JUSTICE POUR KLODO : LE RÉQUISITOIRE QUI CHOQUE LA GUADELOUPE

  • l’année dernière
Il ne devrait pas y avoir de procès dans l'affaire “Claude Jean-Pierre". Le procureur de la République de Basse-Terre, Xavier Sicot, a requis un non-lieu. Claude Jean-Pierre, 67 ans, est décédé à l'hôpital, 12 jours après son interpellation violente, le 21 novembre 2020, lors d'un contrôle routier à Deshaies. Le média avait diffusé il y a bientôt 2 ans les images de la vidéosurveillance qui accablent les gendarmes dans le cadre d’une enquête menée par le journaliste Romain Mahdoud. Mais, même devant l’évidence et toutes les preuves versées au dossier, le procureur continue de défendre de manière inconditionnelle les forces de répression. Une décision qui vient encore renforcer l’impunité policière et nourrir la colère des familles endeuillées. Pour en parler, Nadiya Lazzouni reçoit Fatia, la fille de Claude Jean-Pierre, et son gendre, Christophe. Ensemble ils réclament justice et vérité.


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Transcript
00:00 ne devrait pas avoir de procès dans l'affaire Claude Jean-Pierre.
00:03 Le procureur de la République de Bastère, Xavier Sicot, a requis un nom lieu.
00:07 Claude Jean-Pierre, 67 ans, est décédé à l'hôpital 12 jours après son interpellation violente,
00:13 le 21 novembre 2020, lors d'un contrôle routier à Dehe.
00:17 Souvenez-vous, nous avons diffusé il y a bientôt deux ans les images de la vidéosurveillance
00:22 qui accable les gendarmes dans le cadre d'une enquête menée par mon confrère Romain Madoud.
00:27 Mais devant l'évidence et toutes les preuves versées au dossier, le procureur continue
00:31 de défendre de manière inconditionnelle les forces de répression,
00:34 une décision qui vient encore renforcer l'impunité policière et nourrir la colère des familles endeuillées.
00:41 Bonjour Fathia, bonjour Christophe.
00:43 Bonjour Nadia.
00:44 Merci beaucoup d'avoir accepté notre invitation.
00:47 Alors ça fait maintenant plus de deux ans que vous vous battez pour que les gendarmes
00:50 qui ont provoqué la mort de Claude Jean-Pierre soient traduits en justice.
00:55 Alors je sais que c'est toujours un moment pénible pour les familles,
00:57 mais est-ce que vous pouvez nous rappeler les circonstances de son décès ?
01:00 Oui, tout à fait.
01:01 Donc le 21 novembre 2020, mon père Claude Jean-Pierre, âgé de 67 ans, rentrait chez lui,
01:07 à bord de sa petite voiture.
01:09 Il était aux environs de 14 heures quand il s'est fait contrôler par deux agents de la gendarmerie.
01:16 Ces deux agents ont opéré un contrôle routier classique, banal,
01:19 comme on rencontre souvent chez nous en Guadeloupe.
01:21 Un contrôle qui visait simplement à vérifier ses papiers et faire un test d'alcoolémie.
01:26 Donc le contrôle n'a pas duré très longtemps.
01:29 Malgré le peu de temps qu'il a duré, les choses se sont envenimées.
01:36 Et malheureusement, mon père a été violenté à bord de son véhicule.
01:41 Il en est ressorti tétraplégique avec une compression de la moelle épinière
01:47 et également deux cervicales brisés.
01:50 Il a été conduit au CHU de Pointe-à-Pitre.
01:52 Donc toutes ces blessures ont été constatées par les médecins du CHU.
01:55 Ce n'est pas des choses qu'on invente.
01:58 Et ces éléments ont également été corroborés par la visualisation des images de vidéosurveillance.
02:06 Parce qu'à l'endroit de ce contrôle, il y a une vidéosurveillance de la ville d'EDF,
02:10 ville dans laquelle s'est passé le contrôle,
02:12 qui a filmé en fait toute l'intervention du début à la fin.
02:17 Malgré ces expertises médicales qui constatent ces blessures,
02:21 qui font suite à cette interpellation violente,
02:23 les gendarmes sont restés en fonction.
