• il y a 2 ans
François-Xavier Bellamy, député européen, et vice-président des Républicains était l'invité de Questions politiques, ce dimanche 26 février. Une émission présentée par Thomas Snégaroff avec Carine Bécard (France Inter), Françoise Fressoz (Le Monde) et Nathalie Saint-Cricq (France Télévisions).

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Transcription
00:00 (Générique)
00:08 Bonjour, bonjour et bienvenue dans "Questions politiques".
00:10 Le rendez-vous politique du dimanche midi sur France Inter à la radio,
00:13 France Info à la télévision en partenariat avec le journal "Le Monde".
00:16 Celui qui a accepté notre invitation et qui sera dans un instant et en direct avec nous jusqu'à 13h est Oro député
00:21 et depuis quelques semaines vice-président des Républicains, seul vice-président,
00:25 même depuis l'éviction d'Aurélien Pradié.
00:28 Des nouveaux signes selon Jean-François Copé d'une tragédie grecque que connaîtrait la droite notre invité.
00:33 Également philosophe, aura certainement apprécié la référence et nous dira peut-être quel sera son rôle dans cette tragédie.
00:38 Une tragédie dont le décor sera cette semaine le Sénat pour l'examen du projet de loi sur les retraites,
00:43 mais aussi bientôt la loi immigration au Parlement et d'ici quelques mois peut-être une loi sur la fin de vie.
00:48 Bref, autant de sujets au cœur de l'engagement politique de notre invité qui nous dira également
00:53 si selon lui l'Europe est suffisamment aux côtés des Ukrainiens, l'Oro député François-Xavier Bellamy est l'invité de "Questions politiques".
01:00 "Questions politiques"
01:01 "Thomas Négaroff sur France Inter"
01:06 François-Xavier Bellamy dans un instant avec nous mais pour l'heure c'est l'œil de nos trois éditorialistes
01:12 évidemment préférés que je salue Nathalie Sainquic de France Télévisions. Bonjour Nathalie.
01:16 Que je salue Thomas Négaroff de France Inter et de la 5.
01:19 Bonjour François Sfresos du Monde que je salue.
01:21 Bonjour, bonjour à tous.
01:22 Et salut Karine Bécard de France Inter que je salue.
01:25 Salut tout le monde.
01:25 Beaucoup de salut. Je commence avec vous.
01:27 Karine, ce que vous avez remarqué cette semaine c'est une chose que peu de gens ont noté.
01:33 C'est une Légion d'honneur à une sacrée personnalité américaine.
01:37 Oui, remise de décoration, vous avez raison, très très discrète.
01:40 Le fondateur d'Amazon, Jeff Bezos, s'est vu remettre la Légion d'honneur par le président Macron
01:46 mais la famille Bezos aurait demandé à ce que ça ne se sache pas.
01:50 À l'agenda officiel d'Emmanuel Macron, rien n'avait été inscrit
01:54 et puis pas la moindre photo n'a filtré sur ce qui s'est passé probablement dans l'un des salons du Palais de l'Elysée.
01:59 Donc sur ces dix derniers jours, on a d'un côté le président Macron qui se lève tôt pour aller au marché de Rungis,
02:06 ça c'était lundi, qui se lève tôt pour aller au salon d'agriculture, ça c'était samedi, c'était hier,
02:11 pour se montrer près des Français, proche des Français, pour les écouter et pour même accepter de se faire engueuler.
02:17 Et puis d'un autre côté, on retrouve le même Emmanuel Macron en compagnie d'un milliardaire,
02:21 première fortune au monde, Jeff Bezos, en 2021 en tout cas, avec 210 milliards d'euros.
02:27 Vous remarquerez que ce en même temps finalement, est on ne peut plus macronien,
02:31 alors toute la gauche s'est évidemment levée, a évidemment râlé, c'est assez classique,
02:36 renvoyons une nouvelle fois Emmanuel Macron au président des riches,
02:39 en réalité d'image et surtout ravageuse aux yeux des Français, qu'ils soient de droite ou qu'ils soient de gauche,
02:45 en pleine réforme des retraites, et je rappelle que cette remise de décoration dont on parle aujourd'hui,
02:49 a eu lieu le 16 février dernier, autrement dit jour de mobilisation.
02:53 Emmanuel Macron ne peut pas demander fermement à tous les Français de bosser plus longtemps,
02:57 et ne pas réclamer à Jeff Bezos qu'il paye ses impôts et qu'il ne fasse pas juste semblant d'être écolon.
03:02 Nathalie, on passe de la discrétion à la surmédiatisation avec l'affaire Palmade.
03:07 Exactement, même si ce n'est pas exactement politique, mais on peut considérer que tout est politique.
03:11 Je voulais dénoncer non pas, avec mon temps sur mes grands chevaux, une espèce d'hypocrisie collective autour de l'affaire Pierre Palmade.
03:18 Tout le monde s'accorde à dire qu'il est bien saillant de dire qu'on en fait trop,
03:22 et puis que finalement c'est un épouvantable cocktail de sexe, de drogue, de mort,
03:27 puisqu'un jeune bébé, enfin un bébé à peine né, est de people et que tout ça est absolument terrible.
03:32 Tout est affreux c'est sûr, mais jamais les audiences n'ont été aussi bonnes à la télévision quand on les prête,
03:37 jamais les tirages des journaux n'ont été aussi grands quand ils en vendent.
03:40 Juste pour dire qu'il faudrait un peu cesser cette artue de fric.
03:43 Mais indépendamment de ça, ce qui m'inquiète plutôt, c'est que j'ai...
03:46 On entend, j'aime pas l'expression "une petite musique", mais dans certaines émissions de télé,
03:50 des gens qui disent "c'est plus compliqué que ça, il y a des ministres, il y a tout un réseau, on le protège".
03:56 C'est-à-dire une espèce de délire complotiste qui sera en train d'accréditer l'idée que dès que c'est un puissant,
04:01 ou un connu, ou un célèbre, ou quelqu'un éventuellement riche, ça veut dire qu'il y a une espèce de main non pas qui est la main invisible,
04:06 qui redistribue les biens, mais de main qui tire les ficelles.
04:09 Donc ça, je trouve ça extrêmement dangereux.
04:11 Deuxièmement, j'ai encore entendu hier soir un auteur plus ou moins célèbre
04:15 qui se permet de perorer sur la fin de Pierre Palmade en disant
04:19 "Bon non, je pense pas qu'il va se suicider parce que ça me propose cela".
04:22 Donc c'est un formidable engagement, c'est formidable, et surtout très courageux de dire des choses pareilles.
04:27 Juste pour conclure, il n'y a aucune raison qu'il soit mieux traité, bien évidemment.
04:32 Et je n'ai pas l'impression que ce soit le cas.
04:34 Au contraire, il y a une médiatisation, une rapidité de la justice,
04:37 mais il serait absolument anormal qu'il soit moins bien traité parce qu'il est connu.
04:41 C'est dit. Avec vous, Françoise, on retourne en politique, vraiment politique, au Sénat en particulier,
04:49 avec l'ouverture dans deux jours de l'examen du texte sur les retraites.
04:53 Et oui, et vous allez dire encore et toujours la bataille des retraites.
04:56 Mais si je vous en parle, au risque de l'inserter, c'est que l'enjeu, à mon avis, n'est pas seulement de corriger le texte.
05:01 L'enjeu, c'est de faire oublier ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale il y a dix jours.
05:05 Souvenez-vous, un non-débat ponctué d'insultes, de dérapages, de tensions, de violences.
05:09 Tous les groupes, hormis LFI, sont sortis traumatisés par le spectacle donné.
05:14 Tous ont senti que la légitimité du Parlement en avait pris un coup.
05:18 Le Sénat va donc essayer de rectifier le tir. Il veut privilégier le débat, corneriser l'obstruction.
05:23 Le RN et LFI sont inexistants.
05:25 Cela ne veut pas dire que la partie sera plus facile pour le gouvernement,
05:28 puisque la majorité de droite veut corriger le texte.
05:31 Mais la forme comptera autant que le fond.
05:34 Il faut pouvoir débattre du fond, argumenter, voter.
05:37 Le président du Sénat, Gérard Larcher, a prévu de présider la plupart des séances.
05:41 La gauche, affranchie des dictates de Mélenchon, a prévu de doser le nombre d'amendements
05:46 pour que le principal article de projet de loi, l'article 7, qui concerne le report de l'âge légal, puisse être examiné.
05:52 De son côté, le gouvernement multiplie en amont les contacts avec les groupes, et notamment avec LR,
05:57 pour tenter de dégager un chemin.
05:59 Le texte est améliorable, a fait savoir Emmanuel Macron lors de sa visite hier au Salon de l'agriculture.
06:05 Au Sénat, la bataille n'est plus seulement celle des retraites.
06:08 C'est aussi une bataille pour redorer le blason du Parlement,
06:12 au moment où la démocratie représentative est en berne.
06:14 Un moment important, un moment à suivre avec attention.
06:18 Et que va, à mon avis, commenter largement notre invité ?
06:21 François-Xavier Benhamy s'installe à nos côtés.
06:24 France Inter.
06:26 Questions politiques.
06:30 Thomas Négaroff.
06:33 Bonjour François-Xavier Benhamy.
06:34 Bonjour.
06:35 Député européen, je préfère à eurodéputé, je serai plus joli.
06:38 Député européen.
06:39 Moi aussi.
06:40 Vice-président des Républicains, seul vice-président désormais, vous étiez deux, vous n'êtes plus qu'un.
06:44 Seul premier vice-président parce qu'il y a d'autres vice-présidents.
06:47 Vice-président exécutif, dit-on chez vous.
06:49 On va revenir sur la réforme des retraites, mais commençons par l'actualité du week-end.
06:53 L'agriculture, le salon de l'agriculture.
06:55 Hier, le président de la République a passé, je crois, 11h30 dans les allées à déambuler.
06:59 Un président pris à partie par un militant de dernière rénovation.
07:03 Et une question qui, moi, me semble assez juste par rapport à ce qui s'est passé globalement
07:07 autour des pesticides, autour de la question de l'eau, sur laquelle on va revenir évidemment avec vous.
07:11 Est-ce qu'on peut aujourd'hui sauver l'agriculture française sans ruiner la planète, selon vous ?
07:15 Bien sûr. Et ne pas sauver l'agriculture française, c'est ruiner la planète.
07:19 La vérité, c'est que l'agriculture française, aujourd'hui, elle est en danger de mort.
07:22 Et elle est en danger de mort d'abord parce que, justement, les normes européennes en particulier,
07:26 mais aussi la manière dont la France les applique avec une surtransposition permanente,
07:30 sont le signe d'une espèce de myopie étrange de l'Europe à l'égard de la question climatique
07:35 et de la question environnementale.
07:37 En fait, la question environnementale, c'est un défi global. C'est un défi international.
07:41 Et la vérité oblige à dire que les agriculteurs français, aujourd'hui,
07:45 sont ceux qui respectent les normes environnementales les plus élevées au monde.
07:49 Le problème, c'est que quand vous leur imposez des normes qui sont extrêmement contraignantes
07:52 et que, simultanément, vous laissez le marché ouvert à toutes les importations,
07:55 en fait, vous ne résolvez en rien le problème environnemental.
07:59 Vous êtes juste en train de détruire votre agriculture.
