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00:00:00 On la voit très active depuis sa libération. Elle rencontre beaucoup de monde, a créé un parti politique
00:00:06 et a publié deux livres. Elle s'est cependant faite rare dans les médias. Dans quel état d'esprit se trouve madame
00:00:14 Simone Eyvée Bacbaud ? Comment s'est déroulée sa détention ?
00:00:18 Quels objectifs s'assignent-elles ?
00:00:21 L'ex première dame est l'invité exceptionnel de Droit dans les yeux.
00:00:25 [Musique]
00:00:40 Madame Simone Eyvée Bacbaud, bonjour.
00:00:42 Bonjour.
00:00:43 Merci beaucoup d'avoir accepté cette interview, sur cette info et merci de nous accueillir chez vous.
00:00:49 Merci, le plaisir est pour moi.
00:00:51 Vous publiez un ouvrage intitulé "Du sous-sol de la République à la restauration" aux éditions Lea Balla.
00:00:58 C'est un récit intime où vous racontez en détail votre arrestation et votre détention.
00:01:05 Vous ne cachez rien de ce que vous avez vécu ni ressenti à chaque étape de cette période de votre vie qui a duré sept ans.
00:01:13 Pourquoi madame avez-vous aujourd'hui décidé de publier un tel livre ?
00:01:18 Alors, j'ai parlé avec la maison d'édition Tabala et elle a accepté de m'accompagner.
00:01:28 J'avais des choses à dire sur ma détention, sur cette expérience que j'ai vécue pendant sept années,
00:01:37 mais également sur ma sortie de prison, la manière dont j'ai été reçue, accueillie.
00:01:45 Alors, nous avons fait un premier ouvrage sur ma sortie de prison.
00:01:51 Et puis maintenant, cet ouvrage ici...
00:01:53 Qui est un recueil, beaucoup d'un recueil de vos discours.
00:01:55 C'est ça, un recueil de discours, d'échanges avec la population qui sont venus me visiter.
00:02:01 Et puis, ce livre-ci...
00:02:04 C'est un récit.
00:02:05 C'est un récit.
00:02:06 C'est le récit de tout ce que j'ai vécu, tout ce que j'ai traversé depuis mon arrestation jusqu'à la sortie de prison.
00:02:17 Pourquoi vous est-il paru indispensable de revenir sur les événements douloureux de cette année 2011 ?
00:02:24 Il y a beaucoup de leçons à tirer dans ces événements-là, dans ce que nous avions vécu.
00:02:30 Il y a beaucoup de choses qui ne se savaient pas.
00:02:33 Il y a eu des images qui ont circulé.
00:02:35 Mais comment est-ce que nous avons vécu là-bas ?
00:02:37 Comment nous avons vécu l'agression ?
00:02:39 Comment nous avons survécu là-bas ?
00:02:43 Je me suis dit que c'était important également de donner mon témoignage à ce niveau-là.
00:02:47 C'est effectivement tout l'intérêt de ce livre.
00:02:50 Et si je peux me permettre, Madame, vous donnez à voir aux Ivoiriens qui est Simone derrière l'ex-Première Dame.
00:02:56 Est-ce que c'est aussi pour vous une forme de thérapie de faire ce livre ?
00:03:00 Oui, on peut dire ça comme ça.
00:03:03 C'est important de se vider et puis de souffrir pour pouvoir tout nettoyer.
00:03:12 Je comprends.
00:03:13 Avant de débuter le récit même de cette année de détention,
00:03:16 vous revenez un peu sur les dix ans que vous avez passés au pouvoir aux côtés de M. Laurent Gbagbo
00:03:23 et vous en faites une sorte de bilan.
00:03:25 Pourquoi vous avez voulu faire ça ?
00:03:27 Vous auriez pu démarrer directement le 11...
00:03:30 Parce qu'il fallait un petit peu, de mon point de vue, montrer tous ces espoirs que nous avions,
00:03:40 toutes ces espérances que nous avions,
00:03:42 toutes ces offres que nous avions et qui ont été brutalement interrompues par la crise.
00:03:49 Mais justement, je me suis rendu compte que nombreux chantiers qui vous tenaient à cœur
00:03:57 lorsque vous êtes arrivés au pouvoir, donc dix ans avant ces événements,
00:04:02 et qui ont été lancés par vous, mais ils sont presque tous restés inachevés.
00:04:09 Par exemple, de la suppression de la Cour suprême, la décentralisation,
00:04:14 l'électrification des villages, l'assurance maladie universelle, le troisième pont, le pont de Jacquesville.
00:04:20 Alors, d'une certaine manière, les Gbagbo en ont rêvé et c'est Ouattara qui l'a fait.
00:04:24 Les Gbagbo en ont rêvé, les Gbagbo ont démarré la réalisation et puis avec l'attaque,
00:04:33 beaucoup de choses ont été interrompues et Ouattara a repris ces chantiers-là.
00:04:40 Mais est-ce que dans la partie que le pouvoir de l'époque contrôlait,
00:04:46 vous ne vous dites pas que vous auriez pu faire plus ?
00:04:49 On ne pouvait pas faire plus.
00:04:51 On aurait sûrement fait plus s'il n'y avait pas eu la crise.
00:04:57 N'oubliez pas que quand la crise est arrivée, il n'y avait même plus d'argent pour travailler.
00:05:02 N'oubliez pas cela.
00:05:03 On a été obligé de faire une politique financière qu'on a appelée le budget sécurisé,
00:05:10 où on a tout recentré sur des projets précis qu'on n'a même pas pu achever.
00:05:15 En arrivant au pouvoir…
00:05:18 Et puis, excusez-moi, ces chantiers-là n'étaient pas destinés à être achevés en 5 ans, en 10 ans.
00:05:24 Par exemple, l'électrification villageoise, il est évident que…
00:05:29 C'est un programme de long terme.
00:05:32 De long terme, qui a été d'ailleurs… qui est en cours de réalisation.
00:05:37 En arrivant au pouvoir, vous aviez un programme détaillé, vous le précisez,
00:05:42 mais est-ce que vous-même, et surtout votre époux et son équipe,
00:05:48 est-ce que vous vous sentiez outillée ?
00:05:50 Aviez-vous suffisamment d'expérience pour pouvoir diriger l'État ?
00:05:54 Parce que vous dites vous-même que vous vous demandiez comment vous alliez vous y prendre.
00:05:58 Est-ce que lorsqu'on arrive au pouvoir comme ça,
00:06:01 on peut dire qu'on a suffisamment d'expérience pour gérer un État ?
00:06:05 Je pense que gérer un État, ça se fait au jour le jour.
00:06:09 Au jour le jour.
00:06:11 Même quand on a eu de l'expérience auparavant,
00:06:15 on est toujours dans la création, dans la rénovation,
00:06:18 donc ça se fait au jour le jour.
00:06:20 Donc quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous n'avions jamais auparavant participé au pouvoir.
00:06:26 Mais est-ce que ça n'a pas contribué…
00:06:28 Il y avait beaucoup de choses à faire.
00:06:30 Est-ce que ça n'a pas contribué au fait que les projets, peut-être, ont eu du mal à aboutir ?
00:06:35 Les projets ont eu du mal à aboutir à cause de la crise.
00:06:41 À cause de la crise.
00:06:44 Sans la crise, les projets tels que nous les avions démarrés,
00:06:50 bon, nous aurions été le plus loin possible.
00:06:54 Mais le pays était coupé en deux.
00:06:56 Au-dessus de Boitier, vous ne contrôliez plus,
00:06:59 mais vous contrôliez toute la partie sud du pays.
00:07:02 Donc au moins dans cette partie-là, peut-être,
00:07:06 on aurait pu aller plus loin dans la réalisation des projets ?
00:07:10 Je dis n'importe quoi.
00:07:11 Par exemple, le pont de Jacquesville,
00:07:13 c'est un des premiers trucs qu'a fait Ouattara d'ailleurs.
00:07:15 Oui, mais quand Ouattara a pris cela, le chantier avait déjà démarré depuis.
00:07:20 C'est la même chose pour l'autoroute de Yamsoukro.
00:07:26 Le chantier avait démarré depuis.
00:07:28 Lui, il est venu achever, mais ce sont des choses qui avaient déjà démarré.
00:07:32 Alors, revenons aux événements de 2011 et commençons par le début de votre récit.
00:07:37 Lors de votre arrestation le 11 avril 2011,
00:07:40 vous viviez depuis plusieurs jours dans le sous-sol de la résidence présidentielle.
00:07:45 Comment s'organisait la vie dans des conditions de promiscuité,
00:07:49 parce qu'il y avait plusieurs dizaines de personnes avec vous,
00:07:51 et puis sous les bombes ?
00:07:52 Comment vous organisez ?
00:07:55 Ça a été une chose très facile.
00:07:58 Alors, nous sommes descendus dans le sous-sol à partir du moment où les bombes ont commencé à être,
00:08:06 à éclater sur nos têtes.