02:25 Tout à fait.
02:26 Ils ont eu le statut de témoins assistés,
02:28 c'est-à-dire qu'ils n'ont même pas été mis en examen.
02:30 Et là, vendredi dernier, on apprend que le procureur de la République de Bastère a sollicité un non-lieu.
02:36 Alors on rappelle quand même que le réquisitoire définitif du procureur de la République de Paris,
02:40 enfin pardon, de Paris, de Bastère, ne lit pas,
02:42 tous les procureurs ne lient pas les juges d'instruction qui sont chargés d'enquêter.
02:46 Mais il y a de grandes chances que le juge suive les réquisitions.
02:49 Pour quelle raison le procureur estime qu'il ne faut pas poursuivre les gendarmes ?
02:53 Alors on a été aussi surpris que la population, j'ai envie de dire.
02:57 Donc aujourd'hui, on se retrouve dans une situation où, malgré des éléments,
03:00 pour nous, qu'on considère comme des éléments de preuve concordant et accablante même,
03:06 on se retrouve avec un procureur,
03:07 puis toutes les façons qui, dès le début, avaient monté son parti pris pour les gendarmes,
03:12 chose contre laquelle on luttait.
03:14 On a toujours lutté, face à moi, à toute la famille et tous nos soutiens.
03:17 Donc on se retrouve aujourd'hui dans ce réquisitoire,
03:20 en fait, il n'y a pas tellement de surprises pour nous,
03:22 puisqu'en fait, il est sur sa ligne directive dès le début,
03:24 où effectivement, peu importe ce qui se passe, peu importe ce qui a été fait,
03:28 l'avis d'un homme ne compte pas.
03:29 Et en fait, on protège les policiers, peu importe la situation,
03:32 malgré les éléments de preuve, aussi bien vidéo que médicaux,
03:36 qui sont dans notre dossier.
03:38 Donc nous, on trouve ça juste révoltant, inadmissible.
03:40 Donc on a décidé que dans ce dossier, il n'y aurait pas de non-lieu, tout simplement.
03:44 – Donc en fait, mais comment, qu'est-ce qu'il dit en fait,
03:46 le procureur, il dit qu'il n'y a pas de lien, de corrélation
03:51 entre l'interpellation et les blessures qui ont été constatées ?
03:55 – Non, pas du tout, pas du tout.
03:57 Il constate et corrobore également le lien entre les blessures constatées et l'extraction,
04:04 sauf qu'il estime que les gendarmes étaient dans leur légitimité.
04:08 – D'accord, donc il n'y a pas eu de disproportion même de la violence ?
04:11 – Non, pour lui, c'est ce qu'il enseignait à l'école de gendarmerie,
04:15 ce qu'ils ont appliqué sur Claude et ce qu'ils enseignent à la gendarmerie.
04:19 Donc en fait, apparemment, on leur enseigne d'ôter la vie aux gens.
04:24 – Est-ce que le procureur reconnaît quand même que la mort
04:27 fait suite aux blessures qui ont été constatées ou est-ce qu'il le nie ça ?
04:31 – Il le nie un peu, puisque sinon il y aurait eu une mise en examen.
04:34 Donc on est clairement dans le déni de justice,
04:36 on est clairement dans le déni puisque nous c'est clair que
04:39 s'il n'avait pas croisé la route des gendarmes ce jour-là,
04:42 le dossier l'établit également.
04:44 Donc c'est pour ça qu'on ne comprend pas,
04:46 à part une prise de parti clair, net et assumé,
04:51 nous on n'a pas d'autres explications, puisque tout le monde l'a vu,
04:55 tout le monde s'offuse, tout le monde est révolté aujourd'hui par cette décision.
04:58 C'est que quelque part il y a un problème,
05:00 on fait face à une institution, on le savait dès le départ,
05:04 combattre l'État c'est vraiment compliqué.
05:06 Donc là encore ça en est la preuve pour ceux qui ont douté.
05:09 – Et donc le juge, enfin lui le juge d'instruction
05:12 va rendre une décision d'ici quelques semaines.
05:16 J'imagine que s'il va dans le sens des réquisitions,
05:18 vous allez faire appel, c'est ça la prochaine étape ?