08:01 Alors, ce sera quand même une inflexion du discours, puisque Emmanuel Macron dit
08:04 qu'on n'appliquera pas les accords de libre-échange s'il n'y a pas une clause de réciprocité,
08:07 ou en tout cas, si on ne fait pas mieux quand on importe que ce que l'on impose aux agriculteurs français.
08:12 Est-ce que vous notez ce changement ou pas ?
08:14 J'ai une vraie question à poser à Emmanuel Macron.
08:16 Quelle est la ligne exacte du gouvernement sur ce sujet ?
08:19 Il y a quelques jours seulement, quelques jours, au Parlement européen,
08:22 les députés de la majorité macroniste se sont félicités d'avoir fait voter un texte
08:28 sur la réponse à l'Ira américain, un texte qui parlait de la stratégie que l'Europe devait suivre
08:32 pour pouvoir reconstruire son économie, et dans lequel, au fond,
08:35 l'un des projets les plus saillants, c'est le fait qu'il faut ratifier le plus rapidement possible
08:40 non seulement le Mercosur, mais aussi beaucoup d'autres accords de libre-échange,
08:43 avec l'Australie par exemple, avec la Nouvelle-Zélande, dont on sait très bien que s'ils sont signés,
08:47 c'est tout simplement, par exemple, la fin de l'élevage en France.
08:50 C'est la fin de l'élevage français.
08:52 On a déjà perdu cent mille exploitations agricoles en dix ans en France.
08:55 Et on sait très bien que si on continue d'ouvrir le marché,
08:58 prenez le Mercosur qui est aujourd'hui l'un des marchés les plus protégés au monde,
09:01 donc les exportations, les importations sont difficiles avec le Mercosur,
09:04 c'est exactement ce qui intéresse, bien sûr, beaucoup de nos voisins européens
09:08 qui sont exportateurs et qui veulent absolument pouvoir se saisir de ce marché.
09:12 On sait très bien que si on le fait, on va vers une catastrophe environnementale supplémentaire.
09:15 Alors j'entends Emmanuel Macron dire au salon, d'ailleurs il l'a dit de manière très ambigüe,
09:19 il a dit "pour l'instant, il ne faut pas ratifier le Mercosur".
09:22 Mais moi je m'inquiète beaucoup de cette incohérence, parce que, encore une fois,
09:25 si on regarde ce que font aujourd'hui les députés d'Emmanuel Macron,
09:27 ils soutiennent au Parlement européen, et ça a été un débat très visible et très politique,
09:31 ils soutiennent un agenda de ratification accélérée.
09:34 Alors, pardon, pour vous, est-ce qu'il faut laisser vivre tranquillement les agriculteurs ou les éleveurs français,
09:39 ne pas leur imposer trop de choses, comme dans l'exemple du glyphosate ou des néonicotinoïdes,
09:43 en considérant qu'ils doivent avoir leur agenda et que sans les forcer,
09:47 ils vont être spontanément vertueux ?
09:49 Aujourd'hui, on ne peut pas dire qu'on les laisse vivre.
09:51 Et pour être agriculteur, je crois, moi, j'ai entendu votre chronique avec beaucoup d'intérêt,
09:55 que c'est à eux qu'on devrait décerner la Légion d'honneur, bien plus qu'à Jeff Bezos,
09:59 parce qu'il continue de nous nourrir malgré l'incroyable poids de contrainte.
10:03 Non, mais pas du tout !
10:04 Facile, par jour de week-end, par l'ouverture de salon, oui !
10:06 Je vais me permettre cette digression, je vais me permettre cette digression,
10:08 Ah, la vraie qui allait, c'est bien joué de votre part.
10:10 Je vais me permettre cette digression, non mais elle est importante,
10:12 parce que je partage, moi, votre révolte et celle qu'ont exprimé beaucoup d'élus de gauche, de droite,
10:18 sur cette décoration secrète, d'ailleurs, qui pose un vrai problème,
10:21 parce que c'est une décoration publique, normalement, la Légion d'honneur.
10:23 Mais moi, ce qui me pose problème, ce n'est pas que Jeff Bezos soit riche,
10:26 c'est que le modèle économique, mais c'est sur quoi vous avez pointé l'incohérence d'Emmanuel Macron,
10:31 qui, en même temps, voit les plus démunis et puis les plus favorisés.
10:34 Ce qui me pose le plus de problèmes, c'est que le modèle économique de Jeff Bezos,
10:38 c'est celui qui contribue à fragiliser notre société,
10:40 c'est celui qui représente un impact environnemental majeur,
10:43 c'est celui qui détruit des filières, je pense, par exemple, à la filière de l'édition, à la filière du livre.
10:47 Et, au fond, la grande question, c'est celle du modèle économique de demain.
10:50 Aujourd'hui, vous demandiez, est-ce qu'on laisse vivre les agriculteurs ?
10:52 Je ne demande pas si on les laisse vivre, je demande vous, au pouvoir,
10:56 est-ce que vous les laissez vivre tranquillement, en se disant à terme, ils seront vertueux,
11:00 ou est-ce que vous imposez des dates, un échéancier, pour qu'ils modifient leur façon de travailler ?
11:06 Encore une fois, ils l'ont déjà énormément modifié et ils sont toujours en train de le faire.
11:09 Et moi, je dis une chose très simple.
11:11 Si nous étions au pouvoir, je crois que la première des choses à faire serait
11:14 de ne jamais imposer une norme à nos agriculteurs
11:17 que nous n'imposions pas simultanément à tous les produits que nous importons.
11:21 Oui, c'est un peu la révolution qui est en train de s'opérer.
11:24 Mais non, pour l'instant, pas tellement.
11:26 Excusez-moi de vous dire, mais sur beaucoup de sujets, le gouvernement est toujours en train de dire
11:30 nous devons être les plus vertueux, nous devons montrer l'exemple.
11:33 C'est le paradigme de montrer l'exemple qui a détruit l'agriculture française.
11:36 Pourquoi ? Parce qu'en fait, nous faisons tout seuls ce que les autres ne font pas,
11:39 aussi bien dans le monde que même en Europe.
11:41 Vous parliez du glyphosate.
11:42 Mais si nous sommes les seuls à interdire le glyphosate aux agriculteurs français,
11:45 en réalité, dans les autres pays européens, ce glyphosate n'est pas interdit.
11:48 Le gouvernement ne prendra jamais une décision globale comme vous le souhaitez ?
11:51 Bien sûr que si. D'ailleurs, il y a beaucoup de décisions globales qui sont prises au plan européen.
11:54 Il y a beaucoup de normes communes.
11:56 On appelle ça la réciprocité, en fait.
11:57 C'est tout l'intérêt.
11:58 Avec les pays du Mercosur dont vous parliez tout à l'heure, je ne vois pas comment on va réussir à se mettre d'accord.
12:01 Il y a le marché européen qui doit avoir sa cohérence.
12:04 Et sur les questions agricoles, nous sommes théoriquement dans une politique entièrement intégrée.
12:09 Donc c'est une folie de vouloir se fixer à nous-mêmes des normes françaises
12:13 quand les autres pays européens avec qui nous n'avons aucune barrière douanière,
12:16 aucune barrière commerciale, n'appliquent pas les mêmes règles.
12:18 C'est une folie absolue.
12:19 Et ensuite, il faut protéger le marché européen.
12:22 Et ça, c'est ce qu'on a commencé à faire.
12:23 La question de la taxe carbone à l'entrée du marché unique
12:26 que nous avions promise pendant la campagne européenne,
12:28 elle a été adoptée, elle va être mise en application.
12:31 Ça, c'est déjà un premier signe que nous sommes capables de faire évoluer les règles du marché unique.
12:36 Mais je crois qu'encore une fois, le principe fondamental devrait être
12:40 de sortir de cette logique selon laquelle il faut être les plus vertueux.
12:43 Mais il faut d'abord commencer par appliquer les mêmes règles à ce que nous produisons
12:48 et à ce que nous importons.
12:49 Et puis deuxièmement, il faut faire en sorte que ce marché européen,
12:51 qui peut être un levier exceptionnel pour ça,
12:53 soit celui qui va entraîner les autres pays du monde dans la décarbonation.
12:56 Et aujourd'hui, on n'en prend pas du tout le chemin.
12:58 La stratégie de la Commission européenne qui s'appelle Farm to Fork,
13:00 pardon de parler le bon bruxellois ici,
13:02 de la ferme à la fourchette,
13:04 c'est une stratégie qui va justement contribuer à compliquer encore la vie des agriculteurs,
13:09 qui va faire baisser la production agricole en Europe,
13:11 qui va faire baisser le revenu des agriculteurs,
13:13 qui va augmenter le prix pour les consommateurs.
13:15 Et à la fin d'ailleurs, ça ne fait même pas baisser le problème du carbone,
13:18 parce que oui, on baisse nos émissions,
13:20 mais toutes les études, même celles des experts de la Commission, le montrent,
13:24 on va en fait augmenter les émissions ailleurs dans le monde.
13:26 Si je résume bien, vous dites en fait, ce qu'il faut c'est qu'on produise,
13:30 il faut qu'on assure notre souveraineté alimentaire et l'écologie, ça passera après, c'est ça ?
13:34 Non, parce que c'est seulement en produisant nous-mêmes
13:37 qu'on va pouvoir apporter une solution au problème environnemental.
13:40 Si l'Europe détruit sa propre production,
13:42 si demain vous êtes obligé de tout importer de Chine, du Brésil, du Mercosur,
13:47 si vous êtes obligé de tout importer des États-Unis,
13:50 vous n'avez pas résolu le problème du climat,
13:52 vous avez détruit le modèle de production le plus vertueux au monde du point de vue environnemental.
13:56 Donc en fait, il y a une convergence évidente d'intérêts
13:59 entre la cause écologique et l'avenir de l'agriculture française et européenne.
14:03 D'accord, mais à très court terme, la sécheresse hivernale
14:06 fait peser un risque énorme demain sur les agriculteurs.
14:10 Quelle réponse on doit apporter à ça ?
14:12 Est-ce que c'est par l'importation ?
14:14 Est-ce que c'est par la fin de l'abondance, comme l'a annoncé hier le président de la République ?
14:17 C'est quoi votre point de vue à vous là-dessus ?
14:18 Non, il a raison de pointer du doigt le fait qu'on rentre dans un monde de pénurie.
14:22 C'est une certitude, il faut qu'on s'adapte pour y faire face.
14:25 Il faut évidemment qu'on investisse.
14:27 Je pense par exemple au scandale que représentent nos infrastructures
14:30 de distribution d'eau qui sont vieillissantes
14:32 et qui perdent énormément d'eau potable chaque année.
14:35 Il y avait eu un excellent reportage sur France 2 sur ce sujet
14:38 et je pense que ça doit être évidemment un signal d'alarme aujourd'hui.
14:41 Et puis il faut qu'on permette à nos agriculteurs
14:44 de trouver les moyens d'une irrigation qui leur donne l'occasion de continuer à produire.
14:48 Et je pense évidemment qu'il faut avancer sur la question des rétentions d'eau,
14:52 des rétentions collinaires.
14:53 Le président de la République en a parlé, mais le moins qu'on puisse dire
14:55 c'est que ça n'avance pas beaucoup.
14:56 Ça veut dire ça ?
14:57 Oui, bien sûr, évidemment.
