Ça vous regarde - Nucléaire : 30 ans de "divagation politique" ?

  • l’année dernière
- Grand témoin : Nicolas Baverez, historien, éditorialiste et auteur de « démocraties contre empires autoritaires » (L'Observatoire)

LE GRAND DÉBAT / Nucléaire : 30 ans de "divagation politique" ?

« Le chrono de Blako » par Stéphane Blakowski

Jeudi 6 avril 2023, la commission d'enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de la France a remis son rapport. Ce-dernier contient : « les 6 erreurs de notre politique énergétique, les 6 leçons énergétiques pour les 30 prochaines années et les 6 chantiers opérationnels ». Il est complété par 30 recommandations pour les 30 prochaines années. Ce rapport préconise notamment une loi de programmation énergétique, une réforme profonde du marché de l'électricité européen et une systématisation des appels d'offre pour les 50 parcs éoliens off-shore. La politique énergétique française peut-elle se passer du nucléaire ?

Invités :
- Antoine Armand, député Renaissance de Haute-Savoie
- Anne-Laure Blin, députée LR de Maine-et-Loire
- Julie Laernoes, députée EELV de Loire-Atlantique
- Géraldine Woessner, journaliste au Point

LE GRAND ENTRETIEN / Nicolas Baverez : guerre en Ukraine, quel nouveau monde demain ?
Dans son essai « Démocraties contre empires autoritaires » (L'Observatoire), Nicolas Baverez décrit l'aveuglement des démocraties occidentales face à la montée des empires autoritaires, Russie et Chine en tête. La guerre en Ukraine a cassé le mythe de la paix perpétuelle et « constitue pour les démocraties une forme d'ultime avertissement ». Mais l'Occident réussira-t-il à réinventer le libéralisme politique afin de conserver son modèle démocratique ?

- Grand témoin : Nicolas Baverez, historien, éditorialiste et auteur de « démocraties contre empires autoritaires » (L'Observatoire)

BOURBON EXPRESS :
- Elsa Mondin-Gava, journaliste LCP

LES AFFRANCHIS :
- Raphaël Legendre, journaliste à l'Opinion
- Vincent Hugeux, professeur à Sciences Po et ancien grand reporter

Ça vous regarde, votre rendez-vous quotidien qui prend le pouls de la société : un débat, animé par Myriam Encaoua, en prise directe avec l'actualité politique, parlementaire, sociale ou économique.
Un carrefour d'opinions où ministres, députés, élus locaux, experts et personnalités de la société civile font entendre leur voix.

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Transcript
00:00 [Générique]
00:06 Bonsoir, bienvenue, ça vous regarde en direct notre grand témoin ce soir, c'est vous Nicolas Bavray, bonsoir.
00:11 - Bonsoir.
00:12 - Économiste et historien, vous publiez "Démocratie contre empire autoritaire" aux éditions de l'Observatoire.
00:18 C'est un essai qui analyse en profondeur la grande confrontation à l'œuvre et depuis longtemps,
00:23 entre l'Occident d'un côté, la Russie et la Chine de l'autre.
00:26 Nous avons des ennemis et nous avons trop tardé à les voir comme tels.
00:30 Nous dites vous en substance, on va y venir, mais tout n'est pas perdu, vous restez optimistes
00:34 et on peut sauver nos valeurs, les valeurs de la liberté politique, on en parle longuement tout à l'heure.
00:39 Mais on commence ce soir avec un rapport choc, celui de la commission d'enquête de la filière française sur le nucléaire.
00:46 Un curie dérive, dériva... dé... dé... divagation pardonnez-moi, divagation, les mots sont forts,
00:53 divagation politique, les députés, ils accablent les décisions des pouvoirs publics sur les 30 dernières années
01:00 et ils essayent de tirer les leçons des erreurs passées.
01:03 Alors comment retrouver indépendance et souveraineté énergétique ?
01:06 C'est notre grand débat ce soir avec nos invités.
01:09 Avant de retrouver à 20h15 les partis pris de nos affranchis et puis Bourbon Express,
01:14 bien sûr l'histoire du jour à l'Assemblée.
01:16 Voilà pour le menu ce soir, vous me suivez Nicolas Bavrec ?
01:18 Merci beaucoup.
01:19 Et bien c'est parti !
01:20 Musique
01:22 Des décisions prises à l'envers.
01:33 Une lente dérive, un effarant cocktail d'ignorance, de cynisme, de naïveté ou de démagogie, ça fait beaucoup.
01:40 Rarement un rapport parlementaire n'aura été aussi cinglant pour pointer les erreurs
01:45 qui ont conduit à la perte de souveraineté et d'indépendance énergétique de notre pays.
01:49 Bonsoir Antoine Armand.
01:50 Bonsoir.
01:51 C'est vous le rapporteur de cette commission d'enquête, vous êtes député Renaissance de Haute-Savoie
01:56 et vous avez égrené les erreurs commises sur les 30 dernières années lors d'une conférence de presse.
02:00 On en verra quelques estrets, c'était à la mi-journée à l'Assemblée.
02:04 Bonsoir Anne Lorblain.
02:05 Bonsoir.
02:06 Merci d'être là, vous êtes députée Les Républicains du Maine et Loire.
02:09 La droite a aussi sa part dans la perte de souveraineté dans les années 2000-2010, on en dira un mot.
02:14 Bonsoir Julie Lahernousse.
02:16 Bonsoir.
02:17 Bienvenue sur ce plateau, vous êtes députée Europe Écologie-Les Verts de Loire-Atlantique,
02:20 vous êtes membre de cette commission d'enquête, mais vous n'avez pas voté ce rapport, vous ne cautionnez pas ces conclusions.
02:27 Vous nous direz pourquoi.
02:29 Enfin bonsoir Géraldine Le Sner, grande spécialiste du dossier nucléaire, que vous suivez entre autres pour le journal Le Point.
02:36 Nicolas Bavray, évidemment, intervenez quand vous le souhaitez dans ce débat, vous connaissez aussi ces questions énergétiques.
02:42 Alors que dit-il précisément ce rapport ? Il a 200 secondes, pas facile pour nous le résumer.
02:47 Le chrono de Blaco pour commencer.
02:49 Et je me retourne pour vous accueillir Stéphane, bonsoir.
02:57 Bonsoir à toutes et tous.
02:59 Alors ce rapport ?
03:00 Ce matin j'étais un peu ému, ce qui n'arrive pas souvent quand on regarde LCP,
03:04 mais moi j'étais un peu chafouin après les débats sur la réforme des retraites,
03:09 le chahut, un peu façon Hanouna, ça ne me déplaisait pas.
03:12 Et ce matin j'ai vu que les représentants du peuple, de la nation comme vous voudrez,
03:15 étaient capables de se mettre d'accord sur les sujets extrêmement importants,
03:19 peut-être même le sujet le plus important, donc pas la réforme des retraites, mais la souveraineté énergétique de notre pays.
03:25 Regardez comme c'était beau, voyez sur la gauche de l'écran, le LR Schellenberger qui a voté la censure du gouvernement Borne,
03:30 qui serre chaleureusement la main à Antoine Armand qui est là ce soir et qui lui a voté pour la réforme des retraites.
03:37 Donc il y a eu vraiment un vote très favorable sur ce rapport, 31 membres, 2 voix contre, qui représentaient les écologistes et les insoumis.
03:44 Alors c'est bien sûr impossible de résumer un rapport de 400 pages en 200 secondes,
03:49 donc je ne vais pas réussir à le faire, mais si je devais essayer, je dirais qu'il y a 3 erreurs commises dans le passé
03:55 qu'on doit éviter de reproduire si possible.
03:57 Donc la première, ça serait avant de prendre une décision politique,
04:01 ça serait bien de consulter sérieusement et les scientifiques et les industriels qui sont concernés par la question.
04:07 Et le meilleur exemple d'erreur qui a pu être commise dans le passé, c'est bien sûr le choix de supprimer les 24 réacteurs prises par François Hollande,
04:14 la version d'Arnaud Montebourg, on l'écoute.
04:16 L'accord a été présenté par Martine Aubry à l'époque comme un changement de société et par Cécylne Duflot comme une rupture historique.
04:23 Pour moi c'est un accord de coin de table, c'est-à-dire qu'on s'est mis d'accord sur un marqueur politique
04:28 avec une manière à marquer les esprits et on s'est retrouvé avec un programme qui expliquait qu'il fallait fermer 24 réacteurs.
04:37 Et après, eh ben, vogue la galère.
04:41 Et vogue la galère.
04:43 Alors cela dit, pas de Hollande-Baching, ou pas trop en tout cas, parce que vous savez bien que les politiques doivent tenir compte de l'opinion.
04:48 Or en 2011, c'était Fukushima et donc forcément la Cote du nucléaire avait sérieusement plongé.
04:54 Mais ça nous rappelle que l'émotion doit pas forcément prendre le pas sur la raison.
04:58 Même aujourd'hui, regardez, Sandrine Rousseau dit elle-même qu'on est souvent trop rationnel en politique, peut-être par provocation.
05:04 Elle dit "moi je préfère les sorcières plutôt que les ingénieurs".
05:07 Mais c'est pas juste rigolo, regardez les jeunes, quand on fait des sondages, il y a une majorité de jeunes qui sont convaincus que le nucléaire produit autant de CO2 que le gaz et le charbon.
05:17 Donc il y a de la pédagogie à faire.
05:19 Ils sont pas nombreux, mais s'il y a des jeunes qui nous regardent, je leur dis "c'est faux".
05:22 Donc ça c'est, on peut essayer d'œuvrer un petit peu pour la chose.
05:25 La deuxième erreur à ne pas reproduire si possible, c'est de jeter des belles idées en l'air sans se soucier de la manière dont on les réalise concrètement, donc de manière industrielle.