05:20 – Oui tout à fait, nous on va faire appel, ça sera la prochaine étape.
05:23 On va utiliser tous les recours possibles,
05:26 on sait qu'on est dans notre plein droit,
05:28 on se bat pour nous, on se bat pour mon père,
05:30 et on a aussi toute la population de la Guadeloupe qui se bat à nos côtés,
05:33 qui se bat avec nous pour toutes les problématiques qu'on rencontre chez nous.
05:36 Donc pour nous ce combat est très important,
05:39 il est bien plus grand que la cause de Claude Jean-Pierre,
05:42 ça va au-delà de Claude.
05:45 Mon père était un homme respectable,
05:48 qui n'avait pas de problème avec les forces de l'ordre,
05:51 quand bien même il en avait.
05:52 Est-ce qu'on a à ce moment-là le droit d'ôter la vie à un homme
05:56 qui rentrait simplement chez lui ?
05:58 – Donc vous disiez le soutien de la Guadeloupe,
06:01 il y a aussi des personnalités publiques qui ont manifesté,
06:04 qui ont exprimé leur incompréhension face à ce réquisitoire,
06:10 où il y a un comité qui grandit quand même aussi de jour en jour,
06:14 vous appelez à une mobilisation.
06:16 Vous expliquez qu'il y a une justice qui règne dans les territoires ultramarins,
06:21 qui est plus une justice aussi de seconde zone
06:24 et qui est bien différente de celle qu'on connaît ici dans l'Hexagone.
06:26 – Effectivement, on le constate depuis des années,
06:28 Claude n'est pas la première victime,
06:31 on a connu les victimes de mai 67, de février 52,
06:35 on a connu Charles-Henri Salin, un étudiant qui rentrait chez lui,
06:38 qui s'est fait tirer par les forces de l'ordre,
06:40 trois balles dans le dos et qui décède.
06:41 Donc jusqu'à maintenant on n'a jamais eu de condamnation,
06:43 on a même eu dans cette affaire, Charles-Henri Salin,
06:46 le gendarme qui a été reconnu coupable mais acquitté.
06:49 Donc on a clairement une politique coloniale,
06:53 il ne faut pas avoir peur d'utiliser les mots,
06:57 on a une politique coloniale qui est utilisée dans nos territoires,
06:59 d'outre-mer, dit d'outre-mer,
07:01 et en fait nous on se bat contre cela,
07:03 puisqu'on constate que l'actualité,
07:06 et c'est ce que M. Roselmach dénonçait également,
07:08 l'actualité, aussi sordide soit-elle dans les îles,
07:11 elle ne traverse pas l'Atlantique.
07:13 Pourquoi les rédactions ne la traitent pas avec le même intérêt
07:17 qu'ils traitent les fêtes d'hiver en France hexagonale ?
07:21 Donc nous ça fait partie de notre combat,
07:23 puisqu'on a l'impression d'être traités comme des citoyens de seconde zone,
07:28 et ce n'est pas normal pour un pays qui se dit
07:30 liberté, égalité, fraternité.
07:32 Alors c'est quoi les prochaines étapes ?
07:34 Est-ce que vous appuyez à un rassemblement aussi ?
07:36 Et comment on peut vous soutenir ?
07:38 Est-ce qu'il y a une cagnotte qui est en ligne
07:40 pour vous aider à régler les frais de justice ?
07:43 Alors il y a plusieurs choses qui ont été mises en place
07:45 depuis le début de notre combat.
07:47 On a une cagnotte effectivement qui est mise en place,
07:50 elle est disponible sur le site "On participe".
07:54 La cagnotte s'appelle tout simplement
07:56 "Soutien à la famille de Claude Jean-Pierre".
07:58 On a également sur change.org une pétition
08:02 qu'on invite tout le monde à signer.
08:04 Et on a également dans notre actualité
08:06 un documentaire qui a été produit par Street Press.
08:10 Ce documentaire s'appelle "Violence policière".
08:14 Il retrace en fait la vie et le combat
08:17 de cinq familles de victimes de violences policières.
08:21 On invite également tout le monde
08:22 à vraiment regarder ce documentaire
08:25 qui est très bien fait.
