Dans cette chronique, notre journaliste Cyprien Caddeo rappelle qu'après avoir diabolisé l'opposition parlementaire, le gouvernement s'apprête à taper à nouveau sur les manifestants et les grévistes, alors qu'il a perdu la bataille de l'opinion sur sa réforme. Preuve que le 7 mars et les jours suivants seront déterminants : la grève est essentielle pour faire plier la Macronie.
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00:00 Olivier Dussopt, c'est quand même un génie.
00:02 Alors, en 2017, il a voté contre le premier budget de Macron à l'Assemblée,
00:06 avant de le rejoindre et de défendre le même budget au Sénat,
00:09 trois semaines après, en tant que ministre.
00:11 Ah aussi, en 2016, il était pour une 6ème République, plus parlementaire.
00:15 Et aujourd'hui, il passe sa loi en enjambant tranquille le Parlement.
00:18 Et attends, attends, la meilleure, en 2010, il était contre la retraite à 62 ans de Sarko.
00:23 Et là, il veut te faire bosser jusqu'à 64.
00:25 Non, c'est le premier être humain à pouvoir vivre sans colonne vertébrale.
00:28 C'est rare, c'est rare.
00:29 C'est rare.
00:30 Bon, vous bloquez comment le pays vous le 7 mars ?
00:45 Le terme exact, c'est "pays à l'arrêt".
00:48 Oui, pardon Philippe.
00:49 Bon, vous mettez comment le pays à l'arrêt, vous le 7 mars ?
00:51 Et oui, la semaine prochaine, c'est la grande journée de mobilisation contre la réforme des retraites,
00:55 une journée d'appel à la grève générale qui devrait se poursuivre sur les journées du 8 mars avec les mobilisations féministes,
01:00 puis du 9 mars avec les orgades jeunesse, puis au-delà.
01:03 Et ça va être l'occasion d'observer comment le gouvernement va à nouveau changer de braquet sur sa communication contre les opposants à la réforme.
01:09 Parce que jusqu'ici, vu que les manifs se sont bien passés, ils ont eu du mal à détourner le débat à coup de "oui, mais les casseurs, ils ont cassé, les méchants manifestants, regardez cette poubelle, elle brûle".
01:18 Bref, le discours habituel.
01:20 Ce sont des dégradations qu'a dénoncées le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin qui s'est exprimé via son compte Twitter,
01:27 Gérald Darmanin qui dénonce des violences inacceptables.
01:31 Ce discours-là, ils l'ont tenté en amont, souvenez-vous.
01:33 Il y a un droit de grève qui existe dans notre pays, ce droit de grève n'est pas un droit de blocage, n'est pas le droit d'entraver les Français.
01:39 Et on vous paraît qu'ils en feront le coup au moment de la grève.
01:41 Le problème, c'est que la bataille de la rue de l'opinion, elle est paumée pour l'exécutif.
01:44 Vraiment, c'est cramé, 65% des Français sont contre et 54% soutiennent y compris un durcissement du mouvement, donc des blocages.
01:51 Donc mettez-vous à la place d'un communicant macroniste.
01:53 C'est la panique, il faut trouver d'autres parades.
01:56 "Mettre le pays à l'arrêt, c'est prendre le risque d'une catastrophe écologique, agricole, sanitaire, voire humaine dans quelques mois".
02:02 Ces dernières semaines, il y avait la violence à l'Assemblée.
02:04 "Ah non, ah non, est-ce que vous croyez que nous allons passer 15 jours comme cela dans l'hémicycle ?"
02:12 "Ce sont 150 orphelins, veuves, veuves en plus, et vous avez la responsabilité de ces choix politiques. Vous êtes un imposteur et un assassin."
02:22 "On est, toute reposant gardé, dans une situation proche de celle de Samuel Paty."
02:27 Bon, ça c'est ce qui a tourné dans pas mal de médias.
02:29 En réalité, gardez à l'esprit qu'il y a eu 71 heures de débat, et pas que ces quelques extraits.
02:33 Après oui, toutes les interventions contre la réforme n'étaient pas brillantes, loin de là.
02:36 D'ailleurs, il y a eu des gros débats internes à la NUP sur ces questions-là, y compris au sein même du groupe France Insoumise d'ailleurs.
02:41 Le 7 mars, on va donc sortir temporairement de la séquence parlementaire de la réforme, qui commençait à user un chouïa le gouvernement.
02:48 "Vous m'avez insulté, personne n'a craqué, personne n'a craqué, et nous sommes là devant vous, pour la réforme."
02:55 Séquence néanmoins intéressante. Enfin, pas là, du soap qui craque en disant qu'il craque pas.
02:58 Non, ce qui est intéressant, c'est qu'on a vu le gouvernement, faute de pouvoir râler contre les manifs, les violences, les blocages,
03:04 râler contre les parlementaires de l'opposition, leur violence, leur blocage.
03:08 Au sein de cet hémicycle, nous avons, je le disais, un camp de l'asphyxie fiscale et du blocage.
