Retrouvez « La drôle d’humeur de Marina Rollman » dans la Bande Originale sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-drole-d-humeur-de-marina-rollman
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AmusantTranscription
00:00 - Oui, je reviens et on est en pleine saison de… Ouh, ça s'est refroidi ! Oui, mais
00:10 je crois que ça va se réchauffer.
00:11 Il fait frisquet mais il fait jour plus longtemps et ça c'est ça, c'est une conversation
00:14 qui te donne envie de te jeter par la fenêtre.
00:15 Car c'est malheureusement la période des observations d'entre-saisons sur les changements
00:19 de météo.
00:20 Mais on est surtout en pleine saison des prix de cinéma.
00:22 Les BAFTA et les César il y a quelques semaines, les Oscars dans une semaine et comme chaque
00:26 fois qu'il y a des prix de cinéma, je me vois les recevoir.
00:28 Alors vous vous demandez suis-je en train d'écrire un film ? Non.
00:30 Jouais-je dans un film ? Non.
00:32 Est-il prévu que je réalise un film ? Pas pour l'instant.
00:33 Mais ça ne m'empêche pas de fantasmer.
00:35 Parce que les gens qui font ce métier et qui prétendent ne jamais avoir répété
00:38 de discours de remerciements sous leur douche, vous êtes comme les gens qui me disent dans
00:42 la rue "eh lo eh lo, t'as un moment pour parler du VVF, ça prend que deux minutes
00:45 je ne vous crois pas".
00:46 Vous avez arrêté de mentir.
00:48 Ce n'est pas l'amour du 7ème art qui vous pousse à faire ce métier, c'est une
00:50 forme d'erotomanie couplée à un besoin de vengeance contre vos proches et les gens
00:53 qui vous ont fait du mal quand vous étiez petit.
00:55 Donc oui, les prix c'est important.
00:57 Mais comme une sodomie en apesanteur, réussir un discours de remerciements n'est pas chose
01:01 aisée.
01:02 C'est pourquoi pour tous les aspirants sociopathes qui nous écoutent et rêvent aussi de gloire
01:06 et de paillettes, je voulais faire un tour d'horizon des possibilités de discours
01:08 quand on reçoit un prix.
01:09 Alors le premier prix, premier espoir, premier film, alors ça, ça chiale.
01:14 Vous mettez des gouttes de glycérine avant, vous foutez du boum du tigre au coin des
01:18 yeux, vous tirez un poil de lunet, peu importe, mais il va falloir morver.
01:21 C'est pour ça qu'ils ouvrent les Césars avec, c'est LA séquence émotion.
01:24 Il y a toujours un moment de grâce humide de la part de gens qui, vraiment pour le coup,
01:28 voient ce milieu comme un truc encore magique.
01:29 C'est des gens qui ont encore une âme.
01:31 Et ça se voit, puisqu'ils disent n'importe quoi, mais avec le cœur.
01:34 Ils sont là au pupitre, ils sont là "c'est si beau, vous êtes tous tellement beaux,
01:38 je vous remercie".
01:40 Et là, sincèrement, ils prennent des temps parce qu'ils vivent le truc.
01:44 Mes parents ! Et toi, Léa, qui m'a offert une nouvelle vie avec ce rôle, et c'est
01:50 la même personne dans 30 ans qui fera des interviews en clopant avec des lunettes de
01:53 soleil.
01:54 Ce métier, c'est de la merde.
01:55 C'est fait par des abrutis qui font semblant de savoir où ils vont, il est quelle heure
01:59 là ? 10h ? Apéro ? Ça veut dire que vous croyez qu'ils ont du calvaï ?
02:02 Ensuite, il y a le prix pour ta carrière.
02:04 Les grands prix, lifetime achievement.
02:06 Alors ça, la règle, c'est "faut pas parler la langue du pays où tu le reçois".
02:10 Donc, même si t'es née dans le 20ème, tu commences ton discours par "je t'ai
02:15 désolé, je ne parle pas français".
02:17 Et t'as envie de dire "mais frère, t'es millionnaire.
02:19 On te l'a annoncé il y a des mois que t'avais ce prix".
02:21 Prends des cours en fait, on te demande pas de le faire en vert ou en araméen.
02:25 Moi non plus, je ne parlais pas anglais, mais je me suis sorti les doigts du cul, qu'est-ce
02:27 que tu veux que je dise ? Et ensuite, il te déroule un petit papelard, et c'est parti
02:31 pour 7 minutes d'histoire du cinéma en Google Translate approximatif.
02:35 François Truffaut disait "j'ai fait des films pour réaliser mes rêves".
02:39 Et là, tout y passe.
02:40 Fernandez, les Frères Lumière, les militeurs en Amérique, tout y passe.
02:44 Alors que généralement, ce prix, si on leur donne à cette personne, c'est uniquement
02:47 parce que leur fils voulait aller à la Fashion Week et donc ça se goûtait bien d'être
02:50 en ville la même semaine.
