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Florian Zeller, réalisateur, répond aux questions d'Adrien Baget sur Europe 1. Son film "The Son", adapté de l'un de ses pièces, sortira dans les salles de cinéma ce mercredi 1er mars.
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Transcription
00:00 Dimitri Pavlenko, vous recevez ce matin l'écrivain scénariste et réalisateur Florian Zeller.
00:04 - Et oui, Florian Zeller, passé avec brio du théâtre au cinéma, des planches parisiennes aux collines de Hollywood,
00:10 son nouveau film "The Sun, le Fils" sort en salle demain mercredi.
00:15 Adrien Baget l'a rencontré pour Europe 1.
00:18 - Bonjour Florian Zeller. - Bonjour.
00:19 - Bienvenue sur Europe 1. Alors votre dernier film "The Sun, le Fils" en français sort en salle demain.
00:24 C'est de nouveau l'adaptation au cinéma de l'une de vos pièces.
00:27 Après "The Father", on s'en souvient, qui vous a valu l'Oscar du meilleur scénario adapté,
00:32 cette fois vous abordez le sujet difficile de la dépression adolescente.
00:36 Nicolas, 17 ans, semble en pleine dérive.
00:38 Et ses parents, divorcés, interprétés par Laura Berne et Hugh Jackman,
00:42 semblent impuissants à comprendre l'origine de ce mal-être.
00:45 On écoute un extrait de la bonne annonce.
00:46 - Qu'est-ce que tu fais là ?
00:50 - Nicolas ne va plus en cours depuis presque un mois.
00:53 - Je voulais te demander comment ça va ?
00:56 Il s'est passé quelque chose ?
00:57 - Je peux vivre avec toi ?
00:59 - Je ne suis pas été la poule.
01:01 C'est mon petit garçon.
01:02 Je ne peux pas le laisser tomber.
01:03 - Voilà, avec la très belle bande-son du film signée Hans Zimmer.
01:10 Après votre Oscar, Florence Delahaire, vous avez dû crouler sous les propositions.
01:14 Pourquoi adapter de nouveau l'une de vos pièces au cinéma ?
01:16 Et pourquoi celle-ci en particulier ?
01:18 - En fait, c'est une décision que j'avais prise, même avant même de faire "The Father".
01:22 Je savais que si j'avais la possibilité de faire un autre film, ce serait celui-là.
01:26 C'est une histoire que je portais depuis des années,
01:30 qui venait d'un endroit personnel, mais aussi dont je savais
01:33 qu'elle pouvait faire écho à ce que beaucoup de gens vivent.
01:36 Elle parle, comme vous l'avez dit, de la dépression adolescente,
01:40 ou d'épisodes de crise de fragilité psychique.
01:42 Et je sais que personne n'est épargné pour soi-même,
01:45 ou pour les gens qui nous entourent, les gens qu'on aime.
01:48 Et il y a tant de gens qui peuvent, à un moment, se retrouver en situation
01:51 de ne plus savoir comment aider quelqu'un qu'on aime,
01:53 et qui font l'expérience de cette impuissance,
01:56 et des limites aussi de l'amour.
01:57 Et il me semblait que le cinéma pouvait explorer cette histoire-là,
02:02 pour partager ses émotions.
02:03 - Alors, il faut le dire aux auditeurs d'Europe 1, votre film est assez bouleversant.
02:07 Il est aussi dur, vraiment sans concession.
02:09 Contrairement à "The Father", là on adopte le point de vue des parents sur le fils.
02:13 C'était important pour vous de ne pas trop expliquer les choses sur ce mal qui touche Nicolas,
02:17 s'il fallait garder une part de non-dit dans le film ?
02:20 - En fait, non, parce que le non-dit je crois qu'il est dans la vraie vie.
02:24 Je crois qu'il y a beaucoup de culpabilité, beaucoup de déni autour de ces questions-là.
