Mathieu Kassovitz, narrateur d’Apocalypse : « Il y a des moments où je ne regarde pas l’écran, c’est trop dur »

  • l’année dernière
Le comédien est la voix historique de la collection documentaire de France 2, dont les nouveaux volets sont consacrés aux deux dernières années de la vie d’Hitler

Lancée en 2009, la série-doc « Apocalypse », signée Isabelle Clarke et Daniel Costelle, raconte les pires moments du XXe siècle à travers des images d’archives recolorisées. Les 30e et 31e épisodes, qui relatent le crépuscule d’Hitler (1943-1945), sont diffusés mardi 21 février à 21h10 sur France 2. A la narration, le même comédien depuis les débuts de la collection : Mathieu Kassovitz. Pourquoi et comment est-il devenu la voix de ce programme emblématique ? Comment travaille-t-il ? Invité médias de Célyne Baÿt-Darcourt, il en profite pour réagir au projet de remake américain du Bureau des Légendes, série Canal Plus dont il était le héros, et dévoiler le sujet de son prochain long-métrage en tant que réalisateur : un film d’animation sur la Seconde Guerre Mondiale. Sortie prévue en 2024 au cinéma.

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Transcript
00:00 Bonjour Mathieu Kassovitz. Les auteurs Daniel Kostel et Isabelle Clark se penchent cette fois sur le
00:04 « Crépuscule d'Hitler » sur les deux dernières années de sa vie et de sa folie meurtrière,
00:08 1943-1945. Comme toujours, tout est basé sur des images recolorisées. Et alors ce qui frappe,
00:15 c'est le nombre d'archives d'Hitler. Il y a énormément de vidéos sur lui, à la fois dans
00:19 son intimité avec Eva Braun notamment, et dans ses « activités de dictateur, de chef de guerre ».
00:24 Il s'est beaucoup laissé filmer, ça vous a surpris ça aussi ?
00:27 Non, ça fait partie de la mythologie nazie.
00:31 La propagande ?
00:33 Oui, toute l'imagerie nazie, que ce soit les costumes, les grands rassemblements ou même la propagande avant pour condamner un peuple,
00:45 c'est tout à fait dans leurs cordes, c'est pour ça qu'ils sont faits.
00:50 Qu'est-ce que la couleur apporte selon vous ?
00:53 La couleur vous rappelle que ce n'était pas il y a si longtemps que ça et surtout que c'était vos grands-parents.
01:01 Que c'est des couleurs chères, la qualité du noir et blanc est que vous pouvez dissocier très vite et même lui donner une qualité artistique.
01:15 La couleur est sale, la couleur n'est jamais ordonnée, la couleur c'est la vie.
01:20 Il y a un passage que j'ai trouvé absolument terrible, dites-moi si vous êtes d'accord, c'est quand on voit les nazis faire un gueuleton
01:25 avec la nourriture qui déborde pas loin du camp d'Achaud où meurent des milliers de juifs alors que les français sont rationnés.
01:31 Est-ce que ça aussi c'est une image qui vous a particulièrement marqué ?
01:34 Franchement, toutes les images des nazis choquent.
01:45 Il n'y a pas d'ordre de choc dans la mythologie nazie.
01:55 Je ne réponds pas à cette image, à ça, parce que tout est choquant.
02:01 Il a été difficile à faire cet épisode ?
02:03 Non.
02:04 Pas plus que les autres ?
02:05 Vous savez, ça fait 15 ans qu'on fait la guerre mondiale, ça fait partie.
02:12 On ne peut pas se plaindre d'images dures pour essayer de faire le travail de mémoire qui fait qu'on a besoin de se souvenir que c'était dur.
02:21 La couleur vous ramène à ça aussi, ça devient gore.
02:25 Il y a des images qui sont très violentes, qui sont proches des films d'horreur.
02:33 C'est vraiment ça, il y a des choses qui vous rappellent aussi, qui vous ramènent à cette dimension de la réalité et du spectacle.
02:44 C'est la dixième fois, Mathieu Kassovitz, que vous incarnez cette série Apocalypse.
02:48 Vous êtes présent depuis le tout premier épisode en 2009, vous êtes devenu un personnage central.
02:52 Comment êtes-vous entré dans cette grande aventure ?
