – Ils ont mis des dizaines de voitures.
08:17 – Avec la présence de l'armée, il y a eu un certain nombre de gens
08:21 qui se sont révoltés, mais pas l'essentiel des gens,
08:23 et ce n'est pas un des éléments qui amène les gens à manifester,
08:27 c'est ça qui est terrible je veux dire.
08:29 Il y a une espèce de bonne conscience aujourd'hui en Israël,
08:32 qui est "nous avons raison, nous nous voulons la paix,
08:35 mais les autres ne veulent pas, regardez la violence des Palestiniens",
08:38 sans imaginer que la violence des Palestiniens
08:41 c'est la simple réponse à l'occupation.
08:43 – Oui, alors cette recrudescence de violence au Proche-Orient,
08:47 en ce moment fait craindre à de nombreux observateurs une nouvelle intifada.
08:52 Alors avant de require votre avis sur la question,
08:55 est-ce que vous pouvez déjà peut-être rappeler à ceux qui ne connaissent pas
08:57 forcément le conflit israélo-palestinien, ce que c'est qu'une intifada ?
09:02 – Une intifada, on la traduit par soulèvement, c'est un ébranlement.
09:08 La première a éclaté à la fin 1987, je crois, décembre 1987.
09:18 C'est un soulèvement spontané qui embrasse toute la population palestinienne,
09:25 aussi bien en Cisjordanie qu'à Gaza, et qui se traduit par des actions.
09:28 Ce qui est intéressant c'est que la première intifada,
09:31 qui a débouché finalement d'une certaine manière sur les négociations d'Oslo
09:35 et sur les accords d'Oslo, était une intifada pacifique,
09:40 c'est-à-dire non armée, disons.
09:43 Et c'est intéressant de répéter, souvent on entend dire
09:46 "ah mais pourquoi les Palestiniens ne manifestent pas pacifiquement ?"
09:49 Parce qu'il n'y a pas possibilité de manifester.
09:51 Dès que vous manifestez en Palestine, on vous tire dessus.
09:55 Donc là il y avait la décision simplement des Palestiniens,
09:59 parce qu'ils étaient bien encadrés par les organisations etc.,
10:02 de n'utiliser que des pierres, ce qui n'a pas empêché qu'on leur tire dessus.
10:07 Après il y a eu les accords d'Oslo, les négociations,
10:10 les négociations ont échoué.
10:12 Elles ont échoué parce qu'Israël n'a pas arrêté,
10:14 c'est-à-dire entre 1993, le moment des accords d'Oslo,
10:18 et le déclenchement de l'intifada,
10:20 je crois que le nombre de colons a doublé.
10:23 Donc il n'y a pas eu le moindre arrêt de la colonisation,
10:25 ni le moindre signe qu'Israël était prêt à laisser les territoires occupés.
10:30 Donc là ça s'est transformé en une vraie action armée,
10:33 avec l'idée que, enfin les Palestiniens avaient l'idée
10:36 qu'ils allaient renverser le rapport de force.
10:38 Ils ont échoué, la répression a été terrible.
10:42 Maintenant, est-ce qu'il y a la possibilité d'une nouvelle intifada ?
10:45 C'est difficile d'abord parce qu'une intifada ça ne se décrète pas.
10:48 Ce n'est pas quelqu'un qui un jour décide on va déclencher une intifada.
10:51 Donc c'est un mouvement spontané, je dirais comme partout,
10:54 c'est quand des fois on se demande pourquoi à un moment un mouvement,
10:59 pourquoi dans le monde arabe il y a eu ces printemps,
11:01 à un moment donné, personne ne peut dire pourquoi.
11:03 Enfin il y a les causes, mais pourquoi ça commence à un moment donné.
11:07 La question aussi c'est que les Palestiniens sont très affaiblis.
11:09 Ils sont très affaiblis par leur division entre le Fatah et le Hamas.
11:13 Ils ont une autorité palestinienne qui est considérée aujourd'hui
11:16 par les Palestiniens comme une autorité de collaboration avec l'occupant,
11:20 bien qu'il n'y a pas une grande autorité.
