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Le harcèlement scolaire, un enjeu majeur pour les écoles.
Interview de Bruno Humbeeck, psychopédagogue

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Transcription
00:00 [Musique]
00:10 En deux mots, ça va justement être difficile parce qu'au niveau juridique, ils ont essayé de le faire en trois mots
00:14 intentionnel, répétitif et nuisible.
00:17 Et ça a été dans le mur parce que c'est une définition beaucoup trop simple.
00:20 Il faut savoir que le harcèlement, c'est une situation de prise de pouvoir.
00:24 Au niveau de jeux de pouvoir qui se réalisent, qui supposent que par exemple,
00:27 je bouscule de manière répétitive, intentionnelle et nuisible,
00:30 je ne suis pas harceleur, je suis juste ce qu'on appelle un emmerdeur.
00:32 Mais si j'utilise d'autres personnes autour et que je souris de manière connivente,
00:36 je vais progressivement mettre en place une situation qu'on appelle une situation de harcèlement
00:41 parce que je vais figer les rôles, le dominant, le dominé et ceux qu'on appelle les spectateurs,
00:45 c'est-à-dire ceux qui agissent en regardant.
00:47 [Musique]
00:52 Alors c'est absolument impossible et c'est peut-être pas souhaitable.
00:55 Si vous n'avez pas de harcèlement, ça veut dire que vous avez figé les rapports de pouvoir.
00:58 Il n'y a qu'un seul endroit où on peut figer les rapports de pouvoir, ce sont les dictatures.
01:01 Le pouvoir est centralisé.
01:03 Vous avez nécessairement dans une classe, parce que c'est un ensemble humain qui est contraint de vivre ensemble,
01:09 vous aurez des jeux de pouvoir qui vont se manifester
01:11 et ces jeux de pouvoir vont créer des situations qui parfois vont dégénérer en forme plus ou moins aiguë de harcèlement.
01:19 Ça crée de la souffrance et donc il faut pouvoir gérer cette souffrance.
01:22 Quand cette souffrance devient systématique, qu'elle s'installe dans la durée ou qu'elle crée un sentiment d'impuissance,
01:28 là on peut parler de harcèlement.
01:29 [Musique]
01:34 Alors lutter certainement, supprimer, non, on n'y arrivera pas puisque les jeux de pouvoir vont toujours se manifester,
01:39 mais rendre confiance pour chaque élève dans ce qu'est une démocratie, dans ce qu'est une façon de vivre ensemble
01:46 et dans l'idée que ce vivre ensemble, si je souffre, eh bien il y aura des adultes qui sauront quoi faire pour me faire sortir de cette souffrance
01:54 parce qu'il faut non seulement apprendre à vivre ensemble, mais il faut aussi apprendre à faire société.
01:58 Ces deux éléments-là justifient qu'on mette en place des dispositifs
02:01 qui ne sont pas seulement des dispositifs qu'on appelle noblés, dans lesquels on va simplement créer de l'empathie,
02:08 mais aussi des dispositifs dans lesquels l'école peut servir de courroie de transmission par rapport aux lois
02:14 parce que les lois, c'est ce qui va protéger nos valeurs.
02:16 [Musique]
02:21 Alors c'est vraiment important que ce soit à la fois pour les parents victimes, d'enfants victimes et d'enfants auteurs.
02:27 Tous ces parents doivent réagir parce que si vous êtes le parent d'un enfant auteur de harcèlement par exemple,
02:33 surtout faire en sorte que votre enfant devienne attentif aux émotions des autres.
02:38 Si vous êtes le parent d'un enfant victime de harcèlement, surtout faire en sorte que ses émotions puissent être entendues,
02:46 exprimées à l'intérieur des groupes dans lesquels sa prise de parole va être non seulement libérée, mais aussi protégée.
02:52 C'est comme ça que ces enfants vont retrouver confiance dans les institutions.
02:55 Et je dirais même pour une troisième catégorie de parents, les parents des enfants spectateurs ou spectacteurs,
03:00 c'est-à-dire il n'y a pas de témoins en harcèlement, ceux qui voient et qui doivent avoir aussi des espaces de parole
03:05 dans lesquels ils peuvent dire les choses simplement parce que les émotions qu'ils ressentent en voyant ces éléments-là,
03:10 ces phénomènes-là, sont aussi des émotions parfois difficiles à vivre.
03:13 Et donc le rôle des parents, c'est de devenir le messager des émotions de leur enfant auprès de l'école
03:19 pour inviter l'école à s'équiper, à s'outiller pour diminuer cette souffrance émotionnelle.
03:24 Sur ce plan-là, j'entends qu'on met un cadre, mais mettre un cadre, ce n'est pas encore réaliser une œuvre.
03:34 Donc j'attends de voir. Évidemment, c'est lent, c'est déjà beaucoup trop lent.
03:38 Et ça me paraît, moi, effectivement, un petit peu comme un clou dans une chaussure.
03:43 C'est-à-dire, on a l'impression que le harcèlement, c'est gênant, mais ce n'est pas prioritaire.
03:47 C'est une priorité absolue de faire tous les plus beaux pactes d'excellence du monde.
03:51 Tant qu'un certain nombre d'élèves et une proportion importante d'élèves n'est pas en mesure d'en profiter
03:55 parce qu'ils vont à l'école en étant terrorisés, en étant désespérés, en cultivant la haine de soi ou la haine des autres,
04:01 eh bien, ce pacte d'excellence, il sera bâti sur du sable.
04:04 Donc c'est vraiment une priorité absolue.
04:06 Et quand j'entends, on n'a pas beaucoup de moyens, on va mettre en place ce qu'on peut,
04:10 là, j'ai quand même beaucoup de difficultés à entendre ça.
04:13 C'est une priorité absolue.
04:14 Ce n'est pas des moyens financiers, c'est des moyens techniques qu'on doit mettre auprès des écoles
04:18 avec des enseignants qui se sentent équipés, outillés et soutenus
04:22 une fois que cet équipement et cet étayage est mis en place.
04:25 [Musique]

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