02:56 C'est Isabelle et Daniel qui m'ont appelé.
02:59 Daniel Costel, si vous savez qui c'est, c'est une institution du documentaire en France et dans le monde.
03:09 Sa façon de commenter ses propres montages, ses propres documentaires, était très spécifique.
03:14 Il a une diction qui nous a tous marqués, moi en tant que jeune qui regardais la télé et qui découvrais ses documentaires.
03:23 Il a une façon de parler qui est très spécifique et qui vous rentre dans la tête,
03:26 qui vous fait comprendre vraiment les enjeux de ce qu'il est en train de vous montrer.
03:30 C'est très important d'arriver à ce que le commentaire soit au niveau des images.
03:35 Ils sont venus me voir pour que je représente la voix, mais je n'ai aucune autre valeur qu'être la voix qui lit leur texte.
03:43 Et vous, pourquoi vous avez accepté ? Vous êtes un passionné d'histoire ?
03:47 Je suis un passionné d'histoire, je suis un passionné de la vie,
03:52 donc je suis un passionné forcément du passé pour comprendre le présent et envisager le futur.
03:57 Donc je suis en tout cas passionné et responsabilisé du devoir de mémoire,
04:05 que ce soit dans l'histoire avec un grand H ou dans notre quotidien.
04:09 Il faut arriver à transmettre les erreurs du passé pour ne plus les commettre encore.
04:15 Alors je vous propose d'écouter le début du premier épisode de Demain Soir pour qu'on ait bien votre voix en tête.
04:20 Et vous allez ensuite nous expliquer comment vous travaillez.
04:23 Dans une vallée des Alpes bavaroises, en janvier 1943, Eva Braun se fait filmer pour plaire à celui qu'elle aime discrètement.
04:36 Adolf Hitler. Pour elle, il est le Führer, le chef qui a conquis l'Europe et une partie de la Russie,
04:43 même s'il a connu des revers à Moscou et à Stalingrad, où la situation est désespérée.
04:53 Mais sa volonté de domination intacte va-t-elle le conduire à son crépuscule ?
04:59 Alors dites-nous Mathieu Kassovitz, vous recevez les textes écrits, je crois, par Daniel Kostel
05:03 et vous avez carte blanche pour les interpréter. Comment ça se passe ?
05:06 Absolument pas. J'ai Daniel qui est derrière la vitre et qui me dit plus fort, moins fort,
05:11 plus d'émotion, moins d'émotion. Il me dirige comme un réalisateur.
05:16 C'est un travail de comédien en fait.
05:17 C'est un vrai travail de comédien.
05:19 Vous ne changez pas une virgule ?
05:21 Non, on en parle ensemble parce qu'on a des problèmes parfois de compréhension,
05:25 de contresens ou d'interprétation d'un mot ou de la traduction d'un mot.
05:31 Donc on travaille sur le terrain à changer les choses mais c'est très précis.
05:36 C'est le travail de documentaliste, surtout historien comme ça et assujetti au regard des autres.
05:43 Il y a beaucoup de gens qui connaissent très bien le sujet pour nous obliger à être extrêmement rigoureux.
05:49 Et pour l'enregistrement, vous avez le film devant les yeux et vous lisez le texte ?
05:55 J'ai le film devant les yeux pour être synchrone avec l'image que je suis censé commenter.
06:02 Vous le découvrez à ce moment-là le film ?
06:03 J'ai une copie avant pour pouvoir affronter certaines...
06:07 Pour comprendre le rythme de certaines choses.
06:10 Il y a des moments entiers où je ne regarde pas l'écran parce que c'est impossible.
06:14 C'est trop dur.
06:16 Trop dur émotionnellement ?
06:18 Comment on trouve le ton juste ?
06:20 Ni trop froid, ni trop ému ?
06:23 Il faut que vous ayez un bon réalisateur qui vous dise si c'est trop froid ou si c'est pas assez ému.
06:30 Vous avez enregistré déjà les prochains volets qui traiteront du débarquement ou pas encore ?
06:34 On va s'y mettre la semaine prochaine, je crois.
06:36 Dans un moment, oui.
06:37 Ça n'arrête pas.
06:38 Malheureusement, ça n'arrête pas.
06:39 Malheureusement ?
06:40 Oui, parce qu'on parle de l'histoire de la guerre et on aimerait bien qu'elle arrive au bout.
