La France en état de sécheresse : "La sobriété est un mot-clé"

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00:00 Et on poursuit notre discussion avec Sébastien Abyss.
00:02 Bonjour et merci d'être sur France 24.
00:04 Vous êtes le directeur du club Déméter, chercheur associé à l'Iris.
00:08 Deux livres à votre actif.
00:11 "Géopolitique du blé, un produit vital pour la sécurité mondiale"
00:13 qui est sorti en 2015 chez Armand Colin.
00:17 Et vous avez coécrit également "Géopolitique de la mer" chez Erols en 2022.
00:23 Face à cette sécheresse inédite en plein hiver, le gouvernement ne veut fâcher personne.
00:29 Il n'oblige personne.
00:31 Est-ce qu'il faudrait tout de suite néanmoins imposer des restrictions en eau ?
00:35 La question est surtout d'une organisation collective avec beaucoup de lucidité.
00:41 Évidemment la sobriété est un mot-clé aujourd'hui
00:44 parce que la France, tout comme l'Europe, découvre à quel point
00:48 le changement climatique va concerner aussi notre continent, nos territoires.
00:52 Et que le stress autour de l'eau est évidemment un vrai sujet de préoccupation.
00:57 Il faut bien comprendre aussi qu'il faut de la lucidité.
01:00 Ça veut dire que pour les mobilisations de l'eau,
01:04 nous devons accorder au secteur prioritaire l'eau nécessaire
01:08 pour notamment produire de l'alimentation
01:10 parce que les Français sont très soucieux de leur sécurité alimentaire.
01:13 Ça veut dire aussi qu'il faut repenser le système de réserve d'eau
01:17 justement pour contrer la rareté quand elle sévit.
01:20 Et puis il faut évidemment garder en tête la question du traitement des eaux usées
01:25 comme ça a été évoqué dans votre reportage
01:27 parce que la France va devoir aussi penser ses insécurités hydriques en perspective.
01:32 Donc évidemment, beaucoup de préoccupations ces jours-ci
01:35 et une préoccupation forte pour nos productions agricoles cette année.
01:39 Alors si on rentre dans le détail des solutions à court terme parce qu'il y a urgence
01:43 et les agriculteurs, vous le disiez, doivent s'adapter,
01:45 ils doivent trouver un nouveau modèle.
01:47 Est-ce qu'une des solutions, c'est de développer des modèles d'irrigation
01:50 au goutte-à-goutte pour mieux cibler l'arrosage des cultures ?
01:55 Ça peut absolument faire partie des choses que le pays doit développer davantage demain.
02:00 Je précise que la France, parmi l'ensemble des États membres de l'Union européenne,
02:05 est l'un des pays qui utilise le moins aujourd'hui d'irrigation pour son agriculture.
02:10 C'est à peu près 15% de l'agriculture française qui est irriguée, donc c'est très peu.
02:15 Et nous sommes néanmoins le premier pays producteur agricole de l'Union européenne.
02:21 Ce qui est certain demain autour de ce système de goutte-à-goutte,
02:24 c'est qu'il va falloir aussi s'inspirer des expériences qui se passent dans d'autres pays
02:27 où la rareté de l'eau, la rareté des précipitations est une réalité structurelle et ancienne.
02:32 Et on voit bien que les changements climatiques, finalement, nous appellent à plus d'interdépendance,
02:37 interdépendance avec le monde pour apprendre, pour comprendre comment on peut faire face à la rareté.
02:42 Et puis parce que d'une année ou l'autre, les productions agricoles d'un pays, d'une région
02:46 sont très disparates et cette volatilité interannuelle est une réalité mondiale.
02:51 En France, aujourd'hui, nous avons une difficulté globale sur l'eau.
02:55 Les différences selon les régions sont encore notables
02:59 et ça exposera justement encore plus d'interdépendance à l'échelle de notre pays.
03:02 Justement sur la France, quelles sont les cultures qui demandent le plus d'eau
03:07 et quelles sont les cultures qui sont le plus menacées du coup ?
03:10 Évidemment, on pourrait penser à l'élevage comme ça a été dit dans votre reportage
03:15 parce que les animaux ont besoin de prairies.
03:17 Évidemment, cette sécheresse impacte l'alimentation animale naturelle.
03:22 On pourrait évidemment citer le cas de la viticulture qui a besoin d'eau,
03:26 qui a besoin de précipitations régulières pendant l'hiver pour être au rendez-vous des récoltes.
03:32 L'arboriculture évidemment, sur l'ensemble du segment fruits et légumes,
03:36 doit être aussi regardée avec vigilance.
03:37 On voit bien l'an dernier, on a eu du gel qui a fragilisé les productions de fruits et légumes en France.
03:42 Cette année, on a des problématiques de précipitations
03:45 et donc c'est toujours bien faire comprendre à l'ensemble de nos concitoyens
03:51 que cette sécurité alimentaire n'est jamais acquise.
03:53 Elle doit s'entretenir, il faut des outils techniques, il faut un jeu collectif,
03:57 il faut des politiques publiques et autour du climat,
04:00 il faut une énorme capacité d'anticipation et d'adaptation.
04:03 Il y a des cultures qu'on pourra peut-être plus faire demain en France,
04:05 d'autres qu'on va pouvoir faire davantage et c'est aussi cette réalité qu'il faut regarder.
04:09 Lesquelles par exemple, d'autres cultures moins gourmandes en eau qu'on pourrait développer ?