11:22 Le Hamas peut avoir une image un peu meilleure
11:25 parce que comme organisation de résistance,
11:27 mais la manière dont il se conduit à Gaza
11:29 n'est pas très différente de la manière de l'autorité,
11:31 c'est-à-dire la répression contre toute société civile,
11:34 contre toute action indépendante.
11:36 Donc on voit éclater des formes de résistance, notamment armées,
11:43 notamment des groupes de jeunes que les Israéliens ne savent plus,
11:47 comment dire, localiser parce qu'ils ne sont pas dans les anciennes structures.
11:51 C'est souvent des fils de gens qui sont des policiers de l'autorité palestinienne
11:55 et qui se rendent compte, quels que soient leurs appartenances
12:00 et qui participent à des actions armées, c'est très difficile à contrôler.
12:05 Mais est-ce que ça, ça peut déboucher sur une Nektifada ?
12:08 – En fait c'est impossible à prévoir.
12:09 – C'est impossible à prévoir.
12:10 Et puis il faut bien se rendre compte que quand même le rapport de force,
12:13 je veux dire, on a une extraordinaire armée de répression
12:17 face à une population qui est désarmée par sa propre autorité
12:20 et qui en même temps vit avec la volonté de défendre,
12:26 je veux dire, ses acquis, enfin défendre un morceau de terre
12:29 quand il est confisqué, de se protéger contre les colons, etc.
12:33 – Alors effectivement on est dans un contexte,
12:35 pour revenir un petit peu sur le contexte d'extrême droitisation du gouvernement,
12:40 on est dans un contexte, dans un temps quand même extrêmement rapproché.
12:43 On a eu Itamar Ben Gvir qui a été nommé ministre de la Sécurité Nationale.
12:48 On se souvient d'ailleurs de sa venue provocatrice au Mont du Temple.
12:52 Il y a aussi Bezalel Smotrich, le ministre des Finances,
12:56 qui est venu en visite privée à Paris.
12:58 Il a déclaré "il n'y a pas de Palestiniens car le peuple palestinien n'existe pas".
13:04 Je vous propose d'ailleurs de regarder un extrait de son discours
13:07 qui avait été diffusé en direct sur Facebook
13:09 et qui a été largement relié sur les réseaux sociaux, regardez.
13:12 […]
13:34 – Voilà, donc vous venez d'entendre, comme nous tous,
13:36 ces propos quand même extrêmement choquants.
13:38 La diplomatie française avait d'ailleurs qualifié ces propos d'indignes
13:42 et irresponsables.
13:43 Les États-Unis, par la voix de son porte-parole du département d'État,
13:47 a jugé aussi ces propos inexactes mais également inquiétants et dangereux.
13:51 Même Joe Biden, du moins off dans ce qu'il dit dans la presse,
13:54 a tendance de plus en plus à s'éloigner de façon assez significative
13:58 de Benjamin Netanyahou.
14:00 Est-ce qu'Israël est en train de s'isoler d'un point de vue diplomatique
14:04 et en voie de perdre potentiellement ses meilleurs alliés ?
14:08 – Je dirais, moi, en regardant les images de Smotrich,
14:11 disant "il n'y a pas de nationalité palestinienne",
14:16 je me demande quand même pourquoi le gouvernement français l'a laissé venir,
14:20 pourquoi il a laissé tenir de tels propos.
14:22 Jamais le gouvernement français n'aurait laissé un Palestinien à Paris
14:27 tenir des propos en disant "le peuple israélien n'existe pas,
14:31 ils n'ont qu'à s'en aller", etc.
14:33 Et on a, du point de vue du gouvernement français,
14:36 une attitude que je qualifie de totalement hypocrite.
14:39 C'est-à-dire, d'un côté on dit "nous sommes pour une solution en deux États",
14:43 un État aussi Jordanie, Gaza et Israël,
14:46 et en même temps nous agissons avec Israël
14:49 comme si Israël n'était pas la force qui empêche la création de ces deux États,
14:54 notamment par la colonisation.
