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Transcription
00:00 -C'est ça, Karim, on est en janvier 2019, Théo a 7 mois,
00:03 il se réveille et il est pas bien, c'est ça ?
00:06 -Oui.
00:07 Alors, ça a commencé le 15 janvier.
00:10 -D'accord. -Où il était pas bien,
00:13 il vomissait, il mangeait rien,
00:16 il faisait que dormir et se réveillait en pleurant,
00:19 pas comme d'habitude.
00:20 Donc on a été une première fois aux urgences,
00:23 où là, cette fois, on n'a pas attendu du tout.
00:26 On a vu un interne qui nous a dit
00:29 qu'il venait d'avoir une dent,
00:31 donc c'était probablement ça ou qu'il couvait quelque chose.
00:34 Et donc on est rentrés.
00:36 Le soir même, quand Antoine était rentré,
00:39 il a eu du sang dans l'aisselle.
00:41 Donc là, on s'est dit, c'est très grave
00:44 et on est retournés aux urgences.
00:46 Là, donc aux urgences pédiatriques de Verschenau,
00:50 il faut savoir qu'il n'y en a qu'un, service,
00:54 et on a attendu 5 heures
00:56 pour un bébé de 7 mois qui avait du sang dans l'aisselle.
00:59 -Vous attendez 5 heures.
01:01 Certains patients repartent aussi,
01:03 tellement ils n'en peuvent plus.
01:05 Vous voyez les patients partir ?
01:07 Vous sentez que le personnel est pressé ?
01:09 -Oui, pressé, fatigué.
01:10 -On vous dit qu'on n'a pas le temps ?
01:13 -Il faut attendre.
01:14 -Il faut attendre.
01:15 -Vous avez attendu 5 heures dans un couloir ?
01:18 -Les premières heures, on était dans une salle d'attente
01:21 et au bout d'un moment, on a été emmenés dans un couloir.
01:25 -Et le petit, il était dans quel état ?
01:27 -Toujours pareil.
01:28 Il ne voulait rien manger, il pleurait,
01:32 il dormait, il pleurait.
01:33 -Alors, vous allez nous raconter l'histoire qui est dramatique.
01:37 La question que tout le monde se pose,
01:40 "La crise de l'hôpital pousse-t-elle les soignants
01:42 "à choisir et à délaisser certains patients ?"
01:45 Regardez le témoignage d'une femme dont le mari est mort
01:48 après 5 heures d'attente et sans prise en charge.
01:51 -On regardait la télé.
01:52 La veille, il avait été passé une prise de sang.
01:55 Notre médecin traitant a téléphoné en me disant
01:58 "J'ai reçu votre prise de sang,
02:00 "ça serait bien d'aller à l'hôpital."
02:02 Il m'a dit "Il faut passer par les urgences."
02:05 -Miguel souffrait d'insuffisance cardiaque.
02:08 Pour éviter l'attente, son médecin traitant lui fait une lettre
02:11 pour permettre une prise en charge rapide.
02:14 Malgré ce courrier, le retraité est mis sur un brancard
02:17 et ne sera jamais examiné par un médecin.
02:20 L'hôpital reconnaît clairement un problème de prise en charge.
02:24 Pas de surveillance possible dans la salle de tri,
02:27 vu le flux et le manque de personnel.
02:29 Une enquête pour rechercher les causes de la mort de Miguel
02:32 a été ouverte par le commissariat de Pau.
02:34 -Alsace, vous êtes infirmière ? -Oui.
02:37 -Vous connaissez bien le... -Oui.
02:39 -Voilà.
02:40 Euh...
02:41 Vous attendez 5 heures.
02:44 Que vous dit l'interne qui voit Théo en premier ?
02:47 -C'est le même interne qui l'a vu le midi et le soir même.
02:51 Il était toujours là, épuisé.
02:53 -Bah sûr. -Forcément.
02:55 Il voit rien de particulier, ils lui font juste une prise de sang.
02:59 On a attendu les résultats.
03:00 On nous dit de rentrer chez nous,
03:02 on nous donne des prescriptions pour le réhydrater.
03:06 Il pense à une gastro. -D'accord.
03:08 Donc vous rentrez chez vous,
03:09 vous voyez que la santé de Théo empire.
03:12 Qu'est-ce qui se passe ?
03:13 -On se dit qu'en fait, nous, on a fait confiance.
