Les 4 vérités - Thierry Breton

  • l’année dernière
Chroniqueur : Jean-Baptiste Marteau


Jean-Baptiste Marteau reçoit Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur, dans Les 4 vérités. 

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Transcript
00:00 Bonjour Thierry Breton.
00:03 Bonjour.
00:04 Merci d'être avec nous dans les quatre V ce matin.
00:05 On va commencer par parler de la Chine.
00:07 Je vais essayer de ne pas casser la table avant ça.
00:09 Vous avez beaucoup suivi évidemment le voyage d'Emmanuel Macron la semaine dernière,
00:12 qui était accompagné de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
00:16 La Chine est-elle un partenaire ou un adversaire de l'Union européenne ?
00:20 La Chine est un partenaire commercial, un très grand partenaire commercial.
00:24 Nous sommes très importants du reste pour la Chine.
00:27 On représente 20% de ses exportations et 9% de l'autre sens.
00:30 Donc on est plus important pour la Chine qu'elle ne l'est pour nous.
00:34 Mais c'est également ce qu'on appelle un rival systémique.
00:37 C'était du reste le qualificatif du président de l'ancienne Commission, Jean-Claude Juncker,
00:42 qui désormais caractérise notre relation avec la Chine.
00:47 C'est-à-dire qu'effectivement, nous ne sommes naïfs en rien.
00:51 C'est un partenaire commercial, mais nous devons, comme on dit, dérisquer les relations
00:57 que nous avons avec la Chine.
00:58 Du reste, ceci figure à la suite de ce voyage important,
01:02 parce que c'est un voyage important, un voyage d'État.
01:05 Évidemment, le président de la République est allé invité par Xi Jinping.
01:10 C'est la France qui a été invitée.
01:11 C'était très important également que la Commission soit également représentée
01:15 par la présidente de la Commission, parce que derrière, c'est l'Europe dont il s'agit.
01:19 Et puis derrière, c'est aussi l'occasion de bien clarifier les choses.
01:22 La fuite du reste, clairement, ça a été repris par certains de vos confrères,
01:26 dont les échos du reste ce matin, qui expliquent très précisément
01:30 la politique du président de la République et de l'Europe.
01:33 Je crois que c'est important de clarifier les choses.
01:34 Mais je vous pose effectivement cette question,
01:36 parce qu'on a entendu effectivement beaucoup de diplomates chinois
01:38 qui disaient pendant ce voyage, notamment que la Commission européenne,
01:41 elle était trop, selon eux, soumise aux intérêts américains.
01:44 Ils se méfiaient de cette Commission européenne.
01:45 Est-ce que c'est un partenaire sur lequel, vraiment, la Chine, on peut avoir confiance ?
01:49 La Commission européenne, c'est l'exécutif.
01:52 Et donc, ce qui est très important, c'est évidemment la position qui est portée par l'Europe,
01:59 représentée par le Conseil européen.
02:01 Et cette position, je l'ai requalifiée.
02:04 Partenaire commercial, rival systémique.
02:06 Évidemment, ça ne veut pas dire, et le président du reste l'a dit clairement,
02:10 ça ne veut pas dire être aligné.
02:12 L'Europe n'est pas alignée ni avec les États-Unis, ni avec la Chine,
02:17 même si, bien entendu, nous sommes alliés, clairement, avec les États-Unis.
02:21 Et notamment, et entre autres, dans le cadre de la guerre en Ukraine,
02:25 avec le soutien, évidemment, que nous apportons.
02:27 Mais voilà, on a cette voie qui est un peu singulière,
02:31 et qui est très importante de préserver, parce que c'est évidemment l'Europe dont il s'agit.
02:37 Nous devons être conscients de nos forces, et nous en avons,
02:40 pour pouvoir peser dans le monde tel qu'il vient.
02:42 Ça va être un monde qui va être compliqué.
02:44 Peut-être même, certains disent, à certains égards, violent.
02:48 Il est très important que l'Europe soit confiante et soit bien responsable de ses forces.
02:55 On augmente avec l'autonomie stratégique, avec la défense,
02:59 avec notre autonomie en matière industrielle.
03:01 On va continuer dans cette dynamique, et c'est ça, ce qu'on est allé aussi expliquer
03:05 au niveau de la Commission à nos amis chinois.
03:09 Mais justement, Thierry Breton, quand on voit aujourd'hui la tension qu'il y a autour de Taïwan,
03:13 quelle position il faut avoir, alors que vous avez effectivement les États-Unis
03:15 qui font monter la pression, qui sont là avec des bateaux ?
03:18 Emmanuel Macron, il disait très clairement il y a deux jours
03:21 qu'il ne voulait pas prendre parti, ça ne ferait qu'accentuer les tensions, dit-il.
03:25 Donc on fait quoi ? Quelle doit être la position de l'Europe dans ce conflit ?
03:29 On reste neutre ?
03:30 Pour l'instant, les choses ont été très clairement dites.