14:55 – D'ailleurs Emmanuel Macron, malgré tous les grèves
14:58 qui sont envoyées à Netanyahou de la part des États-Unis
15:01 et de la communauté internationale,
15:03 ça n'a pas empêché notre président de la République, Emmanuel Macron,
15:05 d'être le seul chef de l'État occidental à avoir reçu Benjamin Netanyahou
15:08 de Pisson et Chant.
15:09 – Pas le seul, le premier.
15:10 – Oui, pardon, le premier, pardon pour l'absurde,
15:13 le premier, c'était en février dernier,
15:15 et si l'on en croit d'ailleurs le communiqué entre les deux responsables,
15:18 ils ont exprimé leur volonté d'approfondir le partenariat entre la France,
15:23 entre les deux pays, et de renforcer les relations bilatérales.
15:26 Le chef de l'État a aussi répété l'attachement indéfectible de la France
15:31 à la sécurité d'Israël.
15:32 Il y a aussi Rohrberger qui avait réagi sur Twitter en apportant,
15:36 vous allez le voir sur le tweet qui apparaît à l'écran,
15:38 tout son soutien au peuple israélien qui vit une nouvelle fois,
15:42 selon elle, sous le flot des attaques terroristes.
15:45 Elle adresse ses condoléances aux victimes, etc.
15:48 C'est à se demander d'ailleurs si les militants ou les politiques,
15:52 qui des militants ou des politiciens importe le conflit israélo-palestinien.
15:56 Donc Alain Grèche, moi j'ai envie de vous demander
15:58 pourquoi Emmanuel Macron couvre comme ça, justement, ce gouvernement fascisant.
16:03 Quel est le but politique et diplomatique de la manœuvre d'Emmanuel Macron ?
16:07 Je crois qu'on a assisté depuis une vingtaine d'années à un tournant,
16:11 moi j'appelle ça un tournant silencieux de la politique française
16:13 à l'égard du Proche-Orient.
16:15 Jusqu'à présent la politique française qui avait été inaugurée
16:17 par le général de Gaulle était fondée sur l'idée qu'il fallait une solution
16:21 au conflit israélo-palestinien avec un État palestinien
16:24 qu'il fallait recoder l'OLP, des négociations.
16:27 Mais aussi sur une autre chose, c'est qu'on ne pouvait pas avoir
16:30 des relations "normales" avec Israël
16:33 tant que la question palestinienne n'était pas réglée.
16:36 Aujourd'hui, ça a changé avec Sarkozy et ça a été accentué par François Hollande
16:42 qui dans une vidéo célèbre disait qu'il voulait chanter son amour pour Israël.
16:48 – On se souvient de cette séquence un peu ridicule.
16:51 – Oui, c'est une séquence totalement ridicule.
16:54 Ça a changé mais de manière hypocrite, c'est-à-dire qu'officiellement…
17:01 – Officiellement il y a eu des choses quand même,
17:03 je veux dire le gouvernement français a ouvertement critiqué
17:06 le rapport d'amnistie internationale sur l'État d'apartheid etc.
17:09 – Oui, il y a ça mais par rapport à Israël, régulièrement,
17:12 moi je dis, chaque fois qu'il y a un communiqué,
17:14 je dis "575e communiqué du Quai d'Orsay dénonçant la colonisation"
17:19 mais sans jamais prendre la moindre action contre cette colonisation.
17:23 Et puis alors l'autre chose très importante, vous avez raison de la souligner,
17:26 c'est qu'aujourd'hui il y a une volonté qui est partagée
17:30 par beaucoup de forces politiques et ça aussi c'est la différence
17:32 avec il y a 20-30 ans quand il y avait des forces politiques gaullistes,
17:37 quand Giscard d'Estaing appelait à négocier avec l'OLP,
17:40 il y a la volonté de criminaliser la solidarité avec les Palestiniens.
17:44 Et ça, ça se voit avec le cas Salah Hamouri,
17:46 la manière dont il est sans arrêt attaqué.
17:49 – Oui d'ailleurs lui a été censuré en France,
17:51 il a même été interdit dans l'Est par un arrêté préfectoral
17:55 alors que Smotric a autorisé à venir en France.
