Macha Méril est l’affiche de « Une Étoile », une pièce remarquable qui fait l’éloge de la vieillesse et dans laquelle elle interprète une ancienne danseuse qui n’a vécu que pour sa carrière quitte à en négliger sa vie personnelle… Une spectacle époustouflant à découvrir au théâtre Montparnasse.
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00:00 Et soyez les bienvenus si vous nous rejoignez sur le plateau de Télématin.
00:03 Nous sommes en compagnie de notre invitée jusqu'à 8h30.
00:06 Bonjour Masha Merrill.
00:07 Bonjour Jean-Baptiste Brachaud.
00:08 Ravie de vous retrouver.
00:10 On est ravie de vous avoir.
00:11 Vous étiez encore sur scène hier soir.
00:12 À l'affiche de cette pièce au Théâtre Montparnasse, Une étoile.
00:15 Si je devais résumer la pièce,
00:17 est-ce que je dirais que c'est un éloge de la vieillesse ?
00:20 Est-ce que ça vous va ?
00:21 Ça me va parce qu'il y a beaucoup de sujets dans toutes les bonnes pièces.
00:25 Il y a plusieurs sujets.
00:26 Cette héroïne que j'interprète, c'est une ancienne danseuse.
00:29 Vous savez que les danseuses, c'est comme les sportifs de haut niveau,
00:32 leur carrière est courte.
00:33 À 42 ans, c'est clair.
00:35 Alors, elles s'aperçoivent, quand elles arrivent à cet âge-là,
00:38 qu'elles ont un peu négligé...
00:39 Ah, il y a un extrait qui passe.
00:40 On regarde quelques images en même temps.
00:42 Allez-y, parlez-y.
00:43 Elles s'aperçoivent qu'elles ont négligé leur vie personnelle.
00:46 C'est-à-dire que leurs compagnes, compagnons, les enfants,
00:51 sont un peu passés à l'as.
00:53 Et tout d'un coup, la solitude terrible commence.
00:56 Mais je pense que ça vaut dans beaucoup de vies, ça.
00:58 Qu'est-ce qu'on fait de sa deuxième moitié de la vie,
01:00 et alors de la troisième, etc.
01:02 C'est-à-dire que c'est à l'ordre du jour, c'est vraiment d'actualité.
01:06 Et je pense que non seulement ce n'est pas un drame,
01:09 si on s'y prend bien,
01:10 mais ça peut être passionnant de se réinventer une deuxième vie.
01:14 Alors, je ne vais pas tout vous raconter
01:15 parce qu'il y a un suspense véritable dans cette pièce,
01:18 mais j'ai eu l'impression que cette pièce,
01:21 elle traitait de ma vie, de moi.
01:24 - De te retrouver.
01:25 - Je pense que...
01:26 - Parce que ça répondait à des questions où vous vous êtes exposée.
01:28 - J'ai des questions que je me posais, des choses,
01:30 je fais même des propositions, vous voyez ?
01:32 Je vais loin, c'est comme vous, ici, dans cette émission,
01:34 vous n'arrêtez pas de proposer des trucs.
01:35 Eh bien, au théâtre, on peut faire ça aussi.
01:38 Et c'est d'ailleurs formidable parce que
01:40 je vois que les gens dans la salle sont attentifs et médusés.
01:44 C'est-à-dire qu'ils se disent "Ah, si elle le dit, c'est que c'est faisable".
01:48 Et je pense que c'est ça, l'agageur du théâtre.
01:51 C'est qu'on vient à l'intérieur de vous.
01:53 On vient vous proposer des choses auxquelles vous n'auriez pas pensé.
01:56 - Et on les mûrit, nous, après, en sortant.
01:57 - Et après, en sortant, vous y réfléchissez, vous discutez, et puis...
02:01 Mais la catharsis du théâtre, c'est ça.
02:04 C'est beaucoup plus puissant que n'importe quoi d'autre.
02:06 - Alors cette mère, effectivement, Léna, elle retrouve son fils aussi.
02:10 Il y a sa carrière de danseuse étoile qui s'arrête, justement.
02:12 Est-ce que ce n'est pas dur de s'arrêter ?
02:14 Ça, c'est quelque chose sur lequel vous vous exprimez souvent,
02:17 d'arrêter cette carrière comme si, effectivement, il y avait la retraite.
02:21 - Eh bien, c'est très simple, il ne faut pas arrêter.
02:23 Il faut faire autre chose.
02:24 Il faut surtout, dès le début, avoir plusieurs disciplines, plusieurs casquettes.
02:30 - Pas qu'une chose dans sa vie.
02:31 - Voilà.
02:32 Le secret de la longévité, c'est d'avoir de la curiosité pour d'autres choses.
02:37 Et puis aussi, de se mettre en danger.
02:40 C'est-à-dire que...
02:42 Moi, j'ai toujours pensé ça, c'est-à-dire qu'il ne faut pas croire qu'on est arrivé quelque part.
02:46 On n'est jamais arrivé.
02:47 On est arrivé quand on est tout à fait au bout.
02:49 Eh bien, écoutez, même la mort, ça peut s'aménager.
02:52 Même la mort, on peut la mettre en scène.
02:54 Je ne veux pas tout vous raconter, mais je pense que c'est un morceau de l'existence
03:00 qui mérite qu'on y réfléchisse d'avance.