03:16 -Comment ça empire ?
03:18 -Ca empire le 24 heures après.
03:21 -En fait, déjà le mercredi, c'était un mardi,
03:24 et donc on rentre des urgences,
03:26 c'est à peu près 2h, 2h30 du matin.
03:28 Elsa, elle travaillait,
03:30 elle se levait à 5h30 pour aller à son boulot d'infirmière.
03:33 J'ai prévenu ma patronne
03:34 que je n'allais pas travailler pour garder mon fils.
03:37 Je suis resté à la maison avec lui.
03:39 Il mangeait pas, il vomissait, il dormait.
03:42 Je suis descendu à la pharmacie avec lui
03:44 pour chercher dans ce que vous avez prescrit.
03:47 Il ne le voulait pas,
03:48 donc on lui donnait des petites doses d'eau, tout ça.
03:51 J'essayais régulièrement, toutes les heures,
03:53 toutes les 2h, d'aller le réveiller,
03:55 de lui donner à manger, à boire, ça ressortait tout.
03:58 Et non, il était pas bien.
04:00 Il avait jamais été malade jusqu'à maintenant,
04:02 enfin, jusqu'à cette date-là. -7 mois.
04:05 -Jusqu'à ces 7 mois, et on le voyait pas du tout bien.
04:08 Il était tout pâle, il rigolait jamais,
04:10 il disait rien, il dormait, il attendait.
04:12 -Est-ce qu'il est retourné aux urgences ?
04:14 -On n'est pas retourné aux urgences.
04:17 C'est une gastro. -Il nous a dit que c'était la gastro.
04:20 -On a fait confiance au médecin.
04:21 On s'est dit que ça passe en 1 ou 2 jours, c'est pas grave.
04:25 Et la nuit d'après, quand je me suis levée pour aller travailler,
04:28 je l'ai entendu pleurer.
04:30 Et là, il allait pas bien du tout.
04:31 Il avait eu... Il était dans l'aisselle,
04:34 et il était tout tremblant,
04:36 et en fait, on a appelé le SAMU en même temps,
04:39 mais il était cédé dans mes bras.
04:41 Donc on a essayé de le réanimer.
04:46 Par terre, sur la route, en attendant le SAMU,
04:48 parce qu'on habite à la campagne, le GPS à la campagne,
04:51 le temps qu'il arrive, le SAMU,
04:53 on s'est mis au bord d'une grande route,
04:55 et c'était 6h du matin,
04:57 et on a essayé de réanimer notre bébé de 7 mois
05:00 par terre, dans la rue.
05:01 Du coup, parce que... Voilà.
05:03 Après, les pompiers sont arrivés, le SAMU aussi.
05:06 On a toujours l'impression que c'est très long.
05:08 Je pense pas que c'était très long, mais voilà.
05:11 Du coup, ils l'ont pris en charge, et là, on a attendu.
05:14 On l'attendait, on l'attendait,
05:16 jusqu'au moment où une infirmière ou un médecin est venu du SAMU
05:20 et nous a dit qu'ils avaient essayé et qu'ils avaient rien pu faire.
05:24 -C'est... Un drame, forcément.
05:28 Et on sait de quoi il est décédé, après, ou pas ?
05:31 -Sur le moment, on savait pas, nous.
05:33 Et du coup, il y a eu une autopsie directement,
05:35 qui a été demandée par la justice.
05:37 Et en fait, il est décédé d'une invagination.
05:40 C'est les intestins, en fait, qui se rétractent sur eux-mêmes.
05:44 -Ca fait une occlusion. Il est décédé de tout ça.
05:46 -On aurait pu le voir... -Une simple échographie.
05:49 -Si il y avait eu la place...
05:51 -Quand on l'a amené, quand il a eu la perte de sang,
05:54 est-ce que c'était trop tard ou pas ?
05:56 -J'y arrive vite.
05:57 -S'ils avaient fait l'échographie, ils l'auraient vu.
06:00 -C'était combien de jours ? -Deux jours.
06:02 On y a été le mardi, et il est décédé le jeudi matin,
06:05 à 6h du matin. -Mardi soir.
06:07 -C'était... -Et on y a été le mardi soir.
06:09 Peut-être que ça aurait été encore bon.
06:12 -C'est incroyable, parce que vous voyez le manque de moyens.