00:08:08 C'est-à-dire à partir du fait…
00:08:12 Nous étions en décembre…
00:08:18 C'est en mars.
00:08:20 Nous étions en mars, oui c'est ça.
00:08:22 Fin mars.
00:08:24 C'est là que vous descendez dans le sous-sol.
00:08:26 C'est là que nous descendons dans le sous-sol.
00:08:28 Et pour le ravitaillement ?
00:08:30 Et à partir de ce moment-là, pour le ravitaillement, ça n'a pas été facile.
00:08:33 Les marchés ne fonctionnaient plus, même dans la ville d'Abidjan.
00:08:38 Quelquefois, il fallait aller jusqu'à Benjerville pour s'approvisionner.
00:08:41 Et quelquefois, on était obligé d'utiliser les soldats qui partaient avec les véhicules blindés pour aller faire les achats.
00:08:49 Quelle était l'ambiance dans ce lieu où il y avait des personnes qui vous étaient proches, politiquement bien évidemment,
00:08:57 mais il y avait des civils, des militaires, des administrateurs ?
00:09:01 Oui.
00:09:03 À la fin, nous nous sommes retrouvés à environ 400 personnes.
00:09:07 400.
00:09:08 400 personnes dans ce lieu-là.
00:09:10 Il y avait les soldats de la garde qui était là, des GSPR qui étaient là.
00:09:17 Il y avait des politiques.
00:09:19 Est-ce qu'il y avait de la peur ?
00:09:21 Il y avait du stress, ça c'est certain.
00:09:26 Il y avait du stress, il y avait de l'anxiété.
00:09:28 Il y a eu de la peur, ça il faut le dire.
00:09:31 Je vous donne un exemple, j'en parle également dans le livre.
00:09:34 Lorsque l'incendie s'est déclenché.
00:09:38 L'incendie s'est déclenché parce que les véhicules qui étaient garés à côté du bâtiment où nous étions abrités
00:09:50 ont brûlé, ont pris feu parce qu'il y avait des munitions, etc.
00:09:55 Et quand la bombe est tombée sur ces véhicules-là, les munitions se sont embrasées, ont explosées, etc.
00:10:02 Et ça a fait exploser la vitre du bâtiment.
00:10:05 Alors à ce moment-là, nous étions dans le feu.
00:10:09 Il fallait éteindre le feu.
00:10:11 Il fallait éteindre l'incendie.
00:10:13 Vous battez en brèche d'ailleurs au passage l'idée qu'il y ait eu un bunker dans le sous-sol.
00:10:18 Il n'y avait pas un ? Ce n'est pas ça ?
00:10:20 Non, ce n'était pas un bunker.
00:10:22 C'est-à-dire que c'est un bâtiment qui est très bien construit.
00:10:25 Et dans le sous-sol, il y avait tout un espace pour les tuyauteries, etc.
00:10:30 C'est là-bas que nous nous sommes réfugiés.
00:10:32 Vous confirmez qu'à l'intérieur de la résidence, dans ces heures difficiles, la religion avait une place prépondérante.
00:10:39 Oui, quand vous êtes dans une telle ambiance, naturellement, vous priez.
00:10:46 Vous priez pour que le ciel ne vous tombe pas sur la tête.
00:10:49 Mais vous dites que Dieu vous envoyait des messages à travers des textes bibliques.
00:10:55 Oui.
00:10:56 Et par exemple, j'ai noté le 11 avril, le jour même de votre arrestation, vous racontez qu'un texte biblique vous a fait comprendre que Dieu lui-même a voulu cette guerre.
00:11:05 Ce n'est pas le jour même, c'est la veille.
00:11:08 La veille, pardon.
00:11:09 La veille, oui. C'était un dimanche, donc nous avions fait le culte.
00:11:15 Et puis dans mes prières, dans mes lectures, j'ai vraiment communié avec le texte d'Ézéchiel.
00:11:23 Ézéchiel 38, qui parle de l'histoire de l'agression.
00:11:28 Que vous décortiquez.
00:11:30 Oui.
00:11:31 Bon, ça paraît quand même étrange. Et surtout, on se dit, mais alors pourquoi Dieu a voulu cette guerre ?
00:11:38 Mais Dieu veut toujours la guerre ou pas la guerre, selon son plan.
00:11:46 Et là, ce que nous étions décrit, c'est que ce pays a été attaqué par des hommes, par des structures, par des équipes, par même des hommes politiques d'autres régions qui convoitaient. Voilà.
00:12:10 Oui, mais si c'est selon le plan de Dieu, c'est qu'il n'était pas très favorable à vous, alors ?
00:12:14 Je ne dis pas que c'est selon le plan de Dieu. J'ai dit que ce sont des choses que Dieu laisse faire.
00:12:22 Ce n'est pas parce qu'il ne nous soutient pas, mais peut-être qu'effectivement, il veut nous donner une leçon.
00:12:32 Et j'en parle même dans les livres.
00:12:35 Il faut passer par certaines épreuves.
00:12:36 Quelquefois.
00:12:37 Vous confirmez également être de ceux qui, dans l'entourage du président Gbagbo, l'ont encouragé à tenir, même après la proclamation du résultat en faveur de M. Ouattara, à ne pas se rendre comme d'autres le pressaient de le faire, parce que c'était, vous le dites, aussi la volonté de Dieu. Vous vouliez qu'il tienne.
00:12:56 Mais oui, parce que la proclamation de la victoire de M. Ouattara, c'est quelque chose d'indigne. Je suis désolée. Mais ça ne répondait à aucune norme, ni à aucune règle.
00:13:09 Ça ne répondait surtout pas aux règles de la République de Côte d'Ivoire. Et ça ne répond même pas aux règles de l'ONU. Donc, c'est un coup d'État flagrant que des gens sont venus faire chez nous.
00:13:24 Donc ça, c'est une position politique. C'est une position que vous avez, qui n'est pas partagée par le monde entier d'ailleurs, mais on y reviendra. Mais qu'est-ce que Dieu vient faire là ? Pourquoi Dieu vous dit "il faut tenir" ?
00:13:38 Non, Dieu a dit "il faut tenir" ça il y a longtemps. Ce n'est pas juste à ce moment-là. J'explique que quelques années plus tôt, j'avais moi-même, dans mes prières, reçu quelque chose.
00:13:55 J'appelle cela le viatique dans le livre. J'avais reçu une vision qui montrait que nous allions passer par un certain nombre d'épreuves et que dans ces épreuves-là que nous allons vivre, nous allons avoir besoin de tenir, de rester ferme.
00:14:11 Parce que la volonté de Dieu, c'était que nous restions fermes à ce niveau-là et que lui allait intervenir.
00:14:18 Est-ce que vous avez le sentiment, madame, que d'une manière ou d'une autre, le président Gbagbo vous en a voulu de ce jusqu'auboutisme que vous aviez ? Lui, il semble avoir un peu hésité.
00:14:29 Tout le monde hésite. Même moi, j'ai un petit peu hésité avant de me déterminer. Tout le monde hésite. Mais est-ce qu'il m'en a voulu ? En tout cas, s'il m'en a voulu, il ne m'en a pas parlé.
00:14:42 On a eu un débat. S'il m'en a voulu, il nous aurait dit. S'il n'était pas d'accord, il nous aurait dit.
00:14:50 Alors, on vient d'en parler. Vous dénoncez à plusieurs reprises un complot mondial contre vous, les Gbagbo, contre la Côte d'Ivoire, un complot de la France et de l'ONU,
00:15:02 avec la complicité de ceux que vous considérez comme des traîtres, les chefs d'États africains, l'Union africaine, la CEDEAO. Franchement, vous pensez qu'on peut avoir raison contre tout le monde ?
00:15:16 Eh oui, on peut avoir raison contre tout le monde. On a eu raison contre l'ONU. On a eu raison contre la CPI. On peut avoir raison contre tout le monde.
00:15:24 Mais en l'occurrence, à ce moment-là, vous dites que la proclamation du résultat ne correspondait à aucune norme. Elle a été reconnue par tous ces gens.
00:15:33 Eh bien évidemment. Ils sont dans le complot. Sinon, comment est-ce qu'on peut organiser des élections ? Et puis la proclamation se fait dans le QG, dans les candidats.
00:15:42 Alors, est-ce que vous voulez bien expliquer pourquoi la proclamation s'est faite dans le QG d'un candidat ? Parce qu'à la Commission électorale indépendante, on n'a pas vraiment laissé la possibilité de proclamer un résultat.
00:15:55 Mais on ne peut pas faire une proclamation dans le QG d'un candidat. Même si ceux de… Ce qui n'est pas vrai d'ailleurs.
00:16:04 Si ceux qui sont chargés d'organiser les élections ne veulent pas entendre ces résultats, c'est eux qui doivent donner les résultats.
00:16:12 – Ceux qui devaient proclamer les élections, c'est la Commission électorale indépendante d'abord.
00:16:16 – Voilà. – Est-ce qu'on a laissé la Commission électorale indépendante proclamer les élections ?
