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Chroniqueuse : Maya Lauqué 


Maya Lauqué reçoit Sonia Backès, notre invitée pilote les Assises nationales de lutte contre les dérives sectaires qui ont débuté le 9 mars 2023. Elle s'exprime sur les dérives sectaires et se livre sur son histoire personnelle en tant qu'enfant qui a vécu une partie de sa vie au sein de la scientologie. 

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Transcription
00:00 Bonjour Sonia Baker. Bonjour.
00:01 Merci d'être avec nous ce matin avant de rejoindre ces assises nationales qui ont débuté hier et que vous pilotez.
00:07 On va en parler dans un instant, mais d'abord ce sujet des dérives sectaires, vous le connaissez bien puisque vous avez vécu une partie de votre enfance au sein de la scientologie par l'intermédiaire de votre mère.
00:16 Vous l'avez expliqué hier chez nos confrères du Parisien. Pourquoi en parler maintenant et pourquoi l'avoir-tu aussi longtemps ?
00:24 D'abord parce que c'est une histoire personnelle, que je n'ai pas forcément envie d'en parler avant, mais je pense que le fait d'avoir connu cette histoire-là, ça me permet de mieux comprendre les mécanismes.
00:34 Comment on y rentre, comment on a du mal à en sortir ou en faire sortir ses proches, et puis ensuite justement, quelle est la mécanique qu'il faut pour arriver à en sortir et à passer à autre chose.
00:44 Donc je pense que j'ai simplement cette expérience me permet de mieux savoir de quoi je parle.
00:49 Ça aurait été un instant sur cette histoire personnelle. Votre mère a rejoint la scientologie après un divorce difficile. Elle a été abordée dans la rue. C'est une technique assez classique.
00:57 Elle était, vous dites, la proie idéale ?
00:59 Oui, c'est vrai qu'à l'époque, c'était la rue, un test de personnalité, une vulnérabilité parce qu'un divorce difficile. Maintenant, c'est les réseaux sociaux. C'est vrai que les choses ont énormément évolué.
01:09 Mais ce qu'étaient les réseaux sociaux avant, c'était la rue.
01:12 Et vous, vous avez donc vécu selon les règles de la scientologie jusqu'à à peu près 13 ans, c'est ça ?
01:18 Oui, en gros de 9 à 13 ans. Ma maman était scientologue, donc avec que des amis scientologues, avec un vocabulaire de la scientologie.
01:27 J'ai été quelques mois, presque deux ans, dans l'école scientologue, qui s'appelait l'école de l'éveil à l'époque.
01:33 Donc voilà, tout ça a été… c'est un monde à part, en fait. C'est le principe des dérives sectaires, c'est-à-dire qu'on enferme les victimes dans un monde qui est complètement parallèle et on les coupe du reste du monde.
01:43 Mais vous, vous avez eu un déclic à 13 ans par l'intermédiaire d'une amie, je crois, et là, vous êtes devenue un peu la rebelle qu'il fallait, entre guillemets, "reprogrammer".
01:50 Oui, alors c'est vrai que c'est… je crois que c'est ça qui est important.
01:53 C'est quand on est enfant de quelqu'un qui est dans une organisation à caractère sectaire, on ne se rend pas compte que ce n'est pas normal.
01:59 Donc il faut quelqu'un de l'extérieur qui mette ce warning, cette alerte, qui dit "c'est bizarre".
02:04 Donc c'est une de mes amies qui m'a dit "attention, qu'est-ce que c'est que ce truc-là ?"
02:09 Et petit à petit, finalement, on regarde d'un œil différent ce qui se passe à l'intérieur de l'organisation.
02:14 Ça permet de se poser des questions.
02:16 Moi, effectivement, du coup, j'ai commencé à m'en poser et j'ai fini par en sortir de manière un peu brutale,
02:22 en rejoignant mon père, puisque mes parents étaient divorcés, mon père est en Nouvelle-Calédonie.
02:26 Ce mécanisme d'emprise et les dérives sectaires font donc l'objet d'assises nationales qui ont débuté hier.
02:32 Ça sert à quoi ce phénomène sectaire ? On le connaît, finalement.
02:35 Oui, on le connaît, mais il a énormément évolué ces 20 dernières années, avec les réseaux sociaux principalement.
02:40 On en a parlé sur les modes de recrutement, mais ça a également évolué dans les types de sujets qui font l'objet de dérives sectaires.
02:48 On a une énorme évolution sur les dérives sectaires en matière de santé, de bien-être.
02:53 En fait, on va chercher les gens, on attrape les gens par des sujets qui sont un peu différents de ceux d'il y a 20 ans.
03:00 Et c'est vrai que les problématiques en matière de santé, notamment, ont énormément évolué.
