• l’année dernière
Thierry Frémaux, délégué général du festival de Cannes et directeur de l’Institut Lumière et Frédéric
Bourboulon, producteur attitré de Bertrand Tavernier, auront été parmi ses plus proches
compagnons de route. Qui mieux qu'eux pouvait lui rendre hommage ?
Transcription
00:00 ...
00:20 -Quelle est la plus belle scène d'amour du cinéma mondial ?
00:24 -Le silence, le dernier. -Non.
00:26 -Pourtant...
00:29 -Alors, ça pourrait être...
00:31 "Lorraine Barcal et Humphrey Bogart dans..."
00:35 -Dans quoi ?
00:36 -J'ai oublié le titre.
00:38 -Ah !
00:39 -Vous savez, là où il lui dit...
00:41 "Si tu as besoin de moi, siffle."
00:44 -C'est pas mal, mais c'est pas ça.
00:46 -Alors, c'est dans "Pierrot le fou" ? -Non.
00:49 C'est dans "A l'oreille et Hardy".
00:53 Y a Hardy... -Le gros, le maigre.
00:56 -Le gros.
00:57 Il demande à Laurel "Qu'est-ce que tu préfères, moi ou la tarte aux pommes ?"
01:02 Et Laurel regarde Hardy, regarde le public,
01:06 et regarde encore Hardy,
01:08 et regarde le public,
01:09 et il se met à pleurer.
01:12 C'est beau, hein ? -Oui, c'est beau.
01:15 -Salut à tous et bienvenue sur "Ciné + Classique".
01:18 C'est parti pour votre Viva Cinema consacré à Bertrand Tavernier.
01:22 Au sommaire, le rosebud de Nicolas Ray,
01:25 la mélodie du bonheur de Vénus Vénère,
01:28 et une rencontre avec Gustave Kerverne. On y va.
01:31 Bertrand Tavernier vivait par et pour le cinéma.
01:40 Dans l'ombre des films et d'une cinéphilie gargantuesque,
01:43 se tenait un homme plus discret qu'on ne l'aurait pensé.
01:46 Thierry Frémaux, délégué général du Festival de Cannes,
01:50 et Frédéric Bourboulon, son producteur,
01:52 auront été ses plus proches compagnons de route.
01:55 Qui mieux que pouvait lui rendre hommage ?
01:58 -Bertrand Tavernier avait ce côté extraordinairement extraverti
02:07 dans ses apparitions publiques,
02:10 mais ça tenait d'abord à sa volubilité naturelle
02:15 et à son désir de parler, de parler de cinéma,
02:19 pas seulement de parler de musique, de parler de littérature.
02:22 C'était un grand timide.
02:24 Donc sa grande gueule venait de cet espèce de surplus
02:29 qu'il était obligé de mettre pour vaincre une espèce de...
02:32 C'était quelqu'un qui était très mal à l'aise
02:34 dans le rapport humain quotidien.
02:36 Et sa façon de communiquer avec les gens,
02:39 c'était justement d'en faire parfois même un peu trop,
02:42 en parlant beaucoup, en prenant beaucoup d'espace dans la parole, etc.
02:46 Et puis c'est quelqu'un dont les passions étaient telles
02:48 qu'elles étaient débordantes.
02:50 -Je sais plus qui avait dit "Plus je parle et moins j'en dis,
02:53 plus je montre et plus j'en cache".
02:57 Lui, il n'était pas dans la stratégie, il n'était pas dans la pose.
03:02 Mais il y avait bien sûr un côté plein de doutes
03:05 et plein de... Moi qui parvenais à peu près à lui faire faire,
03:09 si j'ose dire, tout ce que je voulais,
03:11 il y avait parfois des moments où il disait non.
03:14 Il disait "Je sais pas faire, je veux pas le faire".
03:16 -Il a fait ce cinéma de sentiments,
03:19 je crois que c'était habité justement par l'envie qu'il avait
03:23 de ne parler que de ça,
03:26 alors qu'il était dans la vie privée très difficilement abordable
03:30 sur la question des sentiments.
03:32 -Étonnamment, le film qui en révélait le plus sur Bertrand Tavernier
03:37 reste son plus méconnu, "Des enfants gâtés", 1977.
03:41 ...
03:48 -C'est un film quasi autobiographique, pas du tout écrit par lui.
03:52 Le héros est Michel Piccoli, qui est un cinéaste
03:55 qui se retire dans une certaine solitude,
03:58 dans un immeuble de banlieue, pour écrire.
04:01 Et il va pas écrire son film, il va rencontrer des gens.
04:05 Et les gens qu'il va rencontrer vont le changer.
04:07 Et ce qu'il emporte, c'est ça,
04:10 c'est l'idée que la solitude n'est jamais la solution,
04:14 qu'il y a toujours un moment
04:16 où on est quand même content d'être entouré
04:19 et on est heureux d'avoir fait l'effort d'aller vers autrui.
04:23 Avant-sur-Elysée, c'est autrui et collectif,
04:26 et se bat pour l'intérêt collectif.
04:28 -Alors, c'est Diapo.
04:29 ...
04:34 -Le poufette, vous le mettez pas sur l'écran.
04:36 ...
04:39 -Viens boire, il y a le poivre.
04:41 ...
04:47 -Bernard, vous qui êtes dans le cinéma,
04:50 il y en a qui sont pas mal.
04:51 Bon, je vais y aller, on va éteindre.
04:54 -Aujourd'hui, quand on voit L627, qu'il a écrit avec un flic,
04:59 quand on voit "Ça commence aujourd'hui",
05:02 qu'il a écrit avec un prof,
05:04 donc là, il y avait quelque chose du citoyen
05:07 et du cinéaste qui se rejoignaient.