14:58 C'est une manière de gérer l'eau d'une façon raisonnée
15:01 qui permet encore une fois de continuer à produire.
15:04 Je voudrais simplement dire que ce dont nous parlons,
15:06 ce n'est pas une question folklorique
15:08 ou pas seulement l'aménagement du territoire,
15:11 les paysages français, la ruralité, la transmission d'un patrimoine.
15:14 Ce qui est en jeu, c'est la sécurité de notre pays pour demain.
15:17 On a connu, et le grand paradoxe, c'est qu'on prépare toujours la crise qui vient de se passer.
15:21 On a connu la crise du Covid et on s'est dit,
15:23 il faut qu'on se remette à faire des masques.
15:25 On a connu la crise créée par la guerre en Ukraine
15:27 et on se dit, il faut qu'on se remette à fabriquer des munitions.
15:29 Mais la prochaine crise, elle ne sera probablement ni sanitaire ni sécuritaire.
15:33 La prochaine crise, elle sera peut-être alimentaire,
15:36 même probablement alimentaire.
15:38 Parce que ce qui nous guette aujourd'hui,
15:40 c'est une question de sécurité alimentaire pour la France,
15:43 mais aussi pour le monde.
15:44 Même le département de l'alimentation américain,
15:47 qui pourtant pourrait avoir intérêt à ce que l'agriculture française et européenne soit fragilisée,
15:51 même le département de l'agriculture américain a alerté les Européens sur la stratégie Farm to Fork
15:55 en disant, ce que vous faites là, va augmenter l'insécurité alimentaire
15:58 dans les pays qui vous entourent, notamment en Afrique.
16:00 Parce que si on baisse, nous, notre production de 15%,
16:03 eh bien on va baisser aussi nos exportations,
16:05 notre capacité de contribuer à la stabilité alimentaire des pays
16:08 qui sont moins favorisés que nous pour leur climat, pour leurs terroirs.
16:11 Et donc, on est devant un enjeu qui est absolument vital.
16:14 Il n'y a rien de plus important sur nous.
16:16 Ce que vous oubliez dans vos démonstrations, malgré tout,
16:18 c'est qu'aujourd'hui, la production mondiale nourrit 12 milliards d'habitants.
16:23 On est 8 milliards seulement.
16:24 Donc ça veut bien dire qu'on met trop de choses sur les marchés.
16:26 Donc il faut bien réduire, malgré tout, ce qu'on est en train de produire.
16:29 On produit trop.
16:30 On produit trop, je ne sais pas où on a vu qu'on produisait trop,
16:34 dans un monde où, en réalité, il suffit de regarder le simple événement...
16:38 Encore une fois, il y a plein d'études qui expliquent qu'on produit aujourd'hui
16:40 pour 12 milliards de personnes sur la planète.
16:42 On peut certainement faire mieux pour lutter contre tous les gaspillages alimentaires possibles.
16:45 Mais je ne crois pas que ce sera en faisant venir de l'autre bout de l'océan Atlantique
16:50 notre viande bovine demain qu'on va, encore une fois, retrouver le chemin
16:53 d'une production raisonnée.
16:54 Donc le sujet, ce n'est pas seulement d'aller gérer la question de la surproduction.
16:58 Effectivement, aujourd'hui, nos importations...
16:59 Baisser de 15%, ce n'est peut-être pas ridicule.
17:01 Baisser de 15% en Europe ?
17:02 Oui.
17:03 Aujourd'hui, déjà, nous sommes dépendants sur le plan alimentaire en France.
17:07 Si on regarde la balance commerciale française sur le plan agricole,
17:10 si vous retirez les vins espiritueux, qui gâchent un peu l'analyse de la perspective,
17:14 parce qu'effectivement, on vend des vins espiritueux et ça contribue à nos exportations.
17:18 Mais en réalité, cette année, nous sommes déficitaires de 6 milliards d'euros
17:22 sur notre balance commerciale agricole, hors vins espiritueux.
17:24 L'année dernière, c'était seulement 4 milliards.
17:26 Au rythme où ça va, on devient de plus en plus dépendants pour notre alimentation courante.
17:30 Et ça, pour le coup, c'est une très mauvaise nouvelle pour la planète.
17:33 Parce qu'encore une fois, ce n'est pas en faisant venir de Nouvelle-Zélande
17:35 de l'agneau qui traverse le monde dans de l'azote liquide...
17:37 Les poulets, par exemple, ils ne viennent pas de Nouvelle-Zélande,
17:39 ils viennent du reste de l'Europe.
17:40 Mais ils viennent aussi du reste de l'Europe.
17:42 Et ça ne contribue pas non plus à la sécurité, à la stabilité environnementale de la planète.
17:48 Je reviens quand même sur la question de l'eau.
17:50 Vous dites, pour vous, l'essentiel, c'est l'alimentation, l'agriculture.
17:54 Donc il faut faire des choix.
17:56 C'est quoi les arbitrages que vous préconisez ?
17:58 Mais ce n'est pas seulement une question de choix,
18:00 c'est aussi une question de s'équiper pour se préparer.
18:02 J'ai vu que certains reprochaient au ministre de l'Environnement,
18:04 ça m'a beaucoup amusé, en tous les cas, m'a un peu étonné.
18:08 Certains lui reprochent de dire, si on a une augmentation des températures,
18:12 il faut qu'on s'organise pour y faire face.
18:14 Comme si c'était une manière de démissionner devant la crise climatique.
18:17 Mais on peut à la fois se donner les moyens de redresser la barre
18:21 sur le plan des émissions de carbone,
18:22 et simultanément se préparer pour s'organiser à affronter la crise climatique.
18:27 Et de ce point de vue-là, la question des rétentions collinaires,
18:29 bien sûr, elle est absolument nécessaire.
18:31 Non mais, vraiment, vous ne voulez pas répondre à ma question.
18:33 Si on a un stock d'eau qui baisse, il y a ce que les géographes appellent
18:38 un arbitrage entre activités qui doit s'autoriser.
18:40 Non, pas du tout.
18:41 C'est la réponse à la question.
18:42 C'est-à-dire qu'aujourd'hui, on n'a pas de rétention collinaire.
18:45 Ah, c'est la solution à tout ?
18:46 Non, mais pas à tout.
18:47 Vous parliez de la question de l'irrigation.
18:49 C'est effectivement une solution.
18:50 Bien sûr, il faut se doter de moyens qui n'existaient pas auparavant.
18:53 C'est pour ça que je vous parle de cette étonnante incapacité
18:56 à se préparer aux conséquences.
18:57 Oui, mais il y aura forcément des restrictions.
18:59 D'ici là, c'est-à-dire qu'on aura des cas très concrets,
19:02 comme l'été dernier, on se demandera si on laisse toute l'eau
19:05 pour les agriculteurs ou alors qu'on en garde pour l'industrie,
19:08 ou qu'on en arrose un terrain de golf parce que finalement, on a 20 cités.
19:11 Golf, piscine, tout ça, est-ce qu'à un moment, vous dites…
19:14 Oui, à un moment donné, vous dites qu'on devra de toute façon être sobre,
19:17 nous ou certaines autres catégories.
19:19 Mais évidemment, il faudra être sobre.
19:20 Et bien sûr, il faudra faire face à des arbitrages
19:22 dans des situations d'urgence.
19:23 Mais le but, c'est de faire en sorte d'avoir le moins possible
19:26 à vivre ces arbitrages dans l'urgence.
19:28 Le but, c'est de se préparer.
19:29 Aujourd'hui, on perd, je crois, entre 30 et 40 % sur beaucoup de territoires
19:33 de l'eau potable en France.
19:34 30 à 40 %.
19:36 La question, c'est comment est-ce qu'on évite de se retrouver le nez
19:39 devant le problème en plein été en se disant zut, on n'a plus d'eau
19:41 et qu'on fait en sorte d'avoir en amont les moyens de s'organiser
19:44 pour garantir que tous les usages seront couverts.
19:47 Donc pour vous, il n'y a pas de problème aujourd'hui ?
19:49 Il y a un énorme problème, évidemment.
19:51 Il y a un énorme problème de pénurie au Canada.
19:53 Qu'on peut régler par la technologie.
19:54 Qu'on doit régler d'abord en se préparant à faire face aux conséquences
19:57 du changement climatique.
19:58 C'est d'une certitude.
20:00 On va avancer sur le dossier sur la retraite.
20:02 J'attendais un jingle qui va arriver.
20:03 Regardez, il arrive, il est là.
20:04 C'est de ma faute, je les ai pris un peu par surprise.
20:13 La question des retraites, désormais, qui n'est pas très loin
20:16 finalement de celle qui précède, parce que ça concerne évidemment
20:18 la vie quotidienne de millions de nos compatriotes.
20:22 Mardi, la retraite arrive devant le Sénat.
20:24 Votre camp, la droite, est majoritaire.
20:26 Ce matin, Bruno Rotailleau a insisté sur le côté budgétaire de cette réforme.
20:29 Et il a évoqué un durcissement concernant les régimes spéciaux.
20:32 Selon lui, c'est essentiel.
20:34 Est-ce que ça veut dire que pour vous, cette réforme en l'État,
20:36 elle ne vous plaît pas ?
20:37 Qu'elle ne va pas assez loin ?
20:38 Elle doit être améliorée.
20:39 C'est une certitude.
20:40 C'est une certitude et je partage totalement la vie de Bruno Rotailleau.
20:43 Les positions qu'il a exprimées ce matin dans Le Parisien me paraissent essentielles.
20:47 La première d'entre elles, c'est la lutte contre les injustices
20:49 qui restent dans cette réforme.
20:51 On a beaucoup parlé des carrières longues, mais les carrières longues,
20:53 ce n'est pas le seul sujet d'injustice.
20:55 Donc, c'est des femmes essentiellement, c'est ça ?
20:56 Je vois une immense injustice, mais comment ne pas la voir ?
20:58 D'ailleurs, je suis frappé qu'on n'en ait pas plus parlé
21:00 au moment du débat à la Somme des Nationales.
21:02 Malheureusement, on n'a pas parlé de grand-chose,
21:04 comme vous l'avez dit, dans ce spectacle un peu confondant.
21:06 Mais la question de l'injustice majeure qui sépare les hommes et les femmes
21:10 face à la retraite, elle est énorme.
21:12 Aujourd'hui, la retraite moyenne délivrée en France,
21:14 elle est de 1950 euros pour un homme, 1150 euros pour une femme.
21:17 L'écart est colossal, et il est colossal en particulier à cause de la maternité.
21:21 Et le drame, c'est que cette réforme telle qu'elle nous est proposée,
21:24 elle risque d'aggraver encore cette injustice,
21:26 parce qu'elle supprime la bonification.
21:28 Donc, il faut absolument la rétablir.
21:30 Donc, vous êtes plutôt pour un bonus sur la durée de cotisation,
21:34 ou plutôt un bonus sur le montant de la pension ?
21:37 Ce que dit Bruno Retailleau, qui me paraît très fondé,
21:39 c'est que l'on devrait pouvoir donner aux femmes la possibilité de choisir.
21:42 Et c'est certainement la meilleure manière...
21:43 Soit partir plus tôt, soit toucher plus.
21:45 Exactement. C'est certainement la meilleure manière de prendre ce débat
21:47 pour pouvoir offrir un maximum de liberté à toutes celles
21:50 qui se trouveront devant cette situation au moment de leur retraite.
