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Les retraites, ça va bien. Emmanuel Macron veut passer à autre chose. Problème : son discours tourne absolument à vide et plus personne ne veut l'écouter. Dans cet épisode, notre chroniqueur Cyprien Caddeo analyse la langue présidentielle, désormais dans l'impasse.

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Transcription
00:00 Bon alors j'en ai marre de la bêtise ambiante là, il me faut un truc intelligent.
00:03 Tiens, y'a quoi sur Public Sénat ?
00:05 Je pense qu'une des raisons principales, enfin importantes, de l'élection du président,
00:10 il y a 6 ans et de sa réélection, c'est qu'il a un côté beau, doué, qui est impressionnant et qui est désirable.
00:17 Mais non, non c'est pas vrai, ils m'ont même débilisé Public Sénat, c'est pas vrai !
00:21 Mon phare dans la nuit, mais qu'est-ce que je vais devenir sans Public Sénat ? Merde !
00:24 Je commence par en avoir rasé, on doit leur enlever leur carte de presse.
00:27 Vous avez des pensées bizarres !
00:28 Sauf que comme t'es un de nos rois, arrêtez de donner des idées !
00:31 Oyez, oyez, brave Jean, le roi vous a parlé.
00:36 Bon, pour ne rien dire certes, mais enfin il vous a parlé.
00:39 Le lundi 17 avril, Emmanuel Macron a pris à nouveau la parole avec un objectif clair,
00:43 solder la séquence des retraites.
00:45 Oui, parce que pour vous, pour nous, c'est 2 ans de vie au boulot en plus,
00:48 mais pour lui c'est juste une séquence.
00:50 Il s'agit donc de passer à une autre, non sans avoir répété une dernière fois ce qu'il a déjà dit 10 fois.
00:55 Adopter conformément à ce que prévoit notre constitution,
00:58 ces changements étaient nécessaires pour garantir la retraite de chacun
01:03 et pour produire plus de richesses pour notre nation.
01:06 Non, c'est bon, silence, on l'a beaucoup trop entendue celle-là déjà.
01:09 Et puis l'usage de l'imparfait quand même si c'était fini là,
01:11 mais regardez Sophie Binet de la CGT sur BFM,
01:14 quand elle parle il y a des poubelles qui brûlent en arrière-plan,
01:16 ça a l'air terminé la colère, vraiment ?
01:18 On n'a pas eu la retraite, plus du tout !
01:20 Pourquoi va-t-on parler de cette allocution dans cet épisode ?
01:23 Parce que c'était une des communications les plus lunaires, les plus vides,
01:25 les plus creuses qu'on ait vu dans l'histoire politique moderne,
01:28 et qu'elle témoigne d'à quel point le logiciel macroniste tourne désormais dans le vide
01:32 et ne s'adresse plus à personne.
01:33 Pas à vous, en tout cas.
01:34 Vous vous étiez sans doute en train de taper les casseroles devant une mairie.
01:37 Ou occupé à faire quelque chose de plus intéressant,
01:39 comme changer la litière du chat ou vous couper les ongles de pied, je ne sais pas.
01:42 Mais bon, c'est parti quand même pour un résumé.
01:44 Donc oui, Macron a décrété que les retraites,
01:47 emballé, c'est pesé, on n'en parle plus.
01:49 Mais, grand seigneur, il accepte de relever quand même
01:52 que les gens ne sont pas très contents.
01:53 Personne, et surtout pas moi, ne peut rester sourd
01:56 à cette revendication de justice sociale et de rénovation de notre vie démocratique,
02:01 en particulier exprimée par notre jeunesse.
02:03 Pause. Là, on se dit "Ah, là, il va annoncer des trucs concrets puisqu'il a entendu la colère."
02:08 Non, bien sûr que non.
02:09 Face à ces colères, à ce sentiment de déclassement, d'abandon,
02:15 nous devons agir ensemble, au-delà des clivages,
02:18 comme j'ai toujours cherché à le faire,
02:20 au service d'un cap clair, celui de notre indépendance et de la justice.
02:25 Cet extrait, c'est le début d'un festival de mots-clés
02:28 qu'on dirait produit par une intelligence artificielle.
02:30 En réalité, par un conseiller sorti de grande école,
02:32 mais ça revient désormais au même.