00:16:20 – Oui. – Vous vous souvenez de cette image du papier arraché du porte-parole qui venait proclamer ?
00:16:24 – Voilà. Alors, il venait proclamer quoi ? – Un résultat, apparemment.
00:16:28 – Il venait proclamer quoi ? Parce que souvent on abrandit cette histoire-là de ce monsieur qui venait proclamer un résultat
00:16:36 et à qui on a arraché le papier. Il venait proclamer un faux. Et c'est pour ça que le papier lui a été arraché.
00:16:43 – Donc on n'en sortira jamais de cette polémique ?
00:16:47 – Et c'est pour ça que le président Mbambo, quand le problème se posait, il a dit, puisque c'est comme ça,
00:16:52 "Recomptons, recomptons les voix, comme ça on va voir qui a raison, qui a gagné, qui a perdu."
00:17:02 Pourquoi est-ce que la communauté internationale a refusé cette solution-là ? Pourquoi ?
00:17:07 – Vous pensez toujours aujourd'hui que M. Laurent Mbambo a gagné les élections présidentielles de 2010 ?
00:17:12 – Oh oui, ça j'en suis absolument certain. J'en suis absolument certain.
00:17:17 Mais je suis également certain de ce que ceux de la France, ceux de l'ONU, ceux de l'Union Européenne
00:17:26 avaient déjà décidé que c'est M. Alassane qui allait gagner les élections.
00:17:30 Donc ils ont tout fait pour que les résultats soient des résultats favorables à M. Alassane.
00:17:35 – Je voudrais comprendre cette notion de complot. Pourquoi M. Mbambo avait été élu normalement en 2010 ?
00:17:45 Pourquoi il y aurait-il eu un complot du monde entier, de toute l'Afrique,
00:17:49 contre un frère africain qui a été élu et qui a gagné les élections ?
00:17:53 – Mais ce n'est pas la première fois que ça arrive.
00:17:55 – Non mais pourquoi ? Est-ce que vous avez au moins compris pourquoi on vous en a voulu à ce point ?
00:18:00 – On n'a jamais voulu de nous à la tête de l'État. C'est ça qui est le vrai problème.
00:18:06 Dès le début, depuis le temps de Fouette.
00:18:13 – Donc quoi ? – Eh bien donc, on a organisé des choses en conséquence.
00:18:17 En 2010, lorsque nous arrivions au pouvoir, on n'a pas attendu.
00:18:21 – C'est une surprise. – C'est une surprise.
00:18:24 Et donc, dès qu'on est arrivé au pouvoir, les attaques ont commencé. N'oubliez pas.
00:18:28 La première attaque, ça a été dès 2011.
00:18:32 Ensuite 2001, ensuite 2002.
00:18:38 Donc les attaques ont commencé tout de suite.
00:18:42 2002, le pays est coupé en deux.
00:18:47 Et on voit les hommes défiler.
00:18:50 On a vu les ministres français venir, aller parler avec le rebelle Abou Aker, revenir, etc.
00:18:57 On a vu tout ça.
00:18:59 On a vu ensuite la France organiser la réunion de Marcos VI,
00:19:05 alors que déjà au niveau du Togo, on était en train de trouver une solution
00:19:09 à ce conflit interne à la Côte d'Ivoire.
00:19:12 On a vu ça.
00:19:14 On a vu les troupes venir attaquer la Côte d'Ivoire depuis le Burkina Faso
00:19:23 et la France refuser de mettre en action justement les accords de défense.
00:19:28 – J'ai du mal quand même à imaginer le fait que
00:19:32 on ne voulait pas de nous au pouvoir, que ce soit autant de monde que ça.
00:19:37 – Ah ben si, mais malheureusement c'est comme ça que ça se passe dans le monde.
00:19:41 – Madame, retour à cette journée au 11 avril 2011,
00:19:45 c'est le jour de votre arrestation avec M. Bagbo et les personnes
00:19:48 qui se trouvaient avec vous dans le sous-sol de la résidence présidentielle.
00:19:52 Vous racontez crûment une scène un peu difficile.
00:19:55 Vous dites avoir été roué de coups, que vos habits ont été déchirés
00:20:00 et que c'est quasiment des nudées que vous êtes arrivée à l'hôtel du Golfe.
00:20:04 Ça s'est passé ainsi ?
00:20:05 – Ça s'est passé ainsi.
00:20:07 – Un fait peut paraître un peu anecdotique, mais il m'a frappé.
00:20:12 Au milieu de ce tumulte, il y a un homme, un soldat FRCI qui vous est venu en aide.
00:20:18 Il vous a aidé à vous relever alors que vous étiez au sol en train d'être frappé.
00:20:24 Et il vous a protégé jusqu'au véhicule qui allait vous emmener vers le Golfe.
00:20:28 Mais alors une fois arrivé au véhicule, il vous a demandé de l'argent.
00:20:31 Et quelle a été votre réaction ?
00:20:33 – Je lui ai donné ce que j'avais.
00:20:35 – À savoir ?
00:20:36 – Je lui ai dit, moi je n'ai pas d'argent, je n'ai même pas mon sac.
00:20:40 Mon sac a même été déjà enlevé, je n'ai rien.
00:20:43 Il m'a dit, mais vous avez encore quelques bijoux.
00:20:45 Et effectivement, j'avais une chaîne au cou, j'avais une montre au bras
00:20:50 et puis j'avais une chaîne au poignet droit.
00:20:54 Donc je l'ai enlevé.
00:20:56 – Mais vous dites après tout, c'est de bonne guerre
00:20:58 et c'est mieux que ce soit lui que les autres.
00:21:00 – Ah ben oui, parce que de toute façon, ça m'aurait été arraché plus avant.
00:21:04 Donc autant je l'ai donné.
00:21:06 – Il vous a quand même aidé.
00:21:08 – Oui, il m'a quand même aidé.
00:21:10 – Vous arrivez donc à l'hôtel du Golfe, où vous restez 11 jours.
00:21:16 11 jours et à l'hôtel du Golfe, vous avez bien été traité.
00:21:21 – Oui, à l'hôtel du Golfe, on a été reçu dans une suite.
00:21:28 On y a vécu plusieurs ans dans cette suite-là.
00:21:32 On nous a porté à manger.
00:21:35 – Quel était votre état d'esprit à ce moment-là, quand vous étiez,
00:21:39 bon, on peut dire prisonnière, bon, c'était au Golfe,
00:21:42 le président Ouattara était peut-être un étage ailleurs.
00:21:47 Quel était votre état d'esprit à ce moment-là ?
00:21:50 La colère, la rancune, la haine, le dépit, je ne sais pas ?
00:21:56 – Il y avait tout ça, il y avait la colère, il y avait le dépit, il y avait la souffrance,
00:22:00 puisque physiquement, j'ai été quand même battue,
00:22:03 ils m'ont arraché les cheveux et tout ça, donc il y avait tout cela.
00:22:06 Et puis j'avais des amis qui étaient avec moi, qui avaient été blessés,
00:22:12 certains ont été beaucoup plus blessés que moi,
00:22:14 certains ont reçu des balles, etc.
00:22:16 Il fallait se débattre pour qu'ils viennent soigner les blessés.
00:22:21 Et puis nous avions nos enfants qui étaient avec nous,
00:22:24 on ne savait pas trop où les enfants étaient, il fallait les retrouver, etc.
00:22:28 Et il fallait négocier pour que tout ce personnel-là,
00:22:32 qui nous servait à la résidence et qui avait été amené avec nous à l'hôtel du Golfe,
00:22:38 soit libéré et puisse partir.
00:22:40 Donc, en même temps, on se battait pour obtenir un minimum de libération
00:22:46 pour le personnel qui était avec nous,
00:22:48 en même temps, il fallait se battre pour manger quelque chose d'assez décent,
00:22:53 en même temps, il fallait chercher...
00:22:57 - Alors, vous dites que le président Ouattara n'est pas venu vous voir,
00:23:00 mais vous avez quand même reçu la visite de quelques personnes.
00:23:03 - On a reçu la visite de principalement deux personnes.
00:23:09 Le président actuel du Sénat, M. Aouissou Jannot,
00:23:19 qui est venu avec M. Diédié Madi, également du PDCI.
00:23:27 Ce sont les deux qui sont venus nous saluer.
00:23:30 Nous, on a parlé avec eux.
00:23:33 - Vous vous réconfortez peut-être ?
00:23:35 - Oui, bon, ils voulaient voir un petit peu dans quel état on était, etc.
00:23:40 - Alors, je l'ai dit, vous êtes restée 11 jours,
00:23:42 mais vous êtes partie quasiment la dernière.
00:23:45 - Non, je ne suis pas partie la dernière.
00:23:48 Après moi, il y a eu encore quelques personnes qui étaient en place et qui sont parties.
00:23:52 Moi, je suis partie le 22.
00:23:55 - C'est ça.
00:23:56 - Je suis partie le 22.
