Pour notre chroniqueur Maxime Sbaihi, la réforme des retraites ne met pas suffisamment à contribution les retraités alors que les jeunes générations « doivent travailler et cotiser plus ».
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00:00 Toutes les générations doivent faire des efforts, aussi les retraités.
00:04 Le problème fondamental, en réalité, il est très simple.
00:10 C'est un problème qui est démographique.
00:12 Le système de retraite à la française marche par répartition.
00:19 C'est-à-dire que ce sont ceux qui travaillent aujourd'hui qui payent pour ceux qui ont travaillé hier.
00:22 Ça marche très bien quand il y a beaucoup d'actifs et très peu de retraités.
00:25 Or, aujourd'hui, c'est de moins en moins le cas.
00:26 En fait, on a de moins en moins d'actifs pour de plus en plus de retraités.
00:30 Il y a 18 millions de retraités aujourd'hui en France, 23 millions en 2060.
00:33 Ce sont des chiffres qu'on n'a jamais connus.
00:35 C'est un problème qui n'a pas été préparé et qui va aller grandissant
00:37 puisque le vieillissement de la population va continuer, va s'accélérer.
00:40 Le problème, c'est qu'on accumule aujourd'hui des déficits par le système de retraite.
00:44 C'est-à-dire qu'on engrange les dettes pour payer nos retraites.
00:47 Quitte à créer la dette, je préfère que ce soit un investissement dans l'avenir,
00:50 dans les écoles, dans la formation, dans les universités,
00:52 plutôt que pour payer des retraites.
00:54 Là, c'est vraiment tout l'inverse.
00:56 On hypothèque l'avenir au nom du présent parce qu'on est incapable d'équilibrer nos comptes.
01:00 Et c'est un problème d'ailleurs qui n'est pas que limité aux retraites
01:02 puisque le vieillissement de la population va aussi engranger des dépenses croissantes,
01:06 notamment sur la santé, sur la dépendance, sur le grand âge, sur la perte d'autonomie.
01:09 Donc les retraites ne sont quelque part que la première étape
01:12 de ce grand problème démographique auquel la France est confrontée.
01:15 Ce qui pénaliserait aujourd'hui les jeunes générations, c'est de ne rien faire.
01:21 C'est de surtout ne rien toucher au système de retraite actuel.
01:24 Aujourd'hui, ces jeunes générations sont confrontées à des taux de cotisation record
01:28 qu'aucune génération auparavant n'a connus.
01:31 Et puis, elles vont devoir partir beaucoup plus tard à la retraite qu'aujourd'hui,
01:34 avec des conditions beaucoup moins intéressantes que celles dont bénéficient les retraités d'aujourd'hui.
01:38 Donc c'est un peu la triple peine pour ces nouveaux arrivants.
01:40 Une des solutions pour régler le problème financier et démographique,
01:43 c'est de faire travailler un peu plus ceux qui sont proches de la sortie du marché du travail
01:48 pour qu'ils cotisent aussi un petit peu plus.
01:50 Donc, repousser l'âge de départ à la retraite, pour moi, c'est une mesure nécessaire
01:53 pour mettre à contribution ceux qui partent bientôt à la retraite
01:56 et pas seulement ceux qui rentrent sur le marché du travail.
01:58 Le problème néanmoins, c'est qu'on demande des efforts uniquement aux actifs.
02:01 Ce sont eux qui doivent travailler plus, cotiser plus.
02:04 Et je pense qu'il faut demander des efforts à toutes les générations,
02:07 pas seulement celles qui travaillent aujourd'hui.
02:08 Ce qu'il faut bien comprendre, c'est que la démographie, elle a un coût
02:14 et qu'il n'y a aucune raison pour que ce coût soit uniquement porté par les nouvelles générations.
02:19 Toutes les générations doivent faire des efforts, aussi les retraités.
02:23 C'est une question de solidarité intergénérationnelle.
02:25 Collectivement, les retraités ont les moyens de contribuer à cet effort.
02:29 Je rappelle qu'en France, on est un des rares pays où les retraités sont en moyenne plus riches que les actifs.
02:34 Je pense aussi qu'ils en ont la responsabilité, puisqu'il faut bien comprendre que beaucoup de retraités,
02:38 et notamment la première vague des baby-boomers, n'a pas assez cotisé.
02:42 Elle touche aujourd'hui en pension deux fois ce qu'elle a cotisé pendant sa vie active.
02:45 Donc là, il y a clairement un décalage de financement qu'il faut combler.
02:48 Enfin, je pense que les retraités ont aussi la responsabilité de contribuer à cet effort.
02:52 C'est une forme de devoir, le devoir multiséculaire d'aider les nouvelles générations,
02:56 en tout cas de ne pas leur laisser une dette de financement.
02:58 Il y a aussi, d'une certaine façon, un renvoi d'ascenseur après le Covid,
03:01 qui a coûté très cher d'un point de vue économique,
03:03 pour lequel tout un pays s'est quand même confiné, mobilisé,
03:06 dans un formidable élan de solidarité entre les générations, pour protéger les personnes âgées.
03:11 Il est normal aujourd'hui qu'elles soient aussi mises à contribution pour rétablir nos comptes sociaux.
03:15 Alors, comment faire pour les mettre à contribution ?
03:17 Il y a deux manières très simples.
03:18 Premièrement, la CSG, qui aujourd'hui est avec un taux inférieur pour les retraités,
03:23 ce qui est quand même assez anormal,
03:25 étant donné que la CSG sert justement à financer la sécurité sociale au-delà des cotisations.
03:29 Aligner les taux de CSG entre les retraités et les actifs,
03:31 ce serait une première manière de rétablir une sorte de justice sociale
03:35 et de faire entrer de l'argent plusieurs milliards d'euros.
03:37 Il y a aussi un abattement de 10% sur l'impôt sur le revenu au titre des frais professionnels,
03:41 qui n'est pas que réservé aux actifs, qui est aussi disponible pour les retraités.
03:44 Or, on peut estimer que cet abattement est injustifié,
03:47 étant donné que les retraités n'ont plus de frais professionnels.
03:49 Enfin, une dernière piste, peut-être la moins évidente,
03:51 c'est de ne pas indexer totalement les pensions sur les retraites,
03:54 là aussi dans un effort d'alléger la facture pour les actifs.
03:57 En tout cas, ce sont des pistes qu'il faut, je pense, envisager.
04:00 Encore faut-il avoir le courage de les porter politiquement.
04:04 [Musique]