06:15 Quand ça, c'est des conséquences directes,
06:17 vous êtes... Vraiment, votre témoignage, il est très dur.
06:20 Mais on se met tous à votre place et on se dit,
06:23 c'est pas possible que par un manque de moyens,
06:26 parce que ça aurait pu être évité.
06:28 Et je vais vous montrer un extrait,
06:30 où c'est un bébé qui est passé tout proche du pire,
06:33 parce qu'il n'a pas pu être pris en charge rapidement.
06:36 Aujourd'hui, vous êtes venu aussi témoigner,
06:38 parce que vous n'avez pas envie que ça arrive à d'autres familles.
06:42 Et c'est vrai que c'est dramatique.
06:45 Et ça arrive de plus en plus.
06:47 C'est dramatique. Regardez.
06:49 -Il a quoi ?
06:51 -Il ne mange pas. -Il n'est pas bien.
06:53 -Il a quel âge, le bébé ?
06:54 ...
06:57 -Elle ne le sait pas encore,
06:58 mais l'état de son bébé va s'aggraver.
07:01 Le lendemain, en fin de journée.
07:03 ...
07:05 La maman du bébé a parcouru en urgence
07:08 40 km pour venir jusqu'ici.
07:10 -Je ne comprends pas pourquoi, hier, ils m'ont envoyé chez moi.
07:14 C'était la même chose que aujourd'hui.
07:16 Depuis deux jours, il est comme ça.
07:18 -Impossible de savoir précisément
07:20 dans quel état de santé se trouvait hier le bébé.
07:24 ...
07:26 Mais aujourd'hui, il est en insuffisance respiratoire.
07:30 Dans la nuit, son état va s'aggraver.
07:33 Après une semaine en réanimation,
07:35 les nouvelles sont bonnes.
07:38 ...
07:40 -C'est vrai que quand on voit ça, on pense forcément à vous.
07:43 Comme vous l'avez dit, vous avez vu l'interne.
07:46 L'interne était là le matin et le soir.
07:48 Je sais que vous avez porté plainte.
07:52 -Oui.
07:53 -Contre qui ?
07:54 -Pour l'instant, il y a une enquête en cours.
07:58 C'est contre X.
07:59 -D'accord.
08:00 -On attend la fin de cette enquête pour savoir...
08:04 -Parce que vous êtes persuadée et vous êtes infirmière,
08:07 donc vous connaissez un peu les certains cas,
08:10 vous dites que s'il était resté à l'hôpital,
08:12 il aurait pu s'en sortir.
08:14 -On se pose la question.
08:15 Pourquoi on a attendu autant de temps
08:17 pour un bébé de 7 mois ?
08:19 -Le traitement aurait pu être traité
08:21 si on avait fait les cots dès le mardi soir,
08:23 au lieu d'attendre le jeudi.
08:25 Sur un bébé de 7 mois, ça se dégrade très vite.
08:29 Et le temps, 48 heures, c'est énorme
08:31 pour un petit organisme comme ça.
08:33 Donc forcément, c'est vrai que...
08:35 -Je sais que vous n'en voulez pas du tout à cet interne.
08:38 -Non. -Voilà.
08:39 L'interne, il était là le matin, le soir,
08:42 il était tellement... Il est débordé, c'est ça ?
08:46 -Oui, c'est ça.
08:47 Puis on a vu qu'il était fatigué.
08:49 En étant dans le métier, en plus,
08:51 j'ai conscience que c'est compliqué.
08:54 En plus de ça, il y a plein de personnes
08:57 qui vont aux urgences
08:59 et qui n'ont rien à y faire, en fait.
09:02 -Bien sûr. C'est ça aussi.
09:04 -Et voilà, c'est un tout.
09:05 Du coup, oui, on sait qu'il était débordé,
09:08 on sait qu'avec la fatigue, voilà, c'est...
09:12 Comment dire ? On peut l'entendre.
09:14 On en veut, en fait, à...
09:17 Bien plus haut.
09:19 -Ca, qui est aux autorités...
09:20 -Voilà, aux autorités de laisser...
09:23 -Les hôpitaux dans un état...
09:25 -Voilà. Se dégrader comme ça.
09:28 -Oui.
09:29 -Je trouve qu'on pense plus à l'argent
09:31 qu'en fait, il y a des vies humaines.