21:53 Je pense que, en tous les cas, c'est un sujet sur lequel
21:56 il faut absolument que cette réforme soit améliorée.
21:58 Et puis, il y a la question, bien sûr, de la clause du grand-père,
22:00 qui est une question budgétaire, mais qui est aussi une question de justice.
22:03 Pourquoi vous... Comment dire ?
22:04 On a l'impression que la clause du grand-père, après tout ce qui s'est passé,
22:07 c'est quelque chose qui a été non pas avalé, mais accepté,
22:10 même si on n'en parle pas.
22:11 Peut-être on peut expliquer ce que c'est ?
22:12 Alors, la clause du grand-père, ça veut dire que tous les gens
22:14 qui sont engagés actuellement dans un statut avec un régime spécial
22:18 garderont leurs avantages, et que seuls les nouveaux entrants,
22:21 c'est-à-dire à qui on dira "bon, ben, c'est comme ça maintenant",
22:24 pourront avoir des modifications.
22:26 Pourquoi remettre ça sur le tapis au risque de crisper tout le monde ?
22:29 Parce que c'est d'une injustice absolue.
22:31 Par exemple, moi, je suis crispé par ce sujet.
22:33 Est-ce que ce qui est injuste n'est pas que des gens qui ont choisi
22:36 des activités professionnelles en sachant qu'il y avait des règles au départ ?
22:39 Des gens qui avaient des privilèges ?
22:41 Que les règles sur les retraites puissent changer,
22:43 on en est tous conscients puisqu'on est en train de parler de ça.
22:45 Pourquoi est-ce que ça pourrait changer pour tous les salariés,
22:48 sauf pour certaines catégories de salariés qui, eux, pour le coup,
22:50 ont le droit que la situation reste figée en l'état d'une manière définitive ?
22:53 Figée jusqu'à ce qu'ils partagent ?
22:55 Vous vous rendez compte ? C'est quand même stupéfiant.
22:57 Mais c'est philosophique !
22:58 C'est philosophique, bien sûr.
23:00 C'est le but de JTR aussi, bien sûr.
23:02 Mais c'est d'abord une question de justice.
23:04 Ma génération, qui va hériter quand même d'une dette
23:08 qui va représenter, j'en suis convaincu, un sujet majeur à traiter,
23:11 on l'a tous oublié, mais cette question, elle va revenir sur la table un jour.
23:15 Ma génération, qui va devoir faire face à cette dette accumulée
23:17 par ceux qui nous ont précédés,
23:19 elle va aussi devoir, dans ces carrières spécifiques,
23:22 éponger le privilège offert à certains
23:26 qui ont le droit, par une espèce de grâce divine qu'on ne s'explique pas,
23:29 tout simplement parce qu'ils ont la possibilité de bloquer le pays tout entier
23:32 si ils ont envie de le faire.
23:34 - Non, à l'opéra, les danseurs ne se passent pas, parce qu'ils ont la possibilité de bloquer.
23:36 - Alors, l'opéra... - Les avocats, finalement...
23:38 - Il y a des situations dans lesquelles la pénibilité est particulière.
23:40 Mais prenez la... L'opéra, ce n'est pas le grand sujet,
23:42 on est tous d'accord avec ça.
23:43 - Non, c'était juste pour répondre aux...
23:44 - La SNCF, c'est 120 milliards.
23:47 Juste la SNCF.
23:48 La clause du grand-père à la SNCF, c'est 120 milliards d'euros.
23:51 Je suis désolé, moi je ne vois pas pourquoi.
23:53 Moi, je paierais pour le fait que ceux qui ont acquis un statut,
23:57 au motif qu'encore une fois, on le sait très bien,
23:59 c'est une question de prise d'otages potentielle.
24:01 Pourquoi est-ce que la SNCF ne s'est pas tellement illustrée
24:03 dans les grèves de ces dernières semaines ?
24:05 Parce qu'effectivement, les gens qui font vivre les syndicats à la SNCF
24:07 n'ont pas trop envie qu'on aille regarder dans les avantages...
24:09 - Donc vous dites qu'il faut aller droit sur le blocage ?
24:11 - Je trouve ça très injuste.
24:12 - Vous affrontez les blocages et vous y allez ?
24:13 - Je me sens prêt à lutter contre les injustices, y compris celle-là.
24:15 - D'accord. Et vous regrettez le système Macron 2019 ?
24:18 Le permis à points, finalement.
24:20 Le permis, pardon. La retraite...
24:22 - Moi, ce que...
24:23 - Ah, de 2017 ?
24:25 - Je ne suis pas contre la diversité des régimes.
24:27 Et ce qui posait un problème dans la réforme d'Emmanuel Macron 2019,
24:29 c'est que, par une espèce de volonté de centralisation extrêmement jacobine,
24:32 elle créait des problèmes là où il n'y en avait pas.
24:34 Prenez le régime des retraites des avocats, par exemple,
24:36 ce n'est pas un régime spécial.
24:38 Le contribuable français n'abonde pas à ce régime.
24:40 Il n'y avait aucune raison d'essayer de le recentraliser par tous les moyens.
24:43 C'est aussi normal que dans l'histoire,
24:45 il y ait des gestions différentes qui se créent.
24:47 Ce qui est anormal, c'est que le contribuable
24:49 abonde des régimes structurellement déficitaires.
24:51 Et je pense, encore une fois, prenez la SNCF, prenez la RATP,
24:54 ce sont des régimes dont tout le monde sait qu'ils sont structurellement déficitaires.
24:56 La SNCF, c'est 4 milliards d'euros par an.
24:58 Désolé, mais il n'y a aucune raison qu'on s'asseye sur 4 milliards d'euros par an...
25:01 - Oui, mais il y a un contexte social.
25:03 - ... au motif qu'il y a des gens qui ont signé un retrait.
25:05 - Pour résumer, vous dites en fait...
25:07 - Mais même moi, je serais un jeune cheminot à la SNCF, pardon,
25:09 mais j'éprouverais un sentiment de révolte devant le fait que mes cotisations
25:11 vont financer un système qui est à deux vitesses.
25:13 - Mais attendez, vous...
25:14 - Il y a des jeunes cheminots à se manifester, alors.
25:16 - Mais bien sûr, il n'y a aucune raison.
25:18 - Si vous étiez à l'Élysée, vous assumeriez le même discours ou pas ?
25:20 Parce que, souvenons-nous quand même que Nicolas Sarkozy, en 2010,
25:23 essaie d'affronter effectivement également la question des régimes spéciaux.
25:26 Au final, ils ont disparu parce que c'était trop compliqué.
25:29 Ça a bloqué le pays.
25:30 Ça a bloqué le pays pendant 10 jours et s'est dit "Bon, on laisse tomber les régimes spéciaux".
25:33 Donc là, vous demandez finalement à vos opposants politiques, les macronistes,
25:36 de réussir à faire ce que vous n'avez pas réussi à faire il y a 10 ans.
25:38 - Non mais je ne dis pas que c'est facile.
25:40 La droite a fait des réformes des retraites,
25:42 et elle a fait des réformes des retraites difficiles,
25:44 et elle a eu droit à des manifestations.
25:45 - Non mais on parle des régimes spéciaux.
25:46 - Mais...
25:47 - Vous êtes très...
25:48 - Elle affrontait déjà des difficultés fortes,
25:50 parce qu'il fallait reporter l'âge de départ à la retraite,
25:52 et ça a été fait.
25:54 Je ne dis pas que c'est facile.
25:56 Je ne vais pas faire semblant que...
25:58 de ma position d'opposant, je donne des leçons au gouvernement.
26:00 - C'est ce qui peut aussi bloquer le pays,
26:02 et mettre le feu aux poudres, et faire une véritable révolte sociale, non ?
26:04 - Oui, mais moi, ce qui m'étonne, si vous voulez,
26:06 c'est qu'on s'est passé dans le premier mandat.
26:08 Le premier mandat, on avait un contexte,
26:10 tout le monde le reconnaîtra économiquement, socialement,
26:12 beaucoup plus favorable pour faire une réforme des retraites,
26:14 avant que le Covid n'arrive, et il ne s'est rien passé.
26:16 On a tout eu avec cette réforme d'Emmanuel Macron,
26:18 pendant le premier mandat.
26:20 On a eu les manifs, on a eu les grèves,
26:22 on l'a un peu oublié, mais on a eu les débats aussi,
26:24 un peu excessifs au Parlement, etc.
26:26 Et puis à la fin, on a tout eu, sauf la réforme.
26:28 Donc, d'une certaine manière, la question est,
26:30 tant qu'à faire d'avoir des grèves, tant qu'à faire d'avoir des manifs,
26:32 tant qu'à faire d'avoir le pays bloqué le 7 mars,
26:34 autant le faire pour une réforme qui en vaille vraiment la peine.
26:36 - Et vous n'avez pas l'impression que vous en rajoutez un petit peu à droite ?
26:38 C'est-à-dire qu'en gros, il y avait Aurélien Pradié,
26:40 à l'Assemblée, qui tous les jours disait
26:42 "donnez une condition supplémentaire pour voter",
26:44 et maintenant, hop, on va au Sénat,
26:46 et on s'en reprend une sur les régimes spéciaux,
26:48 qui n'étaient pas sortis avant.
26:50 Est-ce qu'il n'y a pas un peu de posture politique
26:52 pour montrer que vous êtes capable de faire pression,
26:54 et eux, capables de, non pas ramper,
26:56 mais d'accepter, d'avoir des manifestations,
26:58 pour pouvoir avoir vos voix ?
27:00 - On essaye de gagner des choses pour les Français,
27:02 on essaye de marquer des points pour la France,
27:04 parce que ce qui compte dans ce débat,
27:06 ce n'est pas des sujets de positionnement politique,
27:08 ce qui compte, c'est l'avenir de la France,
27:10 ce qui compte, c'est l'avenir des retraites des Français,
27:12 et ce qui compte, c'est le montant des pensions de demain,
27:14 la possibilité de sauver les petites pensions,
27:16 ce qui a été gagné par Éric Ciotti, par Olivier Marlex,
27:18 à l'Assemblée nationale,
27:20 la possibilité, effectivement, de faire en sorte
27:22 que les carrières longues soient bien prises en compte,
27:24 ce qui a été aussi un des objectifs de la République,
27:26 de la République, de la République,
27:28 ce qui a été aussi un des acquis du débat à l'Assemblée nationale,
27:30 il faut qu'on le complète aujourd'hui,
27:32 même Emmanuel Macron a dit "la réforme peut être améliorée",
27:34 je ne vois pas pourquoi on s'interdirait de le dire nous aussi,
27:36 et ce n'est pas de la surenchère pour nous,
27:38 on n'a rien à y gagner pour nous-mêmes.
27:40 - Parce que si les régimes spéciaux ne sont pas touchés,
27:42 vous ne votez pas la réforme ?
27:44 - Je pense que la position de la droite,
27:46 Bruno Retailleau l'a rappelé dans son entretien ce matin aux Parisiens,
27:50 il l'a dit de manière très claire,
27:52 évidemment que nous soutenons le principe d'une réforme
27:54 dont l'idée est de reporter l'âge de départ,
27:56 parce qu'il faut faire cette réforme,
27:58 ce n'est pas agréable, ce n'est pas facile.
