Touché par les addictions endommageant sa santé mentale, Jeremy Ferrari en a fait un one man show plein d’humour pour nous en parler. Son humour noir et parfois (trop) trash ont su réunir un public aguerri qui remplit les zéniths de sa nouvelle tournée, Anesthésie Générale.
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00:00 Nous sommes ce matin avec l'humoriste Jérémy Ferrari.
00:03 Bonjour Jérémy Ferrari.
00:04 Bonjour.
00:05 Merci de nous accorder du temps entre deux dates de tournée.
00:07 Merci de m'avoir invité en seconde partie d'émission et non pas à 6h30.
00:10 C'est très gentil.
00:11 Mais à 6h30, on n'a pas d'invité, personne ne veut se lever à cette heure-là.
00:14 Mais j'ai presque des concerts, vous savez.
00:16 Il y a des spectateurs à 6h30 ?
00:17 Mais bien sûr, plein.
00:18 Qu'est-ce qui se projette ?
00:19 Et vous savez que vous devriez regarder Télématin en tournée parce que votre spectacle dure
00:23 trois heures, ça s'appelle Anesthésie Générale.
00:25 C'est un peu partout en France.
00:27 Vous allez bientôt être dans un empile à l'Accor Arena à Bercy les 9 et 10 mars 2024.
00:33 Bon, Bercy, c'est une salle immense.
00:35 On voit quand même peu d'humoristes qui font ce genre de salles.
00:38 Qu'est-ce que ça va changer à votre avis pour vous, pour le spectacle, entre cette
00:42 salle et une plus confidentielle ?
00:44 Ça change plein de choses.
00:46 Après, c'est vrai que c'est des choix.
00:48 Moi, j'aime bien venir.
00:49 J'aime beaucoup être en tournée.
00:50 Ce qui fait qu'à Paris, souvent, ce que j'ai décidé de faire depuis un petit moment,
00:53 maintenant, c'est que je fais des grandes salles pas longtemps.
00:55 Parce que j'aime bien ce format-là, j'aime bien bouger, etc.
00:59 Donc, c'est vrai que…
01:01 Je ne pensais jamais dans ma vie pouvoir faire à Bercy.
01:03 C'est fou, Bercy.
01:05 C'est combien de personnes, ça ? 10 000 ?
01:06 C'est 16 000.
01:07 On peut la moduler un peu comme on veut, mais oui, ça sera entre 10 000 et 15 000 personnes.
01:11 Donc, vous faites deux Bercy, 30 000 personnes d'un gros.
01:13 Après, c'est des choix.
01:15 Moi, j'aime bien, même sur la tournée, on démarre toujours sur des salles.
01:18 Moi, je vais encore faire des 300 places, des 400 places.
01:20 Après, on fait des tournées zenithes.
01:22 Donc, on fait entre 300 places et 6 000 places, des gens en tournée.
01:25 J'aime bien… Il n'y a pas très longtemps, j'ai joué à Forêt Nationale en Belgique.
01:28 J'ai fait 6 000 places.
01:29 Et la semaine d'après, j'étais à Caudry, dans le Nord, et j'ai joué devant 500.
01:31 Qu'est-ce que vous préférez, justement ? La confidentialité des petites salles ?
01:34 Vraiment, ça n'a absolument rien à voir.
01:36 Les petites salles, c'est génial parce qu'il y a cette proximité.
01:39 Ce qui fait que c'est très rigolo parce qu'on voit tout le monde.
01:42 Donc, il y a un côté sympa là-dessus.
01:44 Et on ne va pas se mentir, jouer devant 6 000 personnes, c'est tellement grisant,
01:47 c'est tellement incroyable.
01:49 Et puis maintenant, on a aussi des trucs techniques qui font que même le mec qui est le 6 000e,
01:54 il voit bien, il entend bien.
01:55 On met des écrans immenses.
01:56 À Bercy, on va avoir des écrans de 45 mètres carrés.
01:59 C'est le plus grand que mon appart quand je suis arrivé à Paris.
02:02 Donc, on a du matériel qui permet vraiment à tout le monde de passer une bonne soirée.