03:14 Car à l'extrême gauche, tout est bon pour bloquer et éviter le débat.
03:18 Depuis quelques semaines, depuis quelques jours, nous vivons des moments d'horreur au sein de l'hémicycle.
03:23 Deux semaines de honte, j'ai presque envie de dire que finalement, on a été assignés à résidence pendant 15 jours.
03:28 Ce qu'il faut relever là, c'est que le gouvernement use des mêmes ficelles rhétoriques à l'Assemblée que pour le mouvement social.
03:34 Et là encore, c'est le signe, bon déjà d'un manque d'originalité, mais surtout d'une fébrilité.
03:38 La meilleure défense, c'est l'attaque. Parce que s'il faut compter sur la défense argumentée de la réforme, c'est laborieux.
03:44 Ils savent très bien que si elle passe, ce sera contre l'opinion, donc ça balbutie.
03:47 D'un côté, vous avez Olivier Dussopt qui s'acharne à redire que c'est une réforme de responsabilité et de justice sociale.
03:53 "Pour des raisons budgétaires, nous y reviendrons sûrement avec un déficit qui est massif, qui est important, qui est structurel,
03:58 et que nous faisons en sorte que cet effort, demandez-vous français, parce que travailler plus est un effort, soit le plus justement réparti."
04:03 Sauf qu'une semaine avant, il y a un de ses collègues ministres qui dit ça.
04:05 "Évidemment, si vous reportez l'âge légal, elles sont, évidemment, un peu pénalisées par ce report de l'âge légal.
04:13 On n'en disconvient absolument pas. En revanche, elles sont un peu plus impactées du fait que les hommes."
04:21 Voilà, merci Franck. Donc une mesure de justice, sauf pour les femmes, sortie les meufs, ça tombe encore sur vous, ou psy.
04:26 Et au final, c'est Emmanuel Macron qui finit par siffler la fin de la récré en révélant le vrai esprit de la réforme,
04:31 pour les deux du fond qui n'avaient pas encore compris.
04:33 "Je pense que tout le monde a du bon sens. Cette réforme, elle permet de créer plus de richesses pour le pays, parce qu'on va avoir plus d'heures travaillées."
04:39 Voilà, c'est pas une réforme de justice, c'est une réforme parce qu'il faut faire rentrer de la boula, il faut créer de la richesse.
04:44 Bon, c'est pas toi qui va la toucher cette richesse, enfin ça va russeler, je connais.
04:48 Et alors Macron, je suis à deux doigts de penser qu'il bosse en secret pour la CGT,
04:51 parce qu'au salon de l'agriculture, ce week-end, il a sorti la phrase parfaite pour énerver tout le monde et faire le plein le 7 mars.
04:57 "Pardon, mais quand vous parlez à un éleveur qui ne sait pas ce que c'est qu'un jour férié,
05:01 qui ne sait pas ce que c'est qu'un samedi ou un dimanche où il peut se reposer, il trouve ça juste.
05:05 C'est une réforme de justice aussi pour ça."
05:08 Et oui, dégrader les conditions de travail pour les mettre au niveau de celles d'un agriculteur qui bosse 7 jours sur 7, c'est ça l'égalité, merci Macron.
05:14 Tout ça pour dire, pourquoi le 7 mars ? Bah parce que c'est un peu le moment où jamais.
05:18 Les choses sont ainsi faites, mal faites, mais le gouvernement a, avec la droite, une majorité à l'assemblée pour voter son texte,
05:23 et quand bien même ils l'auraient pas, avec le 47.1, le 49.3, ils ont encore de la réserve pour le passage en force.
05:28 Donc, il reste quoi si on veut avoir la peau de cette réforme ?
05:31 "S'il vous plaît ? - Oui ? - Pas content ! Pas content !"
05:34 Et oui, la grève. Vous avez sans doute entendu pas mal de gens évoquer les grèves de 1995 comme une référence,
05:39 genre "on a pas eu autant de monde dans les rues depuis 95". C'est vrai, mais la leçon de 95,
05:43 c'est aussi que ce qui a fait céder Alain Juppé à l'époque, sur les retraites déjà, c'était la grève.
05:48 Et le patronat qui commençait à dire que c'était plus tenable.
05:50 "Si Alain Juppé se montre au départ inflexible..."
05:53 "Est-ce que vous tenez bon ? - Regardez-moi !"
05:55 "Il est ensuite forcé de reculer sur une partie de son projet."
05:59 "Aucune décision n'est prise à priori."
06:03 "Et renonce notamment à toucher à l'âge de départ à la retraite."
06:07 Voilà, bon entendeur, c'est la fin de cette chronique. Merci de l'avoir suivie.
06:10 N'hésitez pas à nous faire votre retour en commentaire ou à vous abonner à la chaîne.
06:13 Nous, on se dit à dans deux semaines, et on sera peut-être en grève générale prolongée, qui sait. Allez, salut !
06:18 [Générique de fin]