05:34 Exemple, l'eau renouvelable. Vraiment une super idée, c'est pas moi qui dirais du mal de ça, sauf qu'aujourd'hui, presque la totalité des panneaux solaires sont fabriqués en Chine.
05:42 Et ça, au point de vue de la souveraineté, forcément c'est un petit peu moyen, donc il faut créer des filières industrielles en France.
05:48 Et donc Antoine Armand, peut-être par provocation, disait "attention, regardez, on a Total chez nous, une entreprise très populaire, qui fait des plateformes de forage flottantes.
05:56 Et si ils faisaient des éoliennes flottantes ? Est-ce que ça serait pas une bonne idée ?"
06:01 Bah écoutez-le.
06:02 Si 50 parcs éoliens permettent d'améliorer considérablement notre production à court terme, j'entends à moins de 15 ans, et donc à moins de 10 ans en particulier,
06:11 il faut qu'on puisse réduire, voire supprimer les procédures de concertation et de délibération qui ne sont pas absolument essentielles à la qualité technique du projet et à la préservation de l'environnement.
06:21 Bon, j'imagine que vous n'êtes pas très contentes en entendant ça, mais tout le monde doit se remettre en cause dans ce dossier.
06:26 La troisième erreur, c'est la dernière que je vais vous citer à ne pas commettre, c'est de faire une confiance aveugle à l'Europe.
06:31 Je sais bien qu'on a longtemps pensé que ceux qui critiquaient l'Europe étaient forcément des populistes.
06:34 Bah voyez, aujourd'hui, même un Européen convaincu, comme Antoine Armand, dit "non, sur la question de l'énergie, on ne peut pas payer l'électricité pas chère qu'on a grâce au nucléaire, au prix du gaz, la France doit passer avant l'Europe".
06:45 On l'écoute.
06:46 Je le dis en tant que député profondément pro-européen, nous ne pouvons plus, nous ne devons plus accepter un cadre européen qui désavantage la France et qui va à l'encontre de ses intérêts vitaux.
06:57 Donc comme prévu, c'était complètement impossible de résumer 400 pages en 200 secondes, mais juste une image quand même, pour vous lancer le débat.
07:03 Regardez, ça c'est ce qui nous attend, c'est le mur énergétique.
07:07 C'est-à-dire que si on ne prend pas très vite des décisions, on fonce dedans.
07:10 Mais vous êtes là pour en débattre.
07:12 On espère qu'on ne va pas aller jusque-là.
07:14 Merci beaucoup Stéphane.
07:15 On va continuer à parler du diagnostic, parce qu'il y a aussi des propositions pour l'avenir.
07:20 Antoine Armand, on parle énormément des années Hollande, ce serait la période la plus grave d'erreurs commises, etc.
07:26 Mais pas seulement, il y a 30 ans d'incurie, et si on remonte à la décennie de la fin des années 90, jusqu'à 2010, il y a 10 années de perdues.
07:36 Expliquez-nous ça.
07:38 Oui, il me semble que ce que les auditions ont très bien montré, c'est que cette décennie de la fin des années 1990 au début des années 2010, c'est une décennie de grande latence.
07:48 Où nous ne mettons pas en place des filières pour développer les énergies renouvelables.
07:53 Une période où on produit plus d'électricité qu'on en consomme.
07:56 On produit un petit peu plus d'électricité qu'on en consomme, on l'exporte, c'est très bien, et donc on est victime de ce que j'appelle une illusion surcapacitaire.
08:04 On croit que finalement, on n'aura pas besoin de plus d'électricité dans le futur, alors que nous sommes déjà conscients de l'importance de réussir la transition écologique.
08:12 Et donc, les filières industrielles en matière d'énergie renouvelable ne sont pas développées sur notre continent européen.
08:18 Nos outils de maîtrise de la demande, d'efficacité, de sobriété énergétique ne sont pas développés.
08:23 L'anticipation de la prolongation des centrales n'est pas anticipée, alors que, tenez-vous bien, en 1991, un rapport de l'OPEX, l'Office parlementaire scientifique, dit "attention, il y aura un effet fallaise, tous nos réacteurs devront être renouvelés en même temps".
08:38 Le vieillissement des centrales, c'est ça.
08:39 Et nous nous retrouvons donc à la fin de ces années 2000 avec ce retard déjà accumulé.
08:43 Bon, alors, ça, c'est Anne Lorblain, les années en question, c'est la droite au pouvoir en partie.
08:49 Chirac, Sarkozy, il y a eu des erreurs de commises aussi dans ces années-là ?
08:53 En fait, ce travail qui a été souhaité par les députés les Républicains, parce que c'est nous qui avons demandé cette commission d'enquête,
08:59 visait justement à regarder les choses de manière objective et pour anticiper, justement, et permettre de se corriger.
09:07 Il y a effectivement peut-être à l'époque un certain nombre de difficultés d'anticipation.
09:13 Je prends des exemples dans le rapport Arrêt de Superphénix qui aurait permis à la France de gagner.
09:19 Ça, c'est les années Jospin.
09:20 Mais moi, ce que je retiens surtout, c'est pour demain.
09:23 Et quand je vois les chiffres que Blacôt nous a donnés tout à l'heure sur ce que croient aujourd'hui les Français sur l'énergie nucléaire,
09:31 moi, ce que j'observe, c'est qu'il y a aujourd'hui beaucoup de désinformation.
09:35 Et en tant que parlementaire aux responsabilités, en tout cas élue au Parlement, nous avons et nous devons cette vérité aux Français
09:43 que de dire que le nucléaire est une énergie décarbonée, que nous ne pouvons pas nous priver du nucléaire,
09:50 que le tout énergie renouvelable est purement et simplement impossible.
09:54 Ça, les Français l'ont compris. Il y a un tournant de l'opinion massive qui montre une prise de conscience.
09:58 Je ne crois pas. Vous voyez, sur notamment le solaire, le développement massif du solaire,
10:03 on a un vrai manque d'informations sur l'origine, et ça a été dit très justement, sur l'origine de la fabrication de ces panneaux solaires.
10:12 Et moi, je regrette aujourd'hui qu'il n'y ait pas eu, et tous les Français l'entendent d'ailleurs très bien,
10:17 d'abord cette initiative du gouvernement de développer le plan de programmation énergétique.
10:23 Nous avons commencé à examiner à l'automne le plan énergie renouvelable.
10:28 Nous venons de terminer à peine la question du nucléaire et seulement à l'automne nous verrons ce plan de programmation.
10:34 Alors là, vous vous projetez vers l'avenir. On va y venir, mais je voudrais qu'on reste sur ce diagnostic,
10:37 parce que c'est quasiment 400 pages qui décrivent quand même 30 ans d'incurie.
10:42 Le gros du gros, c'est ce fameux accord électoral. François Hollande, signé en 2011, on est après la primaire.
10:48 Martine Aubry, Cécile Duflo d'un côté, François Hollande de l'autre, avec des circonscriptions en jeu et un programme,
10:55 notamment en matière énergétique, pas plus de 50 % de nucléaire d'ici à 2025 dans le mix électrique.
11:02 Avec le recul, Julie Laranus, est-ce que vous re-signeriez cet accord-là ?
11:08 La situation est laquelle aujourd'hui. On est dépendant à 60-70 % de l'énergie nucléaire en France.
11:15 On savait que les centrales allaient vieillir.
11:18 On voit aujourd'hui les problématiques de la compatibilité entre le nucléaire et le changement climatique,
11:26 notamment en matière d'eau, et on avait besoin, même Emmanuel Macron l'avait annoncé au début de son quinquennat,
11:32 de diversifier nos sources d'approvisionnement. Pour la dépendance énergétique et la souveraineté,
11:39 quelle énergie la meilleure, c'est celle qu'on ne consomme pas ?
11:43 On aurait dû, et ça faisait aussi partie de cet accord électoral, mettre des investissements massifs
11:50 sur la rénovation énergétique et thermique des bâtiments, ainsi que sur les transports.
11:55 C'est un premier point que je trouve qu'on n'a pas assez observé.
12:00 La France accuse un retard en matière d'énergie.
12:04 Mais vous ne me répondez pas sur les 50 %.
12:06 Je vous réponds. Le deuxième élément de cet accord électoral sur les 50 %, c'était de diversifier notre mix électrique.
12:13 Pourquoi ? Parce qu'en France, et Nathalie Cochus-Comorizel a dit pendant une des auditions,
12:19 on a fait le Grenelle de l'environnement. On n'a pas parlé à cette occasion du nucléaire.
12:23 Pourtant, tous les fonds du Grenelle sur l'énergie sont allés sur le nucléaire.
12:27 La France est le seul pays qui n'est pas en capacité d'atteindre ses objectifs en matière d'énergie renouvelable.
12:33 Pourquoi ? On l'a vu et on a pu l'observer, et moi j'en tire ces conclusions-là de ces heures d'audition,
12:39 que cette opposition en France entre l'investissement public dans le nucléaire et dans les énergies renouvelables
12:45 fait aujourd'hui qu'on a un retard.
12:47 On a un retard qui fait en sorte qu'on fait face à une difficulté grandissante,
12:52 puisqu'on a tout misé sur le nucléaire, et donc notre souveraineté et notre indépendance,
12:56 elle est remise en question.
12:58 Et puis la dernière question...
12:59 Même l'objectif des 50 % n'a pas fait accélérer les ENR, les énergies renouvelables.
13:02 En fait, cet objectif, la problématique, et on l'a très bien vu,
13:05 c'est qu'en réalité, quand on voit l'audition de Arnaud Montebourg que vous avez vue,
13:10 la France n'a pas réellement mis en place les politiques publiques pour permettre d'atteindre cet objectif.
13:17 Ce n'était pas juste une question de fermer des réacteurs, puisqu'on avait un parc existant...
13:21 Un défaut d'anticipation, de planification.
13:23 Mais c'était d'augmenter la part des énergies renouvelables,
13:27 et c'est ça qu'on n'a pas réussi à faire et pas créer les filières industrielles,
13:30 puisqu'on a tout misé sur le nucléaire.