02:51 Mais c'est pas vraiment le cas.
02:52 Ensuite, il y a le film qui revient toute la soirée.
02:55 Alors ça, c'est le film de cette édition.
02:56 C'est celui qui rave tous les prix.
02:57 Alors c'est hyper joli, mais tu sais, au bout d'un moment, c'est pas qu'ils ont plus de
03:00 gratitude, mais l'adrénaline retombe un peu quand même.
03:03 Donc la première fois, autant la première fois, le premier prix qu'ils gagnent, c'est
03:07 une famille qu'on a créé sur ce plateau.
03:09 Une famille qui résiste à la barbarie par la culture.
03:12 Et quand ils finissent par gagner de ses meilleurs montages de costumes dans un second rôle,
03:15 ils reviennent un peu fatigués.
03:17 Alors, une fois à la Cantoche, on a eu des yurts vanilles.
03:21 Merci pour ça, Jean-Do Traiteur.
03:25 C'était la troisième, non, c'était la deuxième semaine de tournage.
03:28 Merci à eux, t'as eu l'air de sauvagement.
03:31 Un de mes prix préférés, généralement, c'est le son.
03:34 Grand paradoxe des remises de prix, les gens qui ne sont pas bons dans leur métier.
03:38 Enfin, en tout cas, ils font du son, mais là, ils te donnent du silence.
03:40 C'est normal, parce que ça fait 20 ans qu'ils entendent des dialogues mal écrits, dits par
03:43 des gens insipides et qui savent que tout ça sera sauvé au montage, donc ils ne causent pas.
03:47 Ils savent la vacuité des mots.
03:49 Donc les gars du son, généralement, ils font le truc où ils se posent même pas aux pupitres.
03:52 Ils se penchent, genre t'as pas le time.
03:53 Comme si t'indiquais une direction à une bagnole au ferrou.
03:56 Ils font comme ça, ils font "merci" et ils se casquent.
03:59 Et alors, celui que j'adore aussi comme discours, c'est que des prénoms.
04:03 Ça, c'est quelqu'un qui arrive en full toupie émotionnel.
04:06 Tu sens dans les yeux qu'on n'est pas loin de faire un épisode psy.
04:08 Et il y a un côté un peu de "c'est les sols, je dois me battre, mais donc je reviens chez moi
04:11 avec 22 chaussettes gauche et un anorak pas à ma taille, parce que je suis prise par l'émotion".
04:15 Ils regardent partout comme ça et au final ils disent "oh là là, il y a tellement de gens".
04:17 Alors merci à Corinne, Loulou, Jérôme, Piotr, Fanny, Abdelaziz, Isseux, Pia, Tchen, Mona, Gontra.
04:23 Et ça c'est bien parce que ça fait genre que t'as dit tout le monde.
04:25 Alors que un, t'as pu en oublier plein.
04:28 Et deux, c'est sûr la moitié tu les as inventées.
04:30 Mais c'est impossible de fact-checker derrière.
04:32 Nicolas, lequel, on ne sait pas.
04:35 Mais tu tires dans le tas, qu'un sera touché, donc ça passe.
04:38 Et enfin, je crois que mes discours préférés généralement, c'est les discours documentaires.
04:43 Parce que ça c'est le discours engagé, tu te sens comme une merde quand tu le regardes.
04:46 C'est un mec sans âge, avec des cheveux longs et une gigabarbe qui arrive et pas une seconde il prend le temps de kiffer.
04:51 Je pense quand il jouit, il embraye sur le Yémen derrière.
04:53 Il a son prix, direct, il l'a à peine dans la main, direct c'est le festival du somme.
04:59 Il enchaîne sur un truc qui n'est pas le sujet de son film.
05:01 Car cet homme ne dort jamais, il ne fait que lire des mauvaises nouvelles.
05:04 Donc il attrape son machin direct et dit « Je profite de la tribune qui m'est offerte ici
05:08 pour parler du village de Chmousk en Géorgie qui se bat avec courage et détermination
05:13 depuis plus de 17 ans pour rénover son rond-point.
05:15 La cour internationale de la haine ne veut rien savoir, prétendant qu'elle n'a aucune
05:18 juridiction sur les questions de mobilier urbain et routier.
05:20 Mais nous nous battrons avec mes camarades ! ».
05:22 Et là t'as les violons de la gênance qui arrivent,
05:24 « Woulouloulou ! »
05:26 Avec une petite meuf tout bien sapée qui essaie de le pousser gentiment en mode « Allez,
05:29 on remballe le Gandalf zadiste, les gens veulent voir des stars ».
05:32 Bref, y'en a plein d'autres que j'ai loupées.
05:34 Tout ça pour dire les amis, bonne chance à ceux qui se le méritent.
05:36 J'espère que je serai à la hauteur quand ce sera mon tour et promis, je vous oublierai pas.
05:39 C'est cool !
05:40 Merci ! Marie-Laure Manet !
05:44 - Merci. - Voilà.