17:57 – Non, non et alors maintenant cette mesure a été condamnée par un tribunal
18:01 mais les attaques contre lui continuent comme si de rien n'existe.
18:05 Ce qui est d'ailleurs extraordinaire c'est que tous les gens qui attaquent
18:07 et qui veulent empêcher Salah Hamouri de parler
18:12 sont les mêmes qui se glorifiaient de l'esprit Charlie.
18:16 Je rappelle d'ailleurs, j'ai vu ça sur Twitter,
18:17 que Charb qui était le protecteur en chef qui a été tué de Charlie Hebdo,
18:22 à l'époque où Salah Hamouri avait été arrêté,
18:26 avait pris la défense de Salah Hamouri.
18:28 Alors qu'aujourd'hui tous ces gens veulent l'interdire de parler.
18:32 Alors il faut rappeler aussi que c'est un citoyen français,
18:36 la liberté d'expression ce n'est pas le droit de parler.
18:38 Et on voit sur la question de l'apartheid
18:41 qu'il y a un mouvement qui est général à l'Europe.
18:44 Par exemple en Allemagne il y a une criminalisation officielle
18:48 par le Parlement du mouvement BDS,
18:50 Boycott, désinvestissement, sanctions,
18:54 et c'est quelque chose qui est en train de s'étendre partout.
18:57 C'est extrêmement, vraiment c'est quelque chose d'extrêmement inquiétant,
19:00 parce que c'est une attaque contre la liberté d'expression.
19:02 Et c'est quand même extraordinaire qu'un mouvement,
19:04 qu'il y a un mouvement pacifique qui veut prendre position,
19:07 vous pouvez être d'accord ou pas d'accord,
19:08 qu'on veuille aujourd'hui l'interdire.
19:10 – On parlait de la censure de Salah Hamouri,
19:13 mais on peut aussi parler des tentatives de dissolution des collectifs
19:17 aux Palestiniens en France, ça se passe en France.
19:19 La liberté d'expression en France est réduite,
19:22 il n'y a pas que les soulements de la terre qui vont se menacer.
19:23 – Je rappelle d'ailleurs que, enfin, je ne rappelle pas,
19:26 j'annonce, vous le savez sans doute, le 4 mai,
19:29 il va y avoir à l'Assemblée nationale, à l'initiative,
19:31 je crois, du groupe communiste et de la NUPES,
19:34 en tous les cas d'une partie de la NUPES,
19:35 parce que je ne crois pas que les socialistes en soient partis,
19:39 une discussion autour d'une résolution concernant l'apartheid en Israël.
19:44 Et là aussi c'est quand même intéressant, je veux dire,
19:46 on peut être contre, dire non, non, ça ne correspond pas à la situation,
19:50 mais on ne peut pas dire qu'on a Amnesty International,
19:53 Human Rights Watch, B'Tselem,
19:57 qui est la plus grande organisation de défense des droits humains,
19:59 qui toutes disent la même chose à propos de l'apartheid,
20:03 toutes ces organisations que nous portons en eau
20:05 chaque fois qu'elles parlent de l'Ukraine, de la Russie, du Congo, etc.
20:08 et brusquement découvrir que ce sont des organisations
20:11 quasiment antisémites et qu'il faudrait empêcher de parler,
20:14 ça aussi c'est inquiétant.
20:17 – Justement pour en venir à Israël en tant que pays d'apartheid,
20:24 on veut dire factuellement, si on regarde ce qui se passe
20:27 sur le territoire israélien, non seulement les Palestiniens,
20:29 mais il y a aussi les Juifs qui viennent de la Corne de l'Afrique,
20:32 il y a les Chrétiens, d'ailleurs vous allez le voir aussi sur ces images,
20:36 des Palestiniens chrétiens et des Chrétiens en général
20:39 se sont fait molester par l'armée israélienne.
20:42 – À l'occasion de Pâques.
20:43 – À l'occasion de Pâques, oui effectivement pendant le carême,
20:46 donc il n'y a pas que le ramadan qui est empêché en Israël,
20:49 il y a aussi le carême.