03:03 Vous savez, quand on arrive à un certain âge, 82,
03:06 c'est qu'on ne peut pas ne pas penser à ça.
03:08 Et quand on pense à ça, il faut le voir d'une façon...
03:12 - Optimiste ? - Élégante.
03:13 - Élégante. - Élégante.
03:14 - Joyeuse.
03:15 C'est-à-dire, pourquoi pas ?
03:16 Sauf si, évidemment, on a une maladie très handicapante
03:19 et que là, on est un peu dans les mains des médecins.
03:21 Mais quand on a la chance d'avoir une correcte santé,
03:25 je pense qu'il faut réfléchir à ces derniers moments de la vie qui peuvent être...
03:29 Moi, j'ai eu quelques personnes autour de moi qui m'ont enseigné ça.
03:35 Quand Michel Legrand nous a quittés, je l'ai accompagné et j'ai vu
03:40 qu'on peut être formidable dans ces derniers moments-là
03:44 et que j'ai eu la chance de l'accompagner, d'être là avec lui
03:47 et de voir que cette autre partie de la vie, qui a dit qu'elle est moche ?
03:51 La deuxième partie de la vie, la troisième, la dernière.
03:54 Il faut, au contraire, l'attendre à réinventer.
03:58 - Justement, Michel Legrand, effectivement, vous en parlez,
04:00 disparu il y a quatre ans maintenant.
04:01 Vous allez, je parie que vous préparez un...
04:04 Comment dire ?
04:04 L'Edévoyé qui sera un projet d'opéra au théâtre du Châtelet l'année prochaine.
04:09 Qu'est-ce qu'on va y retrouver ?
04:10 - Nous l'avons écrit ensemble et c'est une idée formidable de Michel.
04:14 - Vous l'aviez écrit ensemble ?
04:16 - On l'a écrit ensemble parce qu'on est inspiré d'un livre
04:18 qui s'appelle "Entretien avec un dévoyé".
04:21 C'est l'histoire d'une philosophe et d'un jeune garçon qui est prostitué pour mec.
04:26 Alors, ils ont une conversation très intéressante
04:28 et puis, petit à petit, on comprend qu'ils sont tous les deux désespérés.
04:32 Et ce qui... Michel, qui était très pudibon, pudique,
04:36 ça m'a beaucoup étonné qu'il aime ce sujet.
04:38 Alors, l'idée formidable, c'est que les deux personnages
04:41 que je vais jouer avec un autre comédien,
04:45 ils parlent mais leur pensée chante.
04:49 Et donc, nous avons à côté de nous notre double
04:51 et naturellement, le double, il ne dit pas du tout la même chose
04:54 que ce qu'on se dit en direct et ça, c'est la chose,
04:56 la trouvaille de Michel Legrand.
04:58 - Votre rencontre quand même à Chaméry-le-Mont avec Michel Legrand,
05:00 vous vous êtes attendus pendant 50 ans.
05:02 Je ne sais pas ce que vous montrez de cet archive,
05:03 c'était en 2014, vous étiez à ses côtés
05:06 et vous racontiez un peu cette rencontre.
05:08 - On s'est rencontrés en écoutant de la musique, de la bossa nova,
05:14 dans des petites boîtes de favelas
05:17 et personne ne connaissait encore la bossa nova.
05:19 C'est Michel qui a ramené la bossa nova en France,
05:21 on ne le sait pas.
05:23 Et on s'est dit, mais on est fait l'un pour l'autre,
05:25 sauf qu'il était marié, il avait deux enfants en bas âge
05:27 et moi, j'allais me marier.
05:28 Alors, nous avons sagement décidé de ne pas briser des vies
05:32 autour de nous. - Très douloureux.
05:34 - Et on s'est quitté avec beaucoup de chagrin,
05:36 mais en se disant qu'on faisait bien.
05:37 Et nous avons bien fait parce que quand on s'est retrouvé
05:39 50 ans plus tard, nous étions propres.
05:42 Nous n'avions pas fait de mauvaises actions pour nous unir.
05:46 - Ça vous fait rire ?
05:48 - Non, parce que ça compte, vous savez ça.
05:50 On aurait probablement été tourmentés
05:53 si on s'était unis à ce moment-là.
05:56 Et puis, peut-être qu'il m'aurait cassé les pieds
05:57 parce qu'il avait un sacré caractère.
05:59 Et que d'ailleurs, c'est Claude Lelouch qui m'a dit,
06:01 vous vous êtes retrouvés au bon moment
06:03 parce que vous étiez plus disponibles l'un et l'autre.
06:06 Mais on avait beaucoup, beaucoup de projets.
06:08 Eh bien, ce que nous n'avons pas réussi à faire ensemble,
06:12 je vais continuer à le faire sans lui.
06:14 Mais il est là, vous savez.
06:15 - Il est là ?
06:16 - Il me dicte ce que je dois faire, ce que je dois vous dire.
06:20 - Vous avez le sentiment qu'il vous accompagne ?
06:21 - Oui, bien sûr, bien sûr.
06:23 Parce que les personnes de très, très grand niveau,
06:26 comme lui, de très grande qualité, ils demeurent.
06:29 Ils sont là à travers ses œuvres, à travers sa pensée.
06:33 Je ne fais que lui obéir.
06:35 - Masha Merrill à l'affiche de Une Étoile au Théâtre Montparnasse.
06:38 On revient dans un instant pour la suite de votre Télé-Mata.
06:40 A tout de suite.