03:34 Il y a effectivement, on le sait, la volonté très clairement marquée par Xi Jinping,
03:39 il l'a redit du reste à l'occasion du XXème congrès, de réunifier,
03:44 c'est comme ça qu'il le dit, la Chine, puisqu'il considère que Taïwan fait partie de la Chine.
03:50 En ce qui concerne l'Europe, là aussi les choses sont très claires,
03:56 l'Europe est pour le maintien du statu quo et ça a été clairement annoncé.
04:02 Il faut donc être très vigilant à ce que ceci se passe dans ce contexte.
04:07 Alors vous avez annoncé que l'Europe entendait se doter d'un bouclier anti-cyberattaque.
04:11 On en parle effectivement parce qu'avec la guerre en Ukraine,
04:14 ces attaques sur le numérique ont redoublé.
04:17 Un projet à plus d'un milliard d'euros,
04:19 est-ce que c'est devenu indispensable dans le monde d'aujourd'hui ?
04:21 C'est absolument indispensable, on le voit tous les jours,
04:23 vous en parlez du reste souvent sur vos antennes.
04:25 Les cyberattaques font hélas partie de notre vie quotidienne dans l'espace informationnel,
04:30 qui est un espace dans lequel désormais on passe beaucoup de temps, on le sait,
04:34 et nos enfants encore plus du reste.
04:36 Et donc il faut protéger cet espace,
04:41 on appelle ça un espace contesté comme les océans ou comme l'espace tout court.
04:44 Il faut le protéger.
04:45 L'information en est.
04:46 Il faut le protéger, du reste les attaques ont augmenté de 140% depuis la guerre en Ukraine.
04:51 Donc on n'est dupes de rien là aussi, on se doute bien d'où elles viennent.
04:56 La Russie.
04:57 En particulier.
04:58 Et donc il faut à la fois se protéger, c'est l'objet de ce bouclier cyber,
05:05 ce dôme de sécurité dans le cyberespace,
05:07 qui va permettre de détecter toute intrusion, toute action malveillante.
05:15 Donc c'est d'abord de la surveillance.
05:16 D'abord de la surveillance, quasiment dès que celles-ci ont lieu.
05:19 Vous savez, dans le monde du cyberespace, bien souvent les malwares,
05:25 ces fameux logiciels qui vont détruire précisément tout ou partie d'un secteur économique en particulier,
05:30 une fois qu'ils sont implantés, on ne les détecte pas.
05:33 Ils font leur œuvre, si je puis dire, des mois après.
05:36 Donc là on va les détecter quasiment quelques heures après qu'ils aient été éventuellement implémentés quelque part.
05:44 Et donc ensuite pouvoir corriger avec aussi une cyber-réserve, c'est-à-dire des spécialistes.
05:49 Vous savez, les spécialistes dans ce domaine sont rares.
05:52 Donc on va créer une cyber-réserve au niveau européen.
05:54 Donc il faut recruter des spécialistes européens.
05:55 Au niveau européen, donc, qui seront mobilisables,
05:58 un peu comme tout ce qui concerne, je dirais, la protection civile.
06:01 On peut à ce moment-là mobiliser des ressources en tant que de besoin
06:05 si jamais il y a une attaque et intervenir immédiatement.
06:08 D'un mot, il sera prêt quand ce bouclier ?
06:10 Eh bien, on a déjà lancé un pilote.
06:13 Donc l'objectif, c'est qu'il fonctionne dans le cadre de ce pilote dès l'année prochaine.
06:19 Dès l'année prochaine.
06:20 Vous partez demain en Roumanie, puis en Italie,
06:23 pour essayer d'aller parler notamment avec les chefs des gouvernements respectifs
06:25 sur le plan européen à propos des livraisons d'armes pour l'Ukraine.
06:28 C'est encore un gros dossier.
06:29 Les États européens doivent envoyer prochainement un million de munitions en Ukraine.
06:35 Est-ce que c'est possible et comment on fait ?
06:37 Oui, c'est l'objectif effectivement que nous nous sommes fixés
06:39 pour répondre aux demandes des autorités de défense ukrainiennes.
06:43 On sait qu'aujourd'hui, les lignes de front sont figées sur la frontière du Donbass.
06:49 Et il faut effectivement maintenir, protéger,
06:51 évidemment aider les Ukrainiens à se protéger contre cette agression russe.
06:55 Et pour ça, c'est la guerre.
06:57 Donc il faut des munitions.
06:59 Ils nous ont demandé donc d'accroître notre livraison de munitions.
07:03 Nous avons aujourd'hui en Europe une capacité importante,
07:06 mais il faut l'accroître, augmenter cette capacité de production très significativement.
07:10 Passer un peu, comme on dit, en économie de guerre
07:13 pour augmenter les cadences et la production.
07:15 Donc je fais effectivement le tour de ces 11 pays qui disposent de ces infrastructures.
07:19 L'unanimité européenne est toujours là ?
07:21 Oui, elle est là, bien entendu.
07:23 Tout le monde est derrière cette ambition,
07:25 parce qu'encore une fois, ce qui se passe en Ukraine,
07:28 on le sait, nous concerne évidemment, bien entendu.