13:32 -Géraldine Vossener, sur cet accord, ce qui marque dans le rapport,
13:35 c'est qu'il ne s'appuie sur aucune étude d'impact scientifique,
13:38 et que de manière générale, la place des techniciens, des scientifiques,
13:43 dans la décision politique est quasi absente.
13:46 -Elle est totalement absente, et on l'entend encore ce soir.
13:49 C'est que les Français, et une très grande partie de la classe politique,
13:53 a en réalité, y compris Emmanuel Macron,
13:56 a découvert, il y a quelques mois, à l'occasion de la crise énergétique,
14:01 que remplacer du nucléaire, du pilotable, par des renouvelables intermittents,
14:06 ça ne marchait pas.
14:07 On a eu un anticyclone, pas de vent, la nuit, pas de soleil,
14:11 et simplement, le système s'effondre.
14:14 Je vous garantis que de très nombreux politiques
14:17 ont fait une découverte à cette occasion.
14:20 Et là, on revient aussi aux années Sarkozy,
14:23 il y a une espèce de grande confusion qui s'est installée
14:26 dans l'esprit des politiques et des Français
14:29 quand on a fait le Grenelle de l'environnement.
14:32 On a invité toutes les ONG écolo et antinucléaire autour de la table
14:37 et on a mis dans la tête des gens l'idée que sortir du nucléaire,
14:42 c'était agir pour le climat, ce qui n'a rien à voir.
14:45 Agir pour le climat, ça aurait été de développer le nucléaire
14:49 en même temps qu'on développait fortement les énergies renouvelables.
14:52 Et toutes les énergies renouvelables, d'ailleurs,
14:55 et également thermiques, dont vous parlez dans votre rapport.
14:58 Si bien qu'aujourd'hui, on se retrouve face non seulement à une classe politique
15:02 et des gens qui n'ont pas encore complètement compris ces notions complexes,
15:06 et un mur qu'on voyait venir, encore une fois, depuis le premier jour,
15:10 depuis le lancement du parc nucléaire, on sait ce qui va se passer.
15:14 -Nicolas Bavray, vous êtes consterné aussi quand vous voyez
15:18 ce manque d'anticipation, ces erreurs commises,
15:21 ou vous dites quand même "on est à un tournant,
15:24 il y a une prise de conscience et maintenant on va planifier".
15:27 -Là où on peut effectivement être consterné, c'est que si on regarde l'histoire,
15:31 dans les années 70, on a réussi à mobiliser,
15:34 et de manière assez prémonitoire, à construire un système énergétique
15:39 qui était d'abord, qui assurait aux citoyens une énergie abondante et bon marché,
15:45 qui était un vrai facteur de compétitivité pour l'économie,
15:49 et qui assurait notre indépendance énergétique.
15:52 Et à la suite des erreurs qui ont été mentionnées,
15:55 on se retrouve aujourd'hui avec des citoyens qui sont étranglés
15:59 par des factures qui explosent, et avec des conséquences,
16:03 y compris politiques, sur le développement de l'extrémisme.
16:07 On se retrouve avec des entreprises qui sont exsangues,
16:10 et dont un certain nombre vont disparaître.
16:13 -17 milliards d'euros d'EF.
16:15 -Plus, effectivement. L'entreprise à qui on a fait porter
16:18 une partie du poids du bouclier, de manière complètement irrégulière,
16:22 parce que l'État n'avait aucun droit de mettre à la charge
16:26 de cette entreprise ces sommes.
16:29 Bref, au-delà d'EDF, il y a quand même des pans entiers
16:32 de l'industrie française qui sont soit à l'arrêt,
16:36 et des artisans qui sont dans des situations désespérées.
16:41 Enfin, sur le plan de l'indépendance,
16:44 on est obligés d'importer à prix fort de l'électricité,
16:49 et dernière chose, en plus, c'est vrai que le nucléaire
16:53 est décarboné, et que l'électricité qu'on importe
16:57 vient principalement d'Allemagne, et le tiers est produit
17:01 avec du charbon, ce qui est une catastrophe écologique.
17:04 C'est la situation qu'on a réussi à fabriquer.
17:07 -Le système est complètement fou.
17:09 -De ce point de vue, maintenant, c'est vrai qu'il faut repartir
17:13 sur les erreurs commises, et il faut essayer,
17:16 avec la difficulté que les systèmes énergétiques,
17:19 c'est des gros paquebots, et donc la durée d'investissement,
17:22 c'est précisément ce qu'on a raté.
17:24 Maintenant, il faut corriger surtout les erreurs intellectuelles.
17:28 Et la principale, c'est qu'on a raisonné, j'allais dire,
17:32 énergie par énergie, et avec cette idée, effectivement,
17:35 que le nucléaire, c'était le diable,
17:38 et que les renouvelables, c'était le...
17:40 Notre ennemi, ce qui nous fait mourir,
17:42 c'est pas le nucléaire, c'est le carbone.
17:44 Donc il faut reprendre tout ça avec deux choses.
17:47 Premièrement, il n'y aura pas de diminution de la consommation,
17:50 on doit faire des économies, mais l'idée, par ailleurs,
17:53 de planifier 20 % de baisse de la consommation d'électricité
17:56 alors qu'on veut passer à la voiture électrique...
17:59 -La demande va exploser. -C'est un énorme mensonge.
18:02 -On sent qu'il y a encore une correction de lunettes à faire.
18:06 Pour terminer sur le diagnostic...
18:08 -Moi, je suis absolument en contradiction totale.
18:12 Il y a deux choses qui peuvent mettre un terme à la vie sur Terre.
18:16 Le réchauffement climatique et le nucléaire.
18:18 Vous pouvez dire ce que vous voulez.
18:20 Le nucléaire, une catastrophe nucléaire,
18:22 c'est donc croire que l'une va sauver l'autre
18:26 et relève de l'imposture.
18:28 Il y a, à un moment donné,
18:30 ce n'est pas de l'imposture intellectuelle.
18:32 Moi, je suis inquiète. J'aimerais croire,
18:34 comme des millions de lobbies nucléaires le véhiculent,
18:37 qu'il y a une solution magique
18:39 qui permettrait de sortir des émissions de gaz à effet de serre
18:43 et de maintenir notre niveau de vie actuel.
18:45 Ce n'est pas le cas.
18:47 Toutes les questions qu'on a posées sur la filière du nucléaire,
18:50 sur la gestion des déchets,
18:52 sur la compatibilité avec le réchauffement climatique
18:55 et les ressources en eau disponibles...
18:57 Le fiasco du nucléaire, ça a été vu dans la commission...
19:00 -Antoine Armand, vous répétez. -Je voudrais...
19:02 L'EPR de Flamanville, sait-on construire un nouvel EPR ?
19:05 -Vous répondez, parce que vous les connaissez,
19:08 les griefs qui sont portées au nucléaire,
19:10 mais c'est pas un débat pour ou contre le nucléaire.
19:13 -Je trouve que ce que vient de dire Mme Lernouz,
19:16 qui représente EELV, est très significatif,
19:19 parce qu'en quelques secondes, on a eu un concentré d'histoire
19:22 et de contre-vérité.
19:24 Première contre-vérité, le nucléaire est en mesure
19:27 de mettre fin à l'humanité. Ca n'a aucun sens scientifique.
19:30 Ca n'a aucun sens scientifique, ce que vous dites.
19:33 Je vous invite à faire la distinction
19:35 entre l'énergie nucléaire civile et militaire.
19:38 On pourra parler enrichissement. C'est totalement faux.
19:41 Deuxième chose, vous l'avez dit, mais je pensais même plus
19:44 que depuis Dominique Voynet, on disait ça en France.
19:47 Vous avez dit "je préfère le carbone au nucléaire".
19:50 -J'ai jamais dit ça. -Vous venez de dire
19:52 "si je dois choisir, je préfère le carbone au nucléaire".
19:55 -Le nucléaire ne met pas pas en règle la problématique
19:58 du carbone, la question du climat...
20:00 -Le carbone au nucléaire, et l'eau...
20:02 -Et du refroidissement pour les cuves.
20:04 -Il y a une grande partie des réacteurs
20:06 qui sont en circuit ouvert et qui ne font que prélever de l'eau
20:09 et la rendre très rapidement, souvent en plus,
20:12 d'un point de vue maritime, c'est-à-dire de la mer à la mer,
20:15 donc l'impact de température est faible.
20:17 -Ils vont être sous l'eau et menacés par la montée des crues.
20:20 -Vous avez des centrales en circuit dit "fermé"
20:23 qui consomment une partie de l'eau, 12 %, et non plus 40 %,
20:26 et ces chiffres sont en train d'être révisés.
20:29 -Mais, monsieur le maire, si on n'est pas capables,
20:32 collectivement, après 150 heures d'audition,
20:35 de regarder en face des faits scientifiques,
20:38 des réalités techniques, des contraintes industrielles,
20:41 nous n'avons aucune chance de réaliser ce qui est un objectif.
20:44 Et je finis là-dessus, puisque nous avons la chance
20:47 d'avoir Nicolas Vabré sur le plateau.
20:49 La liberté est un combat.
20:51 Pourquoi est-ce qu'on veut de la souveraineté énergétique ?
20:54 Pourquoi est-ce que je propose un inventaire minier
20:57 qui ne peut pas faire de la souveraineté énergétique ?
21:00 -Parce que demain, nous ne pouvons pas mettre
21:03 notre destin éolien photovoltaïque dans les mains de la Chine.
21:06 -J'aurais voulu qu'on termine le diagnostic,
21:09 parce que vous avez le courage, comme député de la majorité,
21:12 de reconnaître que les années Macron n'ont pas été parfaites.
21:15 La fermeture de Fessenheim n'était pas une fatalité,
21:18 vous l'écrivez noir sur blanc.