20:50 On peut quand même se mettre d'accord sur l'idée,
20:53 même si admettons qu'on veuille la jouer un peu consensuelle
20:56 et mettre de côté le mot "apartheid",
20:58 on peut quand même se mettre d'accord qu'il y a une logique raciste
21:01 et ségrégationniste dans la façon de gouverner, de Benjamin Netanyahou, non ?
21:05 – Orien 21 a publié un article hier sur la nationalité et la citoyenneté en Israël.
21:10 Vous savez qu'il n'existe pas de nationalité israélienne,
21:12 ça les gens ne le savent pas.
21:14 Il y a des nationalités juives, etc.
21:17 Mais il n'y a pas de citoyenneté.
21:18 Les seuls vrais citoyens qui ont les droits totaux,
21:21 ou conciliés si on peut dire, ce sont les juifs.
21:24 Et ça c'est une logique de ségrégation qui existe depuis le début de l'État d'Israël,
21:29 mais qui a été consolidée…
21:29 – Mais qui touchent même des juifs,
21:30 parce que ceux qui viennent de l'accord de l'Afrique justement
21:32 sont aussi très fortement des israéliens.
21:33 – Oui, mais qui a été, enfin cette logique qui a été consolidée
21:36 avec la loi sur l'état d'action qui a été adoptée par le Parlement,
21:39 et ça aussi c'est intéressant,
21:40 elle a été adoptée par le Parlement par les gens
21:42 qui sont actuellement avec Netanyahou au pouvoir,
21:45 mais aussi par les gens qui étaient dans le gouvernement précédent.
21:49 Donc c'est vraiment la même logique qui prévaut en Israël,
21:51 dans la grande majorité malheureusement des forces politiques,
21:54 c'est une logique de suprématisme juif,
21:56 c'est-à-dire nous avons plus de droits que n'en ont les Palestiniens
21:59 ou les autres habitants de ce pays.
22:01 – Donc on peut logiquement parler d'apartheid,
22:03 c'est la définition d'un apartheid,
22:04 exactement comme celui qu'il y a eu aux États-Unis ou en Afrique du Sud.
22:07 – Alors après, si vous voulez, il y a des définitions très complexes de l'apartheid,
22:11 mais c'est très facile, enfin moi je vous le dis…
22:13 – Mais pour schématiser.
22:14 – Voilà, vous avez deux personnes qui vivent sur le même territoire,
22:19 à 50 mètres l'une de l'autre, et qui ne sont pas soumis aux mêmes lois,
22:24 qui ne sont pas soumis aux mêmes tribunaux,
22:26 qui ne sont pas soumis aux mêmes contrôles policiers,
22:28 et c'est ça, voilà, c'est simple, c'est un sens que c'est un apartheid.
22:32 Après il est différent, il faut le dire, il est différent par certains aspects,
22:36 on pourrait en discuter de l'apartheid sud-africain,
22:38 mais la définition de l'apartheid donnée par les Nations Unies
22:41 est une définition qui dépasse très largement le cas sud-africain.
22:44 – Je voulais quand même revenir à cette question-là
22:46 sur la position diplomatique d'Israël, parce qu'on a vite parlé de la France,
22:51 mais pour en revenir à la position diplomatique au sens large,
22:53 c'est-à-dire vis-à-vis des États-Unis, de ses alliés en général,
22:56 est-ce qu'Israël n'est pas en train, finalement, même si certains refusent
23:01 les termes "apartheid" etc., de s'isoler sur la scène internationale ?
23:06 – Je n'en suis pas convaincu, enfin ça dépend à quel niveau on parle,
23:09 je pense que le gouvernement américain, malgré les réserves qu'il a
23:13 à l'égard du gouvernement Netanyahou, continuera à le sous-désigner,
23:18 quoi qu'il en soit, je veux dire, et je pense qu'aujourd'hui
23:21 c'est pareil pour les gouvernements européens.