02:28 Ça fait très peur, là, disons, ce qu'on appelle la santé mentale.
02:32 Et j'ai l'impression qu'on s'applique à ne pas en parler,
02:35 parce que ça nous renvoie à des peurs, à des culpabilités.
02:38 Et c'est pour ça que je voulais raconter l'histoire du point de vue des parents,
02:41 qui se trouvent devant une sorte de trou noir,
02:43 qui ne savent pas du tout comment l'appréhender.
02:45 Un trou noir qui peut aspirer la lumière de celui qui souffre, mais de toute une famille.
02:48 C'est très dur d'accompagner ces enfants qui traversent une dépression,
02:54 d'autant qu'on se pose toujours la question "qu'est-ce que j'ai fait de mal ?
02:57 Est-ce que je suis un bon père ? Est-ce que je suis une bonne mère ?"
02:58 C'est-à-dire toutes ces questions qu'on ne se poserait pas s'il s'agissait de santé physique.
03:03 - Bien sûr.
03:03 - Et qui, soudain, dès qu'on touche à l'âme,
03:05 nous renvoient à cet endroit très difficile et trouble de la culpabilité, de la honte, de la gêne.
03:10 Et donc c'est pour aller contre ça que je voulais regarder cette histoire sans détourner les yeux.
03:15 - Alors, votre film "Florence Dallaire, comme toute bonne tragédie", aborde des thèmes universels.
03:20 La difficulté d'être parent, vous l'avez dit, la culpabilité aussi d'un père face à son fils,
03:24 une des scènes clés dans le film, c'est la rencontre entre Hugh Jackman et Anthony Hopkins,
03:29 que l'on retrouve, qui joue donc son père, le père de Peter, dans le film.
03:32 Comment avez-vous pensé cette scène, qui, précisons aux auditeurs d'Europe 1, n'est pas dans votre pièce ?
03:37 - C'est une scène qu'on a beaucoup aimé tourner et qui est devenue centrale dans l'histoire du film,
03:42 où Hugh Jackman, qui est donc le père, confronte son propre père, joué par Anthony Hopkins.
03:48 Et ce qui m'a porté, c'est de, à travers cette scène, de rappeler, ou d'explorer plutôt,
03:53 ces schémas familiaux que l'on répète, ou les traumatismes, ou le cycle d'une génération à l'autre,
03:58 ce qu'on passe à la génération d'après, ou ce qu'on résout pour soi-même.
04:02 Aimer de le faire avec Anthony Hopkins, qui est pour moi le plus grand acteur du monde,
04:07 après "The Father", il y a tellement de gens qui sont venus me voir en me disant "mais est-ce qu'il va bien ?"
04:10 Parce qu'il avait incarné ce personnage qui traversait une démence sénile,
04:14 et je disais "oui, il va très bien, c'est juste le plus grand acteur du monde".
04:17 Et donc on a eu beaucoup de plaisir à jouer, dans "The Son",
04:20 pratiquement une scène diamétralement opposée à ce qu'on avait fait dans "The Father",
04:25 où il est à nouveau d'une cruauté extraordinaire, monstrueuse et savoureuse à la fois,
04:30 et il est vraiment l'homme qui maîtrise la situation.
04:33 Et on comprend en fait que ce père, Hugh Jackman, est aussi un fils, comme on l'est tous,
04:38 et on est tous un fils, pour toujours par ailleurs, et on doit faire avec l'héritage qu'on reçoit,
04:44 et bien souvent on essaie de faire différemment de ses parents, on essaie de faire mieux,
04:47 et on se surprend sans l'avoir prévu, à dire les phrases que nos propres parents nous disaient,
04:54 à répéter des schémas, et c'est un peu la trajectoire de ce personnage,
04:58 et c'est un peu la réflexion de ce film.
05:00 - Oui voilà, vivre aussi avec ses regrets. Hugh Jackman est assez bouleversant dans le film,
05:04 il porte vraiment le film sur ses épaules.