21:20 Pourquoi Emmanuel Macron a amené autant de temps à réagir,
21:23 alors qu'il était secrétaire général de l'Elysée,
21:26 plutôt pronucléaire ?
21:28 -Plutôt pronucléaire ?
21:30 Oui, mais non, je pense pas.
21:32 Je pense qu'en fait, il fait aussi partie
21:35 de cette génération de politiques qui s'est complètement
21:38 désintéressée de ces sujets techniques, technologiques et industriels.
21:41 Ça n'était pas son sujet, ça n'est pas dans son scope.
21:44 Il a cru, parce qu'on le lui disait,
21:47 qu'effectivement, il suffirait de développer des renouvelables,
21:50 beaucoup, qu'on ferait des interconnexions avec les voisins
21:53 et que finalement, tout irait pour le mieux.
21:56 Il a réellement découvert, je pense, le sujet,
21:59 assez tardivement, et ça pose la question
22:02 que vous posez très bien, que vous soulevez très bien
22:05 dans le rapport et qu'avait soulevée dans une audition
22:08 qui était saisissante Yves Bréchet, qui a été au commissaire
22:11 à l'énergie atomique. Pendant six ans de mandat,
22:14 entre 2012 et 2018, Yves Bréchet, il est pas reçu
22:17 par les services de la Première ministre,
22:20 il produit 4000 pages ou 5000 pages de rapports
22:23 qu'il remet en main propre à des conseillers
22:26 qui les enterrent aussitôt. On n'a pas voulu...
22:29 Il y a un mépris de l'industrie,
22:32 un mépris des réalités concrètes et physiques
22:35 de ce monde, parce que la politique est très utopique,
22:38 on doit porter des visions, des rêves, mais on ne peut rien bâtir
22:41 sous des rêves. -En tout cas, le rapport
22:44 impute des responsabilités à tous les camps politiques.
22:47 Dans cette deuxième partie de débat sur la question
22:50 du marché européen de l'électricité, c'est très compliqué.
22:53 Le rapport préconise la suspension de l'AREN,
22:56 l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique
22:59 tant que ces règles européennes ne sont pas réformées.
23:02 De quoi parle-t-on précisément ? Comment a-t-on pu décider
23:05 que les concurrents d'EDF pourraient s'approvisionner
23:08 en électricité auprès d'EDF à prix cassé ?
23:11 Explication, Marco Pogni.
23:13 ...
23:17 -Je propose donc de suspendre l'AREN et de la compenser
23:20 sur des crédits budgétaires par l'Etat.
23:23 -L'AREN, un acronyme en 5 lettres,
23:26 pour accès régulé à l'électricité nucléaire historique,
23:29 un dispositif mis en place en 2011,
23:32 obligeant EDF à vendre un quart
23:35 de son électricité nucléaire à prix cassé
23:38 à ses propres concurrents.
23:41 Pour ses concurrents, il y en a une quarantaine.
23:44 TotalEnergie, EcoWater ou encore PlumeEnergie,
23:47 les prix de revente d'EDF, eux, sont fixés par l'Etat.
23:50 Pour les patrons de l'entreprise publique,
23:53 ce dispositif est une aberration.
23:56 -L'AREN est une monstruosité.
23:58 -Le principe même pour un industriel d'accepter
24:01 de céder sa propre production à ses concurrents virtuels
24:04 qui n'ont aucune obligation de production eux-mêmes.
24:07 C'est quand même surréaliste.
24:10 -A l'origine de cette situation, une directive européenne
24:13 pour ouvrir à la concurrence le marché
24:16 de la production d'électricité.
24:19 Pour rester l'unique exploitant de ces réacteurs nucléaires,
24:22 l'entreprise publique doit donc partager sa rente.
24:25 Le monopole d'EDF devait être corrigé, selon Bruxelles.
24:28 -Le problème, c'est que Bruxelles,
24:31 consciente de ça, a introduit des pilules empoisonnées
24:34 pour empêcher EDF de s'imposer sur le marché.
24:37 -Un rapport parlementaire publié en 2021
24:40 estime que l'AREN est en partie responsable
24:43 de l'affaiblissement d'EDF.
24:46 Mais pour le gouvernement, le dispositif a aussi un avantage.
24:49 Il constitue une protection
24:52 face à la hausse des prix de l'électricité.
24:55 -L'AREN, c'est un des mécanismes
24:58 qui permet que les consommateurs français,
25:01 ménages, collectivités, entreprises
25:04 puissent bénéficier de ce coût de production bas.
25:07 -L'année dernière, en pleine crise énergétique,
25:10 le gouvernement avait obligé EDF
25:13 à vendre davantage d'électricité à bas prix
25:16 à ses concurrents.
25:19 Une décision contestée par le groupe,
25:22 mais jugée légale par le Conseil d'Etat.
25:25 -Anne Lorblain, vous soutenez cette proposition.
25:28 Est-ce qu'elle est même possible ?
25:31 Il faudrait que le gouvernement le décide.
25:34 Ce moyen de tarif régulé aux concurrents d'EDF ?
25:37 -C'est ce que nous avons demandé.
25:40 S'il y a un combat à mener à l'Europe, c'est celui-ci.
25:43 Aujourd'hui, ce n'est pas possible
25:46 qu'on se serve et qu'on utilise
25:49 ce système sur le dos de l'endettement d'EDF.
25:52 Quand j'ai auditionné le nouveau président d'EDF,
25:55 c'est une question très précise que je lui ai posée.
25:58 Savoir s'il était capable, avec le gouvernement,
26:01 avec le président de la République,
26:04 de tenir tête à l'Europe pour que nous puissions avoir
26:07 une énergie qui soit à tarif acceptable
26:10 et qui, en tout cas, ne soit pas en deçà de ce que l'on produit.
26:13 -Il y a deux sujets très techniques,
26:16 Géraldine Wössner, pour faire de la pédagogie.
26:19 On fixe le tarif de l'électricité en l'indexant sur le gaz.
26:22 C'est le niveau européen, aujourd'hui,
26:25 où, finalement, on gagnait ce rapport de force.
26:28 -Parce que la piste de nucléaire a été réduite.
26:31 -Et à côté de ça, il y a un... -Il ne faut pas dire tout est son contraire.
26:34 -Je parle de votre contrôle.
26:37 -Le marché de l'électricité en Europe a bien évidemment
26:40 été construit avec la France. Pourquoi la France était d'accord
26:43 sur ce mécanisme-là ? Parce qu'il pouvait revendre
26:46 son électricité nucléaire qu'il produisait à moindre coût
26:49 à un coût beaucoup plus élevé à ses pays voisins.
26:52 Donc EDF et la France ont largement profité
26:55 de ce système et de ce mécanisme européen.
26:58 Aujourd'hui, la question de l'arène, c'est la manière
27:01 dont l'Etat français a trouvé pour répondre
27:04 à la question de la libéralisation du marché.
27:07 -C'est deux sujets différents. -La tarification, la fixation du prix.
27:10 -Quand on a questionné M. Proglio, il a dit
27:13 que les 42 euros, on les a faits aux doigts mouillés,
27:16 un peu comme l'ouverture de Flamanville.
27:19 -Et Antoine Armand, suspendre l'arène.
27:22 -C'est une évidence de suspendre l'arène,
27:25 mais ça, pour les raisons qu'expliquaient
27:28 tous les patrons d'EDF. Il y avait une belle unanimité là-dessus,
27:31 simplement par principe. Le principe même
27:34 de dire à un producteur d'électricité, en l'occurrence EDF,
27:37 "Tu vas financer, tu vas payer
27:40 tes concurrents pour qu'ils existent",
27:43 c'est une aberration. On dit que c'est une libéralisation
27:46 du marché. -C'est l'Etat français
27:49 qui a inventé ce propre mécanisme.
27:52 EDF était un monopole de faits.
27:55 -Effectivement. Mais je pense qu'il faut aussi reconnaître
27:58 à un moment que l'énergie,
28:01 c'est le sang d'un pays. C'est un élément
28:04 vital d'une nation. Ca ne peut pas
28:07 être considéré comme un autre bien.
28:10 -Ca veut dire que ça n'est pas une marchandise qu'on peut soumettre
28:13 selon les règles du libre-essence ? -De ça dépend
28:16 la survie d'une société. D'ailleurs,
28:19 l'Allemagne le sait. Elle n'a eu de cesse que de faire en sorte
28:22 que l'avantage compétitif que représentait le nucléaire
28:25 français soit brisé via
28:28 les règles imposées à Bruxelles. -C'est très dangereux.
28:31 -L'économiste que vous êtes... Vous aurez le mot de la fin.
28:34 -Pour aller très vite. L'erreur...
28:37 L'idée du marché européen,
28:40 c'est loin d'être idiote. Le fait d'avoir des interconnexions,
28:43 normalement, ça peut participer de la sécurité énergétique.
28:46 Qu'est-ce qu'on a fait comme erreur ? Première erreur,
28:49 on s'est intéressé uniquement à baisser les prix
28:52 pour le consommateur. Personne n'a regardé les problèmes de production.
28:55 Et on s'est retrouvé en sous-production.
28:58 Deuxièmement, l'idée du prix,
29:01 c'est effectivement ce qu'on appelle le prix marginal
29:04 qui est sur la dernière installation qu'on met en route
29:07 et effectivement, c'était le gaz. Pourquoi ?
29:10 Parce que tout ce système était adossé,
29:13 et c'est vrai que c'était les Allemands qui avaient beaucoup pesé là-dessus,
29:16 sur le gaz russe. Et donc, on a mis en place
29:19 deux pièges
29:22 qui ont été tragiques.
29:25 Premier piège, qui est qu'on s'est retrouvé
29:28 en sous-capacité de production massive
29:31 avec des problèmes créés par les renouvelables
29:34 et qui ont été intermittents. Et deuxièmement, on s'est mis dans la main des Russes.
29:37 Complètement. Et on a laissé à Vladimir Poutine
29:40 la liberté de fixer le prix du gaz
29:43 en plus d'avoir... -Sur le nucléaire, on est dans la main des Russes aussi.