00:23:57 - Le 22, départ une nuit vers une destination qui vous était inconnue
00:24:02 et qui s'est avérée être, évidemment, la ville d'Odienné.
00:24:06 Et là, vous êtes placée en résidence surveillée,
00:24:09 dans une maison assez confortable, dites-vous,
00:24:11 qui appartenait d'ailleurs à une dame décédée que vous connaissiez assez bien.
00:24:16 - Oui, j'étais amie à cette dame.
00:24:19 - C'est un hasard ?
00:24:21 - Je n'en sais rien.
00:24:22 Moi, je pense que c'est un bon hasard, en tout cas.
00:24:25 Mais c'est la maison du général Koneissou,
00:24:29 qui était, à cette époque-là, il était de grand chancelier.
00:24:35 Et c'est son épouse et moi, nous étions amies.
00:24:38 Et elle était décédée un an auparavant.
00:24:41 Et puis, j'arrive là-bas, à Odienné.
00:24:43 - Et vous y voyez un signe, j'allais dire, apaisant,
00:24:46 en vous disant, dans cette maison, je peux être bien.
00:24:48 - Oui, parce que c'était la maison d'un ami.
00:24:51 C'était la maison d'un couple ami.
00:24:54 Et puis, j'y ai vécu sans trop de grosses difficultés.
00:25:00 - Et alors, justement, quel était le quotidien de Simone Mabot
00:25:04 dans cette résidence surveillée ?
00:25:08 - Vous savez, je suis une femme très active, ordinairement.
00:25:12 Et puis voilà, brusquement, que j'arrive à Odienné,
00:25:14 et je n'ai quasiment rien à faire.
00:25:16 - Il faut trouver l'occupation.
00:25:18 - Il faut trouver l'occupation.
00:25:20 Alors, j'en ai profité pour m'instruire énormément
00:25:24 en matière de la Bible.
00:25:27 - De la religieuse.
00:25:28 - Voilà, c'est ça.
00:25:29 - Donc, il y avait beaucoup de prières,
00:25:31 beaucoup d'études de la Bible, beaucoup de...
00:25:33 - Beaucoup de prières, beaucoup d'études de la Bible,
00:25:35 beaucoup de lectures.
00:25:36 Et puis, bon, mais à côté de cela...
00:25:38 - Et puis, même, vous faites venir, à un moment donné, des DVD,
00:25:41 qui sont aussi des...
00:25:43 - Des enseignements.
00:25:44 - Des enseignements, ce que vous appelez des enseignements.
00:25:46 - Beaucoup, beaucoup d'enseignements.
00:25:47 - Donc, vous passez beaucoup de temps dans la religion et à prier.
00:25:50 - À prier.
00:25:51 - Vous avez un jardin.
00:25:53 - Et à me cultiver.
00:25:54 C'est une grande cour, hein.
00:25:55 C'est une cour d'un hectare.
00:25:58 - Ah oui, c'est...
00:25:59 Et vous avez cultivé un peu de...
00:26:01 - Eh oui, j'ai fait un peu de tout ça.
00:26:03 J'ai fait un peu d'élévage.
00:26:04 Élévage de poulet, élévage de lapin.
00:26:07 Je me suis évertuée, j'ai fait un peu de culture vivrière.
00:26:13 Mais là, je n'ai pas eu assez de force pour aller jusqu'au bout.
00:26:17 Mais j'ai fait un petit peu de tout ça.
00:26:19 Et puis, quand nous étions dans la saison des fruits,
00:26:24 je faisais des jus, des trucs comme ça, également.
00:26:27 - Alors, évidemment, il y a la privation de liberté,
00:26:30 mais vous étiez détenu dans des conditions correctes.
00:26:34 - Oui, dans des conditions correctes.
00:26:36 Au début, ça a été un peu dur.
00:26:38 Avec les FSI qui étaient là, qui étaient chargés de nous garder,
00:26:42 ça a été un peu dur.
00:26:43 Bon, on a dû s'affronter.
00:26:44 Puis bon, après, on s'est respecté.
00:26:47 - Je voudrais vous poser une question
00:26:50 sur le terme que vous employez,
00:26:52 qui peut paraître étonnant,
00:26:55 qui peut choquer aussi certaines personnes,
00:26:57 celui de "déportation".
00:26:59 Et vous l'employez à dessein, ce mot,
00:27:01 parce que Odienné est à 1 000 km d'Abidjan.
00:27:04 Est-ce que vous comprenez que ça puisse surprendre,
00:27:06 l'emploi de ce terme ?
00:27:07 Odienné, c'est quand même en Côte d'Ivoire.
00:27:09 - Oui, c'est en Côte d'Ivoire,
00:27:10 mais ce n'est pas parce que c'est en Côte d'Ivoire
00:27:12 que ce n'est pas de la déportation.
00:27:13 La déportation, ce n'est pas forcément à l'étranger, vous savez.
00:27:16 On peut être déporté dans son propre pays, d'une région à une autre.
00:27:19 - Mais pourquoi vous employez ce mot ?
00:27:21 On aurait pu dire "transférer", "déplacer", "incarcérer".
00:27:26 Mais "déportation", c'est un terme spécial.
00:27:28 - Non, parce que tous ces termes que vous utilisez,
00:27:30 "transfert", "incarcération", ça répond à des faits juridiques
00:27:39 ou judiciaires qui sont précis.
00:27:44 Si vous me transférez, il y a un mot.
00:27:47 - Et si je vous déporte, il y a quoi ?
00:27:49 - Si vous me déportez, c'est une décision politique qui a été prise.
00:27:53 - Qu'est-ce que vous mettez dans ce mot ?
00:27:55 C'est ça que je veux comprendre.
00:27:56 - Alors, je vais expliquer.
00:27:59 Moi, je suis ivoirienne.
00:28:01 Je suis à Abidjan.
00:28:04 Je suis députée.
00:28:06 Si on vient m'arrêter, ça doit se faire sur...
00:28:11 - Une décision...
00:28:13 - Une décision qui est écrite.
00:28:15 Même si on me met en résidence surveillée.
00:28:19 Parce que quand je posais la question,
00:28:22 pourquoi est-ce que vous m'avez amenée ici, à Oudini ?
00:28:25 Oudini, ce n'est pas chez moi.
00:28:27 Pourquoi est-ce que vous m'amenez ici, à Oudini ?
00:28:30 Ils me disent...
00:28:32 Non, c'est le chef de l'Etat
00:28:35 qui a demandé de vous mettre en résidence surveillée, à Oudini.
00:28:40 Bon, un chef d'Etat, il a le droit
00:28:43 de mettre quelqu'un en résidence surveillée.
00:28:46 Mais ça répond à une démarche très précise.
00:28:51 Une démarche judiciaire très précise.
00:28:55 - Vous voulez dire que ça a été une décision d'opportunité ?
00:28:59 - Non, je veux dire que c'est une décision
00:29:02 qui est prise dans le cadre du règlement d'un conflit,
00:29:07 mais où on prend des libertés,
00:29:11 avec les libertés des hommes et des êtres, des citoyens.
00:29:16 - Donc vous maintenez ce terme d'opportunité.
00:29:18 - Je maintiens ce terme, parce que ça a été un débat, vous savez.
00:29:21 Et j'ai interrogé le président, enfin le procureur qui était venu.
00:29:26 Je l'ai interrogé.
00:29:28 J'ai interrogé le juge qui était venu
00:29:31 pour instruire ce dossier-là auprès de moi.
00:29:34 Je l'ai interrogé.
00:29:36 Vous m'avez fait venir ici, pourquoi ?
00:29:40 Ils me répondent, oui, mais on vous a mis en résidence surveillée.
00:29:44 J'ai dit, si vous me mettez en résidence surveillée,
00:29:47 donnez-moi le décret.
00:29:49 Parce que c'est un décret qui met quelqu'un en résidence surveillée.
00:29:52 Donnez-moi le décret qui met ma résidence surveillée.
00:29:54 Et il n'y a pas de décret.
00:29:56 - Alors, dans cette maison, il y avait un couple de jeunes burkinabés
00:30:01 qui s'occupaient de la maison et de vous.
00:30:03 Et finalement, vous avez lié des liens d'amitié avec eux.
00:30:06 - On a eu de très bonnes relations jusqu'à aujourd'hui.
00:30:08 - Oui, oui. Vous dites que vous êtes toujours en relation avec eux.
00:30:12 - Oui, toujours.
00:30:13 La dame s'appelle Sali, Salimata.
00:30:16 Et les messieurs sont maris.
00:30:21 Ce sont des gens très, très bien.
00:30:23 Ils ont des enfants. Ils ont trois enfants.
00:30:25 - Votre livre est très détaillé.
00:30:27 Il y a beaucoup de péripéties, même à l'intérieur de la maison,
00:30:30 que vous racontez, qui sont intéressantes.
00:30:33 Et franchement, le lecteur pourra vraiment comprendre
00:30:36 comment vous viviez dans cette période-là.