09:34 -Oui, on pense trop à l'argent.
09:36 -C'est... Je vais vous dire,
09:38 il y a une telle pénurie de personnel
09:40 qu'il y a des hôpitaux qui se tournent
09:42 vers l'intérim et vers tout ce qu'ils peuvent.
09:45 Regardez, dans ce reportage,
09:46 ils ont essayé de voir les journalistes
09:49 de zone interdite avec une boîte d'intérim
09:51 s'ils pouvaient eux-mêmes travailler
09:53 dans un hôpital sans diplôme.
09:55 -Pour occuper le poste,
09:56 il faut normalement un an d'études et un diplôme.
09:59 -Vous n'avez pas fait votre école nationale ?
10:02 -Non, pas encore.
10:03 -Très bien.
10:04 En termes de disponibilité,
10:06 pour vous, ce sera à partir de quand ?
10:08 -Je suis disponible tout de suite.
10:10 -Vous avez bien entendu,
10:11 nous n'avons pas de diplôme d'aide-soignant
10:14 et pourtant, cela ne pose aucun problème
10:16 pour aller travailler dans cet hôpital.
10:18 Voici le contrat de travail que nous allons recevoir.
10:21 Nous sommes officiellement embauchés
10:23 comme auxiliaires de vie sociale au SMIC.
10:26 Là encore, pour exercer, il faut normalement
10:28 une formation d'au moins un an.
10:30 Ce n'est pas notre cas.
10:32 -Ca, c'est incroyable.
10:33 Les journalistes de "Zone interdite"
10:35 vont donc travailler.
10:36 On leur donne des tâches qu'elles ne devraient jamais faire
10:40 comme donner des médicaments.
10:42 -Deux jours plus tard, notre journaliste
10:44 intègre un service de gériatrie de l'hôpital public.
10:47 Sans diplôme, donc, ni aucune expérience avec des patients.
10:50 Officiellement, nous sommes censés servir les repas
10:53 et faire la toilette des patients.
10:55 Rien de plus.
10:56 Pendant deux jours, nous serons formés par Jessica,
11:00 qui, à notre étonnement, n'est pas diplômée non plus.
11:03 Sur les trois personnes présentes dans le service,
11:05 une seule a un diplôme de soignant.
11:08 Nous allons faire une découverte ahurissante.
11:10 -Tu t'as mis mes docs ?
11:12 -Oui.
11:13 -Donner des médicaments est une mission réservée aux infirmiers,
11:16 car la moindre erreur peut avoir de graves conséquences.
11:20 -On ne peut jamais chercher à comprendre.
11:22 Il y a beaucoup de choses que nous avons fait ici
11:25 qu'on n'a pas pensé faire.
11:27 -La tête soignante,
11:28 c'est quelque chose qui vous étonne ?
11:30 -Je suis infirmière.
11:32 Non, moi, je distribue les...
11:33 -Mais non, mais non.
11:35 Vous n'avez pas vu des personnes sans diplôme
11:37 qui travaillaient à vos côtés ? -Oui.
11:39 -Ah, d'accord. -Je travaille en EHPAD.
11:42 -Vous avez déjà vu ce genre de cas ?
11:44 -Oui.
11:45 -Aujourd'hui, vous en êtes où ?
11:47 Vous êtes conscrits tous les deux ?
11:49 -Aujourd'hui, on a eu la chance d'avoir deux petites filles
11:53 qui nous aident beaucoup à avancer.
11:56 -Bien sûr. A quel âge, maintenant ?
11:58 -Alors, Inès a 3 ans.
12:00 -Oui. -Et Mila a 10 mois.
12:02 11 mois.
12:03 -D'accord. Et donc, ça vous a aidé à...
12:05 -Ca nous aide, ça ne le remplace pas.
12:08 -Bah oui, la blessure...
12:09 -Mais ça nous aide beaucoup à avancer.
12:12 De toute façon, nous, on est toujours en vie,
12:14 donc on n'a pas le choix.
12:16 On peut continuer.
12:17 -Bien sûr, mais ça reste un...
12:19 Vous avez vécu un moment cauchemardesque.
12:21 On se met tous à votre place, on imagine tous la scène
12:24 quand vous attendiez le SAMU au bord de la route
12:27 et c'est vrai qu'on se dit que c'est une scène de cauchemar.
12:31 [Musique]

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