Quelles sont les conséquences d'une grève reconductible ? BFMTV répond à vos questions

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Chaque jour, Roselyne Dubois répond à vos questions sur BFMTV.

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Transcript
00:00 Oui voilà, depuis un marché parisien, parce que vous savez, à chaque grande journée de mobilisation,
00:03 au lieu de recevoir vos questions, c'est moi qui vais les chercher sur le terrain.
00:06 Je ne vous cache pas qu'aujourd'hui, il n'y avait pas beaucoup de gens très motivés pour parler,
00:08 mais on a un courageux, Cyril, un charcutier, un artisan charcutier breton,
00:12 qui est avec nous et qui avait des questions, Cyril, sur la durée de la grève, ses conséquences.
00:16 Surtout à travers la logistique, qui aujourd'hui, si on voit nos chauffeurs routiers un petit peu en colère,
00:22 ça peut être vraiment pénible, puisqu'on a fait quand même une France très logistique,
00:26 même si on doit se dire écologique, ce n'est pas toujours compatible.
00:29 Mais en attendant, si ces choses-là s'avèrent dans le long terme, ça risque d'être un gros problème,
00:34 car les stocks sont sur la route aujourd'hui.
00:35 Approvisionnement, vous voulez dire, ou essence ?
00:38 Les deux mélangés, on a connu ça au mois d'octobre,
00:41 on a l'impression d'être des Mad Max à cette époque-là, où on allait chercher des bidons,
00:44 on avait l'air un peu l'air con quand même.
00:46 Ça va recommencer, Manuel, ou pas, les bidons ? On n'en est pas là, pour l'instant.
00:51 Des gens comme nous qui roulons, alors nous on fait aussi des marchés,
00:55 mais on fait aussi tout ce qui est événements foire,
00:56 et donc quand vous partez sur des 100, 200 kilomètres,
00:59 vous serrez un peu les fesses, parce que vous vous dites,
01:02 si vous êtes sur 100, 200 kilomètres et que vous n'avez pas un gramme de gasoil,
01:05 c'est aussi une dépannage qui vous ramène sur Paris.
01:07 Donc c'était un peu pénible et anxiogène, on va dire.
01:11 Et alors, ça va recommencer ou pas, Emmanuel ?
01:14 Personne ne peut vraiment le dire, ça dépend.
01:16 Il y a deux sujets différents dans ce que vous avez abordé, et qui est très intéressant.
01:19 Un, effectivement, on se dit, on sent bien que cette grève, la durée,
01:25 elle ne va pas se jouer sur la masse de gens qui vont faire grève,
01:28 parce qu'on voit bien que dans le secteur privé aujourd'hui, par exemple,
01:31 la première préoccupation des gens, on le voit bien sur le marché,
01:33 la première préoccupation des gens, c'est l'inflation, c'est le pouvoir d'achat.
01:36 Ah, ben c'est ce que nous rire !
01:37 Voilà, et donc, qu'est-ce qui se passe objectivement aujourd'hui dans les entreprises,
01:40 c'est que ça négocie entre les syndicats et les patrons,
01:43 et que ça négocie plutôt bien, et que les entreprises sont plutôt d'accord
01:48 sur les augmentations de salaires.
01:49 Donc de ce côté-là, ça va plutôt bien.
01:51 Donc le secteur privé, bof, ce qu'on risque,
01:53 c'est effectivement que le pays soit bloqué par quelques, finalement,
01:57 pôles syndicaux qui ont la main sur des nœuds stratégiques de l'économie.
02:01 Et donc, effectivement, on se dit,
02:03 on risque de revivre ce qu'on a vécu sur les carburants,
02:06 et là, c'est compliqué.
02:08 Et puis, la nouveauté, c'est qu'entrent en grève, finalement,
02:11 les secteurs que vous avez cités, notamment le transport, la logistique.
02:15 Et c'est là qu'on s'aperçoit, quand même, que notre économie est devenue
02:18 extrêmement dépendante de tous ces flux organisés.