00:30:39 Je vous demanderai seulement, quel a été le pire moment
00:30:42 que vous avez passé là-bas et quel a été le meilleur ?
00:30:46 - Bon, alors le pire moment, c'est quand je suis revenue de la Pizam,
00:30:54 quand je suis remontée là-bas.
00:30:56 Après la Pizam...
00:30:58 - Oui, parce qu'il y a eu, juste pour préciser,
00:31:00 il y a eu un épisode où vous avez été emmenée à la Pizam
00:31:04 pour faire des examens, mais vous n'êtes pas restée.
00:31:06 On vous a ramenée.
00:31:07 - On m'a ramenée.
00:31:08 Il y a eu deux moments durs comme ça.
00:31:10 Il y a eu ce moment-là...
00:31:11 - Vous avez cru que vous retourniez à Abidjan,
00:31:12 mais en fait, la mauvaise surprise pour vous, ça a été que vous retourniez.
00:31:16 - On m'avait dit que je revenais à Abidjan.
00:31:18 J'ai même posé la question.
00:31:19 Oui, c'est pour ça que c'est très frustrant dans ce cas-là.
00:31:22 Je demandais, est-ce que je pars avec toutes mes affaires ?
00:31:25 On m'a dit, non, tu pars.
00:31:27 Prends toutes tes affaires.
00:31:29 Donc moi, je me convainc que je reviens à Abidjan
00:31:32 et que ça va être définitif.
00:31:34 - Ce retour à Odienné a été difficile.
00:31:35 - Ah, ça a été choquant.
00:31:36 Ça a été choquant, d'autant plus que...
00:31:39 Même pour me faire partir à Odienné,
00:31:42 je sortais d'un examen
00:31:47 où j'avais été placée sous anesthésie.
00:31:51 J'avais été anesthésiée et on m'a réveillée de l'anesthésie.
00:31:55 Je me suis réveillée de l'anesthésie sur un brancard qui m'emportait.
00:31:59 - Et vous êtes partie...
00:32:00 - Quand je vais dire enlèvement,
00:32:01 vous allez dire encore que j'utilise un mot.
00:32:03 - Oui, enlèvement aussi, je pense.
00:32:05 - C'était vraiment un enlèvement
00:32:07 parce que je vous assure, c'était exactement comme dans le film.
00:32:10 - Donc, enlèvement par les autorités officielles
00:32:12 puisque vous dites que c'est le directeur général de la police
00:32:15 qui était là pour superviser.
00:32:17 - Oui, c'est lui-même.
00:32:19 C'est lui-même qui criait dans le couloir.
00:32:21 "Allez, vite, vite, vite, vite, vite."
00:32:25 "Dégagez."
00:32:27 - Et le meilleur ?
00:32:29 - J'ai eu des bons moments où j'ai pu communier.
00:32:36 J'allais dire avec ceux qui me gardaient
00:32:42 à des moments de fête où j'ai offert des repas
00:32:47 où on a vraiment mangé avec les gardes, avec les FSI.
00:32:51 - Y compris avec vos gardiens, oui.
00:32:53 - Oui, y compris avec les gardiens.
00:32:55 - Alors, ça a duré 3 ans et demi.
00:32:57 - 3 ans et demi.
00:32:58 - Et les procès ont commencé et là, on vous a ramené à Abidjan.
00:33:01 - C'est ça.
00:33:02 - Vous avez logé à l'école de gendarmerie
00:33:04 et là, vous racontez votre arrivée.
00:33:07 Le colonel qui commande l'école de gendarmerie,
00:33:10 il est au petit soin, là.
00:33:12 Il essaye de se mettre en quatre
00:33:14 pour vous faire un espace qui soit potable.
00:33:18 - Ils avaient commencé à aménager cet espace-là
00:33:23 avant que je n'arrive.
00:33:25 Mais quand je suis arrivée, ce n'était pas encore disponible
00:33:29 parce qu'ils avaient fait de la peinture.
00:33:31 L'odeur de la peinture était encore très forte.
00:33:34 Et donc, ils m'ont mise dans un espace qui n'était pas...
00:33:38 - Qui n'était pas potable.
00:33:39 - Qui n'était pas potable.
00:33:40 Mais finalement, je me suis rendue compte
00:33:43 que je serais restée là-bas 6 mois
00:33:46 et il y aurait l'odeur de la peinture pendant les 6 mois.
00:33:51 Parce que bon, mais ils ont tout fermé.
00:33:54 Il n'y avait aucune ouverture.
00:33:56 - Qui laissait passer l'air, oui.
00:33:57 - Qui laissait passer l'air.
00:33:58 - C'était confiné.
00:33:59 - Ça, c'était confiné.
00:34:00 - Donc, c'est la période des procès.
00:34:05 Vous avez eu deux procès.
00:34:06 Au premier, vous avez été condamnée à 20 ans de réclusion
00:34:11 pour atteinte à la sûreté de l'État.
00:34:13 Et au second, vous avez été acquittée des chefs de crimes,
00:34:17 de guerres et de crimes contre l'humanité.
00:34:19 Vous avez des mots très durs pour la justice ivoirienne.
00:34:24 - C'est vrai que je n'ai pas été très tendre
00:34:28 mais la justice ivoirienne n'a pas été tendre non plus.
00:34:31 - Mais la justice ivoirienne était-elle en bon état de fonctionnement
00:34:35 avant même cette période-là ?
00:34:38 - En tout cas, elle fonctionnait.
00:34:40 Je ne peux pas dire que tout le monde était satisfait
00:34:43 de ce qui se passait dans les tribunaux,
00:34:45 mais au moins, elle fonctionnait.
00:34:47 - Vous n'êtes pas satisfait de la manière dont elle a fonctionné,
00:34:49 dans votre cas, et on peut le comprendre,
00:34:51 mais elle fonctionnait, là.
00:34:53 - Elle fonctionnait.
00:34:55 - Elle fonctionnait, mais elle fonctionnait moins bien encore
00:34:59 que c'était le cas au Parapan.
00:35:01 - Qu'est-ce que vous reprochez donc au fonctionnement de la justice
00:35:04 tel que vous l'avez vécu ?
00:35:06 - Je pense, je l'ai dit un petit peu dans mon livre,
00:35:10 je pense qu'à cette époque-là,
00:35:15 l'époque où on a eu le procès,
00:35:18 les juges ont subi beaucoup de pression
00:35:23 des autorités de pouvoir.
00:35:26 Je pense que la pression a été très forte sur les juges.
00:35:30 Et je pense que beaucoup de juges ont cédé à cette pression-là.
00:35:36 - Et puis arrive le jour, ce jour d'août 2018,
00:35:41 où vous apprenez votre grâce présidentielle
00:35:43 de la bouche même de celui qui l'a décidé,
00:35:46 le président Ouattara, le jour de son discours à la Nation.
00:35:49 Vous y attendiez ou pas ?
00:35:52 - Non, je ne m'y attendais pas.
00:35:54 - Ça a été une totale surprise. - Total.
00:35:56 - Réaction ?
00:35:59 - J'ai dit merci à Dieu.
00:36:02 Et merci au président, à la Salle,
00:36:06 qui a pris cette décision-là.
00:36:10 - Votre réaction, ça a été quoi ? Un soulagement, une joie ?
00:36:13 Vous avez fêté ? Vous vous sentez comment ?
00:36:16 - On est toujours heureux de sortir de prison.
00:36:19 - Mais qu'est-ce que vous avez ressenti alors à ce moment-là ?
00:36:23 - D'abord, il y a eu l'étonnement.
00:36:26 Mais ensuite, il y a eu la joie de retrouver la liberté,
00:36:30 de retrouver ma famille, de pouvoir retrouver mes enfants peut-être, etc.
00:36:34 Et non, il y a eu beaucoup de joie.
00:36:37 - Mais politiquement, vous avez pris cette décision comment ?
00:36:41 - Je me suis dit que c'était une avancée.
00:36:48 C'était une avancée de la...
00:36:52 Comment je pourrais dire ? De la justice.
00:36:56 Une avancée de la justice.
00:36:59 - Une avancée de la justice, mais pas une avancée de l'apaisement dans le pays ?
00:37:03 - Je pense que ça a été ressenti par tout le monde
00:37:08 comme un acte d'apaisement dans le pays.
00:37:13 En tout cas, tous ceux que j'ai reçus ici,
00:37:16 je sentais qu'ils étaient heureux, qu'ils se disaient
00:37:19 "Ouf, voici au moins un paquet fait."
00:37:23 - Donc vous êtes libre de vos mouvements depuis le mois d'août 2018.
00:37:27 La détention vous a-t-elle changé, madame, et comment ?
00:37:32 - Il y en a qui disent que la détention m'a rendu plus...
00:37:41 Comment je dirais ? Moins dur.
00:37:45 Je pense effectivement que la détention m'a rendu moins dur
00:37:51 à cause de tout ce temps que j'ai passé dans mes prières,
00:37:55 dans les méditations, dans les réflexions.
00:37:59 Parce que la prière, elle va avec la réflexion.