28:00 - Si c'est que le principe que vous soutenez,
28:02 - Mais ensuite la question c'est comment on rentre dans le détail,
28:04 comment on fait en sorte que cette réforme ait une fonction suivie.
28:06 - Voilà, le détail est important,
28:08 et donc si jamais ça ne va pas jusqu'au bout sur les régimes spéciaux,
28:10 vous la voteriez ou pas ?
28:12 Est-ce que la droite doit voter cette réforme ?
28:14 - La droite est majoritaire au Sénat,
28:16 donc elle va pouvoir travailler à la construction d'une réforme
28:18 qui lui paraîtra être la meilleure,
28:20 et ensuite on verra ce que le gouvernement en fait.
28:22 - Si je suis électeur LR et que j'écoute ma radio ce matin,
28:24 je n'ai pas bien compris en fait.
28:26 - Décidément !
28:28 - Mais non, mais je n'ai pas bien compris si vous votez la loi,
28:30 si vous ne la votez pas,
28:32 si ça ne va pas assez loin, si ça va trop loin,
28:34 si c'est le principe, si c'est Pradiesse, si c'est Ciotti,
28:36 si c'est Rotaio, si c'est vous. Honnêtement, c'est pas clair.
28:38 - La ligne est très claire.
28:40 Depuis le début, il n'y a absolument aucun sujet
28:42 sur la ligne du parti,
28:44 et le parti a réaffirmé cette ligne en votant
28:46 en bureau politique il y a 15 jours,
28:48 avec une écrasante majorité.
28:50 Nous sommes favorables, comme nous l'avons été depuis toujours,
28:52 à une réforme qui allongera
28:54 la durée du travail,
28:56 parce que nous sommes l'un des pays en Europe
28:58 où on travaille le moins dans une vie par habitant.
29:00 Et on ne peut pas espérer longtemps
29:02 faire tenir le système de retraite
29:04 auquel nous tenons,
29:06 cette expression de la solidarité nationale,
29:08 on ne peut pas espérer le faire tenir longtemps
29:10 si on ne le réforme pas.
29:12 Il y a 20 ans, il y avait 2,6 actifs
29:14 par retraité. Aujourd'hui, 1,6.
29:16 Un enfant
29:18 en primaire auquel on présente
29:20 les données du problème est capable de comprendre
29:22 qu'il faut faire évoluer
29:24 ce système. Et ça veut dire qu'il faut,
29:26 évidemment c'est difficile, mais qu'il faut
29:28 être capable de travailler plus longtemps dans une vie.
29:30 Ça veut dire qu'il y a beaucoup d'autres sujets
29:32 à traiter, qui sont absolument fondamentales.
29:34 La question de l'éducation, qui est un sujet
29:36 obsessionnel chez moi, mais j'y reviendrai toujours.
29:38 On a chaque année, aujourd'hui,
29:40 150 000 jeunes qui perdent
29:42 toute trace
29:44 de relation avec le système scolaire,
29:46 mais aussi avec le monde de l'emploi.
29:48 150 000 jeunes qui sont dits ni en emploi,
29:50 ni en études, ni au travail. C'est-à-dire des jeunes
29:52 qui finalement contribuent
29:54 à ce faible taux d'activité français.
29:56 Et ces jeunes-là, il faut absolument qu'on aille les récupérer.
29:58 Mais il y a aussi un sujet en fin de carrière
30:00 et ça c'est la raison pour laquelle il faut faire une réforme des retraites.
30:02 Et c'est la raison pour laquelle vous n'avez pas voté l'index senior ?
30:04 Mais l'index senior, c'est un outil
30:06 statistique.
30:08 Non, pas seulement, il peut y avoir des pénalités.
30:10 C'est d'abord
30:12 un outil statistique qui va représenter
30:14 une surcharge administrative pour les petites entreprises
30:16 en particulier. Nous, ce que nous proposons,
30:18 Brune Rotailleul a dit ce matin au Monde parisien,
30:20 c'est de créer une sorte de contrat
30:22 spécifique fin de carrière qui permet
30:24 d'exonérer de cotisations
30:26 familiales les personnes qui ont, par exemple,
30:28 plus de 60 ans.
30:30 Si le but c'est de faire en sorte que les gens
30:32 aillent travailler au lieu d'être au chômage
30:34 comme ils le sont aujourd'hui en fin de carrière,
30:36 c'est un revenu pour l'État, c'est une recette.
30:38 Parce qu'en réalité, vous renoncez à une part
30:40 des cotisations, mais vous gagnez évidemment
30:42 tout ce que vous ne dépensez pas en allocation chômage.
30:44 Donc, tout laisse à penser que ce serait
30:46 en réalité, à la fin, un bénéfice
30:48 pour l'État, y compris au point de vue budgétaire.
30:50 - Est-ce que vous n'êtes pas
30:52 sur la position patronale en disant "non, pas trop
30:54 de contraintes, plutôt des allègements, mais pas de contraintes" ?
30:56 - Oui, bien sûr, évidemment.
30:58 Il n'y a aucun problème avec ça.
31:00 - C'est assumé.
31:02 - Parfois, les patrons
31:04 ont raison.
31:06 - C'est comme si vous regardiez l'État de l'emploi des seniors
31:08 aujourd'hui, vous dites parfois qu'ils ont peut-être
31:10 aussi besoin d'être un peu aiguillonnés
31:12 et de faire le boulot aussi.
31:14 - Mais je ne dis pas le contraire. Le sujet, c'est
31:16 qu'aujourd'hui, créer de l'emploi
31:18 en France, c'est, je pense en particulier
31:20 au TPE, au PME, créer de l'emploi
31:22 en France, c'est un parcours du combattant, d'une
31:24 complexité inouïe.
31:26 Et on n'a pas le droit de rester dans cette situation
31:28 où des gens qui vont créer des emplois,
31:30 et en particulier, encore une fois, je le redis, dans les petites entreprises
31:32 parce que c'est là qu'il y a le plus d'emplois, sont
31:34 en réalité dans une insécurité juridique massive
31:36 parce que la contrainte réglementaire
31:38 est tellement complexe
31:40 que c'est impossible d'avoir la certitude que vous faites tout bien.
31:42 Vous avez tellement
31:44 de travail administratif à gérer
31:46 pour, encore une fois, créer un seul emploi
31:48 qu'on peut regarder ceux qui y parviennent encore.
31:50 Là encore, je le redis, comme étant
31:52 finalement des
31:54 héros de la complexité. Il faut sortir
31:56 de cette passion française
31:58 pour la norme et pour la complexité administrative
32:00 et je crois que l'Index Senior, malheureusement, ajoute encore à ça.
32:02 - Il y a une réponse qui n'était pas
32:04 de l'ordre de la complexité administrative qu'a évoquée
32:06 à cette place-là, François Bayrou,
32:08 mais le RN également, c'est la question de la politique
32:10 familiale. Je ne vous ai pas entendu,
32:12 les Républicains, en parler de cette question-là.
32:14 Aider les familles à avoir plus d'enfants comme solution
32:16 au problème des retraites.
32:18 Quel est votre point de vue là-dessus ? - Si, si, on en a parlé
32:20 bien sûr et c'est l'un de nos grands regrets
32:22 dans cette réforme, c'est que la politique familiale n'est pas
32:24 assez prise en compte. Quand on parle de la
32:26 question des mères de famille, comme Bruno Retailleux le fait
32:28 ce matin dans Le Parisien, quand on dit qu'il faut
32:30 absolument qu'on puisse corriger
32:32 cette injustice entre les femmes et les hommes
32:34 devant la retraite, c'est évidemment lié à la question
32:36 de la maternité et c'est évidemment lié
32:38 à la question de savoir comment on peut encourager
32:40 les Français à avoir des enfants, ce qu'ils
32:42 veulent, à pouvoir mener à bien
32:44 ce projet. Parce que
32:46 la vérité c'est que si
32:48 vous pénalisez les femmes qui ont
32:50 des enfants, et c'est l'un des problèmes de
32:52 notre système actuel, qu'ils pénalisent
32:54 celles qui
32:56 ont des enfants, c'est l'un des problèmes
32:58 de cette réforme des retraites qu'elle va encore plus loin dans cette
33:00 injustice et c'est pour ça qu'il faut absolument qu'elle soit corrigée.
33:02 Non seulement vous créez une injustice
33:04 mais en plus vous fragilisez
33:06 encore la question de la natalité et c'est
33:08 pourtant un des éléments centraux
33:10 pour l'avenir de la France, bien au-delà de la question
33:12 des retraites. Françoise Sous.
33:14 Alors Aurélien Pradié
33:16 a été remercié de son
33:18 poste de vice-président
33:20 parce qu'au fond, il
33:22 n'était pas dans la ligne DLR.
33:24 Mais on ne comprend pas bien aujourd'hui ce que c'est
33:26 que la ligne DLR. L'irruption
33:28 de cette droite populaire qu'il cherche à incarner,
33:30 est-ce que c'est quelque chose
33:32 qui ébranle en profondeur le parti ?
33:34 Est-ce que vous n'êtes pas au fond
33:36 sous pression très forte
33:38 du Rassemblement National à la reconquête
33:40 de l'électorat populaire ? Comment vous voyez
33:42 la situation en interne ?
33:44 D'abord, je ne suis pas sûr que c'était une question
33:46 de désaccord sur la ligne parce qu'en
33:48 réalité, la question des carrières longues qu'Aurélien Pradié
33:50 a portée pendant ce débat, elle a été très largement
33:52 portée par le groupe à l'Assemblée
33:54 nationale et par le parti. Il ne voulait pas d'âge légal
33:56 modifié. Le sujet c'est que finalement
33:58 il y avait dans
34:00 peut-être dans la manière
34:02 de faire valoir sa ligne
34:04 une forme de discordance avec la stratégie
34:06 du groupe et c'est surtout ça qui a fini
34:08 par poser un problème et par
34:10 devenir un peu impenable. Pardonnez-moi, tout de même cette semaine
34:12 quand devant des étudiants à Sciences Po Aurélien Pradié dit
34:14 « Chez LR, il y a désormais deux catégories d'hommes politiques. »
34:16 « Chez LR, il y a désormais deux catégories
34:18 d'hommes politiques, les rentiers et les conquérants. »
34:20 J'ai l'impression que c'est un problème de ligne là.
34:22 Oui, vous savez, malheureusement, c'est la
34:24 politique de la petite phrase. C'est aussi un peu ce qui a tué
34:26 la politique, c'est sans doute ce qui a tué un peu la droite
34:28 aussi. Et c'est la preuve que je ne dis pas
34:30 d'être plus jeune pour renouveler les pratiques, malheureusement.
34:32 Sauf que lui dit « Je ne suis pas en train d'égarer la droite
34:34 mais de rappeler ce qu'elle a été quand elle gagnait. » Donc au contraire.
34:36 Lui ne dit pas du tout « Je suis en train de retrouver la droite. »
34:38 Mais alors, rappelons-nous justement
34:40 mais moi je dis très simplement à Aurélien
34:42 rappelons-nous de ce que c'est que
34:44 la droite populaire précisément et les grandes figures
34:46 de la droite populaire n'ont jamais été
34:48 des figures de démagogues.
34:50 Quand François Mitterrand
34:52 fait passer la retraite de 65 à 60 ans
34:54 le plus virulent contre cette réforme
34:56 c'était Philippe Séguin.
