"Les profs se moquaient aussi de moi au collège"
Rose est atteinte de surdité profonde. Appareillée, elle a pu retrouver son ouïe, mais le handicap reste néanmoins présent et dur à gérer au quotidien. Du harcèlement scolaire qu’elle a subi, à ses vidéos humoristiques sur les réseaux, elle nous raconte son parcours et nous parle de la sensibilisation aux handicaps
Rose est atteinte de surdité profonde. Appareillée, elle a pu retrouver son ouïe, mais le handicap reste néanmoins présent et dur à gérer au quotidien. Du harcèlement scolaire qu’elle a subi, à ses vidéos humoristiques sur les réseaux, elle nous raconte son parcours et nous parle de la sensibilisation aux handicaps
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00:00 et puis ils te mettent une petite plaque derrière la tête, sous le crâne.
00:03 En fait, il y a des électrodes qui vont dans la coquelaie et quand tu colles ça ici,
00:06 donc là je l'ai désaimant, je n'entends plus rien.
00:08 Quand je le mets là, ça fait une sorte d'électricité et bam,
00:11 le son il arrive en une seconde.
00:13 Moi c'est Rose Penel, j'ai 22 ans et je suis devenue sourde il y a 3 ans.
00:17 En fait, je suis née malentendante et les médecins ne l'ont vu que quand j'avais 8 ans.
00:20 Il y a un médecin qui s'est mis derrière moi et quand il m'a parlé,
00:22 il s'est rendu compte que j'avais des comportements un peu bizarres
00:25 parce que je lisais sur les lèvres et que je ne pouvais plus comprendre ce qu'il disait.
00:28 Et donc de mes 8 ans à mes 19 ans, c'est resté stable
00:31 et quand j'ai eu 19 ans, j'ai fait une chute d'audition
00:33 et donc je suis devenue sourde il y a 3 ans maintenant.
00:35 J'ai développé des sortes de manières pour dissimuler en fait ce handicap
00:38 parce que moi-même, je ne savais pas que j'étais atteinte de surdité.
00:41 J'étais très observatrice, je regardais la tête des enfants.
00:44 C'est vraiment le truc que je faisais.
00:45 Si jamais ils rigolaient, j'allais faire semblant de rigoler
00:47 et quand ils me disaient un mot, je savais pertinemment quel mot fallait que je dise en fait
00:51 et ça passait tout le temps.
00:52 Dans le cadre familial, ça allait.
00:53 Je regardais le visage, je savais qu'est-ce que je devais répondre.
00:56 Si par exemple, elle faisait ça avec ses sourcils,
00:58 je devais dire que c'était une question.
00:59 Mes premiers petits appareils, je les ai eus.
01:01 J'étais en CM1 et je suis arrivée dans la cour
01:03 juste après avoir mis mes premiers appareils
01:05 et en fait, le directeur était malentendant aussi.
01:07 Du coup, il avait fait une annonce dans la cour.
01:09 "Voilà, Rose, elle a des appareils, il ne faut pas le bousculer et tout."
01:11 Et tous les enfants étaient juste émerveillés.
01:13 Ils me demandaient juste de l'essayer.
01:15 "Comment t'entends ?"
01:16 "Ah, toi aussi, moi aussi, je veux ça et tout."
01:18 Alors qu'au collège, pas du tout.
01:19 Ça fait partie du harcèlement un peu scolaire,
01:21 c'est toujours le même principe.
01:22 Ah ouais, les profs, ils se moquaient de moi.
01:23 C'est comme si les profs aussi subissaient le harcèlement des élèves
01:26 parce que t'as des élèves qui paraissent enjoués,
01:29 qui testent les limites et tout.
01:30 Et du coup, ils se servaient de moi
01:31 pour qu'eux, ils puissent avoir un certain pouvoir sur moi
01:33 parce que j'étais l'élément un peu faible.
01:35 Et c'était ça, c'était clairement ça.
01:37 Et c'est du coup le théâtre qui m'a sauvée la vie.
01:39 Ma mère, elle n'arrivait jamais à me mettre dans un cours collectif.
01:42 Je pleurais, je faisais des cris d'angoisse et tout.
01:44 Elle a eu l'idée un jour de m'inscrire au théâtre
01:46 et elle m'a vue.
01:47 J'ai dit "mais c'est ma fille, ça ?"
01:48 Je faisais des cris masse ou des aller-retours
01:50 et le but, c'était de faire rire tout le monde,
01:52 de crier, de trucs.
01:53 Et c'est grâce à ça que je m'exprime,
01:55 que je n'ai plus pas timide.
01:56 Vraiment, ça m'a aidée à mort.
01:57 J'avais fait une interview,
01:58 c'était par rapport au fait que j'avais eu une discrimination
02:01 avec mon appareil pendant un tournage.
02:02 On m'avait demandé de l'enlever un peu de force
02:04 parce qu'apparemment, c'était moche, la caméra.
02:06 Ça m'avait un peu bouleversée
02:07 et suite à ça, j'ai vu qu'il y avait eu beaucoup de commentaires, etc.
02:10 Et de gens, ça avait un peu aidé.
02:12 Du coup, j'ai décidé de me lancer un peu dans l'humour,
02:14 de faire des vidéos.
02:15 Et j'ai vu que ça a pris un peu, hyper vite,
02:17 juste de recevoir des messages,
02:19 de plus en plus de messages de parents,
02:20 de personnes qui m'envoient des photos le matin en garde-rose.
02:23 Aujourd'hui, je me suis attachée les cheveux,
02:24 j'ai porté mes appareils,
02:25 j'ai kiffé ma journée et enfin !