00:38:03 Et donc ça m'a permis d'avoir peut-être plus de patience,
00:38:11 plus de... comment je dirais ?
00:38:15 - Vous dites dans votre précédent livre,
00:38:17 c'est l'apprentissage de la sagesse, de la patience et de la force intérieure.
00:38:23 - Je pense que c'est vrai.
00:38:26 - Mais est-ce que vous allez traduire cela
00:38:29 dans votre manière d'être une opposante politique ?
00:38:33 - L'opposante politique que je suis là reste ce qu'elle était,
00:38:40 sauf que...
00:38:41 - Mais peut-être que sur la forme, c'est moins brutal alors ?
00:38:45 - Bon, peut-être. Mais ça, on le verra.
00:38:49 - On le verra.
00:38:50 - Parce que je ne me suis jamais trouvée très brutale.
00:38:54 - Ce n'est pas ce que tout le monde a dit, mais bon.
00:38:57 - Je suis toujours apparue comme une personne très ferme.
00:39:03 Je pense que cette fermeté-là, je l'ai encore.
00:39:06 Mais brutale, non.
00:39:08 - Vous vous êtes assignée une tâche,
00:39:10 qui est le pardon et la réconciliation des Ivoiriens.
00:39:14 Est-ce que vous trouvez qu'Alassane Ouattara a échoué
00:39:17 sur le terrain de la réconciliation ?
00:39:20 - Je ne vois pas trop la réconciliation d'Alassane Ouattara.
00:39:28 - Honnêtement, beaucoup de choses ont été faites quand même sur ce terrain-là, non ?
00:39:32 - C'était...
00:39:33 - Ne serait-ce que votre grâce,
00:39:35 ne serait-ce que les conditions du retour après le racquittement de M. Bagbo et de M. Blégoudé,
00:39:42 ça s'est fait dans de très bonnes conditions, je pense.
00:39:44 - Pourquoi ?
00:39:45 - Est-ce que tout ça, ce ne sont pas des gestes d'apaisement et de réconciliation ?
00:39:49 Avant, il y avait eu la commission vérité-réconciliation.
00:39:54 Il y a eu beaucoup d'élargissements de prisonniers.
00:39:58 - Beaucoup d'élargissements de prisonniers ?
00:40:00 - Oui.
00:40:02 - Mais quand même, une très grande majorité ont été élargies, non ?
00:40:05 Des prisonniers issus de la crise post-coloniale.
00:40:08 - Nous avons encore plein de prisonniers.
00:40:10 - Surtout militaires.
00:40:12 - Oui.
00:40:13 - N'est-ce pas ?
00:40:14 - Oui.
00:40:15 - Donc, est-ce que vous rejetez en bloc tous ces gestes ?
00:40:19 - Non, je ne rejette pas en bloc...
00:40:20 - D'autant que vous en avez bénéficié.
00:40:22 - Je ne rejette pas en bloc ces gestes,
00:40:24 mais je dis qu'il y a des choses qui auraient pu être faites,
00:40:31 beaucoup plus de choses qui auraient pu être faites
00:40:34 et que nous ne les sommes pas encore, et que c'est régrettable.
00:40:37 - Quoi ?
00:40:38 Par exemple ?
00:40:40 - Par exemple, une amnestie de cette crise.
00:40:44 Vous savez, quand nous étions au pouvoir,
00:40:48 dès la première attaque,
00:40:51 le premier acte que le président Baboua a posé
00:40:55 pour permettre justement qu'un mouvement de réconciliation
00:41:00 que démarre dans le pays,
00:41:05 ça a été d'amnestier toute la rébellion.
00:41:09 - Donc, vous aimeriez, vous souhaiteriez, vous demandez
00:41:12 qu'il y ait une amnestie pour tout ce qui s'est passé ?
00:41:15 - Je pense que c'est indispensable.
00:41:17 Je pense que c'est indispensable.
00:41:20 Tant que ce n'est pas fait, la réconciliation sera inachevée.
00:41:24 - Alors, pour preuve de votre engagement dans ce chemin de réconciliation,
00:41:28 vous dites qu'avec l'aide de Dieu,
00:41:31 vous avez pardonné à vos adversaires politiques,
00:41:34 le président Ouattara en premier lieu,
00:41:37 et puis ceux qui ont mené la rébellion aussi,
00:41:40 et vous dites même avoir prié pour Dieu.
00:41:43 Ça a été difficile à faire, pour eux, pardon, pas pour Dieu,
00:41:46 ça a été difficile à faire, ça, le pardon pour des adversaires ?
00:41:51 - Ça a été difficile.
00:41:54 Ça a été difficile.
00:41:56 Le pardon pour le monsieur Alassane Ouattara,
00:41:59 ça a été difficile.
00:42:01 Ça a été difficile parce que j'en avais au gros sur le corps,
00:42:04 parce que ça aussi, il faut le reconnaître,
00:42:07 j'en avais au gros sur le corps, mais c'est parti.
00:42:10 - C'est parti ? - C'est parti.
00:42:12 - Mais ça s'exprime comment ? Ça se traduit comment ?
00:42:16 Vous n'avez pas d'animosité, plus d'animosité ?
00:42:18 - Non.
00:42:19 - Si vous le voyez ?
00:42:21 - Non.
00:42:22 Non.
00:42:25 Je vous assure, peut-être même j'ai été la première à être étonnée
00:42:30 de ce sentiment.
00:42:31 - C'est vrai.
00:42:32 Racontez un peu ce processus, parce que ça s'est fait vraiment,
00:42:35 on a l'impression que c'est sous la guidance
00:42:38 de l'être suprême auquel vous croyez.
00:42:40 - Absolument.
00:42:41 Moi, j'appelle ça le Saint-Esprit.
00:42:43 - D'accord, vous pouvez expliquer un peu ça ?
00:42:45 - Bon, alors je vous raconte exactement ce qui s'est passé.
00:42:49 Comme je vous dis, j'aimais beaucoup lire, méditer la parole,
00:42:56 prier avec les textes bibliques, etc.
00:42:58 Et puis ce jour-là, j'étais en train de prier et j'ai ouvert la Bible.
00:43:03 Et je suis tombée sur un psaume qui est dans la Bible,
00:43:08 que j'avais déjà lu.
00:43:09 De toute façon, j'ai déjà lu.
00:43:10 - Et vous l'ouvrez au hasard ?
00:43:11 - Ce jour-là, j'ai ouvert au hasard.
00:43:14 Et je suis tombée sur ce psaume 72.
00:43:19 Et je l'ai lu.
00:43:21 Quand je l'ai lu, je l'ai trouvé très beau.
00:43:24 Et c'est un psaume que j'avais déjà lu, mais que je n'avais pas remarqué.
00:43:27 Parce que les textes dans la Bible sont nombreux,
00:43:30 donc je ne l'avais pas remarqué.
00:43:31 Et quand je l'ai lu, j'ai dit,
00:43:32 mais voici un psaume très, très, très beau.
00:43:35 J'aurais pu prendre ce psaume-là pour prier pour le président Mbambo,
00:43:38 quand il est arrivé au pouvoir, etc.
00:43:40 Et puis j'entends, dans mon esprit,
00:43:43 j'entends, ce n'est pas pour le président Mbambo que je t'ai conduit à ce texte.
00:43:48 C'est pour M. Alassane Ouattara.
00:43:51 - Surprise !
00:43:53 - Ce saut !
00:43:54 Comment ça ?
00:43:58 Alors, la voix me redit, c'est pour M. Alassane Ouattara.
00:44:03 Je regarde de nouveau les textes, et puis je dis,
00:44:05 mais tu sais, je regarde, ce texte-là, pour Alassane Ouattara ?
00:44:08 Mais comment ça ?
00:44:09 Ce n'est pas possible !
00:44:10 Je dis, oui, c'est pour Alassane Ouattara.
00:44:12 Prie pour M. Alassane Ouattara avec ce texte.
00:44:16 - Et ça a marché ?
00:44:18 - Et j'ai prié pour Alassane Ouattara avec ce texte, par obéissance.
00:44:22 Mais ça a été dur,
00:44:24 parce que le texte n'était pas du tout en adéquation
00:44:27 avec le sentiment qu'il y avait dans mon cœur pour cet homme.
00:44:32 Mais j'ai dû m'accrocher.
00:44:36 Prier avec le texte le matin, prier avec le texte le soir,
00:44:41 pendant une semaine entière.
00:44:44 Et plus les jours passaient,
00:44:47 plus je sentais que toute la colère en moi s'évacuait jusqu'à disparaître.
00:44:53 Toute l'amertume en moi s'évacuait jusqu'à disparaître.
00:44:59 Toute l'animosité s'évacuait jusqu'à disparaître.
00:45:02 Moi-même, j'ai été é-to-née.
00:45:05 - Alors, moi je suis étonné d'une chose, si vous permettez, madame, dans votre livre.