02:06 Alors, moi, j'avais vu votre précédent spectacle, c'était "Cherche, appartement à Beyrouth".
02:09 "Vente de pièces à Beyrouth".
02:10 "Vente de pièces à Beyrouth", qui est le plus efficace, le plus reusable,
02:13 et un des meilleurs spectacles que j'ai vus de ma vie, je vous l'avais dit à l'époque.
02:16 Alors, vous y allez, vous refusez rien, vous y allez franco, c'est de l'humour de conviction.
02:21 Et fidèle à vous-même dans ce nouveau spectacle, vous intéressez à tout ce qui fait l'actualité,
02:25 et notamment à notre système de santé durement secoué pendant la crise sanitaire.
02:29 Petit extrait.
02:30 Premier confinement, pas de masque, pas de test.
02:33 La Chine a construit un hôpital de 1 000 lits en 10 jours.
02:37 Nous, on regarde des tutos sur Internet
02:40 pour fabriquer des masques avec nos slips.
02:45 Ah ben, je n'invente pas.
02:48 Deuxième confinement, pas de lit, pas de place en rien, pas de respirateur.
02:54 Là, Olivier Véran a quand même dit "OK, pour qu'on équipe les salles de réanimation
02:59 avec des masques de plongée Décathlon".
03:03 C'est pas une vanne, hein ?
03:07 C'est-à-dire que si le rayon aquatique de Décathlon est vide,
03:12 ta grand-mère meurt !
03:16 Et enfin, troisième confinement, là Macron il a pété un câble.
03:19 Là, il a réuni tout le monde, Macron, il a réuni tout le monde, comme ça il a gueulé.
03:22 Maintenant, ça suffit.
03:24 Dehors, les Français meurent.
03:27 Et en tant qu'élus du peuple, nous devons apporter des réponses et des solutions
03:32 à la hauteur de la tâche qui nous incombe.
03:36 Appelez McFly et Carlito.
03:40 (Applaudissements)
03:46 On va faire une chanson sur les gestes barrières.
03:50 On a envie que ça continue et c'est comme ça tout le temps, tout le temps, tout le temps.
03:53 Sur scène, on voit bien que tout est hyper travaillé, hyper documenté.
03:57 On a l'impression que vous êtes un peu le Élise Lucet de la vanne.
03:59 Y'a rien de gratuit. Comment vous bossez ?
04:02 Alors, moi c'est très compliqué, puisque comme je suis pas allé à l'école,
04:05 j'ai arrêté l'école très jeune, etc.
04:07 Donc j'ai pas de méthodologie de travail.
04:09 Je sais pas si on apprend ça à l'école, parce que je suis pas allé,
04:11 mais j'imagine, j'espère qu'on apprend ça aux élèves.
04:13 Donc j'en ai pas.
04:15 Ce qui fait que, et généralement je vais sur des sujets que je ne maîtrise pas au départ,
04:17 comme celui que vous aviez vu avec la géopolitique.
04:19 Donc ce que je fais, c'est que je fais vraiment un travail d'entonnoir.
04:22 Donc d'abord je prends un peu, je regarde un peu autour de moi,
04:24 pour toi c'est quoi la santé ?
04:26 Alors je prends un peu les sujets de tout le monde, chez moi, au bureau,
04:28 dans ma famille, dans mes amis, moi aussi, ce que j'ai dans la tête.
04:31 Et puis je fais un entonnoir. Donc je fais un grand tableau, comme ça.
04:33 Je commence à étudier chaque sujet, je pense qu'il m'intéresse le plus,
04:35 j'en ai de moins en moins.
04:37 Et après je fais un travail de rencontre, donc je fais vraiment,
04:39 je vais rencontrer des gens.
04:41 - Il y a de l'investigation, vraiment. - Il y a de l'enquête, en fait.
04:43 - Bien sûr, bien sûr, c'est très important de faire ça.
04:45 Et puis ensuite, de la littérature, je lis, je fais de la presse, etc.
04:47 Et de l'immersion. Donc par exemple, pour ce spectacle, je suis allé aux urgences.
04:49 Parce que c'est bien de dire, les soignants ils sont gentils,
04:51 le gouvernement ils sont méchants.