02:34 Regardez comme la langue du président n'a plus aucune prise sur le réel.
02:37 C'est là le grand projet que je porte devant vous et avec vous.
02:41 Je veux que chacun d'entre vous retrouve la certitude
02:44 que nos enfants pourront bâtir une vie meilleure.
02:47 À chaque fois, j'ai cherché à libérer les énergies,
02:50 à protéger les plus faibles.
02:52 Et c'est pourquoi je sollicite toutes les forces d'action et de bonne volonté,
02:56 nos maires, nos élus, nos forces politiques, nos syndicats, tous ensemble.
03:00 On se demande à qui peut bien s'adresser des phrases aussi creuses.
03:03 Qui peut se retrouver dans un récit aussi flou ?
03:06 D'abord, j'ai entendu un président qui avait des pieds dans le réel,
03:09 qui était humble, qui était conscient de l'incompréhension autour de la réforme.
03:13 Le consensus que nous n'avons pas réussi à construire sur la réforme des retraites,
03:16 oui c'est un fait, oui c'est un regret, mais ce n'est absolument pas une fatalité.
03:20 Le président a fait un discours d'apaisement mais de cap aussi,
03:24 avec beaucoup de lucidité, avec un discours d'écoute.
03:28 Ok, qui à part le club des députés Frenzelwood ?
03:30 En tout cas, autant que ce soit ludique.
03:32 Alors n'hésitez pas à essayer chez vous de parler comme Macron.
03:34 C'est simple, il faut juste cocher les mots-clés.
03:36 Alors justice, progrès, ensemble, avancer, destin, travail, aller au-delà.
03:41 Vous prenez tout ça, vous secouez et ça donne.
03:44 Françaises, Français, c'est ce que nous désirons,
03:46 nous peuples de progrès, dont le destin est d'aller par-delà les esprits chagrins.
03:50 Nous devons faire oeuvre de concorde, bâtir des lendemains communs.
03:54 C'est à ce prix seulement, celui de l'effort juste, de la volonté de convaincre,
03:58 malgré l'éclivage, que nous offrirons à nos enfants une France aux méthodes nouvelles.
04:02 Bon, très concrètement, là il est en train de vous dire que la solution pour apaiser les colères,
04:07 c'est de passer à d'autres réformes.
04:09 En tout cas, lui, on s'en doute, en a très envie.
04:12 Mais on parle de quoi exactement ?
04:13 Améliorer les revenus des salariés, faire progresser les carrières,
04:18 mieux partager la richesse, améliorer les conditions de travail,
04:22 trouver des solutions à l'usure professionnelle,
04:25 accroître l'emploi des seniors et aider aux reconversions.
04:29 Bon, voilà, là il a annoncé tellement de trucs avec tellement peu de précision qu'on n'en retiendra aucun.
04:33 C'est bien, ça c'est de la communication efficace.
04:35 Surtout, qui peut croire que la solution à l'embrasement social suite à une réforme,
04:39 c'est encore plus de réformes ?
04:41 Garder toujours le même cap.
04:43 Enfin, qui à part Gaëlle Braun-Pivet, je veux dire.
04:45 C'est très étrange en fait, ce sentiment de fin de règne que peuvent avoir certains,
04:52 alors que de l'autre côté, nous n'arrêtons pas de réformer,
04:57 que nous n'arrêtons pas de transformer notre pays.
05:02 Bah ouais, je comprends pas que plus personne ne puisse nous saquer
05:04 alors qu'en fait on fait plein de trucs super, quoi.
05:06 C'est vraiment ce qu'elle dit, là, la présidente de l'Assemblée nationale.
05:09 Il ne compte tirer aucune leçon de la période, aucune.
05:12 Le mot d'ordre c'est "on n'a pas convaincu, eh ben tant pis, on avance de toute façon,
05:17 convaincre, on s'en fiche, c'est nous les chefs".
05:19 Sauf qu'en démocratie, c'est pas possible de fonctionner comme ça.
05:21 Pour lui, il n'y a pas de crise démocratique.
05:23 Il pense que les institutions ont fonctionné.
05:25 Il y a eu le 49-3, c'est conforme à la Constitution.
05:28 Il a promulgué rapidement une loi, c'est conforme à la Constitution.