02:21 Parce que la réalité, c'est qu'aujourd'hui,
02:23 pour nourrir les grandes villes comme Paris, s'il n'y a pas Rungis, c'est compliqué.
02:26 Alors, vous, l'avantage, c'est que vous avez des circuits.
02:30 À la limite, on se dit, s'il n'y a plus d'approvisionnement,
02:32 s'il n'y a plus, dans les grandes surfaces, des produits,
02:35 s'il y a des produits qui manquent,
02:37 parce que, finalement, il y a des problématiques d'approvisionnement...
02:40 - On va à la source, les petits producteurs.
02:43 - Comment vous faites pour contourner, vous, par exemple ?
02:44 - Vous parlez toujours de Rungis.
02:45 C'est vrai que Rungis est un beau pôle international au niveau de...
02:50 Aujourd'hui, je dirais plus pour la restauration.
02:52 Parce que pour des gens comme nous, aujourd'hui, on peut travailler en direct.
02:55 Et donc, on peut travailler avec des paysans qui vont se situer dans le centre 18.
03:00 Je fais allusion à des entreprises comme Aran.
03:02 Vous voyez, c'est des gens qui ont des abattoirs de cochons, pour des gens comme nous.
03:05 Et on peut aller se ravitalier directement chez eux, sans aucun souci.
03:08 C'est pas automatiquement à Rungis, ça, vous voyez.
03:10 - Donc, le message important, c'est quand même que...
03:12 - On peut faire de la... - ...ce que sur les marchés...
03:13 - ...du réseau court, aujourd'hui. - ...que sur les marchés,
03:15 il y aura toujours des produits...
03:16 - Ah, vous avez, au départ, de ce marché-là, un maraîcher,
03:19 donc, il ramasse ses légumes, donc, automatiquement, il les vend.
03:21 Et donc, toute cette niche-là, on l'a vue à travers le Covid,
03:24 où il y avait beaucoup de pénibilité,
03:26 et que nous, on a pu approvisionner, quand même, ce réseau-là,
03:28 sans avoir de pénibilité, vous voyez.
03:30 Mais bon, on n'est pas, aussi, les structures à alimenter des réseaux de 1 800 magasins.
03:33 - Là, Cyril, dans la rue, on se doute pas qu'il y ait une grève.
03:36 Il y a des bus qui passent, il y a du monde.
03:37 Est-ce que vous avez des gens qui sont venus, comme d'habitude ?
03:40 Vous sentez l'impact ?
03:41 - Non, on voit qu'à travers le télétravail,
03:43 et donc, là, on voit que beaucoup d'enfants n'ont pas été à l'école non plus,
03:46 donc les mamans, elles sont dans les appartements.
03:48 Donc, ce qui est marrant dans nos métiers, c'est que ça change les façons de cuisiner.
03:52 C'est-à-dire que, comme ils ont le temps,
03:53 ils vont cuisiner des pièces de viande plus importantes, et pas du snacking.
03:56 Le snacking, dans ces cas-là, ils veulent pas manger un sandwich avec les enfants.
03:59 Ils veulent manger un... - Cuisine !
04:00 - Voilà. Ça, on le voit, c'est vrai.
04:02 - Du coup, les gens descendent en voisin, là ?
04:04 - Bah, vous savez, le marché où vous vous situez, à rue Saint-Charles,
04:06 c'est un marché un peu comme Montmartre, on va dire, c'est une vie de quartier, ici.
04:09 Donc, tout le monde se connaît, nous, ça fait 32 ans qu'on est sur ce trottoir-là.
04:13 Et oui, 32 ans, Emmanuel, qu'on fait le trottoir, tu te rends compte ?
04:15 Hein ? Et donc, on a la chance de voir toutes ces choses-là.
04:20 Par contre, c'est vrai que...
04:21 Est-ce que c'est la période qui est pas la plus facile pour annoncer toutes ces choses-là ?