29:46 -Non, non, ça c'est faux.
29:49 -C'est tout à fait vrai. -40% de l'uranium en Régie
29:52 vient de Russie. -Antoine Armand, c'est moins de 16%.
29:55 Vos chiffres ne sont pas exacts. C'est les chiffres de Greenpeace.
29:58 Ils ne sont pas exacts. -Pour terminer ce débat,
30:01 vous l'aurez, le débat sur la question nucléaire et russe.
30:04 -On les a mis en coulisses. -En coulisses.
30:07 On va terminer ce débat avec vous, Antoine Armand.
30:10 Est-ce que Bruno Le Maire a une chance de se faire entendre à Bruxelles ?
30:13 Il a son bâton de pèlerin sur cette question-là
30:16 depuis plusieurs mois. -Si ça avance, la proposition
30:19 de la Commission européenne est dans le bon sens.
30:22 La question, il faut se la poser dans l'autre sens.
30:25 Nous sommes des parlementaires qui avons vocation à porter
30:28 la loi de programmation énergétique du pays.
30:31 La France porte une ambition de réforme du marché européen.
30:34 Nous en avons besoin, c'est une évidence,
30:37 mais nous avons besoin d'un marché européen qui reconnaît
30:40 le patrimoine national que sont les concessions hydroélectriques,
30:43 qui reconnaît la force française qu'est le nucléaire.
30:46 Donc battons-nous au service de la souveraineté française.
30:49 -Merci beaucoup. On va s'arrêter là. On suit ces questions
30:52 sur LCP de très près. Il y a une loi de programmation
30:55 qui est en train de se dérouler. Vous serez les bienvenus
30:58 pour en débattre. Vous restez avec moi, Nicolas Baverez,
31:01 dans une dizaine de minutes, les parties prises de nos affranchis.
31:04 Ce soir, le regard de Raphaël Le Gendre sur le mouvement social
31:07 contre la réforme des retraites, 11e journée d'action aujourd'hui.
31:10 Celui de Vincent Hugeot sur la visite d'E. Macron en Chine
31:13 et puis Bourbon Express, la niche parlementaire écolo.
31:16 Ce sera avec Elsa Mondingava à tout à l'heure.
31:19 Les amis, on va plonger dans votre dernière escelle.
31:22 Les démocraties sont attaquées de toutes parts, on le sait,
31:25 mais avec le tournant de la guerre en Ukraine,
31:28 elles se défendent et l'Ukraine résiste
31:31 grâce aux livraisons d'armes, démocratie contre empire autoritaire.
31:34 La liberté est un combat. On voit cela dans l'invitation
31:37 d'Hélène Bonduelle et on en parle ensemble juste après.
31:40 -Merci.
31:41 -Si on vous invite, Nicolas Baverez,
31:45 c'est parce qu'en ces temps troubles sur la planète,
31:48 vous affirmez que notre paix est menacée.
31:51 Les démocraties pensaient leur sécurité et leur avenir garantis,
31:54 mais voilà que l'invasion de l'Ukraine par la Russie
31:57 rebat les cartes et les confronte, selon vous,
32:00 plus que jamais aux empires autoritaires.
32:03 La paix qui dure depuis trois décennies
32:06 n'aurait-elle été qu'une illusion ?
32:08 C'est l'objet de votre dernier livre,
32:10 "Démocratie contre empire autoritaire".
32:13 -On a cru qu'on entrait dans le développement
32:16 et puis la prospérité et puis la paix éternelle.
32:19 En réalité, on verra avec le recul
32:22 que cette période 89-2022 n'a rien été d'autre
32:25 qu'un nouvel entre-deux-guerres.
32:27 Et ça, c'est une remise en cause profonde.
32:30 -Ce n'est pas la première fois que vous enjoignez
32:34 les dirigeants occidentaux à se réveiller.
32:36 Nicolas Baverez, vous êtes historien, économiste,
32:39 éditorialiste et membre de l'Institut Montaigne.
32:42 Dans vos différents ouvrages, vous évoquez le déclin de la France.
32:46 Cette fois-ci, il en va de la survie de la démocratie,
32:50 de la liberté politique.
32:52 Le défi des empires autoritaires
32:55 repose sur la volonté d'éradiquer la démocratie
32:59 et surtout la détestation de l'Occident.
33:02 Au premier rang de ces empires autoritaires,
33:05 la Chine et la Russie,
33:07 qui, ces jours-ci encore, rappelaient leur coopération stratégique
33:11 alors que le dirigeant chinois se rendait pour la première fois
33:15 à Moscou depuis 2019.
33:17 -Nous sommes partenaires dans une coopération stratégique globale.
33:22 Il doit donc y avoir des relations étroites entre nos pays.
33:26 -Nous avons de nombreuses tâches et objectifs communs.
33:29 Nous savons que vous, personnellement,
33:31 nos amis chinois, accordez une grande attention
33:34 au développement des relations russo-chinoises.
33:37 -Face à cela, dites-vous, la France doit se réarmer,
33:40 militairement, bien sûr, mais aussi politiquement,
33:43 moralement et intellectuellement.
33:45 Alors, Nicolas Bavere, à l'heure où Emmanuel Macron,
33:49 en visitant Chine, rappelle à son homologue Xi Jinping...
33:53 -Je sais pouvoir compter sur vous pour ramener la Russie
33:57 à la raison et tout le monde à la table des négociations.
34:00 -Nous avons une question pour vous.
34:02 Redoutez-vous réellement une Troisième Guerre mondiale ?
34:06 -Réponse, Nicolas Bavere.
34:09 -Eh bien, il faut évidemment tout faire pour l'éviter.
34:12 Et la meilleure manière de l'éviter,
34:15 c'est effectivement que les démocraties mettent en place
34:18 une stratégie d'endiguement de ces empires autoritaires,
34:22 qui sont aujourd'hui décidés à les éradiquer,
34:26 une stratégie de dissuasion militaire,
34:30 mais de refus, évidemment, de l'escalade militaire,
34:33 pour empêcher la confrontation de devenir ouverte,
34:36 également une stratégie de dialogue avec les sociétés civiles,
34:40 parce qu'on peut espérer que la Russie, un jour,
34:44 boira le poutinisme comme elle a bu le communisme.
34:49 Et puis, il y a un nouvel enjeu très important,
34:52 qui sont les pays du Sud,
34:54 qui sont attirés par ces empires autoritaires.
34:57 -Le Sud global. On va y venir.
34:59 -Si vous voulez, c'est pour ça que le réarmement
35:02 est la meilleure manière d'empêcher une nouvelle guerre mondiale.
35:06 -Vous allez nous dire comment,
35:08 mais ce qui est intéressant dans cet essai,
35:11 c'est qu'au fond, c'est endormi dans cette idée
35:14 qu'on était entrés dans une sécurité, une forme de paix,
35:17 en Occident, la fameuse fin de l'histoire.
35:19 Or, vous vous dites, au contraire,
35:21 cette période-là, chute du mur de Berlin, 1989,
35:24 jusqu'à 2022, invasion de la Russie, invasion d'Ukraine par la Russie,
35:28 c'était une période transitoire, au fond,
35:32 c'est une période d'entre-deux-guerres, c'est ça ?
35:35 -Oui, c'est-à-dire que, clairement,
35:38 2022, ça restera une année historique,
35:41 c'est l'ouverture de la grande confrontation
35:44 entre les régimes autoritaires et les démocraties,
35:47 et tout le monde attendait que ça se passe plutôt à Taïwan,
35:50 et ça se passe en Europe et en Ukraine,
35:53 avec deux formes, un conflit de haute intensité en Ukraine,
35:57 avec un niveau de violence, de perte, de destruction,
36:00 comme on n'en a pas connu depuis la Seconde Guerre mondiale,
36:03 et puis, il faut jamais l'oublier,
36:05 il y a une guerre hybride contre l'Europe aussi.
36:08 -Elle a commencé depuis longtemps, cette guerre.
36:11 -Avec le gaz, avec l'alimentation, avec les manipulations des flux de migrants,
36:15 avec la désinformation, avec les cyberattaques,
36:18 y compris contre les hôpitaux, avec les menaces aussi,
36:21 y compris nucléaires.
36:23 -C'est forme multiple de guerre.
36:26 Les Occidentaux, ou même les Européens,
36:29 pourrait-on dire, n'ont pas su l'avoir
36:32 ou n'ont pas voulu l'avoir, avant ?
36:35 -Non, on n'a pas voulu le voir,
36:37 c'est-à-dire qu'on a deux formes de somnambulisme.
36:40 Il y a le somnambulisme version le début du XXe siècle,
36:45 où on voit pas la mécanique diabolique des alliances,
36:49 et puis, il y a le somnambulisme version années 30,
36:52 où, parce que les démocraties sont elles-mêmes
36:55 tellement en difficulté qu'elles n'arrivent pas à s'unir
36:59 et à répondre à la menace, à l'époque, des Etats totalitaires.
37:03 Aujourd'hui, ça a été un peu la même chose,
37:06 parce que, si vous voulez,
37:08 les guerres, on en a faites,
37:10 mais ça a été des guerres inutiles, enlisées, perdues,
37:14 on peut le dire stupides.
37:16 C'est l'Afghanistan, c'est le Irak, c'est la Syrie,
37:19 c'est le Sahel.
37:20 On a perdu le contrôle du capitalisme aussi en 2008,
37:24 parce qu'on a cédé à la facilité,
37:26 aux dividendes, non seulement de la paix,
37:29 mais de l'argent facile.
37:31 Et c'est vrai que, Etats, actionnaires, entreprises,
37:35 consommateurs, tout le monde a voulu vivre à crédit.
37:38 -La détestation de l'Occident.
37:40 Si on prend l'exemple de la Chine,
37:42 elle date pas d'hier, la détestation de l'Occident,
37:45 ça remonte à quand, précisément ?