07:30 Et donc, dans ce contexte, je vais donc avec les ministres de la défense concernés,
07:34 donc je serai en Roumanie demain, vous l'avez rappelé.
07:36 Et donc, je serai avec le Premier ministre et le ministre de la Défense roumain
07:39 pour aller voir précisément ces usines,
07:41 voir comment on peut augmenter la cadence, ce qu'il faut faire.
07:43 On peut intervenir aussi financièrement.
07:45 Je le ferai après demain en Italie avec la Première ministre Giorgia Meloni.
07:49 Donc voilà, on essaye de faire ça le plus vite possible.
07:53 Il y a une urgence et de façon totalement coordonnée et unie.
07:56 Il nous reste quelques minutes, parlons d'un sujet qui inquiète de plus en plus les Européens
07:59 et pas seulement l'intelligence artificielle et ses nombreuses dérives possibles.
08:02 Ces derniers jours, on a beaucoup vu d'images détournées,
08:05 imaginées par ce logiciel "Meet Journey"
08:07 qui ont été massivement participées, partagées sur Internet,
08:11 qui ont semé la confusion effectivement.
08:12 Est-ce qu'il faut que ces images générées par l'intelligence artificielle
08:16 soient obligatoirement signalées et indiquées comme telles ?
08:19 C'est en tout cas un projet à une volonté européenne.
08:22 Oui, on est en train de fidéliser ce qu'on appelle dans notre jargon un "AI Act".
08:28 Alors pour quelles facteurs ça veut dire ?
08:30 "AI" donc "intelligence artificielle", donc "act", c'est un acte législatif.
08:35 Donc il a précisément qui organise, qui structure, qui régule l'intelligence artificielle.
08:41 Alors il ne faut pas évidemment tout réguler.
08:42 Il faut évidemment, il y a des tas de choses très positives dans l'intelligence artificielle.
08:46 On le voit quand on est dans la conduite assistée.
08:49 On le voit évidemment en médecine, par exemple pour lire de façon beaucoup plus précise des radios,
08:55 avec l'expérience précisément qui peut être acquise.
08:58 Peut-être aussi aider à piloter certains robots dans le cadre d'interventions très précises.
09:02 Et donc qu'est-ce que vous allez réguler ?
09:03 Mais il faut être très précis sur la façon dont ça se fait.
09:06 Donc on va réguler quatre niveaux.
09:08 Le premier, c'est tout ce qui sera interdit.
09:09 Il sera interdit par exemple de faire ce qu'on appelle du "social scoring",
09:12 c'est-à-dire de faire en sorte que, on dit, ben voilà, on regarde ce que vous êtes,
09:14 on regarde ce que vous avez fait dans votre vie.
09:16 Et puis on dit, en fonction de toutes les informations qu'on a accumulées,
09:18 vous avez tel métier qui est autorisé ou tel autre qui est interdit.
09:22 Au fond, on bloque l'avenir.
09:24 Ça c'est complètement interdit, c'est ce qui se passe en Chine, pas parenthèse.
09:27 Et ça, ce qui se passe en Chine pour nous, ce sera totalement interdit.
09:30 Notamment la surveillance et puis ce qu'on fait des données que l'on récupère.
09:35 Quand on fait des interventions très risquées ou potentiellement risquées,
09:41 je faisais allusion tout à l'heure à la médecine,
09:43 eh bien là aussi, ce sera très contrôlé.
09:45 Il faut voir comment on a entrainé ces algorithmes, avec quelles données.
09:48 Et puis, pour les logiciels tels que ceux auquel Midi journée ou ChatGPTV notamment,
09:54 là donc on crée des images artificielles ou des textes,
09:56 donc qui ont été des textes générés par l'intelligence artificielle,
09:59 il faudra impérativement indiquer que ces textes ou ces images
10:03 sont issus de l'intelligence artificielle pour éviter précisément,
10:07 ce qu'on appelle dans votre jargon, les fake news.
10:09 – Exactement, ce sera préquent, ce texte européen.
10:12 – Les 27 ont voté pour, maintenant ça y est, les 27 États,
10:16 maintenant c'est au Parlement, donc dès que ça sera voté par le Parlement,
10:20 le texte viendra en vigueur.
10:22 – Donc on peut effectivement, vous pensez qu'on peut réguler encore
10:24 l'intelligence artificielle ?
10:25 – Ah ben c'est clair, ça fait trois ans qu'on travaille dessus,
10:27 donc on a vraiment énormément consulté, travaillé.
10:30 – Vous avez de l'avance par rapport à d'autres pays ?
10:32 – Oui, les États-Unis sont très loin, et il nous semble que c'est très important,
10:35 encore une fois, d'avoir cette organisation, cette grille,
10:39 qui à la fois permet les développements, et il y en aura qui seront des développements
10:43 qui vont générer beaucoup de progrès, mais qui contrôlent précisément
10:47 pour qu'on préserve ce à quoi nous sommes attachés en Europe,
10:49 et notamment l'État de droit.
10:50 – Merci beaucoup Thierry Betton, commissaire européen chargé du marché intérieur.
10:54 Merci d'avoir été l'invité d'EKV.

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