03:04 Je vous interromps, 4 000 plaintes enregistrées par la Mivilud, qui est l'organisme antisecte du gouvernement en 2021.
03:11 Ça représente, on l'estime, à 140 000 victimes, 33 % de plus qu'il y a en un an.
03:18 La part de plaintes ou de signalements sur les questions de santé est importante ?
03:23 Oui, c'est effectivement ce qui progresse le plus.
03:26 C'est sans doute plus de 140 000 personnes, on les estimait déjà à 500 000 personnes.
03:30 Il y a quelques années, on voit que ça a augmenté de manière significative.
03:34 En fait, le nombre de signalements, c'est la partie très émergée de l'iceberg.
03:37 Je crois qu'on connaît tous dans son entourage quelqu'un qui a fait un truc un peu bizarre,
03:42 qui a été voir un thérapeute particulier qui s'est un peu isolé.
03:46 Et donc, on subodore, on imagine que ça concerne bien plus de monde que ça.
03:50 Et donc, l'idée, c'est de se donner les outils, d'abord pour prévenir les gens,
03:54 je crois que c'est pour ça que je pense que c'est important qu'on en parle.
03:57 Attention quand on vous vend un produit miracle, attention quand on vous dit que la médecine ne sert à rien, qu'il faut arrêter.
04:04 Posez-vous des questions, c'est qu'il y a un problème.
04:07 Sans généraliser, mais on parle de stages de jeûne, de crudivorisme,
04:10 quand c'est couplé en plus à un discours qui est complotiste et antivax, là il faut faire très attention.
04:15 Oui, alors ce n'est pas toujours le cas.
04:16 Des fois, effectivement, c'est lié à des discours complotistes, des fois non.
04:20 Mais effectivement, quand on vous dit qu'un jus de légumes, c'est très bon les jus de légumes pour la santé,
04:24 c'est très bien, mais ça ne guérit pas le cancer.
04:26 Le jeûne, ça doit être suivi par un médecin.
04:29 Et tout simplement, il n'y a pas de miracle, il n'y a pas une personne qui va vous sauver de tous les maux.
04:35 Je crois que c'est ça qui doit alerter, simplement se poser la question, se dire que c'est bizarre, c'est déjà le début de la solution.
04:41 Il n'y a pas de définition juridique de la secte, est-ce que ça veut dire qu'au lieu de la loi, de la justice, il n'y a pas de gourou ?
04:46 On ne peut pas les condamner.
04:48 Si, on peut les condamner, on a une loi qui date de 2001, la loi Boupicard,
04:52 qui permet de qualifier l'emprise mentale, c'est ça qui crée le caractère sectaire,
04:58 c'est-à-dire que quelqu'un qui vous vend des jus de légumes ne peut très bien ne pas être un gourou, ne pas avoir d'emprise, etc.
05:05 Là où ça devient un problème, c'est quand il y a une emprise mentale,
05:08 quand au final vous perdez votre libre-arbitre et que vous finissez par exécuter les ordres ou les préconisations de ce gourou,
05:16 là il y a emprise mentale et là il y a délit.
05:18 Donc ça veut dire que là, ces assises vont se terminer aujourd'hui, qu'est-ce qu'il faut faire en priorité ? Informer ?
05:23 Oui, en priorité je crois que c'est la prévention.
05:25 Il faut éviter, et c'est ce qu'on va faire dans un premier temps avec de la communication,
05:29 avec un gros travail sur les plateformes de réseaux sociaux, puisque les algorithmes ne font que empirer la situation.
05:35 Donc un gros travail de prévention, c'est toujours plus facile que les gens ne rentrent pas, plutôt que de les faire sortir.
05:41 Ça veut dire que vous demandez aux plateformes de retirer certains coûts ?
05:43 On va demander sans doute, c'est ce qu'on est en train de travailler avec un certain nombre de plateformes,
05:46 il y a une réunion aujourd'hui avec elle, certaines sont plus moteurs que d'autres.
05:51 C'est aussi de mettre des contenus pour alerter les gens, c'est-à-dire que vous vous intéressez aux jeunes par exemple,
05:56 au lieu de ne voir que des contenus de pseudo-thérapeutes, vous allez voir un contenu explicatif pour dire
06:02 "attention, le jeune il faut le faire sous contrôle médical".
06:05 Donc ça c'est aussi un travail qu'on doit faire avec les plateformes.
06:08 C'est aussi dans les collèges, dans les lycées, dans les écoles, mettre des alertes, c'est dans les entreprises,
06:13 c'est au niveau des différents services de l'État à l'échelle de la France,
06:17 accompagner les victimes ou les gens qui se posent des questions.
06:20 Merci beaucoup Sonia Bakes.

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