34:58 Philippe Séguin, grande figure de la droite populaire
35:00 qui disait que c'était un mélange
35:02 d'irrationnel et d'imposture.
35:04 Eh bien moi je crois qu'il faut dire que la droite
35:06 qui veut reconquérir les classes populaires
35:08 c'est la droite qui sera de nouveau capable
35:10 de leur parler et de leur dire
35:12 la vérité. Et si on veut rentrer
35:14 dans le champ de la démagogie, on trouvera
35:16 toujours plus fort que nous. Moi je me suis engagé
35:18 à droite justement pour faire en sorte que
35:20 la droite populaire soit capable de
35:22 faire plus fort que nous. Moi je me suis engagé à droite justement
35:24 parce que je ne veux pas de la démagogie.
35:26 - C'est quoi votre acte de reconquête de l'électorat populaire ?
35:28 - Et de l'Assemblée nationale, pour préciser ce que dit François.
35:30 - C'est de reconquérir
35:32 la France qui travaille
35:34 et de dire à la France qui travaille
35:36 que notre premier combat c'est de faire en sorte que
35:38 dans ce pays, le travail paye,
35:40 que dans ce pays, des gens qui ont travaillé toute leur vie
35:42 puissent effectivement avoir une retraite
35:44 digne de ce nom. Ca a été le premier combat
35:46 du groupe. Lorsque la réforme des retraites est
35:48 arrivée à l'Assemblée nationale, le premier combat du groupe
35:50 c'était de revaloriser les petites retraites
35:52 parce que c'est anormal que quand on a travaillé
35:54 toute sa vie, en effet, on touche parfois des retraites
35:56 misérables. Ca c'est
35:58 effectivement un combat de la droite populaire.
36:00 Le vrai combat de la droite populaire, c'est pas de faire en sorte
36:02 qu'on travaille toujours moins dans un pays
36:04 où déjà malheureusement la
36:06 principale difficulté de l'économie
36:08 française, c'est le manque de travail.
36:10 La principale difficulté de tous les entreprises.
36:12 - Vous dites quoi par exemple aux agriculteurs dont on
36:14 parlait au début de l'émission ? Pour le coup,
36:16 ils votaient à droite, largement à droite. Aujourd'hui,
36:18 ils sont complètement déportés sur l'Assemblée nationale.
36:20 Qu'est-ce qui s'est passé en fait ?
36:22 Parce que si vous tenez ce discours-là, ça va pas leur suffire.
36:24 Eux, ils gagnent effectivement très peu d'argent
36:26 et on n'entend pas de proposition
36:28 pour leur permettre d'en gagner plus.
36:30 - Mais alors, parlons des agriculteurs, parlons des pêcheurs. C'est nous qui nous battons
36:32 pour eux au Parlement européen. Et moi, je serais très
36:34 heureux à la prochaine édition européenne... - Aujourd'hui, ils votent plus pour vous. Pourquoi ?
36:36 - ...de faire la preuve du bilan
36:38 que chacun aura lorsqu'il
36:40 se présentera de nouveau devant les électeurs.
36:42 La taxe carbone à l'entrée du marché unique,
36:44 elle va permettre de protéger le marché européen contre les importations.
36:46 Cette taxe carbone, c'est nous qui l'avons
36:48 faite, c'est nous qui l'avons votée. Le Rassemblement
36:50 national, lui, a voté contre. Alors, ce sera intéressant
36:52 de demander aux élus du Rassemblement national, pourquoi
36:54 eux, qui disent qu'ils veulent lutter contre
36:56 la mondialisation qui ouvre à tous les vents nos marchés,
36:58 pourquoi eux refusent de protéger le marché... - Donc les pêcheurs
37:00 et les agriculteurs... - ...quand on est capable de le faire. Je suis très
37:02 heureux que vous parliez des pêcheurs. - L'année prochaine, ils vont voter pour vous ?
37:04 - Moi, je suis en commission de la pêche au Parlement européen, parmi d'autres commissions.
37:06 La pêche, aujourd'hui, elle vit une crise
37:08 existentielle. Elle vit une crise
37:10 de survie. Et cette
37:12 crise-là, eh bien, c'est nous
37:14 qui avons travaillé pour essayer de lui permettre de la dépasser.
37:16 La réserve d'ajustement Brexit,
37:18 c'est moi qui l'ai négociée pour faire en sorte que
37:20 les pêcheurs, qui aujourd'hui se retrouvent privés
37:22 de leur capacité de pêche dans les eaux britanniques, ne soient pas
37:24 abandonnés sur le bord du choix. - Mais vous répondez pas à ma question.
37:26 Pourquoi les agriculteurs et les pêcheurs, on peut les
37:28 ajouter, ne votent plus pour la droite, mais votent
37:30 aujourd'hui pour l'Assemblée nationale ? - Parce qu'ils se sont sentis abandonnés, et je les
37:32 comprends de se sentir abandonnés. Le sujet, c'est
37:34 quand on viendra devant eux, de leur montrer
37:36 ce que nous aurons fait pour essayer de les défendre.
37:38 Et, encore une fois, je le redis sur cette question
37:40 des retraites, faire en sorte que ceux qui ont travaillé toute leur vie
37:42 puissent avoir une retraite digne, c'est, je crois, le meilleur
37:44 moyen d'aller parler à la France populaire. - Vous venez de parler
37:46 de la crise existentielle de la pêche, est-ce que
37:48 la droite connaît aujourd'hui une crise existentielle ?
37:50 - Oui, bien sûr. - Non, c'est intéressant parce que, longtemps,
37:52 la droite s'est construite comme
37:54 une famille politique avec
37:56 plusieurs traditions. On va pas revenir à
37:58 René Rémond, mais il y avait des traditions de droite. Alors là, vous
38:00 me dites "non, il n'y a qu'une seule droite, il n'y a qu'une seule droite, il n'y a qu'une seule droite".
38:02 Vous n'assumez plus ce qui a fait aussi
38:04 le succès, et j'allais dire la beauté
38:06 de la droite dans l'histoire, à savoir sa diversité.
38:08 - Non, bien sûr que non. Je vous parlais de la droite
38:10 populaire à l'instant, celle de Philippe Seguin, bien sûr
38:12 qu'il y a des sensibilités. - Mais il y a l'intention qu'il n'y en ait que celle-ci.
38:14 Non, à vous écouter. - Mais elle existe plus, la droite populaire ?
38:16 - Je crois que, un des...
38:18 Je crois qu'un des grands sujets, pour nous,
38:20 aujourd'hui, c'est que, pendant trop longtemps,
38:22 on a expliqué aux Français que notre force,
38:24 c'était nos différences. Le problème, c'est qu'à un
38:26 moment, quand vous êtes une force politique, vous avez le droit
38:28 d'avoir des différences, mais il faut aussi avoir une unité.
38:30 Parce qu'il faut aussi avoir une capacité
38:32 de cohérence. Et la force de la droite,
38:34 quand elle a gagné, ça a toujours été d'avoir
38:36 une ligne claire, et derrière cette ligne claire,
38:38 autour de cette ligne claire, effectivement,
38:40 des gens qui avaient des parcours, des sensibilités,
38:42 des itinéraires différents. Aujourd'hui, ce qui nous manque,
38:44 c'est d'abord la ligne claire. - Pardonnez-moi, est-ce que ce qui vous manque...
38:46 - C'est d'abord la vision commune.
38:48 Vous êtes bien sûr que ce qui vous manque, c'est pas davantage une tête.
38:50 Parce que dans l'histoire de la droite,
38:52 c'était pas la ligne claire, c'était parce qu'il y avait
38:54 une personne qui incarnait une ligne dominante.
38:56 - Il faudra certainement
38:58 une incarnation, mais... - On ne va pas la trouver en 20...
39:00 - ...l'élection présidentielle... - On ne va pas la trouver au dernier moment.
39:02 Enfin, "on", je ne me mets pas dans le processus, mais...
39:04 - Mais il est passé où, Laurent Wauquiez, à l'élection?
39:06 La question, elle est là. Il est passé où, Laurent Wauquiez?
39:08 - Pardon, mais on n'est pas au dernier moment.
39:10 L'élection présidentielle, elle était il y a moins d'un an.
39:12 - C'est-à-dire que forger un président de la République
39:14 et les capacités, tout ça, c'est quelque chose
39:16 qu'on ne va pas décréter.
39:18 On ne va pas faire un tirage au sort d'un groupe
39:20 à l'air, à l'Assemblée, pour voir qui peut y être.
39:22 - Mais ne vous inquiétez pas, il y a 4 ans
39:24 encore avant la prochaine élection présidentielle.
39:26 - Mais je ne suis pas inquiétée, Laurent Wauquiez.
39:28 - Ce que je trouve très intéressant,
39:30 c'est la fascination qui est
39:32 pas seulement celle de Lavroze, mais celle de la politique française
39:34 pour l'élection présidentielle.
39:36 - Les Français, c'est leur élection préférée.
39:38 Bien avant les municipales.
39:40 - Évidemment, leur élection préférée.
39:42 Mais quand on rencontre les Français, une ou deux fois par semaine,
39:44 je vais un peu partout en France sur le terrain,
39:46 ils ne me parlent pas de la question de savoir qui sera le candidat
39:48 à la droite à la prochaine présidentielle.
39:50 - L'argument de "quand je vois des Français, ils ne me parlent pas de ça",
39:52 c'est un argument qu'ils utilisent partout dans le monde.
39:54 - Ils me parlent, comme demain, j'imagine,
39:56 quand je serai au Salon de l'Agriculture,
39:58 on va parler de la question
40:00 des néonicotinoïdes, on va parler de la question
40:02 d'interdiction du chalut dans les aires marines protégées.
40:04 C'est ça qui intéresse les Français.
40:06 On va parler effectivement de la réforme des retraites,
40:08 mais la question de savoir qui sera le candidat de la droite
40:10 à la prochaine présidentielle, ça intéresse surtout la droite
40:12 et les journalistes politiques.
40:14 - Est-ce que vous pensez par exemple que Laurent Wauquiez
40:16 suit une bonne stratégie en restant relativement à l'écart de tout ?
40:18 Ou est-ce que vous considérez qu'un virtuel candidat
40:20 doit commencer à porter une ligne,
40:22 à donner de la voix et à faire quelque chose ?
40:24 - Moi, je pense qu'en tous les cas,
40:26 il a raison de se concentrer sur le fond,
40:28 sur le travail de terrain,
40:30 parce que c'est la meilleure des choses à faire,
40:32 sur le travail dans sa région.
40:34 De toute façon, c'est son choix, c'est le chemin qu'il a choisi de tracer.
40:36 On verra bien, encore une fois,
40:38 comment les choses vont se décanter.
40:40 - Et vous le trouvez suffisamment présent ?
40:42 - D'ailleurs, je le dis aussi pour la droite et pour mon propre camp,
40:44 le sujet n'est pas seulement de préparer 2027,
40:46 parce qu'on a tous en tête l'élection présidentielle,
40:48 mais le sujet, vous l'avez dit,
40:50 c'est qu'on est dans un moment de survie pour notre famille politique.
40:52 Et au-delà d'ailleurs de notre famille politique,
40:54 on est dans un moment de basculement potentiel
40:56 pour le champ politique français d'une manière très générale.
40:58 - C'est-à-dire ?
41:00 - C'est-à-dire, oui.