02:27 Ça me donne envie quand même de continuer à aider.
02:29 C'est un truc que je kiffe.
02:30 Quand j'ai eu l'implant, limite, je me sentais beaucoup mieux.
02:32 J'ai réussi à totalement passer à autre chose.
02:34 Ils ne se sont pas trouvés la cause de cette perte brutale.
02:37 Mais je sais qu'à ce moment-là, j'étais aux tests de vente,
02:39 que je travaillais beaucoup entre la fac et mon job à temps partiel.
02:42 Comment je l'ai su ?
02:43 Alors, c'est très bizarre, mais en gros,
02:45 déjà, je sentais que je n'arrivais plus à parler avec les clients,
02:48 que j'ai galéré, que je me suis répétée à mort.
02:50 Je rentrais, j'avais des migraines, mais vraiment des migraines.
02:53 Et aussi, surtout, j'avais acheté des écouteurs Beats.
02:55 Et à un moment donné, je vois que je n'entends plus la musique.
02:58 Donc je dis, bon allez, nul à chier ces écouteurs.
03:02 200 euros pour rien.
03:03 Je vais les faire essayer à ma mère.
03:04 Elle crie, parce que c'était beaucoup trop fort.
03:06 Et c'est là que je me suis dit, peut-être un petit problème.
03:08 Donc effectivement, j'avais tout perdu.
03:11 Mais cette opération, qu'elle se fait, il t'ouvre ici.
03:13 Donc c'est une petite cicatrice derrière qui, pour moi, se voit même plus.
03:16 Ils te mettent une petite plaque derrière la tête, sous le crâne.
03:19 En fait, il y a des électrodes qui vont dans la coquelette.
03:21 Et quand tu colles ça ici,
03:23 donc là, je l'ai désamoré, je n'entends plus rien.
03:25 Quand je le mets là, ça fait une sorte d'électricité.
03:27 Et bam, le son, il arrive en une seconde.
03:30 Ça prend du temps de rééducation.
03:32 Au début, t'entends...
03:33 Franchement, je n'entends rien.
03:34 J'étais dégoûtée quand j'ai fait mes réglages.
03:35 Ma mère commençait à filmer la scène.
03:38 Et elle filme une minute, deux minutes, trois minutes, quatre minutes.
03:40 Je me dis, bon, c'est bon, là, c'est allumé.
03:42 Et oui, c'est allumé.
03:43 Ça faisait au moins quatre minutes et je n'ai eu aucune réaction.
03:46 Tout simplement parce que, comme j'avais déjà entendu,
03:48 en fait, c'est vraiment très léger.
03:49 Au fur et à mesure des réglages, c'est là que ton son commence à s'affiner.
03:53 Et au bout de six mois, pour moi, c'était six mois,
03:55 là, j'entendais vraiment plutôt très, très bien.
03:57 Mais ça dépend des gens.
03:58 Il faut sensibiliser déjà dès le plus jeune âge, dès la primaire.
04:01 Les faire côtoyer des personnes en situation de handicap,
04:03 de leur expliquer de façon interactive, etc.
04:05 Pour que quand ils arrivent au collège, ils ne soient pas surpris
04:07 parce qu'ils ont déjà vu ça.
04:08 Et pareil, dans le cadre d'encadrement,
04:10 il faut un encadrement pour les parents qui ne savent pas comment gérer tout ça.
04:13 Les profs qui soient sensibilisés.
04:15 Parce que ce n'est pas possible qu'en 16e, j'ai dû quitter une classe d'anglais
04:18 parce que t'avais une prof qui se foutait de moi
04:20 dès que je disais un mot de travers.
04:21 C'est des trucs que même les profs ne sont pas sensibilisés.
04:24 Alors là, tu es au bout de ta vie.
04:25 Les gens ont peur de dire leur avis, de te poser des questions,
04:28 même des questions peut-être bêtes, mais pour moi, ce n'est pas grave.
04:31 On a le droit de se tromper.
04:32 Mais juste le fait de soulever un peu un débat, c'est parfait.
04:35 C'est exactement ce que je voulais.
04:36 Ça fait qu'après, ils ne vont pas avoir de comportement bizarre
04:38 ou un peu malaisant par la suite.
04:40 Et du coup, gêner d'autres personnes malentendantes.
04:42 C'est pour vous dire à quel point la surdité, c'est vraiment compliqué à gérer.
04:45 Il y a des gens qui en sont même jusqu'au suicide
04:48 parce que socialement, ça a tellement un impact,
04:50 qu'ils n'arrivent pas à s'intégrer.
04:51 J'ai déjà reçu un message d'une jeune fille qui voulait mettre fin à ses jours
04:54 parce qu'elle avait des problèmes d'audition.
04:55 C'est vraiment compliqué.
04:56 Et ça, les gens ne comprennent pas à quel point.
04:58 Même un handicap invisible, ça peut être très dur à gérer au quotidien.
05:01 Et même si c'est côté social, il ne faut vraiment pas hésiter à en parler.
05:04 Juste le fait d'expliquer vite fait, pendant deux minutes que tu as ça
05:07 et que tu aurais besoin peut-être de répéter
05:08 ou tu risques de parler de travers ou de mettre un vent à quelqu'un.
05:12 Au moins, tu sais que pendant ton resto, personne ne va te saouler.
05:15 Et limite, ils vont t'aider.
05:16 Si tu réponds mal au serveur, tant pis.
05:17 Si tu réponds ketchup au lieu d'un Coca, ce n'est pas grave.
05:19 Ils vont le dire à ta place.
05:20 *Bruit de dégâts*