23:23 Simplement, ils auront vis-à-vis de leur propre opinion,
23:26 plus de difficultés à le faire, je crois d'ailleurs déjà que l'opinion
23:30 des gouvernements européens ne reflète pas ce que pensent les opinions publiques,
23:34 on voit les sondages sur qui est responsable de l'impasse en Israël-Palestine,
23:39 la majorité en France pense que c'est les Israéliens, mais je veux dire ça,
23:46 il y a un changement dans l'opinion publique et plus le gouvernement se durcit,
23:50 plus on voit des gens qui, il y a deux ans, disaient "mais non,
23:54 "apartheid, ça n'existe pas", etc., maintenant commencent à venir là.
23:57 Est-ce que ça, ça va avoir une conséquence sur la position
24:03 des gouvernements européens et américains ?
24:05 Ça va prendre du temps en tous les cas, je veux dire.
24:07 Aux États-Unis, ce qui est le plus intéressant,
24:10 c'est l'évolution de la communauté juive américaine,
24:12 qui contrairement à la communauté juive organisée française
24:15 qui est derrière Netanyahou sans aucun état d'âme,
24:18 et quel que soit le gouvernement, ils seront derrière n'importe quel gouvernement,
24:21 y compris quand il y a un gouvernement qui comporte des gens
24:24 qui sont vraiment des fascistes ou des nazis,
24:28 donc aux États-Unis, il y a un vrai débat et il y a une vraie...
24:33 et je dirais l'inquiétude israélienne d'ailleurs du gouvernement israélien,
24:37 elle tient beaucoup à l'évolution de cette communauté juive américaine.
24:39 – Oui, alors pour finir sur Israël, j'ai envie de poser la question,
24:47 alors on parlait tout à l'heure, on était revenu tout à l'heure,
24:49 vous étiez revenu tout à l'heure sur les accords d'Oslo,
24:52 on se doute que de toute façon du côté de la gauche traditionnelle,
24:55 on a l'impression de toute façon qu'elle est un petit peu morte
24:57 depuis l'assassinat d'Itzhak Rabin,
24:58 mais je suppose qu'on ne pourra jamais compter sur elle
25:02 pour retrouver un certain espoir dans la paix et dans une solution à deux États,
25:07 mais est-ce qu'il y a quand même quelque chose dans la politique israélienne,
25:10 est-ce qu'il y a quelque chose qui pourrait, une gauche anticoloniale,
25:14 qui pourrait tirer ses marrons du feu de la mobilisation actuelle anti-Netanyahou ?
25:19 – Il y a une gauche très courageuse, j'ai parlé de B'Tselem,
25:22 il y a une association qui s'appelle "Breaking the Silence"
25:24 qui organise les soldats qui ont quitté l'armée,
25:29 et qui, vous savez pendant trois ans, ils font l'armée, ils ont 18 ans,
25:33 c'est des gens jeunes et naïfs et ils font ce qu'on leur dit de faire,
25:36 et puis quand ils s'en vont de l'armée, ils commencent à parler,
25:42 donc j'ai rencontré son président, son secrétaire général, je ne sais plus,
25:47 il avait, c'était un juif religieux,
25:49 ce n'était pas du tout les militants de la gauche qu'on…
25:52 donc ils existent, ils sont encore minoritaires,
25:56 leur seule solution à mon avis d'avenir,
25:59 c'est l'alliance avec les Palestiniens qui sont des…
26:07 qui votent aux élections israéliennes, qui représentent 2 millions de personnes,
26:10 qui font une douzaine, une quinzaine de députés,
26:12 et c'est cette alliance à mon avis, de cette fraction progressiste juive
26:18 et de cette population qui peut faire bouger les choses,
26:21 mais il ne faut pas se cacher que ce sera long.
26:23 – Alors dans ma question précédente,
26:26 je parlais de solutions à 2 États du côté des espoirs
26:29 qui pourraient surgir de la politique israélienne,
26:32 mais dans l'absolu, ces espoirs de solutions à 2 États
26:37 nous semblent quand même largement compromis,
26:38 voire même carrément réduhaniants quand on voit le contexte actuel.
26:42 En Palestine, la résistance est quand même régulièrement assimilée à du terrorisme,
26:47 comme si c'était un groupe social en plus, alors que c'est un mode d'action.
