L'invité du jour - Marc Dugain

  • l’année dernière
C’est au cœur de l’Elysée que nous amène Marc Dugain à travers son dernier livre « Tsunami ». Les mandats des derniers chefs de l’Etat mis en lumière par le romancier, il nous raconte son immersion dans l’intimité des Présidents.
Transcript
00:00 - Et l'invité de Télématin, c'est l'écrivain, le réalisateur, le romancier Marc Dugain.
00:04 Bonjour Marc Dugain. - Bonjour.
00:06 - Merci beaucoup d'être avec nous ce matin.
00:08 Vous venez nous présenter votre nouveau roman "Tsunami" qui sort demain chez Albert Michel.
00:14 Marc Dugain, on vous connaît notamment pour "La Chambre des Officiers" qui a été un énorme succès.
00:19 Vous avez aussi publié un essai qui s'appelle "L'homme nu, la dictature invisible du numérique".
00:23 Votre nouveau roman, c'est un peu le carnet intime d'un président de la République.
00:28 Pourquoi cette envie de vous mettre dans la peau du patron ?
00:32 - Parce que ce n'est pas la première fois que je me mets dans la peau de quelqu'un.
00:36 J'aime bien ça dans ma façon d'écrire des romans, j'aime bien être à la première personne.
00:41 J'aime bien m'identifier à mon personnage principal.
00:44 Sinon, ça me met dans une distance que quelquefois je ne maîtrise pas totalement.
00:48 Donc, je préfère être à la première personne.
00:50 C'est ce que j'avais fait avec "Avenue des géants" où je m'étais mis dans la tête d'un tueur en série par exemple.
00:56 Avec "Hoover", quand j'ai écrit la majeure dégâge, j'étais mis dans la tête d'Edgar.
01:01 Et là, je me suis dit, je vais me mettre dans la tête d'un président.
01:02 Le problème, c'est que je ne veux pas être dans la tête d'un président existant.
01:05 Parce que ce n'est pas un livre sur le passé, même s'il y a quelques petites analogies.
01:09 - Il y a quand même quelques passerelles.
01:12 - En même temps, ce n'est pas non plus de l'anticipation, c'est plutôt, je dirais, une forme de présent parallèle.
01:18 C'est-à-dire, je recrée ce qui se passe aujourd'hui.
01:23 C'était il y a six mois. Donc là, évidemment, ce qui est assez bizarre,
01:27 c'est que ce qui se passe dans le livre est en train de se passer réellement aujourd'hui.
01:30 Mais je n'avais pas prévu que ça se passerait aussi vite.
01:34 Et donc, c'est quelque chose qui est un peu en sustentation.
01:38 Et c'est très intéressant à écrire. C'est assez passionnant.
01:42 - Vous écrivez dans le prologue, "Si je fais l'effort de tenir cette sorte de journal en plus de ma charge,
01:46 c'est qu'il y a une bonne raison. Je veux avoir un miroir dans lequel je puisse me regarder."
01:50 Alors, ce n'est pas toujours joli, joli, ce qu'il nous montre ce président,
01:53 mais au niveau aussi des failles d'un homme, ça humanise beaucoup la fonction quand même.
01:56 - Oui, parce que vous savez, pour écrire un livre comme ça, il faut quand même de l'empathie.
02:00 Non pas pour les présidents qui se sont succédés, mais pour la fonction.
02:05 C'est-à-dire comprendre qu'est-ce que ça veut dire que un homme, dans une société où nous sommes 70 millions,
02:12 il y a 70 millions de problèmes, peut-être pas 70 millions de problèmes,
02:15 mais il y a une infinité de problèmes qui lui remontent.
02:18 Et qu'est-ce qui fait que notre société accepte d'être entre les mains d'une seule personne finalement ?
02:26 Parce que c'est ça, c'est ça qui est en train de craquer aujourd'hui d'ailleurs.
02:28 C'est que, il y a des fois où ça fonctionne, puis il y a des fois où ça ne fonctionne pas.
02:33 Et donc là, il y a quelque chose qui interroge la nature même de notre démocratie,
02:39 c'est-à-dire cette délégation pyramidale qui ramène à un homme.
02:44 D'autant que dans la Ve République, on a eu une dérive depuis le général De Gaulle,
02:50 qui est que cet homme s'occupe de tout.
02:52 Ce n'était pas prévu au départ.
02:53 – Un régime hyper-présidentiel ?
02:54 – Au départ, le président, c'était quelqu'un qui était au-dessus des partis,
02:58 qui avait un certain recul, qui était sur les grandes options du futur,
03:02 c'est-à-dire aujourd'hui, ça serait l'environnement, le numérique,
03:06 qui serait, je dirais, à une certaine altitude.
03:10 Et finalement, la fonction n'a fait que se dégrader dans un hyper-président…
03:16 – Qui se retrouve à tout gérer, tous les problèmes.