05:06 Comment s'est passé votre rencontre avec lui ?
05:08 - Ça s'est passé d'une façon un peu étonnante, c'est la première fois que ça m'arrive ainsi,
05:12 c'est que c'est lui qui m'a contacté, il m'a écrit une lettre en me disant que si j'avais pas trouvé mon acteur,
05:16 il me demandait d'avoir 10 minutes pour m'expliquer pourquoi il devait être ce personnage-là.
05:22 Et c'est très rare de recevoir un tel message, surtout de quelqu'un comme Hugh Jackman,
05:27 qui est une des plus grandes stars américaines. - Oui c'est un cadeau !
05:29 - C'est un être extraordinaire Hugh Jackman, je l'ai vraiment aimé tant de fois,
05:33 j'étais derrière la caméra à le regarder, et j'ai été en veille par des émotions,
05:37 simplement de le voir descendre dans cet endroit de douleur et d'émotion,
05:44 mais vous disiez que c'est un film dur, mais j'ai l'impression aussi que même un film dur peut donner beaucoup de douceur.
05:49 - Alors on va quand même dire un mot sur le reste du casting, je pense à Vanessa Kirby qui joue Beth,
05:54 la seconde femme de Peter, jouée par Hugh Jackman, ou le jeune Zen McGrath qui interprète Nicolas,
05:59 ils sont tout aussi bouleversants, mais il y a un vrai sentiment de peur, de vulnérabilité,
06:04 qu'on le ressent tout au long du film. Comment s'est passé le tournage ? Vous vouliez les sortir de leur zone de confort ?
06:08 - Je voulais pour ce film-là proposer un chemin différent, et je leur ai demandé de ne pas répéter,
06:14 de ne pas préparer, et d'en avoir comme point d'appui que leur propre expérience de père, de mère,
06:20 et finalement tout ce qui les avait menés jusqu'à moi initialement, que ce soit ça le point de départ de notre travail.
06:26 Donc concrètement on n'a pas répété, et on était tous les jours avec la caméra,
06:31 tentés d'explorer ces émotions dans l'instant, pour essayer de le moins tricher possible,
06:37 et que leur aderne soit à la fois cette merveilleuse actrice, mais aussi la mère qu'elle est,
06:43 et que ce soit notre matériau de travail et d'exploration.
06:47 - Oui on le ressent bien à l'écran, donc sans filet. Vous venez du monde du théâtre, Florian Zeller,
06:52 "The Sun" est déjà votre deuxième film, qu'est-ce que le cinéma vous apporte en plus ?
06:56 - Alors à titre personnel c'est une intensité très grande de tourner un film,
07:02 moi ça fait des années que je vis au théâtre, c'est vrai, et j'aime passionnément ça,
07:07 mais je dois dire que j'ai toujours une émotion un peu singulière quand, vous savez au théâtre,
07:11 un soir il y a la grâce, et un soir il y a moins la grâce, ou ce qui a été apparu parfois disparaît,
07:15 et il y a toujours une sorte de frustration à ne pas pouvoir, non pas figer les choses,
07:19 mais fixer la version qu'on a dans le cœur.
07:22 Et le cinéma donne l'illusion qu'on peut contrôler la vie,
07:26 c'est-à-dire que le film auquel on donne naissance, le film qu'on a envie de partager avec le public,
07:31 c'est exactement ce qu'on avait envie de dire, et ça c'est un vertige très fort.
07:37 - Oui, fixer ça sur pellicule, eh bien ce sera le mot de la fin, merci beaucoup Florian Zeller,
07:41 je rappelle que votre dernier film "The Sun" sort en salle demain,
07:44 allez-y car c'est vraiment un film coup de poing, très fort et vraiment bouleversant à la fois.
07:48 Merci à vous et bonne journée.
07:50 Merci Adrien Baget.

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