06:44 Oui.
06:45 Et après le débarquement, il y aura encore autre chose ?
06:47 Moi, je leur ai dit de faire tout ce qui...
06:52 Oui, je pense qu'il faut qu'ils aillent jusqu'à la guerre froide.
06:55 Et ensuite, ce qu'on a déjà fait.
06:57 Et ensuite, je pense qu'il faudrait qu'ils fassent vraiment un document qui soit de la guerre froide jusqu'à aujourd'hui.
07:03 C'est-à-dire que ça fait 100 ans qu'on est en guerre et que ça n'arrête pas.
07:08 Et que les guerres se répondent les unes les autres et qu'on arrive aujourd'hui à un moment où on se pose la question de
07:14 "est-ce qu'on ne va pas remettre ça sur le tapis encore une fois ?"
07:17 Et ça serait bien de pouvoir analyser encore une fois ce qui s'est passé depuis les années 80 jusqu'à aujourd'hui.
07:24 Et alors, qu'est-ce qu'ils vous ont répondu, Daniel Costel et Isabelle Carpentier ?
07:26 Ce n'est pas leur domaine de prédilection parce que leur travail, il est sur le devoir de mémoire d'images d'archives
07:32 et de les remettre en forme aujourd'hui et les rendre les plus réalistes possibles.
07:38 Là, depuis les années 80, c'est des images...
07:40 La technologie nous permet d'avoir des images d'assez bonne qualité pour ne pas avoir...
07:43 Pour devoir changer le concept de l'émission.
07:45 Donc, je ne sais pas s'ils rentreront dedans, mais je pense que ce serait intéressant qu'ils le fassent.
07:50 C'est un message que je leur envoie.
07:52 Voilà, j'espère qu'ils écoutent.
07:53 Un dernier mot sur la série qui doit vous coller à la peau, qui est le bureau des légendes,
07:59 dont vous étiez le personnage principal.
08:01 Série de Canal+ qui s'est achevée en 2020.
08:04 Ça va devenir The Department pour le remake américain qui sera réalisé et produit par George Clooney.
08:08 Est-ce que vous aimeriez faire partie du casting ?
08:09 Et est-ce que vous avez été contacté ?
08:12 Non, ils ne m'ont pas contacté.
08:14 Je crois qu'ils vont faire leur truc de leur côté.
08:15 Ils essaient d'avoir eu très bien tout seul.
08:18 Ce qui serait marrant, s'ils n'étaient pas cons, c'est qu'ils feraient une scène où ils croisent un agent français qui s'appelle Malotru.
08:26 Ah tiens !
08:26 Ça, ça serait marrant.
08:27 Mais j'espère qu'ils vont tenir la ligne éditoriale de la série originale
08:34 et qu'ils vont faire un boulot aussi intéressant qu'on a réussi à le faire.
08:37 Mais c'est une bonne ou mauvaise idée de faire un remake ?
08:39 C'est une très bonne idée. C'est quelque chose qu'ils devraient faire.
08:41 Mais j'espère qu'ils vont réussir à le faire avec cette sensibilité qui nous est propre
08:46 et qui nous permet d'être plus dans la subtilité que dans le déferlement d'action.
08:53 Je voulais rajouter aussi que je travaille sur mon prochain film.
08:57 C'est un film sur la Deuxième Guerre mondiale
08:59 et qui est en partie inspiré par le travail que j'ai fait avec Apocalypse.
09:06 En tant que réalisateur, comédien ?
09:08 En tant que réalisateur, oui.
09:09 C'est un film d'animation dont la base vient d'un événement qu'on a vécu
09:17 en observant et en restaurant les images d'une certaine bataille avec les techniciens.
09:25 Pour pouvoir passer les images d'archives et les rendre de bonne qualité,
09:32 les passer en 4K et leur donner leur couleur originale,
09:35 on a été obligés de travailler vraiment sur les images.
09:39 On a découvert des choses sur certaines batailles qui étaient extrêmement surprenantes.
09:44 J'en ai écrit un scénario.
09:46 Et ça sortira quand ?
09:47 2024.
09:48 Au cinéma ?
09:49 Oui.
09:50 Merci beaucoup d'être venu Mathieu Cassemer.
09:51 Merci à vous de m'avoir invité.

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