03:17 – À la fois Premier ministre, ministre, sous-secrétaire d'État quand il le faut,
03:20 et qui en revient absolument à tout gérer.
03:23 Et c'est impossible.
03:24 Aucun homme ne peut vivre ça sans faire des erreurs manifestes.
03:28 Et surtout, le problème qu'on a aujourd'hui avec le président,
03:33 c'est qu'il est dans une hyper-présidentialisation
03:37 et il est totalement coupé du peuple.
03:40 Il n'a aucune idée de ce qui se passe.
03:41 – De quel président vous vous êtes inspiré justement pour ce personnage ?
03:46 – Très honnêtement, un peu de tout le monde et de personne en même temps,
03:49 c'est-à-dire que forcément, quand on est sur une fonction aussi importante,
03:55 on a des références.
03:57 – Quelques noms, quelles sont vos références à vous ?
04:00 – Ce qui était très intéressant pour moi, c'était le côté surprise.
04:07 C'est-à-dire que mon personnage devient président alors personne ne l'attend.
04:12 Et c'est un peu ce qui s'est passé avec Emmanuel Macron.
04:15 Emmanuel Macron ne l'attendait pas.
04:16 – "Je suis une écharde qui s'est insinuée sous la peau d'un de leurs ongles",
04:19 écrivez-vous, pour expliquer la conquête du pouvoir du président de l'Union.
04:23 – Il ne s'attend pas à ce que ce soit lui, et c'est lui.
04:26 Et c'est un peu ce qui s'est passé avec Emmanuel Macron
04:28 qui est un peu arrivé sur un dossier scolaire.
04:30 Je pense qu'il était jeune, mais le fait d'être jeune a été compensé
04:34 par le fait qu'il avait un dossier scolaire irréprochable,
04:37 qu'il était inspecteur des finances
04:38 et qu'il faisait partie de cette nomenclature française.
04:41 – Quelque chose qui est très troublant, le président Duguin cite Hugo,
04:45 "Souvent la foule trahit le peuple".
04:47 Et évidemment, là on lit ça, le livre sort demain,
04:49 et on se souvient de ce qu'a dit Emmanuel Macron il y a une semaine pile,
04:52 en mettant en opposition la foule et le peuple.
04:56 C'est quand même très, très, très…
04:57 Vous êtes très clairvoyant, vous êtes le conseiller secret d'Emmanuel Macron,
05:00 c'est quoi l'idée ?
05:01 – Alors je ne suis pas du tout le conseiller secret d'Emmanuel Macron,
05:04 d'ailleurs on ne se connaît pas.
05:06 Il se trouve que j'ai rencontré Nicolas Sarkozy,
05:09 que j'ai rencontré François Hollande,
05:11 mais jamais Emmanuel Macron qui me l'avait proposé avant,
05:18 pendant sa campagne, j'étais en train de tourner
05:20 "L'échange des princesses" en Belgique, donc c'était impossible.
05:23 Donc on n'a pas eu d'échange à ce moment-là et on n'en a plus jamais eu.
05:27 – Vous lui avez envoyé votre livre ? – Non.
05:29 – Et vous allez le faire ? – Non.
05:31 – D'accord, pourquoi ?
05:32 – C'est clair.
05:34 – Non parce que j'envoie mon livre à des gens qui sont autour de moi,
05:40 que j'aime bien, que je n'ai pas de raison d'envoyer mon livre au président,
05:44 je pense que s'il veut le lire, ce ne sera pas compliqué.
05:46 – Une petite question, vous disiez que vous vous mettez dans la peau de vos personnages,
05:48 est-ce que ça veut dire que pendant…
05:49 combien de temps vous avez mis à l'écrire ce livre à peu près ?
05:52 – Quelques mois quand même.
05:53 – Est-ce que pendant quelques mois vous vivez président au quotidien ou pas ?
05:56 Est-ce que vous êtes comme un comédien qui est pénétré par un rôle,
05:58 est-ce que vous vous êtes pénétré par votre personnage ?
06:00 – C'est amusant parce que, vous avez raison, c'est tout à fait la même chose.
06:05 Et je le vois quand je dirige, moi j'adore diriger les comédiens quand je réalise
06:09 parce que je sais que je suis un très très mauvais comédien,
06:11 donc je suis très admiratif de ce qu'ils font.
06:14 Mais là, effectivement, je suis dans mon personnage,
06:17 c'est vrai que je vis avec, matin et midi et soir, et qu'évidemment l'actualité,
06:21 parce que j'écoute l'actualité tous les jours, résonne.
06:25 Et je me dis comment réagit mon personnage, qu'est-ce que…
06:29 Et oui, il y a ce travail d'intégration personnage,
06:33 et c'est vrai que quand on a fini, on est content de redevenir ce qu'on est.
06:37 – Le président est sur le plateau de Télématins,
06:39 c'est Marc Duguin qui publie "Tsunami", roman publié demain chez Elba Michel.

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