04:15 On sait que par exemple, demain, il y a peut-être des cultures qui vont être maintenues
04:19 sur l'ensemble du pays dans un raisonnement national
04:23 mais peut-être que certaines régions vont pouvoir en faire davantage et d'autres bien moins.
04:28 C'est pour ça aussi qu'on voit bien que la production agricole
04:31 ou le raisonnement sur nos souverainetés alimentaires
04:33 est forcément une souveraineté collective interrégionale.
04:37 C'est vrai pour la France, c'est vrai pour l'Europe et finalement c'est vrai pour le monde.
04:40 Il faut regarder les évolutions du climat et les évolutions des capacités de culture selon les territoires.
04:47 L'agriculture reste extrêmement dépendante du climat
04:50 et on voit bien que ce métier complexe reste complètement soumis aussi à cette aléa météorologique
04:55 et que le changement climatique, ça concerne aussi maintenant très nettement l'Europe et la France agricole.
05:03 Le ministre de l'Agriculture Marc Faineau s'est voulu plutôt rassurant, optimiste.
05:08 Il dit que s'il pleut comme d'habitude au printemps, nous n'aurons pas de difficultés l'été prochain.
05:15 C'est vrai jusqu'à quand finalement ?
05:17 Jusqu'au printemps, c'est demain là, il va falloir qu'il pleuve vraiment sur le pays.
05:25 Oui, selon les cultures, les cycles végétatifs dans l'élevage,
05:29 on est sur un autre registre de calendrier.
05:31 En fait, selon les cultures, les risques ne sont pas les mêmes.
05:34 Selon les régions, je l'ai dit, les situations ne sont pas tout à fait équivalentes.
05:38 Les nappes d'eau ne sont pas au même niveau.
05:40 Et je pense que quand le ministre de l'Agriculture se veut rassurant,
05:43 c'est aussi pour rappeler que d'abord, les prochaines semaines, si les pluies sont là, généreuses,
05:48 il n'y a pas trop d'inquiétudes à avoir, il y aura de l'impact, c'est certain.
05:52 Mais aussi, il faut toujours se comparer.
05:54 Nous avons des pays voisins, vous avez parlé de l'Italie, de l'Espagne,
05:56 où la rareté de l'eau est une réalité pour l'agriculture depuis des années.
06:00 Nous avons à apprendre de ces systèmes agricoles.
06:02 Et je rappelle que dans le monde, la rareté de l'eau, le stress hydrique,
06:05 est une réalité au quotidien, tous les ans.
06:08 Et dans ces pays, il faut essayer de produire pour nourrir.
06:11 Et ces pays ont aussi besoin du coup, de l'ensemble de la communauté internationale,
06:15 parfois pour combler leurs besoins.
06:17 Ça veut dire aussi que sur comment produire demain en agriculture en France,
06:21 nous aurons besoin de nous inspirer et d'apprendre d'expériences africaines,
06:25 moyennes orientales, asiatiques, où parfois le stress autour de l'eau,
06:29 le manque d'eau, oblige dans l'adversité à beaucoup d'innovations,
06:33 des innovations qui peuvent être parfois technologiques,
06:36 mais parfois des innovations aussi socio-organisationnelles et évidemment écologiques.
06:40 - Bon, avant de s'adapter, la situation reste la même.
06:43 Est-ce que cette sécheresse risque de tirer les prix vers le haut et alimenter l'inflation ?
06:49 - Ce qui est certain, c'est que dès qu'il y a des chocs météorologiques,
06:52 ce n'est pas une bonne nouvelle sur les perspectives de récoltes.
06:56 Évidemment, ça peut avoir des incidences sur le prix de l'alimentation.
07:00 C'est là où on voit bien que le changement climatique,
07:02 il a une double dynamique sur l'inflation alimentaire.
07:05 À la fois parce qu'en faisant de plus en plus vert, en verdissant les pratiques,
07:09 en étant dans des décarbonations de systèmes de production industrielles,
07:12 l'alimentation coûte de plus en plus cher parce qu'il y a aussi une inflation
07:16 liée à l'adaptation et à nos transitions climatiques.
07:19 Et ce climat, quand il a cet impact négatif, il peut aussi tirer les prix vers le haut.
07:24 Donc ce qui est certain, c'est qu'on doit aussi se réhabituer,
07:27 sans doute en Europe et en France, à voir le prix de l'alimentation réaugmenter,
07:32 en croissance, ces prochaines années, parce que beaucoup de facteurs structurels
07:36 sont là pour nous rappeler que l'alimentation est précieuse et qu'encore une fois,
07:40 quand on peut produire et quand on produit et quand on peut amener de la nourriture aux populations,
07:46 on est bien sur la première des sécurités humaines et collectives.
07:49 Il ne faut jamais l'oublier.
07:49 Nous avons besoin des mondes agricoles et on a besoin de rendre
07:53 cette production agricole accessible au plus grand nombre.
07:56 Voilà, le message est passé.
07:57 J'imagine que vous êtes au sein de l'agriculture ?
07:59 Oui, absolument, direct.
08:01 Le sujet de l'eau est un vrai sujet de préoccupation, en effet, depuis quatre jours.
08:04 Et on vous laisse y arrêter.
08:05 Merci beaucoup Sébastien Abis de nous avoir éclairé sur ce sujet.
08:10 Je rappelle le dernier ouvrage que vous avez co-écrit,
08:13 "Géopolitique de la mer" chez Erols en 2022.
08:16 Merci à vous.

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