37:47 Est-ce que c'est la Révolution populaire,
37:49 ou c'est même avant le XIXe siècle,
37:51 où il y avait une domination anglaise,
37:53 mais européenne, dans ces pays ?
37:55 -Bien sûr, il existe en Chine un ressentiment
37:58 contre ce que les Chinois appellent l'époque des traités inégaux.
38:02 Et c'est vrai que la Chine,
38:04 qui était une très grande puissance,
38:06 qui est une puissance millénaire,
38:08 il faut rappeler qu'avant la Révolution industrielle,
38:11 la Chine, c'est de très loin la première économie du monde.
38:14 Ça fait 30 % du PIB mondial en 1800.
38:16 Et ensuite, la Chine a non seulement décliné,
38:20 mais elle a été en partie dépecée.
38:23 Et donc, que ce soit une humiliation extrêmement forte
38:27 pour les Chinois, que la Chine,
38:29 et que ce soit mis au crédit du Parti communiste et de Mao,
38:34 d'avoir refait la souveraineté,
38:36 oui, mais une toute autre chose
38:38 est ce que fait la Chine aujourd'hui,
38:40 qui est elle-même de s'inscrire
38:42 dans une projection de puissance impérialiste,
38:46 avec, explicitement dit par Xi Jinping depuis 2012,
38:50 l'idée que la Chine doit dominer le monde en 2049.
38:53 Et que dans cette domination,
38:55 il y a effectivement non seulement le supplanté des Etats-Unis,
38:59 mais de bâtir un système de zone d'influence
39:03 où la liberté n'a pas le droit de citer.
39:05 Et ça, ça pose un énorme problème.
39:07 - Justement, ça va plus loin que simplement deux blocs,
39:10 l'Occident d'un côté, la Chine et la Russie de l'autre.
39:13 Quand on parle du Sud global,
39:15 on sent bien que cette position anti-occidentale
39:18 rassemble bien au-delà de ces deux grandes puissances.
39:21 - Absolument. Le Sud, on le dit global,
39:23 en réalité, il est très divers,
39:25 mais le ressentiment anti-occidental, il existe.
39:28 Il y a le passé colonial et il y a aussi des erreurs.
39:31 C'est vrai que, par exemple, la manière dont on a géré
39:34 certaines situations de surendettement,
39:36 également pendant la crise de Covid,
39:38 où c'est vrai qu'une fois qu'on a trouvé l'issue avec le vaccin,
39:41 le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on n'a pas fait grand cas,
39:45 on n'a pas fait grand cas de l'universalité de la pandémie.
39:49 Il y a quand même eu un très grand égoïsme.
39:51 D'ailleurs, les démocraties sont même battues entre elles
39:54 pour être prioritaires, et on ne peut pas dire
39:56 qu'on ait fait grand cas du Sud.
39:58 Donc, si on veut discuter, parce que, vous voyez,
40:01 le problème, c'est cette fragmentation en blocs du monde,
40:04 mais qui fait qu'on ne peut pas gérer les risques planétaires.
40:07 On a parlé de réchauffement climatique,
40:09 mais on a aussi des problèmes stratégiques,
40:11 des problèmes financiers, on voit remonter une crise bancaire,
40:14 on a le problème du terrorisme.
40:16 Tout ceci, ça sera beaucoup plus compliqué à gérer
40:19 si on est en bloc.
40:21 Mais ce qui est vrai, c'est qu'il est très important
40:24 pour les démocraties de casser, effectivement,
40:27 ce ressentiment contre l'Occident.
40:30 - Alors comment, concrètement ?
40:32 Vous parlez de reconnaître un certain nombre d'erreurs.
40:35 Peut-être qu'il va falloir aller plus loin
40:37 dans les déclarations de dirigeants,
40:39 mais aussi de se réarmer moralement, politiquement.
40:42 Qu'est-ce que ça veut dire, ça ?
40:44 - Alors, ça, si vous voulez,
40:46 ça veut dire avoir une stratégie vis-à-vis des empires autoritaires,
40:50 mais ça veut dire aussi...
40:52 - Prise de conscience.
40:54 - Oui, mais la politique, c'est pas seulement...
40:56 La prise de conscience est très importante, la pédagogie,
40:59 mais derrière, il faut l'action.
41:01 - Ça veut dire quoi ? On fait quoi ?
41:03 Une guerre économique ? - Non, non, non.
41:05 Il y a la partie extérieure, mais il y a aussi une partie intérieure.
41:08 C'est là où la comparaison avec les années 30 fonctionne.
41:11 Ce sont quand même des pays
41:13 dans lesquels on a profondément déstabilisé la classe moyenne.
41:16 Donc, il faut travailler sur les deux plans.
41:18 Il faut d'abord répondre aux problèmes intérieurs des démocraties,
41:21 parce que, le moins qu'on puisse...
41:23 - Parce qu'elles sont très fragiles, aujourd'hui.
41:25 - Une partie des critiques qui leur sont adressées sont justes.
41:28 Par exemple, l'explosion des inégalités aux Etats-Unis.
41:31 On a un niveau d'inégalité comparable au 19e siècle.
41:34 C'est quand même, dans la plus grande démocratie du monde
41:37 et la plus riche, une aberration.
41:39 On a eu plus d'un million de morts de la Covid aux Etats-Unis,
41:42 alors que le pays le plus riche du monde investit 18 % dans sa santé.
41:46 Donc, il y a du travail chez nous.
41:48 Et puis ensuite, il faut définir, ce que j'indiquais,
41:51 une stratégie raisonnable qui permette d'endiguer ces régimes,
41:55 mais sans tomber, évidemment, dans l'escalade militaire.
42:00 Et pour le Sud, c'est vrai qu'on est beaucoup donneur de leçons.
42:04 Je pense qu'il faut écouter aussi ce que disent les pays du Sud.
42:09 Sur le réchauffement climatique, par exemple, c'est vrai que...
42:12 - Pour les pays les plus pauvres, les plus impactés par le réchauffement.
42:15 - Par exemple, si on prend le stock de toutes les émissions depuis l'Afrique,
42:20 il est responsable de 3 % du stock des émissions.
42:23 Et par ailleurs, on n'a aucune raison,
42:26 contrairement à certains discours maltusiens,
42:29 je ne vois pas au nom de quoi on peut expliquer aux Africains
42:33 que c'est tout à fait normal que la majorité de la population du continent
42:37 n'ait pas accès à l'électricité.
42:39 Et que celle qui a accès à l'électricité ou à l'eau,
42:42 c'est de manière intermittente.
42:44 - Oui, c'est autant une prise de conscience qu'un retour sur soi-même
42:47 et être capable aussi de tenir compte des inégalités et des erreurs.
42:52 - Exactement. Et donc, si vous voulez, c'est ça, ce nouveau réglage.
42:55 C'est un monde multipolaire, il est hors de question.
42:58 Le but, c'est pas que l'Occident domine le monde.
43:00 On va avoir un monde multipolaire, on reconnaît les autres,
43:03 mais on se bat pour protéger la liberté,
43:08 nos modes de vie et notre civilisation, parce qu'elle existe.
43:11 - Merci beaucoup. On va continuer à parler de votre livre
43:14 dans les chroniques qu'on va accueillir tout de suite.
43:17 "Démocratie contre empire autoritaire, la liberté est un combat",
43:21 c'est aux éditions de l'Observatoire.
43:23 On va passer au parti pris de nos affranchis.
43:26 Est-ce qu'ils sont là, nos affranchis, pour leur parti pris ?
43:29 Toujours pas. Non ? Bah écoutez, il faut qu'ils arrivent.
43:33 Est-ce qu'on peut les faire entrer ?
43:36 Bon, écoutez, je voulais qu'on vous fasse réagir à...
43:40 Allez-y, on vous attend ! Mais qu'est-ce que vous faites ?
43:43 Elsa Mondin-Gava, pour la chronique parlementaire.
43:47 Vincent Jeux, voilà, vous allez pouvoir réagir à sa chronique,
43:50 parce qu'elle prolonge votre réflexion sur Emmanuel Macron
43:55 et son voyage d'Etat en Chine,
43:57 et Raphaël Lejean de l'Opinion,
43:59 qui va revenir sur cette 11e journée d'action
44:02 contre la réforme des retraites. Bourbon Express, pour commencer.
44:05 L'histoire du jour à l'Assemblée nous est racontée par Elsa Mondin-Gava.
44:09 Bonsoir, Elsa. -Bonsoir. Je vais vous raconter
44:11 l'histoire du groupe écologiste à l'Assemblée nationale,
44:14 qui avait cette journée pour essayer,
44:16 et c'est difficile quand on a un groupe d'opposition,
44:18 de faire adopter des textes de loi.
44:20 Première tentative, c'était ce matin,
44:22 et ça a duré jusqu'en partie de l'après-midi,
44:24 une proposition de loi pour mieux manger.
44:26 L'idée, c'était de créer une prime alimentaire
44:28 pour aider les ménages modestes à lutter contre l'inflation.
44:31 Premier revers, le gouvernement a préféré sa version,
44:34 moins ambitieuse, qui encourage des initiatives locales.
44:37 Mais ensuite, motif d'espoir pour les écolos,
44:39 puisque contre l'avis du gouvernement,
44:41 deux amendements ont été adoptés,
44:43 un communiste, un insoumis,
44:45 pour bloquer l'épruie des produits alimentaires
44:48 et des produits de première nécessité, de certains produits.
44:51 Le président de la Commission des Affaires économiques,
44:53 le député renaissance Guillaume Casbarian,
44:55 n'y va pas de main morte quand il demande à l'Assemblée
44:58 de ne surtout pas voter cette proposition de loi.
45:00 Écoutez.
45:01 Une mesure communiste d'inspiration marxiste
45:05 qui est de dire que les prix alimentaires doivent être bloqués.
45:08 À vous entendre, cette proposition de loi,
45:10 c'était les chars qui revenaient à l'Assemblée nationale.
