Bertrand de Feydeau, vice-président de la Fondation du patrimoine, un des principaux contributeurs au chantier de reconstruction de la cathédrale Notre-Dame, était vendredi 14 avril le Grand témoin de la matinale de franceinfo. Il répondait aux questions de Lorrain Sénéchal.
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00:00 Bonjour Bertrand Neufedo, vice-président de la Fondation du Patrimoine qui finance plus du quart de la reconstruction de Notre-Dame de Paris.
00:08 Le chantier avance bien, on en est à la Flèche qui va bientôt s'élever à nouveau ?
00:12 Oui, on en est à l'établissement du tabouret de la Flèche, qui est une opération délicate mais qui semble se passer dans de bonnes conditions.
00:20 En tout cas, je crois que l'établissement public qui est en charge de la restauration de la cathédrale a fait des prouesses pour tenir un délai qui était très court
00:28 et qui va apparaître enfin dans le ciel de Paris puisque sur ce tabouret va s'édifier la restitution de la grande Flèche de Viollet-le-Duc.
00:36 Donc dans les semaines, les mois à venir, ça y est, on verra le bout de la Flèche poindre ?
00:41 Absolument, ça va réapparaître dans le ciel de Paris.
00:44 L'objectif de reconstruire dans les cinq ans implique d'avoir terminé avant la fin de l'année prochaine, est-ce que nous sommes dans les temps ?
00:50 Je crois qu'on peut dire qu'on est dans les temps, c'était un objectif extrêmement ambitieux qui était, je pense, doublement légitime.
00:57 D'abord parce que la cathédrale était dans un état de fragilité très important et on sait qu'avec le réchauffement climatique, on peut être exposé à des tornades importantes
01:07 et on se souvient de ces deux grands pignons qui étaient dans le ciel, qui n'étaient plus solidarisés avec la toiture
01:14 et qui auraient pu certainement subir de très graves dégâts en cas de vent particulièrement fort.
01:20 Et puis la seconde raison, c'est que pour conduire un chantier comme ça, il faut une dynamique.
01:24 Il faut que tout le monde s'y mette et je pense que le général Georges Lellin s'est appliqué à vraiment motiver toutes les équipes qui travaillent sur la cathédrale.
01:34 C'est lui qui dirige évidemment toutes les opérations, tout le chantier. Qu'est-ce qu'il reste à faire encore ?
01:39 Eh bien il restera la charpente, mais ça c'est une opération qui est moins dédicace que la remontée de la Flèche.
01:47 L'intérieur de la cathédrale est déjà très largement nettoyé, les vitraux sont en train de commencer à se reposer.
01:54 Il y a à peu près 500 ouvriers qui travaillent à l'heure actuelle sur le chantier de la cathédrale,
01:58 sans compter tous ceux qui, dans les ateliers périphériques et dans la France, travaillent sur les charpentes, etc.
02:04 C'est près de 1000 personnes qui sont mobilisées aujourd'hui pour restaurer la cathédrale.
02:08 C'est donc un extraordinaire mouvement à la fois de compétences, de savoir-faire qui se mettent au service de cette restauration.
02:15 - Vous vous êtes rendu à l'intérieur de la cathédrale, la dernière fois c'était il y a un an déjà. Ça ressemblait à quoi ?
02:21 - En un an ça a énormément changé. Parce que ce qu'il y a de plus spectaculaire c'est la restitution de cette pierre blanche
02:29 qui est nettoyée avec des procédés très techniques qui permettent, sans dégrader la surface de la pierre,
02:37 d'enlever toutes les saletés qui se sont incrustées.
02:41 Je pense que la grande surprise quand on rentrera dans la cathédrale, c'est de voir un édifice qui a retrouvé sa blancheur d'origine.
02:48 - Il y a presque plus d'éclats qu'elle n'a jamais eu puisqu'il y a cette pierre blanche, comme vous le dites.
02:53 Il y a aussi les oeuvres qui sont restaurées, les peintures notamment, on les verra comme on ne les a jamais vues.
02:57 - Absolument. Je pense qu'on peut dire sans crainte de se tromper que la cathédrale sera plus belle qu'elle n'a jamais été.
03:03 - C'est une chance presque pour la cathédrale ?
03:06 - C'est une chance, je vais vous dire, à quelque chose malheureux et bon.
03:11 Je pense que l'incendie de cette cathédrale a quelque chose de très fortement symbolique dans notre temps.
03:18 Et je pense que ça aurait été très grave de laisser trop longtemps des poutres calcinées, des pierres réparties sur le sol.
03:29 Je pense que le fait qu'on soit capable de reprendre en main ce chantier, c'est tout un symbole, notamment dans les temps que nous traversons aujourd'hui.
03:38 Et je pense que la réouverture de la cathédrale va, de ce point de vue-là, marquer, je pense, pour notre pays, quelque chose de très puissant.
03:46 - On a découvert beaucoup de choses sur la cathédrale Notre-Dame par l'intermédiaire de cet incendie qui l'a mise à nu.