41:02 - Prenez la prochaine élection européenne.
41:04 - Il y a deux grands groupes au Parlement européen.
41:06 Les deux groupes qui structurent la vie démocratique en Europe,
41:08 c'est le groupe du PPE, le groupe de droite et le groupe socialiste.
41:12 Demain, à l'élection européenne de 2024,
41:16 c'est-à-dire dans un an pour le coup,
41:18 il est possible que dans aucun de ces deux groupes,
41:20 il n'y ait d'élu français.
41:22 C'est un basculement inouï.
41:24 Les forces politiques traditionnelles
41:26 qui ont fait vivre notre pays pendant très longtemps
41:28 et qui sont encore celles qui structurent le clivage politique
41:30 dans beaucoup d'autres démocraties,
41:32 sont aujourd'hui dans un moment, effectivement, critique.
41:34 - Vous êtes vraiment très pessimiste pour votre parti,
41:36 les Républicains, parce qu'il n'y a pas un seul
41:38 eurodéputé élu chez LR ?
41:40 - Je dis que c'est possible.
41:42 - Vous y retournez ou pas ?
41:44 - La vérité, c'est que pour avoir des députés au Parlement européen,
41:48 il faut faire 5%. C'est le seuil.
41:50 Si on fait aux élections européennes de 2024
41:52 le même score qu'aux élections présidentielles,
41:54 il n'y aura pas d'élu LR au Parlement européen.
41:56 - Donc vous êtes contre ça ?
41:58 - Je dis juste que quand on est dans un moment comme celui-là,
42:00 le 27 juin 2027 me paraît assez lointain.
42:02 Le premier travail qu'on a à faire, c'est le travail maintenant.
42:04 - Vous avez porté la liste aux dernières européennes.
42:06 Vous avez fait à peu près 8%, un peu plus.
42:08 Est-ce que vous pourriez relever le challenge
42:12 et vous présenter et porter la liste ?
42:14 - Je pourrais, mais ça n'est même pas le sujet aujourd'hui.
42:18 D'abord, ce qui compte pour moi,
42:20 ce n'est pas mon petit parcours et ma petite personne.
42:24 Ce qui compte, c'est de faire en sorte que les idées
42:26 que je crois utiles pour la France et pour l'Europe
42:28 soient représentées demain.
42:30 Deuxièmement, ce qui compte, c'est la manière
42:32 dont on va construire une ligne politique.
42:34 Et là-dessus, il faut qu'on travaille avec notre famille politique
42:38 pour construire une ligne, une composition politique.
42:40 - Ça veut dire que vous avez moins d'un an pour la construire ?
42:42 - Il faut régler le problème.
42:44 - Effectivement, il faut que l'on y travaille dès maintenant.
42:46 - Vous avez tout à fait raison.
42:48 - Sur la ligne, il y a deux sujets qui arrivent bientôt.
42:50 C'est la question de l'immigration, la loi immigration,
42:52 et la question de la fin de vie.
42:54 J'ai l'impression que c'est des endroits, des thèmes
42:56 où la droite a quelque chose à dire.
42:58 Est-ce que pour vous, c'est un élément essentiel du débat à venir ?
43:02 - C'est deux sujets qui n'ont rien à voir.
43:04 On peut difficilement les confondre.
43:06 Mais oui, bien sûr, la droite a des choses à dire sur ces questions.
43:08 Sur l'immigration, voilà un exemple typiquement
43:10 très intéressant d'un sujet sur lequel le débat
43:12 est à la fois français et européen.
43:14 Et sur ces sujets-là, aujourd'hui,
43:16 la ligne du gouvernement me paraît catastrophique.
43:19 Le gouvernement a mené au cours des dernières années
43:21 une politique qui, en réalité, est plus irresponsable encore
43:24 que celle que la gauche avait menée, en tous les cas,
43:26 du point de vue d'un électeur ou d'un élu de droite.
43:28 Et on voit très bien, d'ailleurs, à quel point cela pèse aujourd'hui
43:32 sur la situation de notre pays et sur les tensions qui le traversent.
43:36 - Vous considérez en clair, ce que j'ai cru comprendre
43:38 en écoutant Eric Ciotti ou Bruno Retailleau,
43:40 que la possibilité d'avoir recours à une immigration
43:42 dans ce qu'on appelle les secteurs en tension,
43:44 c'est-à-dire on planifie, on organise,
43:46 et on se dit "là, on n'a pas de gens pour travailler",
43:48 vous considérez que ça, c'est un appel d'air
43:50 et que c'est en aucun cas une solution,
43:52 alors que le Medef pense que ça peut en être une ?
43:54 - Là, vous voyez, on a aussi des désaccords avec les patrons,
43:57 et preuve qu'on n'est pas toujours alignés,
44:01 on fait notre jugement, et moi je suis là, pour le coup,
44:04 en désaccord absolu avec ce que peut dire le Medef.
44:07 Je comprends les difficultés de recrutement.
44:09 Je comprends évidemment que les entreprises
44:11 sont devant un problème majeur, mais en fait,
44:13 la solution du gouvernement, c'est une double démission.
44:15 C'est une démission, d'abord, devant l'immigration illégale,
44:17 parce qu'il ne s'agit même pas de faire venir une immigration de travail.
44:19 - Mais de régulariser.
44:20 - Il ne s'agit pas de régulariser des gens qui sont venus illégalement,
44:22 il s'agit en fait d'offrir le ticket gagnant à ceux qui,
44:25 avec les réseaux de passeurs, organisent le business gigantesque.
44:30 - Oui, mais c'est un état de fait.
44:31 - Qui mène cette traite d'êtres humains aux frontières de l'Europe aujourd'hui.
44:34 - Ce sont des gens qui sont là qu'il faut gérer.
44:36 - Oui, en tous les cas, la première des choses à faire,
44:38 c'est de faire en sorte qu'on puisse encore décider
44:41 de qui a le droit d'être en France et qui n'a pas le droit d'y rester.
44:44 Le deuxième élément, qui est, me semble-t-il,
44:47 la démission la plus grave, qui a le droit d'être en France ?
44:49 - Mais c'est au peuple français d'en décider, pas aux passeurs, pas aux mafias.
44:54 - Mais vous, vous en pensez quoi ?
44:55 - Moi, je pense qu'aujourd'hui, on est devant une situation de tension telle
44:58 dans la société française, il faudrait être fou pour ne pas le voir.
45:01 C'est là que le Medef se trompe, c'est que les personnes qui viennent en France
45:04 ne sont pas seulement des travailleurs, ce sont des gens qui viennent avec...
45:07 - Mais regardez l'agriculture, celle que vous prenez,
45:09 c'est-à-dire la production, être capable de produire,
45:11 on prend des travailleurs immigrés chaque année,
45:14 et c'est ce qui tient l'agriculture française aussi.
45:16 - Et on prend des travailleurs immigrés chaque année dans un pays
45:19 qui compte plus de 3 millions de chômeurs au sens de Pôle emploi.
45:22 Et donc la deuxième démission, c'est celle-là,
45:24 c'est qu'avec 3 millions de chômeurs dans notre pays...
45:26 - Comment vous les forcez ? Hier, il y a une enquête dans Le Monde,
45:28 enfin une enquête, il y a un papier sur les gens dans l'hôtellerie-restauration.
45:32 Les employeurs font tout pour en avoir, CDI à la place de CDD,
45:37 il y a même une référence à une augmentation de 16% des salaires,
45:40 et ils ne trouvent pas. Qu'est-ce que vous faites ?
45:42 Vous arrêtez la démunisation chômage ?
45:44 Vous la réformez encore, dans un sens plus dire,
45:46 pour que les gens aillent travailler là où il faut,
45:49 et qu'on n'ait pas besoin d'avoir recours aux immigrés.
45:51 - Mais il faut d'abord faire en sorte que le travail paye, ça c'est sûr.
45:54 - Là, je vous dis, ils disent CDI + 16% ?
45:58 - Vous avez raison, mais typiquement dans la restauration,
46:00 il y avait effectivement des sujets à rattraper, ça c'est certain,
46:02 et si on regarde les pays de l'OCDE aujourd'hui,
46:04 on n'est pas dans les pays où, comparativement au coût de la vie en France,
46:06 où le travail rémunère le mieux, c'est le moins qu'on puisse dire.
46:09 Et le deuxième aspect qui est clé, c'est de faire en sorte de sortir
46:12 de cette situation dans laquelle, finalement, on désincite quasiment
46:15 les Français au travail. Combien de fois nous croisons ?
46:17 Alors je sais qu'il y a des enquêtes...
46:19 - Alors c'est quoi ? On arrête le RSA ?
46:21 - Je sais qu'il y a des enquêtes multiples sur ce sujet,
46:23 mais c'est un fait. C'est un fait qu'aujourd'hui, vous avez des Français
46:26 qui, entre les différentes aides qui peuvent être obtenues
46:28 lorsque vous n'êtes pas en emploi, les moyens, les soutiens,
46:32 les éléments de financement public auxquels vous pouvez avoir droit,
46:36 et ceux que vous ne recevez plus quand vous recommencez à travailler,
46:39 ce sont les Français qui perdent de l'argent en retournant au travail.
46:42 Et cette situation, elle est intenable. C'est absolument impossible
46:45 de vivre dans un pays où, parfois, on peut être mieux rémunéré
46:49 d'une certaine manière, on peut mieux vivre sans travailler
46:51 qu'en retournant au travail.
46:53 - Ça, c'est un logiciel classique. Il y a aussi un autre logiciel
46:55 qui est de se dire que la valeur travail, comme vous dites,
46:57 est peut-être devenue quelque chose de différent,
46:59 et qu'il y a des gens qui n'ont pas envie de travailler.
47:01 C'est donné, d'ailleurs, dans l'enquête du Monde,
47:03 je fais beaucoup de promos pour le Monde, sur travailler le week-end,
47:05 travailler le soir, avoir des horaires instables.
47:08 Vous ne vous dites pas que peut-être il y a ça aussi, en plus ?
47:10 - Oui, il y a une question philosophique aussi dans notre rapport au travail
47:13 qui est clé. Et moi, je crois qu'il faut, vous avez tout à fait raison de le dire,
47:16 il faut changer aussi de logiciel. Il y a quelques années,
47:19 la matrice de la droite, c'était, avec Nicolas Sarkozy,
47:22 travailler plus pour gagner plus. Et on sait l'effet qu'a eu ce slogan
47:26 qui était certainement au cœur des préoccupations des Français
47:28 au moment où il était partagé. Aujourd'hui, il me semble que le sujet,
47:31 c'est de retrouver aussi la dimension collective du travail,
47:34 le sens du travail. Moi, j'ai été très marqué comme prof
47:37 pendant des années. Je trouve que c'est d'ailleurs l'un des plus beaux signes
47:39 de la société d'aujourd'hui, de voir à quel point les élèves que j'avais
47:42 se projetaient dans leur avenir, non pas seulement en se demandant
47:44 combien de cas euros ils allaient gagner à la fin de l'année,
47:46 mais en se demandant d'abord si leur travail aurait un sens.
47:49 Et il faut qu'on réponde à cette question-là.