04:25 On sort de beaucoup d'événements qui sont pas agréables,
04:28 et on fait allusion à nos Lucréniens, on fait allusion à beaucoup de choses.
04:31 Remettre ça sur la planche, c'est pas le côté plaisant, aujourd'hui. C'est vrai.
04:35 - Et vous le disiez, Emmanuel, il y a une question de priorité.
04:36 Ce qui est étonnant, c'est que les commerces alimentaires, ça change pas vraiment.
04:39 Vous disiez, il y a quelques habitudes qui sont modifiées.
04:41 En revanche, de l'autre côté, tous ceux qui vendent des vêtements, des chaussures, des meubles,
04:45 il y a personne.
04:46 Un vendeur de chaussures, tout à l'heure, qui me disait "J'ai vendu des chaussons à 15 euros".
04:49 Ça fait cher la journée quand l'emplacement est à 30 euros.
04:51 C'est ça aussi le risque, si le mouvement dure.
04:53 - Non mais, c'est là où aussi, quand on s'interroge sur l'impact économique global,
04:57 finalement, de ce mouvement,
04:59 on voit que, finalement, sur le plan de la France entière, ça coûte pas grand-chose.
05:05 Ça n'impacte pas massivement.
05:06 Les grandes grèves de 95, par exemple, qui sont peut-être le mouvement
05:09 qu'on peut le mieux comparer au mouvement actuel,
05:12 ça avait coûté 0,2 points de croissance sur un seul trimestre.
05:17 Là, on voit bien qu'on est dans un monde radicalement différent.
05:20 On est dans le monde, finalement, du télétravail, quand même.
05:23 Il y a quand même 4 Français sur 10 qui télétravaillent, qui peuvent.
05:26 Qui peuvent télétravailler aujourd'hui.
05:27 Et donc, ce qui est intéressant, c'est ce que vous disiez sur...
05:30 Vous, ça vous fait toujours des clients, mais c'est des consommations différentes.
05:33 Au sein de tout ce qui est casserole, tout ce qui est éléments de cuisine,
05:36 et porteurs aujourd'hui, parce que les gens, à travers le télétravail,
05:39 se remettent à cuisiner chez eux intelligemment, je trouve.
05:42 Parce que, comme je disais dernièrement, on parle d'inflation.
05:45 Un paysan au salon agricole, qui était éleveur de cochons,
05:48 et c'est vrai qu'on parle d'inflation, mais il faut aussi, nous,
05:49 changer certaines façons de cuisiner.
05:51 Deux côtes de porc et des petites pommes de terre,
05:53 ça coûte pas non plus des milliards, vous voyez ce que je veux dire ?
05:55 Et ça, c'est...
05:56 — Revenir aux matières brutes, plutôt que les plats transformés.
05:58 — C'est vrai qu'il y a des secteurs qui sont bloqués.
05:59 C'est vrai qu'il y a des Français qui vont être beaucoup plus pénalisés que les autres.
06:02 On pense aux hôteliers, aux restaurateurs.
06:04 On pense à tous les travailleurs essentiels qu'on a découverts
06:08 qui n'ont pas les moyens de se loger à Paris.
06:10 Je rappelle qu'il n'y en a que 5% des travailleurs essentiels
06:12 qui habitent en banlieue parisienne aujourd'hui,
06:13 ou dans le banlieue des grandes villes,
06:15 qui ont les moyens de se loger dans les centres-villes où on a besoin d'eux,
06:18 où ils travaillent, à l'hôpital ou dans des services de première...
06:21 — Ils sont obligés de prendre les transports en commun.
06:22 — Et c'est eux qu'on pénalise, finalement.
06:24 C'est pas le cadre qui va télétravailler depuis chez lui, etc.
06:27 Donc ça, il faut aussi en être conscient.
06:29 Mais au niveau global, c'est vrai que l'impact est faible,
06:31 parce qu'en fait, on a des effets de vaste communiquant.