05:31 Le Conseil constitutionnel a rendu son avis, c'est conforme à la Constitution.
05:36 Du point de vue du fonctionnement constitutionnel, tout va bien.
05:39 Mais la démocratie ne vit pas simplement de la lettre de la Constitution.
05:43 La démocratie, elle vit aussi de l'esprit des institutions.
05:47 Macron, il avance. Et il se donne 100 jours pour apaiser.
05:51 Nous avons devant nous 100 jours d'apaisement.
05:55 Alors, on passera sur la référence aux 100 jours de Napoléon,
05:58 qui sont quand même achevés par la défaite de l'Empereur.
06:00 En réalité, on parle bien là de 100 jours pour qu'on arrête de parler des retraites.
06:04 Mais comment compte-il s'y prendre ? Eh ben, c'est bien simple.
06:06 C'est pas mon argent, c'est l'argent du contribuable.
06:09 Il a aucune envie de voir que des personnes peuvent en bénéficier,
06:12 leur envoyer au Maghreb ou ailleurs, alors qu'ils n'y ont pas droit.
06:15 C'est pas fait pour ça le modèle social.
06:17 Voilà. Ouvrons un grand débat sur la fraude des Noirs et des Arabes.
06:20 Ça, ça va bien calmer tout le monde. C'est formidable.
06:22 On ironise, mais au-delà de la sortie raciste du ministre de l'Économie,
06:25 ce qui se joue là, c'est la stratégie macroniste.
06:26 Faire croire aux gens que ce qui les énerve vraiment, c'est pas les retraites.
06:30 C'est d'autres trucs, comme la fraude sociale ou la systéma.
06:34 La dame qui élève seule ses enfants, elle comprend pas pourquoi.
06:37 Elle voit l'augmentation des prix, elle voit son salaire qui n'augmente pas,
06:41 elle va devoir faire deux ans de plus grâce à la réforme que nous avons mise en place,
06:45 elle voit que son voisin ou sa voisine, sans aller travailler,
06:48 ben y a une sorte d'injustice.
06:49 Ou les lois, parce que le problème c'est pas le contenu des lois,
06:52 c'est les lois elles-mêmes.
06:53 C'est pas sexy une loi. Y a des articles dans une loi,
06:55 y a plein de mots dans une loi, c'est relou une loi.
06:57 Il nous faut moins de lois, moins de bureaucratie.
07:00 Plus de liberté d'action, d'expérimentation, de pouvoir d'initiative.
07:04 Et si avec tout cela, esprit chagrin que vous êtes,
07:07 vous pensez encore à vos 64 ans à bout de souffle,
07:10 et bien pas de panique.
07:11 Macron vous promet que la prochaine réforme, on la fera tous ensemble.
07:14 Main dans la main. Grâce à la nouvelle méthode.
07:16 Une promesse qui sent bon l'innovation,
07:18 enfin qui sentirait bon l'innovation si elle n'avait pas été déjà faite 8 fois.
07:21 Une méthode nouvelle, et vous le verrez sur plusieurs sujets,
07:23 une volonté d'avoir une approche différente.
07:26 Je suis prêt à inventer quelque chose de nouveau.
07:31 Je veux que ce soit 5 années de renouvellement complet.
07:35 Cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s'achève,
07:39 mais l'invention collective d'une méthode refondée.
07:43 Parler pour ne rien dire, parce qu'on n'a rien à faire de convaincre qui que ce soit,
07:47 que ce qui importe désormais c'est juste de motiver les ministres,
07:49 les députés et les 3 derniers ministres de renaissance
07:52 pour continuer à réformer comme des excités.
07:54 C'est donc désormais ça la ligne.
07:56 Et il reste 4 ans.
07:58 Ça va être long.
07:59 Je m'en crains plus qu'ils chantent.
08:01 Vivez bon, endormis,
08:06 au refus de le soir.
08:11 Ah ouais.
08:13 Bon, c'est la fin de cet épisode.
08:15 N'hésitez pas à liker, commenter ou vous abonner à la chaîne.
08:18 La lutte continue.
08:19 On se retrouve dans 2 semaines pour un nouveau numéro de La Tête dans le Flu.
08:22 Allez, salut !
08:23 [Musique]

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