26:49 En France, alors qu'on ramène toujours aussi la lutte antisioniste à de l'antisémitisme,
26:55 donc c'est quand même très difficile dans ces conditions de porter une voix
26:59 qui pourrait venir en soutien de la cause palestinienne,
27:04 à un moment donné, on s'était posé la question de la compréhension du conflit.
27:09 Est-ce qu'aujourd'hui on n'a pas perdu justement cette compréhension
27:11 de ce qui se passe là-bas par rapport à une autre époque ?
27:15 On posait la question d'ailleurs sur un autre plateau de Toujours debout,
27:18 elle était venue ici, à Rima Hassan, fondatrice de l'Observatoire des camps de réfugiés.
27:24 Et donc je vous pose la question à vous, Alain,
27:28 comment se ressaisir du conflit pour le comprendre et comprendre ce qui se passe là-bas ?
27:32 – Vous avez raison, il y a eu une évolution importante
27:35 qui date de l'échec des accords d'Oslo,
27:38 mais aussi la question du terrorisme et du terrorisme islamique
27:41 qui a fait croire à beaucoup de gens qu'on était dans une guerre mondiale
27:45 contre le terrorisme, que l'Al Qaïda, le Hamas, le Hezbollah,
27:48 tout ça c'était la même chose, et que si on a ça comme grille d'analyse,
27:52 Israël est notre allié. Donc c'est une grille d'analyse fausse.
27:57 Et je crois qu'il faut revenir effectivement aujourd'hui au fondement de ce conflit,
28:04 c'est-à-dire Israël a refusé la solution à deux États en fait,
28:07 aujourd'hui il n'y a plus à mon avis possibilité sur le terrain de créer deux États,
28:11 mais ce qui ressort c'est que ça ramène à l'origine du conflit,
28:16 qui est le fait que le mouvement sioniste qui s'est installé en Palestine
28:23 à partir du début du XXe siècle était un mouvement colonial,
28:26 et pas très différent des autres mouvements coloniaux qu'il y a eu à travers le monde,
28:30 et qu'aujourd'hui ce qu'Israël paye c'est ce caractère colonial
28:33 dont il n'a pas réussi à se dégager.
28:35 Donc il y a effectivement toute une ré-explication du conflit à voir
28:41 qui n'est pas très facile parce que vous savez la gauche française a été très…
28:46 en 1947 toute la gauche y compris le Parti communiste a été pour la création de deux États,
28:51 il y a eu le traumatisme de la découverte de l'Holocauste,
28:55 il y a eu une sympathie de toutes les forces politiques à quelques petites exceptions près…
28:59 – Qui se légitimaient à l'époque aussi peut-être parce que le climat…
29:02 enfin si c'est en Europe on pouvait légitimer en tout cas qu'on…
29:04 – On peut le comprendre tout à fait, donc c'est très difficile de revenir là-dessus,
29:08 c'est-à-dire c'est très difficile d'avoir un vrai débat,
29:11 je veux dire bon sur la question des deux États, un État etc.
29:16 De toute façon moi ce que je dis toujours c'est pas nous qui allons le trancher,
29:19 c'est les gens sur place y compris les Israéliens.
29:22 Mais c'est très difficile, moi je le vois sur le débat sur l'apartheid,
29:28 et bon j'ai préparé un article que je vais sortir pour le 4 mai justement
29:32 pour ce débat à l'Assemblée nationale qui est de dire l'apartheid
29:36 est le résultat du caractère colonial du mouvement sioniste.
29:40 Et donc là il y a toute une ré-explication à avoir,
29:44 ça nous est facilité il faut le dire par le gouvernement israélien actuel,
29:49 c'est-à-dire quand on voit ces gens, ce qu'ils disent et ce qu'ils font,
29:53 je pense qu'il y a beaucoup de Français qui se rendent compte
29:56 qu'effectivement il y a un problème de fond avec Israël.
30:00 – Est-ce que finalement le caractère colonial,
30:04 parce qu'on a plusieurs fois évoqué les accords d'Oslo,
30:07 donc ils ont été signés et ratifiés en 93,
30:10 à l'époque c'était Yitzhak Rabin et Yasser Arafat
30:14 qui étaient respectivement aux ordres des deux entités,
30:18 palestinien et israélien.