06:33 Le déjeuner que vous ne faites pas, finalement,
06:37 au petit resto à côté de votre bureau...
06:39 — Il sera jamais rattrapé.
06:40 — Il sera peut-être jamais rattrapé,
06:42 mais vous allez descendre acheter de la nourriture pour chez vous, etc.
06:46 Et donc, vous voyez, finalement, ce repas,
06:47 il existe quand même dans les comptes de la France,
06:49 dans l'activité économique de la France.
06:51 — Vous, vous êtes plus rassurant que d'autres.
06:52 — Sur le plan... Oui, mais ça veut dire...
06:53 Il faut pas oublier les secteurs qui vont être pénalisés.
06:55 Sur le plan global, la France subira peu d'effets.
06:59 Prenez par exemple, on nous dit les dockers,
07:01 les dockers qui pénalisent les ports.
07:02 Mais la réalité, aujourd'hui, c'est qu'on est bien plus dépendants
07:05 des containers qui arrivent à Rotterdam, à Anvers ou à Hambourg
07:09 que des containers qui arrivent au Havre ou à Marseille.
07:12 — Et la question, parce que c'est bientôt fini, Manuel,
07:14 la question qui revenait beaucoup,
07:15 même si les gens se le faisaient pas la poser face à la caméra,
07:17 c'est tout ça, pourquoi ? On va où ?
07:18 Est-ce que cette mobilisation, ça peut faire céder le gouvernement ?
07:21 Est-ce qu'il y a encore des marges de manœuvre ?
07:23 Ou c'est tout ça pour rien ?
07:25 — Bah, encore une fois, le sentiment général...
07:29 — Le message passe.
07:30 — On sent quand même qu'il y a quand même, sur une certaine France,
07:34 des gens qui sont quand même mécontents.
07:36 — Oui, mais la réalité, c'est qu'on assiste plus...
07:39 — Il faut entendre ces mécontents.
07:40 — Le problème, c'est qu'on assiste plus à une agrégation
07:43 de mécontentements globaux, parce qu'en fait,
07:44 les gens se plaignent pour des tas de choses,
07:46 notamment le pouvoir d'achat, encore une fois.
07:48 Et puis la réforme des retraites, c'est un peu la goutte d'eau
07:50 qui fait déborder le vase.
07:52 — C'est une tâche du représentant de 50 pour le gouvernement français,
07:54 où on s'y attache beaucoup, à la retraite.
07:55 — Mais voilà. Mais après, le pari du gouvernement,
07:59 c'est que la mobilisation va être...
08:02 En gros, le scénario du gouvernement, c'est quoi ?
08:04 C'est de dire « Bah oui, il va y avoir des journées,
08:06 aujourd'hui encore, avec une grosse manif. »
08:08 Et après, c'est la longévité qui fait...
08:10 Oui, c'est la longévité qui fait...
08:11 Et là, ce qui risque de se passer,
08:13 c'est que la grève va être cristallisée sur des points très compliqués.
08:15 Donc on l'a vu, ça peut être très gênant, la logistique,
08:18 l'essence et le train, etc.
08:21 Mais il va se passer ce qui s'est passé
08:23 au moment de la grève contre les hydrocarbures...
08:25 Enfin, chez les grands pétroliers,
08:28 c'est qu'à un moment, les gens vont se dire « Mais bon,
08:30 c'est toujours les mêmes qui bloquent, etc. »
08:31 Et que le soutien de l'opinion risque quand même de faire...
08:33 — L'opinion. — La lassitude de l'opinion...
08:35 — Ce sera le jus du pet. — ...risque peut-être de...
08:37 C'est le pari que fait le gouvernement, en tout cas.
08:39 — Merci Emmanuel. Merci beaucoup, Cyril. Ça sent très très bon.
08:41 Maintenant, ça va être l'heure de déjeuner.
08:43 — On va peut-être aller faire nos courses, maintenant.

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