47:51 Et je pense que la droite, elle a certainement quelque chose à dire
47:53 sur le fait que le travail ne peut pas être regardé seulement
47:56 sous l'angle de la pénibilité, sous l'angle de cette espèce de contrainte
47:59 à laquelle il faut faire face pour obtenir les moyens matériels
48:02 de survivre. Le travail, c'est aussi un lieu où le monde s'humanise,
48:06 c'est aussi un moyen pour un pays comme le nôtre de reprendre la main
48:10 sur son destin. Si nous ne travaillons pas plus de main,
48:13 si nous ne travaillons pas mieux, nous allons devenir un pays
48:16 de seconde zone qui dépendra, comme il l'est aujourd'hui,
48:20 massivement dépendant des importations qu'il fait,
48:24 de produits qu'il ne créait plus.
48:26 - Est-ce que vous pensez que... - Nous sommes aujourd'hui,
48:28 chaque année, chaque mois même, nous faisons un nouveau déficit record.
48:31 - Mais ça c'est un autre sujet. - Un nouveau déficit commercial.
48:33 - Ça n'a rien à voir avec le sens du travail.
48:34 - Le déficit commercial, si, c'est un sujet énorme.
48:36 - D'accord, mais qu'est-ce que ça a de génial ?
48:38 - Moi je vois les jeunes militants... - Qu'est-ce que ça a de lien
48:39 avec le sens du travail ? Pardonnez-moi, j'ai du mal à le voir.
48:41 - Enorme. Les militants de dernière rénovation, il faut leur dire ça.
48:44 Si vous voulez sauver la planète demain, il va falloir travailler.
48:47 C'est par là que ça passe. Si on veut sauver la planète,
48:49 si on veut sauver notre modèle social, si on veut sauver notre démocratie,
48:53 il va falloir travailler. Et ça, c'est un magnifique projet collectif.
48:56 Et bien sûr que c'est lié. Si on laisse se faire cette situation
48:59 dans laquelle on devient un pays de consommateurs
49:01 qui chaque mois fait un nouveau déficit record dans ses importations,
49:04 qui chaque mois devient plus dépendant de modèles qui détruisent l'environnement...
49:07 - Mais là vous dites qu'il faut travailler. Vous ne dites pas qu'il faut travailler différemment.
49:09 - Mais il faut travailler, bien sûr. - Dans ça, je ne vois pas le rapport
49:10 avec le sens du travail. - Et surtout, vous dites qu'il faut
49:11 travailler différemment, mais on ne comprend pas comment on va travailler différemment.
49:14 Quelle nouvelle société vous voulez inventer ?
49:15 - Ça veut dire que je crois profondément retrouver le sens collectif du travail.
49:19 Pas au sens du collectivisme ou de la collectivisation,
49:22 mais au sens d'un projet commun. - Sans doute.
49:24 - J'espère. - Mais au sens d'un projet commun.
49:26 Et c'est ça qui nous manque encore aujourd'hui, y compris dans le logiciel des entreprises.
49:29 Je pense que les entreprises ne sont peut-être pas encore assez adaptées
49:33 à cette aspiration des plus jeunes générations à un travail
49:36 qui leur permette de participer à une œuvre commune.
49:39 - Est-ce que vous pensez que, par conséquent, on a mis peut-être la charrue avant les bœufs
49:43 à évoquer la réforme des retraites avant de travailler plus structurellement sur le travail
49:46 et que peut-être qu'on aurait pu faire passer davantage cette réforme
49:48 si on avait d'abord réfléchi sur le sens du travail ?
49:51 - Oui, je crois qu'il y a eu beaucoup de rendez-vous manqués.
49:54 Je pense notamment à la question de la manière dont il faut prendre au sérieux
49:59 le défi de l'ubérisation du monde, de cette atomisation des travailleurs.
50:03 Nous, on y travaille au Parlement européen de manière très forte.
50:05 Et je suis frappé de voir à quel point ce travail, finalement,
50:07 il n'est pas très présent finalement en France.
50:09 Alors qu'on aurait des choses à dire comme Français,
50:11 parce qu'on est les héritiers quand même d'une vision du travail
50:14 et d'un modèle dans le rapport au travail
50:16 qui a quelque chose peut-être d'assez singulier à dire pour le monde de demain.
50:20 - Je voulais venir à un autre sujet qui n'a évidemment rien à voir,
50:22 qui est celui de la fin de vie.
50:24 On annonce peut-être une loi à la fin de l'année.
50:26 La Convention rend ses conclusions.
50:29 Quel est votre point de vue ?
50:30 Je sais que vous êtes très hostile à l'idée de la fin de vie décidée par les individus.
50:36 Est-ce que vous allez mener jusqu'au bout le combat ?
50:39 - Alors, je ne sais pas ce que vous appelez la fin de vie décidée par les individus.
50:42 Moi, j'ai plutôt le sentiment que derrière ce qu'on nous présente
50:44 comme une possibilité de liberté supplémentaire,
50:47 en réalité, il y a surtout une occasion de pression supplémentaire.
50:50 Parce que nous voyons bien que notre système hospitalier,
50:52 notre système de soins est à bout de souffle.
50:54 Et pour l'État, finalement, la meilleure manière d'éviter le problème...
50:57 - Non, ce n'est pas pour ça qu'on propose la fin de vie.
50:59 - Aussi pour ça, bien sûr.
51:00 - Ce n'est pas pour vidanger les hôpitaux.
51:02 - Je ne dis pas que c'est pour vidanger les hôpitaux.
51:04 - C'est une mesure budgétaire.
51:06 - Mais vous savez, dans les pays où le suicide assisté existe,
51:09 la première motivation pour le suicide assisté,
51:11 dans toutes les enquêtes qui sont faites,
51:13 c'est ne pas peser sur ma famille.
51:15 Donc, vous voyez, quand on dit une liberté...
51:17 - Oui, mais ça n'a rien à voir avec l'hôpital.
51:18 - Moi, j'ai peur que ce soit une pression.
51:20 Mais si, c'est parce que, de fait, quand la fin de vie devient un coût,
51:24 eh bien, il y a deux manières de répondre à ce défi.
51:26 - Un coût humain, ce n'est pas un coût financier.
51:28 - Un coût humain et aussi un coût financier, bien sûr.
51:30 Regardez en France le débat.
51:31 Mais pardon, ce n'est pas un truc futur,
51:33 ce n'est pas une spéculation complotiste.
51:35 C'est la réalité de notre système de santé aujourd'hui.
51:37 Vous avez en France, et c'est le contexte de ce débat,
51:40 26 départements dans lesquels il n'y a pas un seul service de soins palliatifs.
51:44 Un seul.
51:45 Qu'est-ce qu'on dirait si on apprenait qu'en France,
51:48 il y a un département dans lequel il n'y a pas un commissariat de police ?
51:50 - Ça n'empêche pas.
51:51 - On réagirait tout de suite.
51:52 On dirait qu'il faut le construire par semaine.
51:53 - Ça n'empêche pas.
51:54 - Mais malheureusement.
51:55 - Les Français sont...
51:56 Et d'ailleurs, la convention, comme disait Thomas,
51:57 il y a des gens qui disent que c'est difficile, c'est compliqué,
52:00 mais qui ont trouvé ça passionnant de se pencher sur le sujet
52:02 en évitant les solutions à l'emporte-pièce.
52:05 Donc, ce n'est pas simplement parce qu'on n'a pas de place.
52:07 Il faut évidemment les soins palliatifs, mais le sujet peut quand même se poser.
52:10 - Mais la question, elle se pose dans ces termes-là aussi.
52:12 Quand quelqu'un vous dit qu'il veut mourir, qu'il n'en peut plus, qu'il veut mourir.
52:16 Et ce n'est pas seulement les personnes âgées en fin de vie.
52:18 Vous voyez que la convention citoyenne, qui je crois n'engage pas les mêmes...
52:20 - A exclu les moins de 18 ans quand même.
52:21 - Malheureusement, non.
52:22 Elle a inclus les mineurs dans le suicide assisté.
52:25 Elle a voté majoritairement pour que les mineurs aient droit au suicide assisté.
52:30 Le Monde a fait un très bel article d'ailleurs
52:32 sur le malaise de beaucoup de gens qui font partie de cette convention aujourd'hui.
52:35 - Oui, mais je pense que c'est...
52:36 Parce que je pense que le sujet appelle à avoir un tas d'interrogations.
52:39 - Mais je suis désolé.
52:40 Prenez, je fréquente beaucoup la Belgique depuis que je suis au Parlement européen.
52:43 En Belgique, effectivement, les mineurs ont droit au suicide assisté.
52:47 En tout cas, peut-être pas les mineurs pour le suicide assisté, mais à l'euthanasie.
52:51 - Et c'est entouré de conditions.
52:54 - Oui, alors ça c'est toujours ce qu'on dit.
52:55 Mais une jeune fille en Belgique qui a été traumatisée par les attentats de Bruxelles il y a quelques années.
52:59 Elle était tout près des attentats.
53:00 On a fait une dépression terrible.
53:02 Au milieu de sa dépression, alors qu'elle est trentenaire, même pas trentenaire,
53:06 elle n'a même pas 30 ans.
53:07 Elle est dans une telle dépression qu'elle dit "je veux mourir".
53:10 Et la réponse de l'État en Belgique, c'est "très bien".
53:14 - Mais non, mais c'est pas parce qu'il y a un excès qu'il faut ne pas regarder.
53:17 - Je suis désolé, mais la grande question qui se pose à une société, c'est
53:19 quand quelqu'un vous dit "je veux mourir", si un de vos amis vous dit "je vais très mal, je veux mourir",
53:24 est-ce que l'humanité commande de lui donner de quoi en finir,
53:27 ou bien au contraire de se dire "mais qu'est-ce qu'on a raté ensemble pour que quelqu'un souffre pour prendre la parole et mourir ?"
53:32 - Elle a été entourée de soignants, de soignants psychologiques, et ça n'a pas marché.
53:38 Au bout d'un moment, visiblement, ça a commencé à devenir très compliqué.
53:41 Vous prenez un cas très à part quand même pour dénoncer ce dossier sur la fin de vie.
53:45 - De fait, malheureusement, ce sont des histoires qui arrivent régulièrement en Belgique.
53:49 - Et vous êtes très surprenant quand vous dites "la Convention qui ne représente qu'elle-même".
53:53 - Oui, alors pardon, ça c'est sur la méthode.
53:55 Indépendamment de la question de l'euthanasie et de nos positions sur le sujet...
53:58 - Ça sera la fin de l'émission. Allez-y.
53:59 - Sur la méthode.
54:02 - Je suis, moi, vraiment heurté de voir se multiplier ces épisodes de populisme militaire dans lesquels Emmanuel Macron dit
54:08 "parce que vos élus ne sont pas représentatifs, on va tirer des gens au sort".
54:12 Mais je suis dis "le tirage au sort, merci".
54:14 - Il ne dit pas que c'est pas représentatif.
54:15 - Ah, excusez-moi, mais alors qu'est-ce que ça veut dire ce débat ?
54:17 - Merci.
54:18 - Le lieu de ce débat, c'est le Parlement, et c'est là que ce débat doit avoir lieu aujourd'hui.
54:20 - Merci beaucoup François-Xavier Pellélier d'avoir été avec nous depuis midi en direct.
54:23 - Merci à vous.
54:24 - On se retrouve dimanche prochain pour un nouveau numéro de "Questions politiques".
54:26 Tout le monde discute parce que c'est passionnant.
54:29 - Merci.
54:30 ...

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