04:53 On peut tous le dire ça, mais l'important c'est d'aller sur le terrain
04:55 pour voir si ce qu'on nous raconte est vrai.
04:57 - C'est là où vous trouvez les vannes, c'est sur le terrain aussi, j'imagine.
04:59 - C'est sur le terrain. Et puis c'est vrai que quand on va sur le terrain,
05:01 on se dit "bon, ben c'est vrai, les soignants ils sont gentils,
05:03 le gouvernement ils sont méchants".
05:05 Mais au moins on a des arguments et on a rencontré des gens.
05:07 - Ce qui est dingue dans votre spectacle, c'est que vous parlez aussi
05:09 des problèmes de santé que vous avez rencontrés vous-même.
05:11 On pense à votre alcoolisme, votre tentative de suicide
05:13 durant la tournée. Pourquoi vous aviez envie
05:15 de lever le voile sur des sujets qui,
05:17 vraiment pour le coup, ne sont pas drôles ?
05:19 - Parce que, déjà, je n'ai jamais usé de sujets drôles.
05:23 J'ai toujours pris des sujets qui n'étaient pas drôles pour faire des choses drôles.
05:25 - Non mais cela vous concerne.
05:27 - Celui-ci, ça me concerne. Parce qu'en fait, pour plein de raisons différentes.
05:29 La première, c'est que, si vous voulez,
05:31 je n'ai jamais parlé de moi sur scène.
05:33 Et je me disais que là, c'était le bon moment.
05:35 Parce que quand vous faites une cure de désintoxication,
05:37 et que vous comprenez que vous avez une liste
05:39 de maladies invisibles, etc.,
05:41 de maladies psychiatriques, et que vous comprenez
05:43 qui vous êtes de manière un peu plus sincère,
05:45 un peu plus franche, un peu plus profonde,
05:47 vous avez envie de le partager avec les gens qui vous ont accompagné.
05:49 Moi, j'ai grandi avec le public, ça fait...
05:51 J'ai 37 ans, ça va faire 12 ans que je suis sur scène avec les gens.
05:55 - Mais c'est risqué aussi. Est-ce que ça a changé le regard des gens sur vous ?
05:58 - Non. Non, non. Au contraire.
06:00 Je pense qu'ils ont compris pas mal de choses.
06:03 Quand les gens disaient toujours "il est ouf, il est ouf, il est ouf",
06:05 maintenant ils savent que les médecins sont d'accord.
06:07 - Vous êtes un peu ouf comme beaucoup de gens.
06:09 Mais la santé mentale est quelque chose dont on parle de plus en plus.
06:11 Et heureusement.
06:13 - Et une deuxième chose, j'insiste là-dessus,
06:15 parce que je pense que c'est le plus important à relever,
06:17 c'est que moi je m'en suis sorti sans traitement,
06:19 pratiquement uniquement avec la parole.
06:21 C'est-à-dire des groupes de parole, des alcooliques anonymes, etc.
06:23 - Vous êtes guéri aujourd'hui ? Vous êtes guéri ?
06:25 - Non, je serai jamais guéri, je serai toujours alcoolique.
06:27 C'est une maladie neurologique, l'addiction, ça se guérit pas.
06:29 Il faut juste être sevré et puis faire en sorte d'adoucir la vie autour
06:32 pour que refuser un verre de rosé soit pas trop insupportable.
06:36 En gros, c'est ça le travail.
06:38 Et les maladies invisibles que j'ai, c'est pareil.
06:40 L'hygiène de vie est primordiale, et puis les groupes de parole.
06:44 C'est pour ça que j'ai voulu en parler, parce que moi c'est grâce à la parole
06:46 que je me suis libéré.
06:48 Je sais que ça aide plein de gens à aller rencontrer des psychiatres
06:50 ou à aller en réunion d'alcooliques anonymes ou autres.
06:53 Donc je sais que ça aide plein de gens, c'est pour ça que je l'ai fait.
06:55 - Et on peut aussi les voir sur scène, ça fait un bien fou.
06:57 On réfléchit et on rit, c'est le cocktail Jérémy Ferrare qui est là.