45:13 C'est pas exactement ce que j'ai dit.
45:14 Je dis que le texte issu de nos débats dans l'hémicycle
45:16 n'avait plus rien à voir avec les débats qu'on avait eus en commission.
45:19 L'examen en hémicycle a permis le passage de deux amendements
45:21 communistes d'inspiration effectivement marxiste.
45:24 Factuellement, le blocage des prix.
45:25 Est-ce que vous ne pensez pas quand on leur dit bloquer les prix,
45:27 les gens disent "oui, Banco, il faut bloquer les prix
45:29 parce que maintenant les courses c'est trop cher, je ne m'en sors pas".
45:32 C'est une très belle question économique.
45:33 La réalité c'est qu'aucun pays qui a mis en place
45:35 le blocage prolongé des prix n'a jamais réussi quoi que ce soit.
45:38 Parce que le blocage des prix, à la fin, c'est des pénuries,
45:40 c'est des producteurs qui ne produisent plus
45:41 parce qu'ils disent "j'arrive pas à m'en sortir".
45:43 Et au final, c'est des supermarchés qui sont vides.
45:45 Alors dans le texte, il y avait aussi l'instauration
45:47 d'une deuxième alternative végétarienne pour les cantines,
45:50 l'interdiction des nitrites, très présente dans le jambon,
45:53 et donc rejeté et rejeté.
45:55 Déception donc de la rapporteure du texte de loi.
45:57 Est-ce que vous êtes déçue ou est-ce que finalement
46:00 vous vous y attendiez un petit peu ?
46:02 Les deux, j'ai envie de dire les deux.
46:04 On est déçue parce que voilà, ça fait des mois de travail,
46:08 parce qu'on a rencontré des acteurs locaux, des associations,
46:12 on a pris la température, on est conscient de l'urgence
46:15 qu'il y a derrière ces questions de précarité alimentaire,
46:18 de santé, d'enjeux environnementaux.
46:21 Et en fait, on fait face à une action complète,
46:25 une action complète sur ces trois volets.
46:27 Donc on est en colère, on est déçus,
46:30 mais en même temps, on a envie de continuer le combat.
46:34 Alors, les journées de niche parlementaire,
46:36 il y a plein de propositions de loi.
46:38 Quel autre texte pour les écolos aujourd'hui ?
46:40 Eh bien écoutez, il y a un texte qui vient d'être adopté
46:42 il y a quelques minutes, c'était une proposition de loi
46:44 de Sandrine Rousseau sur le retrait gonflement de l'argile.
46:47 Ça concerne énormément de maisons qui ont des fissures.
46:50 Elle propose de mieux indemniser les propriétaires de ces maisons.
46:53 Eh bien son texte a été adopté il y a quelques minutes,
46:56 grâce notamment aux voix de la droite,
46:58 la droite qui vote un texte de Sandrine Rousseau,
47:00 c'est assez savoureux, et donc un demi-succès.
47:03 Donc pour l'instant, une sur deux pour les écolos.
47:06 Tout à l'heure, il y a l'interdiction des jets privés,
47:08 il y a aussi l'interdiction de la chasse le dimanche.
47:11 Alors la séance s'est terminée à 20h,
47:12 elle va reprendre à 21h30 jusqu'à minuit,
47:15 parce que l'énigme parlementaire, c'est comme Cendrillon,
47:17 à minuit, tout s'arrête.
47:18 Voilà, c'est très conométré, sauf que la dernière,
47:20 on a un tout petit peu dépassé.
47:22 Petite anecdote, ça s'est fini autour de 20h15,
47:24 ce n'était pas par gentillesse pour les écolos.
47:26 Non, c'est parce que le ministre qui était au banc,
47:27 Jean-François Combes, il est arrivé un petit peu en retard
47:29 à la séance de 15h, il était coincé à cause des manifestations
47:33 aux abords de l'Assemblée.
47:34 Les écolos ont donc rattrapé leur temps.
47:37 Et si vous voulez suivre l'énigme ce soir,
47:39 partons évidemment, notre équipe web,
47:41 suivez-tout sur le compte Twitter de LCP.
47:43 Merci beaucoup, Elsa.
47:44 L'actualité sociale, Raphaël, c'était évidemment
47:47 cette 11e journée de mobilisation contre la réforme des retraites.
47:51 Quel bilan, ce soir, vous tournez à C ?
47:53 Oui, bonsoir Myriam.
47:54 Alors, les manifestations, on en parlait effectivement,
47:56 570 000 manifestants de partout en France,
48:00 57 000 à Paris, une mobilisation en baisse,
48:03 en très nette baisse, c'est la moitié,
48:05 deux fois inférieure à celle du 7 mars,
48:08 des manifestations, on en a pris l'habitude,
48:10 malheureusement, émaillées d'incidents,
48:12 notamment à Paris, où l'on a vu le restaurant
48:14 favori des Macrons, la rotonde en feu,
48:17 la devanture de la rotonde en feu,
48:19 comme on le voit sur les images,
48:21 et d'ores et déjà, l'intersyndical qui annonce
48:24 une nouvelle journée de mobilisation,
48:26 ce sera jeudi prochain, le 13 avril,
48:28 à la veille de la décision du Conseil constitutionnel
48:31 sur la réforme des retraites.
48:34 Alors, le débat, maintenant, il a été lancé hier,
48:37 à la sortie de Matignon, par Laurent Berger,
48:39 est-on en train de passer d'une crise sociale
48:42 à une crise démocratique ?
48:44 Eh bien, personnellement, je trouve, moi,
48:46 qu'on a surtout l'impression, depuis trois mois,
48:49 de vivre en pleine crise de déni,
48:51 de déni du réel, que ce soit du côté de l'exécutif,
48:54 qui n'a pas été capable d'expliquer
48:57 la réforme à l'opinion,
48:59 que du côté de l'opinion publique,
49:01 qui pense pouvoir continuer, sans effort supplémentaire,
49:04 à bénéficier du régime de pension
49:07 le plus généreux d'Europe.
49:09 Alors, ce soir, je veux simplement rappeler
49:11 quelques évidences éclipsées
49:13 durant les trois mois de discussion lunaire
49:15 que nous avons eues au Parlement.
49:17 -Alors, quelles évidences ?
49:19 -D'abord, numéro un, dans tout régime par répartition,
49:22 un facteur clé détermine tous les autres,
49:25 c'est la démographie.
49:27 Je vous donne simplement un chiffre.
49:29 Entre 2000 et 2030,
49:31 le nombre de retraités en France
49:33 va passer de 12 à 20 millions.
49:35 C'est quasiment un doublement en une génération.
49:38 C'est une bombe démographique
49:40 qui va littéralement changer le visage de la France.
49:44 Et personne, personne n'en a parlé dans ces débats.
49:47 -Et ça va avoir forcément des conséquences
49:49 sur les dépenses sociales.
49:51 -Bien sûr, une explosion, Myriam.
49:53 C'est pour cela que rien faire serait irresponsable.
49:56 Et cette bombe, on la connaît, tout est chiffré.
49:59 Les tableaux sont dans le projet de loi de financement
50:02 de la Sécurité sociale, qui a apporté cette réforme.
50:05 Que disent ces tableaux ?
50:07 Que depuis 2019, les dépenses sociales
50:09 ont augmenté de 80 milliards d'euros
50:11 et que d'ici la fin du quinquennat,
50:13 elles vont à nouveau dépenser de plus de 80 milliards d'euros.
50:16 Cela veut dire qu'en sept ans,
50:18 les dépenses sociales vont bondir de 160 milliards d'euros.
50:21 Que sur deux quinquennats, en dix ans,
50:23 Emmanuel Macron aura augmenté la dépense sociale
50:26 de près de 200 milliards d'euros.
50:28 Alors même que les dépenses militaires
50:30 vont devoir elles-mêmes doubler,
50:32 413 milliards dans la nouvelle loi de programmation militaire.
50:35 -Les dépenses pour la transition énergétique.
50:37 -Les dépenses pour la transition environnementale, écologique.
50:40 Bien sûr, ce sera plus de 100 milliards supplémentaires
50:43 chaque année.
50:44 À un moment, l'argent, je le dis tout de go,
50:47 ne tombe pas du ciel.
50:48 Si la France veut continuer de voler en première classe,
50:51 elle devra payer son billet.
50:53 Elle devra le payer en travaillant davantage.
50:56 Tout le reste, c'est de la littérature.
50:58 -Merci. Voilà une carte blanche.
51:00 Un parti pris, Sylvie Raphaël-Legendre.
51:02 Elle est nécessaire pour vous, cette réforme des retraites ?
51:05 -Bien sûr. Ce qui a été dit,
51:07 c'est qu'on ne peut pas avoir un système de répartition
51:10 qui est en déséquilibre.
51:11 Contrairement à ce que les gens pensent,
51:13 on ne cotise pas pour sa retraite,
51:15 on paye pour ceux qui sont en retraite.
51:17 Il y a les deux données, la démographie, ça a été rappelé.
51:20 L'autre grande donnée, ce sont les gains de productivité.
51:24 Les gains de productivité, malheureusement,
51:26 ils diminuent dans notre pays depuis 2019.
51:29 Et donc, à partir de là...
51:32 -Moins de productivité, plus de personnes.
51:35 -Ce qui est vrai aussi, je pense que ce que dit Laurent Berger,
51:38 c'est une réforme qui est nécessaire
51:40 et qui, d'ailleurs, était par bien des côtés insuffisante,
51:44 mais sur cette réforme nécessaire,
51:46 on a effectivement greffé une vraie crise sociale
51:49 et une vraie crise démocratique.
51:51 -Vous n'avez pas peur de dire le mot "crise démocratique" ?
51:54 -Il y a une issue à essayer de trouver,
51:59 mais qui ne peut pas être le statu quo,
52:03 ni sur la... Enfin, le statu quo,
52:06 réforme, gouvernement, stratégie, majorité,
52:09 si on laisse tout ça en place, il n'y a pas d'issue.