30:21 On sait très bien, enfin justement on ne le sait peut-être pas,
30:24 ceux qui ne connaissent pas bien le conflit,
30:25 que c'était un accord extrêmement inégalitaire,
30:27 justement la création de cette autorité palestinienne
30:29 qui est finalement une entité un peu bâtarde,
30:31 ce n'est pas vraiment un État, ce n'est pas vraiment un pays,
30:33 une nation ni rien du tout,
30:36 avec une zone tampon entre les deux qui n'est pas palestinienne ni israélienne.
30:40 Est-ce que finalement il n'y a pas eu, ces accords d'Oslo n'ont pas finalement
30:43 eu comme effet pervers justement d'ouvrir l'appétit du sionisme expansionniste ?
30:48 – Il y a des gens qui le disent, est-ce que ça aurait pu être autrement ?
30:51 Vous savez c'est très difficile de refaire de l'histoire avec Dessy.
30:55 Moi mon analyse c'est que si les accords ont échoué fondamentalement,
31:00 c'est parce que jamais le gouvernement israélien
31:02 n'a reconnu les Palestiniens comme des gens égaux.
31:05 – On en reste sur cette question fondamentale finalement.
31:08 – On célèbre en ce moment le 80e anniversaire du ghetto de Varsovie
31:11 et j'ai remis une citation que j'avais mise dans un de mes livres
31:14 d'Edelman qui était le dirigeant du ghetto de Varsovie,
31:20 il est interviewé par une… après il échappe,
31:25 je ne sais plus dans les années 50,
31:27 il est interviewé par une journaliste israélienne qui lui dit
31:30 "Est-ce que du ghetto de Varsovie vous ne tirez pas la leçon
31:33 que les Juifs doivent faire n'importe quoi pour se défendre ?"
31:40 Et il lui répond "Ça c'est votre mentalité israélienne,
31:44 c'est le mépris pour l'égalité, jamais je ne partagerai cette vision."
31:50 Et cette vision qu'il y a des droits fondamentalement différents
31:54 entre les Juifs et les autres,
31:56 parfois justifiée au nom de la catastrophe qu'a été l'Holocauste,
32:01 ça c'est quelque chose qui est effectivement utilisé par Israël
32:05 pour justifier le fait qu'ils peuvent faire n'importe quoi aux Palestiniens
32:09 avec le prétexte je dirais que de toute façon
32:12 quoi qu'on fasse aux Palestiniens ça ne sera jamais aussi mauvais
32:16 que ce que nous avons subi sous le nazisme.
32:19 – Oui mais alors du coup pour finir, pour conclure cet entretien,
32:23 quelle solution pourrait nous rester pour retrouver au moins un espoir de paix ?
32:28 – Je dirais qu'aujourd'hui, comme je dis la solution
32:31 elle appartient aux gens sur place, elle n'est pas à nous de définir.
32:35 Ce sur quoi il faut se battre parce que c'est un combat
32:37 que personne ne peut contester, c'est se battre pour l'égalité
32:43 des gens qui vivent sur le même territoire.
32:45 Qui peut être contre ?
32:46 Il y a des Israéliens, il y a des Juifs Israéliens,
32:49 il y a des Juifs, il y a des Palestiniens qui vivent sur ce territoire.
32:54 Ils sont aujourd'hui environ 8 millions de chaque côté.
32:58 La seule solution juste c'est de se battre sur l'égalité de ces droits
33:03 et aujourd'hui c'est se battre sur cette égalité de droits
33:06 plus continuer le travail d'explication sur les origines du conflit
33:11 et puis il y aura un moment où les conditions d'une solution
33:16 vont finir par mûrir.
33:18 Mais c'est vrai qu'aujourd'hui elles n'apparaissent pas très claires.
33:21 – Merci beaucoup Alain Gretsch. – Merci à vous.
33:23 – Je le rappelle vous êtes directeur du Média Orient 21.
33:26 Merci beaucoup d'avoir répondu à mes questions.
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