08:26 Il est disponible sur la plateforme de France TV/.
08:30 Et vraiment c'est un document humain.
08:34 C'est un document qui retrace vraiment
08:36 tout ce qu'on traverse depuis toutes ces années.
08:38 On est cinq et ça vaut vraiment le coup d'être regardé.
08:43 Oui, on a reçu la journaliste et réalisatrice
08:45 de ce documentaire Inès Belghassem
08:47 sur ce plateau qui est venu effectivement
08:49 promouvoir ce documentaire
08:51 où vous racontez votre combat justement
08:53 pour la justice et la vérité pour Claude Jean-Pierre.
08:58 Est-ce qu'il y a une prochaine date ?
09:00 Je sais que vous êtes en coordination
09:02 notamment je crois avec le comité Adama,
09:04 avec d'autres collectifs de familles
09:08 qui ont connu malheureusement
09:10 des membres de leur famille qui ont perdu la vie
09:12 entre les mains de la police.
09:13 Est-ce qu'il y a un rassemblement prochainement ?
09:16 Une manifestation ?
09:17 Alors pour l'instant on n'a pas prévu
09:18 de rassemblement concret pour Claude.
09:21 Pourquoi ? Parce que là on est vraiment
09:22 en train de mener une grosse lutte,
09:26 un gros combat pour éviter ce non-lieu.
09:28 Mais on ne s'interdit rien.
09:30 On ne s'interdit rien.
09:31 Donc effectivement on a beaucoup de comités.
09:32 Le comité Adama, les différentes familles.
09:35 On a les associations culturelles,
09:36 les associations syndicales aussi en Guadeloupe,
09:39 le LKP qui nous soutient par exemple.
09:41 On a également reçu aujourd'hui
09:42 du soutien du Burkina Faso.
09:43 On tient à saluer cela également.
09:45 Donc ça montre que le combat
09:46 il est vraiment international pour Claude.
09:48 Donc on ne s'interdit rien en termes de manifestation,
09:52 en termes d'action.
09:54 Donc on est en train de réfléchir aux meilleures actions.
09:58 Là pour l'instant, les prochaines échéances,
10:00 ce sera de continuer à communiquer sur ce non-lieu
10:02 qu'on trouve scandaleux.
10:03 Nos avocats devraient pas tarder non plus
10:04 à faire une conférence de presse, s'exprimer.
10:07 Et ensuite en fonction des réactions,
10:08 on verra ce qu'on donne comme suite.
10:11 Merci beaucoup Christophe.
10:12 Fratia, vous vouliez peut-être ajouter quelque chose
10:14 pour clôturer cet entretien ?
10:16 Non, justement, je vous remercie
10:17 de nous avoir reçus aujourd'hui.
10:18 Et ce combat est très important pour nous
10:20 parce que mon père aurait pu être
10:22 n'importe lequel d'entre nous.
10:24 On a aujourd'hui deux gendarmes
10:26 qui continuent à travailler
10:27 puisqu'il n'y a pas eu de mesures conservatoires
10:29 à leur encontre.
10:30 Donc ces deux personnes qui exercent
10:33 simplement et tranquillement leur profession,
10:35 qui pourraient de nouveau blesser, mutiler
10:37 ou voir même tuer quelqu'un.
10:39 Donc soyons solidaires les uns les autres,
10:42 continuons à nous battre pour ces causes
10:44 justes et nobles,
10:45 respectons les familles de victimes
10:47 et faisons en sorte que toutes ces personnes
10:50 puissent répondre de leurs actes
10:51 en ayant une date de procès
10:53 pour chacune d'entre nous.
10:56 Merci beaucoup Fratia.
10:57 Merci Christophe.
10:58 Et merci à vous aussi de nous avoir regardés.
11:01 On vous rappelle que vous pouvez soutenir
11:03 le comité de soutien à Claude Jean-Pierre.
11:07 Vous trouverez toutes ces informations
11:08 très facilement sur les réseaux sociaux.
11:10 Cela fait déjà cinq mois que nous tenons le défi
11:12 d'être diffusant 24/7 sur YouTube et Dailymotion
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