52:13 -Le 14 avril, on verra la décision du Conseil constitutionnel.
52:17 Alors, on a gardé la chronique chinoise,
52:20 franco-chinoise de Vincent Rugez,
52:22 parce qu'on a envie de vous entendre
52:24 sur Emmanuel Macron face à Xi Jinping.
52:27 C'est à vous, Vincent.
52:28 -Fuyant le marasme hexagonal,
52:30 Emmanuel Macron s'est envolé mardi
52:32 pour reprendre la tournure gaullienne
52:34 vers l'Orient compliqué avec des idées simples.
52:36 L'Orient compliqué, soit, pour ce qui est des idées simples,
52:39 il faut voir, sur le front russo-ukrainien,
52:41 postule le président français,
52:43 Pékin peut jouer un rôle majeur dans le tracé d'un chemin de paix.
52:46 En fait, chemin, une ligne de crête étroite et piégeuse en diable.
52:50 Peu importe, la Chine est bien, comme l'avance élisée.
52:53 La seule actrice susceptible de réfréner
52:55 la fuite en avant dévastatrice de Moscou.
52:57 Encore faudrait-il qu'elle y consente.
52:59 -Alors, scénario crédible ou pas ?
53:01 -Scénario illusoire.
53:03 Xi Jinping ne lâchera pas Vladimir Poutine
53:05 pour donner corps à son obsession,
53:07 faire au moins jeu égal avec les Etats-Unis.
53:09 Il a besoin d'un obligé russe prêt à lui céder pétrole et gaz à vil prix,
53:13 mais certes pas d'un vassal vaincu.
53:15 L'hypothèse d'une Chine médiatrice est une chimère.
53:18 Son prétendu plan de paix est une arnaque.
53:20 L'empire du milieu n'est pas celui du juste milieu.
53:23 Macron a pêché par naïveté envers Poutine.
53:25 Il serait fâcheux qu'il cède à la tentation de la candeur
53:28 vis-à-vis de M.Xi.
53:30 -Quelles sont ces idées pas si simples évoquées en préambule ?
53:34 -L'Oscar de l'opacité revient à ce ténébreux mandrat.
53:37 Il ne faut pas se désassocier de la Chine.
53:40 Quiconque percera le mystère de la formule
53:42 gagne une porcelaine de l'air Ming.
53:44 Plus sérieusement, la troisième voie que Paris préconise
53:47 d'un impérium américain et des appétits péquinois reste à dessiner,
53:50 tout aussi ambigu, le concept de puissance d'équilibre
53:53 que revendique la France.
53:55 Celle-ci n'a pas, n'a plus les moyens d'une telle ambition.
53:58 De quels équilibres parle-t-on ?
54:00 Faudrait-il pour exister se tenir à mi-distance
54:02 de l'allié et de l'adversaire ?
54:04 -Ce voyage est inutile, selon vous ?
54:06 -Bien sûr. En entraînant dans son sillage Ursula von der Leyen,
54:10 patronne de la Commission européenne,
54:12 Macron a choisi le bon format et déjoué le piège du tête-à-tête.
54:16 La France n'est qu'une des provinces du vieux continent,
54:19 seule entité à même de lui tenir tête sur le terrain économique.
54:22 Encore faut-il qu'Emmanuel et Ursula,
54:24 laquelle a osé sommer la Chine d'infléchir son cap sur l'Ukraine,
54:28 parlent d'une même voie.
54:30 Quand on invoque l'unité, la tactique du "good cop, bad cop",
54:33 le bon et le mauvais flic, tourne à vide.
54:36 -Quelle trace va laisser ce voyage de Pékin à Canton ?
54:40 -Deux événements survenus ce jeudi suffisent à en relativiser la portée.
54:44 D'abord, l'envoi de navires de guerre dans le détroit
54:47 qui sépare la Chine continentale de Taïwan,
54:50 à l'entretien californien entre la présidente de l'île Insoumise
54:54 et le speaker de la Chambre des représentants.
54:56 Ensuite, la rencontre des ministres des Affaires étrangères iraniens et saoudiens,
55:00 à Pékin, là où fut orchestrée le mois dernier
55:03 la normalisation amorcée par les deux frères ennemis du Moyen-Orient.
55:06 C'est assez dire que la République populaire, géant du business,
55:09 prétend aussi au statut de colosse militaire
55:12 et d'acteur diplomatique global, l'ignorait,
55:15 nous exposerait à découvrir à nos dépens que le jeu de gogo...
55:18 Le jeu de go... -Au jeu de gogo.
55:21 Merci beaucoup, Vincent.
55:23 C'est naïf de croire que Pékin peut persuader Moscou de bouger sur l'Ukraine ?
55:28 -Je rejoins l'analyse qui a été faite.
55:30 Je pense que ça relève effectivement de la grande illusion,
55:33 puisque très clairement, l'alliance entre la Chine et la Russie
55:38 devient de plus en plus une alliance militaire,
55:41 que le pseudo plan de paix chinois est un faux semblant,
55:45 ça revient simplement à sanctuariser les conquêtes de Vladimir Poutine,
55:50 et que la Chine ne peut pas accepter la défaite de la Russie.
55:57 Elle profite, par ailleurs, du conflit,
56:00 dans une relation très asymétrique,
56:03 pour récupérer l'accès aux matières premières
56:06 et à l'énergie russe appris cassée, d'un côté.
56:09 En même temps, elle fait attention à ne pas refaire l'erreur des Européens.
56:13 Les Chinois, par exemple, ont refusé le deuxième gazoduc,
56:16 force de Sibérie, car ils ne veulent pas faire l'erreur des Européens
56:20 d'être dépendants des Russes.
56:22 Tout l'importance de ce qui se passe avec l'Iran et l'Arabie saoudite.
56:26 Derrière ça, la Chine est quand même en train de prendre
56:29 le contrôle du marché de l'énergie mondiale,
56:32 et elle fait une autre chose, c'est qu'elle dédollarise le monde,
56:36 parce qu'ensuite, elle installe autour de tous ces accords
56:39 un Petro-Yuan, avec l'idée de repousser le dollar.
56:42 -Si notre président, on a compris qu'il ne va pas tout changer en Chine,
56:46 au moins, il vient avec Ursula von der Leyen, ça, c'est bien joué.
56:50 On pèse davantage, à 27.
56:52 -Ursula von der Leyen a un discours qui est beaucoup mieux structuré
56:57 et beaucoup plus fort que le discours d'Emmanuel Macron.
57:00 -Ce qui est ambigu pour vous, le discours de Macron sur la Russie ?
57:04 -Comme sur la Russie.
57:06 C'est le drame du "en même temps" qui est appliqué à la politique étrangère.
57:10 On ne peut pas dialoguer avec Vladimir Poutine
57:13 et vouloir soutenir l'Ukraine, et on ne peut pas...
57:16 Derrière, il y a une incompréhension complète
57:19 de la nature de ces régimes et de ce que sont ces dirigeants.
57:25 Pour en revenir à l'Union européenne,
57:27 c'est plus intéressant, parce que là, on a un vrai levier.
57:30 On a un vrai levier parce que la Chine a un énorme problème démographique.
57:34 Xi Jinping, entre le zéro Covid et la reprise en main de l'économie
57:38 par le Parti communiste, a cassé la croissance chinoise.
57:42 On est passé de 9,5 à 3 %,
57:45 et le seul vecteur de l'activité, aujourd'hui, ce sont les exportations.
57:50 Entre les Etats-Unis et l'Europe, qui sont donc détestées,
57:56 il se trouve que ça fait 750 milliards d'exportations pour la Chine,
58:00 et il y en a 400 milliards pour l'Europe.
58:03 -On n'avait pas forcé le rapport.
58:05 -Derrière, il y a des problèmes sociaux en Chine.
58:08 Il n'y a pas de suffrage universel,
58:10 mais une population manifeste et est très présente.
58:13 Là-dessus, on a un vrai levier.
58:15 C'est là, d'ailleurs, où il y a un message qui est complètement brouillé,
58:19 parce qu'on ne peut pas venir en voulant jouer ce levier
58:23 avec 50 chefs d'entreprise pour signer des contrats de long terme,
58:27 au moment même où la plupart des entreprises bien gérées
58:30 quittent plutôt la Chine pour diversifier leurs risques.
58:34 -D'un mot, votre réaction, Vincent ?
58:36 -Le chercheur Antoine Bondaz souligne le fait
58:39 que la volonté chinoise de désoccidentaliser le monde
58:43 date d'au moins 20 ans. Ca n'est pas d'hier.
58:46 Deuxième élément, on s'aperçoit que l'ambition chinoise est holistique.
58:51 L'idée d'une Chine géant économique, n'indiplomatique,
58:54 est totalement évolue. -Oui, bien sûr.
58:56 -Les ambitions sont sur trois registres.
58:59 L'économie, la diplomatie, on l'a vu avec l'Iran,
59:02 l'Arabie saoudite, et également le militaire,
59:05 avec la montée en puissance de l'armée.
59:07 -Merci, c'était très complet.
59:09 -On peut dire la technologie aussi qui va avec...
59:12 -Absolument. -Avec le militaire et l'économie.
59:15 -Ca fait beaucoup de leviers.
59:17 -C'est un défi, c'est intéressant,
59:19 mais c'est un défi encore plus compliqué à relever.
59:22 -Voilà. Et voir si on peut le relever,
59:24 on peut lire ce livre, "Démocratie contre empire autoritaire",
59:27 "La liberté est un combat",
59:29 c'est signé Nicolas Baveret aux éditions de l'Observatoire.
59:32 Merci, les Affranchis, pour vos parties prises.
59:35 A demain, même lieu, même heure, très belle soirée sur LCP.
59:38 -Merci beaucoup.
59:40 Sous-titrage Société Radio-Canada
59:44 ...

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