00:45:10 Vous désignez ceux qui, à vos yeux, sont les responsables de la crise en Côte d'Ivoire
00:45:17 et à qui vous avez pardonné.
00:45:19 Ceux-là sont bien identifiés.
00:45:21 Vous vous posez en victime de toute cette affaire
00:45:25 et à aucun moment vous ne vous attribuez une part de responsabilité de ce qui s'est passé.
00:45:30 Ma question, elle est simple.
00:45:31 Est-ce que vous pensez qu'on peut réconcilier les Ivoiriens
00:45:34 si vous n'endossez pas une partie de cette responsabilité ?
00:45:39 Si vous-même, vous ne demandez pas pardon
00:45:42 ou vous ne vous demandez pas à ce que vos adversaires vous pardonnent
00:45:45 ou les Ivoiriens vous pardonnent de ce qu'ils pourraient vous pardonner.
00:45:49 - Mais il y a une partie du texte où je parle.
00:45:54 - C'est pas très précis.
00:45:56 C'est vraiment...
00:45:58 On ne peut pas dire que vous clamez réellement.
00:46:03 Je prends ma part de responsabilité.
00:46:05 J'assume cette part de responsabilité.
00:46:07 Je demande pardon aux Ivoiriens.
00:46:09 - Je l'ai fait.
00:46:10 En tout cas, même en sortie de la prison, je l'ai fait.
00:46:17 Moi, ma part de responsabilité, je la prends.
00:46:21 La part de responsabilité, elle n'est pas dans les reproches qu'on m'a faites
00:46:29 quand on me dit que j'ai financé des jeunes pour aller attaquer.
00:46:34 Je n'ai aucune responsabilité à ce niveau parce que je ne l'ai pas fait.
00:46:37 Et ça, je le dis.
00:46:40 On me dit que j'ai applaudi quand des femmes ont été agressées à Bobo.
00:46:45 C'est faux.
00:46:46 Et donc, ça aussi, je le dis.
00:46:48 Mais la responsabilité, vous savez, quand vous dirigez un pays
00:46:51 et qu'il y a une crise comme ça qui arrive,
00:46:54 vous êtes responsable parce que c'est vous qui êtes à la tête du pays.
00:46:57 S'il y a des problèmes, vous êtes forcément responsable.
00:46:59 Et à ce niveau-là, je dis, je demande pardon.
00:47:02 - Bizarrement, ce n'est pas écrit aussi clairement dans le livre,
00:47:05 mais c'est très bien que vous le disiez vous-même.
00:47:08 - Je l'ai dit plusieurs fois, je le pense.
00:47:12 Quand vous dirigez un pays, si il y a des calamités dans le pays,
00:47:18 s'il y a des problèmes dans le pays, vous êtes responsable.
00:47:22 - Alors, posez peut-être un peu différemment.
00:47:25 Est-ce qu'il y a des actes que vous regrettez
00:47:28 ou des actions que vous auriez fait différemment,
00:47:32 finalement, à l'époque de la crise ou quand vous étiez au pouvoir ?
00:47:36 - Je ne vois pas.
00:47:39 Je ne vois pas.
00:47:41 Je pense que ce que j'ai fait, c'est ce que je refais.
00:47:51 - Et ça n'aurait pas eu les mêmes résultats ?
00:47:55 - Je ne sais pas.
00:47:59 Je ne sais pas.
00:48:01 Peut-être que je n'en ai pas assez fait, mais assez fait quoi ?
00:48:04 Je ne sais pas.
00:48:05 - Est-ce que vous avez des regrets sur cette période ?
00:48:09 - Il y a eu des morts.
00:48:12 Il y a eu des morts et ça, je les regrette.
00:48:15 Il y a eu beaucoup de souffrances.
00:48:17 Il y a eu beaucoup de destructions.
00:48:19 Et ça, je les regrette.
00:48:22 Ça, je les regrette.
00:48:24 - Comment, madame, concrètement, de la place que vous occupez,
00:48:28 c'est-à-dire présidente d'un parti politique d'opposition
00:48:33 qui se donne la tâche d'essayer de réconcilier ses concitoyens entre eux,
00:48:37 comment est-ce que vous-même, vous allez procéder ?
00:48:40 Quelle est votre méthode ?
00:48:41 Qu'est-ce que vous allez faire pour ça ?
00:48:43 - Quand je suis sortie de prison,
00:48:47 mon premier souhait,
00:48:50 ça a été de semer, comment je dirais ça,
00:48:56 le désir de réconciliation dans le cœur même des Ivoiriens.
00:48:59 Et à l'intérieur de mon parti,
00:49:01 même si ce n'a pas été facile,
00:49:03 amener les Ivoiriens à accepter
00:49:06 que la réconciliation est un acte qui est incontournable.
00:49:13 Si on veut réunifier totalement notre nation,
00:49:18 accepter de participer à la réconciliation
00:49:22 est quelque chose d'incontournable.
00:49:25 Donc, pendant les premières années de ma sortie de prison,
00:49:29 c'est à cela que je me suis assignée,
00:49:32 de travailler, de plaider pour que la réconciliation
00:49:36 soit quelque chose que tous nous désirions.
00:49:40 Pour l'instant, c'est ça qu'on peut faire.
00:49:43 Mais tant que vous n'avez pas le pouvoir à main,
00:49:46 vous ne pouvez pas organiser la réconciliation.
00:49:48 - Mais qu'est-ce que recouvre pour vous
00:49:51 le terme de réconciliation ?
00:49:52 Parce qu'aujourd'hui, tout le monde va qu'à ses occupations,
00:49:56 les voisins ne savent pas forcément
00:49:59 de quelle ethnie d'origine sont leurs propres voisins,
00:50:04 le pays fonctionne.
00:50:07 Donc, réconciliation, ça veut dire quoi encore pour vous ?
00:50:11 - Ouf ! Vous faites là un tableau bien idyllique
00:50:16 de ce qui se passe dans ce pays.
00:50:18 Allez parler un petit peu au "ouais" chez eux.
00:50:22 Allez parler un petit peu au "baoulé" chez eux.
00:50:25 Allez parler un petit peu au "bété" chez eux.
00:50:28 Il y a encore beaucoup de problèmes à ce niveau.
00:50:30 Dans le cœur, oui, dans le cœur,
00:50:33 il y a encore beaucoup de problèmes.
00:50:35 Et il faut que ces problèmes-là soient réglés.
00:50:38 Et ils se posent de plusieurs manières d'ailleurs.
00:50:41 Pour certains, il faut leur restituer
00:50:46 ce qui leur a été arraché.
00:50:48 Pour d'autres, il faut les aider à faire leur deuil
00:50:52 des parents qu'ils ont perdus.
00:50:54 Pour d'autres, il faut leur restituer leur emploi
00:50:58 d'où ils ont été vidés,
00:51:01 quand ceux-là sont au niveau pouvoir, etc.
00:51:03 Il y a beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses qui restent à faire.
00:51:06 Comment voyez-vous les prochaines échéances électorales à venir,
00:51:11 et notamment, bien sûr, l'élection présidentielle de 2025 ?
00:51:14 Pensez-vous qu'elles se feront dans le calme,
00:51:17 dans le respect mutuel, la normalité démocratique, je dirais ?
00:51:21 Il y a beaucoup de choses, de réformes qu'il faudrait prendre.
00:51:30 Oui, c'est-à-dire ?
00:51:32 Je continue de le dire, il y a beaucoup de réformes qu'il faudrait prendre.
00:51:35 Par exemple, au niveau du découpage électoral,
00:51:41 il faudrait s'asseoir et réaliser un découpage électoral
00:51:48 qui soit plus juste que ce qui existe actuellement.
00:51:52 Ça, c'est pas fait.
00:51:54 Au niveau des listes électorales,
00:51:56 il faudrait également que tout le monde puisse être inscrit.
00:52:01 Tout simplement être inscrit sur les listes électorales.
00:52:07 Ça, c'est possible. C'est pas fait.
00:52:10 C'est pas fait.
00:52:12 Comment est-ce qu'on peut inciter les gens à s'inscrire,
00:52:14 et particulièrement les jeunes,
00:52:15 parce qu'il y a un certain désintérêt pour la chose politique ?
00:52:18 Moi, je reste persuadé qu'on n'a pas besoin d'aller inciter les gens à aller s'inscrire.
00:52:25 Il faut les obliger alors ?
00:52:26 Non, il ne faut pas les obliger.
00:52:28 Il faut les mettre sur les listes électorales, tout simplement.
00:52:31 Il faut les mettre sur les listes électorales.
00:52:34 Ça ne les fera pas voter, ça ?
00:52:36 Ça, c'est deux choses différentes.
00:52:38 Une chose est d'être sur la liste,
00:52:40 et une deuxième chose est de venir voter.
00:52:44 Voilà, c'est deux choses différentes.
00:52:46 Mais il ne faut pas dire que pour pouvoir voter,
00:52:50 il faut que vous soyez levé pour aller vous inscrire sur les listes électorales.