03:53 On s'est rendu compte, par exemple, que c'était la première dame de fer.
03:56 700 ans avant la Tour Eiffel, la charpente tenait grâce à de gigantesques agrafes en plomb.
04:02 - Oui, on a effectivement beaucoup affiné la connaissance des technologies qui ont été mises en œuvre au moment de la construction.
04:09 Et notamment, effectivement, l'usage du fer qui se développe d'ailleurs après la cathédrale, dans des cathédrales comme Beauvais qui sont encore plus hautes.
04:18 Et qui ont nécessité des technologies qu'on ne connaissait pas forcément très bien.
04:23 Et qui, là, ont pu être vraiment analysées avec beaucoup de détails.
04:27 - Alors, il ne faut quand même pas oublier le prix payé pour avoir cette chance, donc, de remettre à nu et de redonner son éclat à Notre-Dame de Paris.
04:35 Il y a une enquête qui est ouverte sur la pollution au plomb consécutive à l'incendie.
04:39 Pour qui ce miracle de la résurrection de Notre-Dame, si j'ose dire, ait quand même eu cette malédiction originelle ? Il ne faut pas l'oublier.
04:46 - Oui, mais il faut bien voir que l'opération de réaction populaire par rapport à l'incendie de la cathédrale est absolument unique.
04:56 Même dans l'histoire du mécénat, on a collecté en quelques semaines plus de 800 millions d'euros.
05:01 C'est la plus grosse collecte qui ait jamais été faite au monde.
05:05 Et plus que ce chiffre de 800 millions, ce qui est le plus impressionnant, c'est qu'il y a eu 350 000 donateurs.
05:10 350 000, c'est un chiffre qu'on a en tête, tiens, aujourd'hui.
05:13 C'est une force symbolique.
05:15 - Et 850 millions, aujourd'hui, c'est le budget de rénovation, dont un gros quart, en gros, financé par la Fondation du Patrimoine, dont vous êtes le vice-président.
05:23 Cet argent, il va où ?
05:25 - Alors, il a d'abord servi à conforter la structure dont j'évoquais tout à l'heure, la fragilité.
05:31 - Oui, il a d'abord fallu sauver Notre-Dame.
05:33 - Ça a coûté à peu près 150 millions.
05:35 Et on s'est appliqué à mettre les dons de tous les petits donateurs là-dessus, de façon à ce que tout le monde soit certain que ces dons avaient servi à sauver la cathédrale.
05:44 - Donc ce sont les petits donateurs qui ont sauvé Notre-Dame.
05:47 - Voilà, absolument.
05:48 Et puis après ça, vous savez qu'il y a eu de très gros donateurs, avec lesquels on a contractualisé leurs dons, qui s'étalent au fur et à mesure des appels de fonds.
05:56 Et puis va arriver le moment où on aura réalisé les travaux qui sont directement à la conséquence de l'incendie.
06:02 Et là, il faudra leur demander leur avis.
06:04 Est-ce que vous voulez... Parce qu'on peut travailler indéfiniment sur la cathédrale.
06:08 - Il y a encore des choses à définir, à choisir.
06:10 - Bien sûr qu'il y a des choses à définir.
06:12 En tout cas, les sommes collectées sont supérieures au coût de la réparation des conséquences de l'incendie.
06:20 - D'accord.
06:21 - Alors la cathédrale, on peut bien sûr améliorer le parvis, etc.
06:24 Mais il restera de l'argent.
06:26 Et je dois dire que vous voyez...
06:28 - Et alors on va en faire quoi de cet argent en gros ?
06:30 - On demandera leur avis aux donateurs.
06:32 Qu'est-ce que vous voulez en faire ?
06:33 - Et quelles seraient les pistes ?
06:34 - Mais je vais vous donner juste une information.
06:39 Au niveau de la fondation du patrimoine, nous avons à l'heure actuelle 1250 chantiers d'entretien, de restauration de petites églises en France.
06:49 Pour l'année.
06:51 Et comme on fait ça tous les ans, ça fait quand même un grand nombre.
06:53 Ces 1250 chantiers représentent un volume total de travaux supérieur à 600 millions.
06:59 Vous voyez qu'on est dans le même ordre de grandeur que la cathédrale.
07:02 - Donc ça pourrait servir à sauver le patrimoine, le petit patrimoine religieux si j'ose dire, français.
07:07 Merci beaucoup Bertrand De Fedeau, vice-président de la fondation du patrimoine.
07:12 Je précise d'ailleurs qu'à ce sujet, le monsieur patrimoine du gouvernement, Stéphane Bern, vous vous associez d'ailleurs à cette demande.
07:18 - Bien sûr.
07:19 - Il voudrait que soit créé un secrétariat d'Etat dédié au patrimoine.
07:22 Et qu'il y ait un fonds public pour venir en aide à ce patrimoine religieux.
07:27 Merci beaucoup.