00:52:54 Parce que les conditions qu'on donne pour l'inscription,
00:52:56 pendant que les jeunes ne viendront jamais,
00:52:58 ils n'ont pas ces moyens-là de le faire.
00:52:59 Or, il est possible aujourd'hui,
00:53:02 en utilisant les actes d'État civil qui existent là,
00:53:07 d'inscrire les jeunes, les nouveaux,
00:53:09 les majeurs sur les listes électorales,
00:53:11 sans même les consulter.
00:53:13 Alors deuxième volet,
00:53:15 comment est-ce qu'on les incite à voter, une fois qu'ils sont inscrits ?
00:53:18 Ça, ce sont les partis politiques qui règlent ce problème.
00:53:21 C'est l'État qui fait la campagne,
00:53:24 c'est pour les inciter.
00:53:26 Voilà, ça c'est l'incitation.
00:53:28 Alors vous avez justement créé un parti politique
00:53:31 qui s'appelle Génération Capable.
00:53:33 Quel est le sens de ce parti ?
00:53:35 Pourquoi vous l'avez créé ?
00:53:37 Avec quel objectif ?
00:53:39 On l'a créé parce que, premièrement,
00:53:44 notre société là, aujourd'hui,
00:53:48 est en train d'aller à vol au niveau moral.
00:53:54 Et donc nous avons créé ce mouvement là,
00:53:58 qu'on appelle le mouvement de Génération Capable,
00:54:00 pour travailler un petit peu à cette transformation de mentalité,
00:54:06 transformation morale,
00:54:08 transformation des valeurs, acquisition des valeurs.
00:54:11 Donc ça c'est vraiment un de…
00:54:14 Votre axe principal.
00:54:17 Principal.
00:54:19 Maintenant, c'est un parti politique.
00:54:21 Ancré dans la social-démocratie dites-vous.
00:54:23 Ancré dans la social-démocratie, mais c'est un parti politique.
00:54:27 Et ce parti politique là va également faire de la formation politique,
00:54:32 de la sensibilisation politique pour accéder au pouvoir.
00:54:35 Notre objectif à ce niveau là, c'est d'avoir un État démocratique réel.
00:54:40 En tout cas, beaucoup plus démocratique que ce que nous connaissons aujourd'hui.
00:54:43 Mais vous dites, oui, le but d'un parti politique, c'est d'accéder au pouvoir.
00:54:47 Mais depuis votre libération,
00:54:49 le président Gbagbo a créé un nouveau parti politique, le PPACI.
00:54:52 Charles Légoudé a créé un parti politique, le COGEP.
00:54:55 Vous-même, on l'a vu, vous avez créé Génération Capable.
00:54:58 Le FPI, Canal Historique, si je puis dire, existe encore.
00:55:01 Bon, même si M. Gbagbo se pose, lui, en détenteur de la substance du FPI,
00:55:07 comment une gauche aussi balkanisée peut arriver à quelque chose ?
00:55:12 Ça, c'est encore la Providence alors.
00:55:16 Ah oui, la Providence, elle est toujours là.
00:55:19 Elle est toujours là.
00:55:21 C'est sûr que c'est un problème, mais qu'il faut faire des alliances,
00:55:23 il faut s'entendre, il faut discuter.
00:55:25 Je pense que là-dessus, tout le monde est un petit peu sensible à ça.
00:55:29 Mais il n'empêche que, bon, c'est le fruit de la crise.
00:55:35 Autre sujet d'étonnement dans votre livre, madame,
00:55:37 c'est la place, l'omniprésence de la religion, de Dieu.
00:55:42 Est-ce que vous pouvez dire, dans tous les domaines de votre vie,
00:55:46 est-ce que vous pouvez dire en quelques mots,
00:55:47 quelle est votre relation à Dieu, à la religion ?
00:55:51 Ma relation, vous parlez beaucoup de religion.
00:55:56 Ce n'est pas religion, c'est Dieu.
00:55:58 Voilà, c'est Dieu.
00:55:59 Je ne suis pas trop spécialiste, pardon.
00:56:01 Bon, ça viendra, je vais vous faire votre initiation.
00:56:04 La relation, elle est à Dieu.
00:56:08 Moi, je pars du principe et je vis selon le principe
00:56:14 que l'être humain n'est pas fait que de chair,
00:56:20 il est fait également d'esprit.
00:56:22 Et c'est les deux ensemble qu'il faut cultiver
00:56:26 pour devenir un être complet et tendre à la perfection.
00:56:30 Voilà, donc à ce niveau-là, Dieu intervient dans tous les actes de ma vie.
00:56:37 Mais on a l'impression que vous lui parlez tranquille,
00:56:40 comme à une personne, quoi.
00:56:41 Mais c'est ça la réalité.
00:56:42 Ah oui ?
00:56:43 Oui, mais vous-même, vous pouvez le faire.
00:56:45 C'est une question de foi, tout simplement.
00:56:47 Oui.
00:56:48 Oui, et c'est réel et il intervient, si vous lui parlez.
00:56:51 Et il vous répond.
00:56:52 Oui, il répond et puis il agit.
00:56:54 Mais la question que je me pose d'un point de vue politique,
00:56:57 c'est quand la religion entre à ce point dans la sphère publique,
00:57:02 parce que sur le plan privé, en réalité, on a le droit de faire ce qu'on veut,
00:57:06 mais quand ça rentre à ce point dans la sphère publique,
00:57:09 quel espace reste-t-il au libre arbitre du responsable politique
00:57:16 quand il prend sa décision ?
00:57:18 Ça me paraît presque une opposition.
00:57:22 Pourquoi ?
00:57:23 Est-ce que c'est vous ou est-ce que c'est Dieu qui décide en fait ?
00:57:27 Mais si c'est Dieu qui décide, est-ce que c'est mauvais ?
00:57:30 Ah ben je ne sais pas.
00:57:31 Ben voilà, tant que ce n'est pas mauvais,
00:57:33 pourquoi est-ce que vous voulez créer là une opposition entre l'homme et Dieu ?
00:57:38 L'essentiel, c'est que l'objectif que vous poursuivez,
00:57:43 que cet objectif-là, vous puissiez l'atteindre de la bonne manière.
00:57:47 Voilà.
00:57:48 Et vous savez, il y a très peu d'hommes politiques qui ne se réfèrent pas au divin.
00:57:53 Il y en a très peu.
00:57:54 D'une manière ou d'une autre ?
00:57:55 D'une manière.
00:57:56 Sous une forme ou une autre ?
00:57:57 Sous une forme.
00:57:58 Même en Occident ?
00:57:59 Même en Occident.
00:58:00 Même en Occident.
00:58:01 Allez demander aux francs-maçons en Occident.
00:58:04 Mais ils ne sont pas très religieux les francs-maçons occidents.
00:58:07 Ils sont mystiques.
00:58:08 Oui.
00:58:09 C'est pour ça que je dis vous parlez de religion, moi je ne parle pas de religion.
00:58:12 Je parle de relation à Dieu.
00:58:14 C'est deux choses différentes.
00:58:16 Madame Bagbo, nous arrivons doucement au terme de cette émission.
00:58:19 Vous considérez votre acquittement et celui de M. Bagbo comme des victoires politiques,
00:58:24 en tout cas comme des victoires morales.
00:58:26 Est-ce que vous pensez qu'elles puissent un jour se transformer en victoire électorale ?
00:58:31 C'est possible, oui.
00:58:35 C'est possible.
00:58:37 L'objectif ici, ce n'est pas de s'asseoir sur cette victoire.
00:58:43 L'objectif c'est de faire en sorte que notre pays profite, ou du moins parte de toute cette expérience,
00:58:57 de toute cette difficulté, de tout ce parcours pour devenir une nation plus forte, plus ferme,
00:59:08 plus respectueuse des droits, plus respectueuse des valeurs, plus respectueuse de la justice.
00:59:16 Est-ce qu'on peut imaginer une candidature de Mme Simone Eyvée Bagbo à l'élection présidentielle de 2025 ?
00:59:24 On peut l'imaginer. Il faut tout imaginer.
00:59:29 Vous avez déjà pris votre décision ?
00:59:31 Elle a l'air bien avancée votre réflexion.
00:59:35 Ce n'est pas moi qui vais arrêter la décision.
00:59:38 C'est votre conseiller spécial ?
00:59:39 C'est le parti.
00:59:40 Ah bon d'accord. Je croyais que c'était votre conseiller spécial.
00:59:43 On le consultera. Le moment venu, on le consultera.
00:59:47 Donc en tout cas, c'est probable ?
00:59:49 C'est probable. C'est probable. C'est tout à fait probable.
00:59:52 Merci madame. Merci de nous avoir accordé cet entretien. Merci vraiment de nous avoir reçus chez vous.
00:59:58 Je rappelle le titre de votre ouvrage "Du sous-sol de la République à la restauration aux éditions Tabala".
01:00:06 J'avais mal prononcé tout à l'heure.
01:00:08 Merci de votre attention. À la prochaine fois.
01:00:11 (Générique)