05:09 Il a fait déséquiper une cité entière
05:12 qui était victime du tout électrique,
05:14 à une époque où les gens s'en sortaient pas,
05:16 comme c'est montré dans "Ça commence aujourd'hui",
05:19 où il y avait encore les compteurs à pièces pour les gens.
05:22 Je veux dire, il a fait bouger les choses, oui.
05:25 Et la loi sur la double peine, aussi, il l'a fait bouger à cette époque-là.
05:29 Depuis, ça s'est reparti dans l'autre sens,
05:32 mais voilà, c'était un combat très juste.
05:34 -Rougerie, deuxième.
05:36 Y a-t-il un rapport entre votre activité de cinéaste
05:39 et votre rôle dans ce comité de locataire ?
05:42 -Oh... Oui, c'est-à-dire ?
05:44 -Oh, merde ! Coupé !
05:46 Excusez-moi, j'ai plus de bande.
05:48 -Il y a une absence de reconnaissance.
05:50 Alors, plus ou moins, parce qu'en même temps,
05:53 Bertrand Tavernier, comme Sautet,
05:55 a toujours été soutenu par de nombreux journalistes,
05:59 donc ça ne suffit pas de dire.
06:01 Mais ils ont toujours été aussi beaucoup attaqués.
06:04 Il y était très, très sensible, il y était trop sensible,
06:07 Bertrand, aux critiques qu'on lui faisait,
06:10 mais le systématisme, quand même, interroge.
06:13 Et y a eu ça, y a eu une haine,
06:15 c'était tout le temps lui qui était pris comme tête de Turc.
06:19 Alors il en souffrait énormément.
06:21 -Un jour, le Fort a écrit une bonne critique dans l'EB
06:24 sur la guerre de Sanon.
06:26 D'ailleurs, c'est drôle, parce que ce matin-là,
06:29 comme il les lisait pas, je l'appelle, je lui dis :
06:32 "Il a écrit une bonne critique dans l'EB."
06:35 Et y a eu un blanc, et il m'a dit...
06:37 "On fait un procès."
06:39 -Je sais, monsieur de Villeroy,
06:41 que vous appréciez fort les bûchers de l'Inquisition en Espagne
06:44 et que vous regrettez que j'ai mis fin aux dragonnades
06:47 et aux massacres des protestants.
06:49 -Moi, je suis un bon chrétien, et un bon chrétien est un fanatique,
06:53 surtout quand c'est un soldat.
06:55 -Monsieur de Villeroy, pardon.
06:57 Vous êtes un imbécile.
06:59 Un général pitié.
07:01 Un général pitoyable.
07:03 Et un chrétien de dernier ordre.
07:06 -Il a été d'une générosité par rapport à ses collègues incroyables.
07:10 On n'a pas assez...
07:12 Je l'ai vu faire la promotion du film de Lioray, "Welcome",
07:15 à France Inter, et tout à coup, on lui posait des questions sur son cinéma,
07:19 et il disait "Mais allez voir !"
07:21 C'était toujours une espèce...
07:24 Philippe m'avait appelé, il m'a dit "Mais je lui ai rien demandé."
07:27 C'est extraordinaire d'entendre parler Bertrand.
07:30 -Ton picaret doit mieux faire l'amour que moi.
07:32 -Ah oui, mais vous, vous êtes plus caressant.
07:35 -Philippe, le caressant.
07:37 -Cholinon, roi de France.
07:39 -Quand on voyait un type comme ça, on se sentait protégé.
07:43 Je pouvais l'appeler à n'importe quelle heure du jour, de la nuit,
07:47 et on se parlait.
07:48 Il aveillait sur moi, oui, beaucoup, sans me le dire,
07:51 et c'était presque encore plus intéressant de savoir que,
07:55 sans faire des moulinets avec les bras, il était là.
07:59 On a toujours été liés par le travail.
08:01 Il y a eu une espèce de capillarité qui fonctionnait bien entre nous,
08:06 mais voilà, c'était...
08:07 Je me souviens, quand Noiray a reçu sa légion d'honneur
08:13 très peu de temps avant de mourir, et c'est Villepin qui lui avait remis,
08:17 c'était une soirée où on n'était pas très nombreux,
08:20 on était 25, peut-être,
08:22 et Villepin lui a dit "Tous vos amis sont là",
08:25 et Noiray l'a arrêté et dit "Ce ne sont pas mes amis,
08:29 c'est ma famille qui est là".
08:30 -Je me demande ce qu'on pourra bien dire de nous quand nous serons disparus.
08:35 Ce qui restera de notre passage.
08:37 Pour Henri III, c'était les balles des mignons,
08:40 pour nous, ce sera les petits soupers.
08:42 -Sa disparition est aussi, évidemment, qu'il avait 80 ans.
08:47 Quelque chose dans l'ordre du temps
08:51 pose aussi la question des personnalités
08:55 qui assemblaient ce qu'était le cinéma français.
08:58 Tous ces gens ont semé quand même des choses
09:02 qui vont pousser, qui doivent germer, qui doivent pousser.
09:05 Quand il me donnait des...
09:07 Chaque fois que je le voyais, il me donnait,
09:10 il sortait de sa poche des DVD, des trucs,
09:13 et me disait "Tu auras du charbon pour l'hiver".
09:16 Et il a donné un peu de charbon pour l'avenir.
09:20 Musique douce
09:22 ...
09:24 -En cette fin d'hiver, 3 occasions pour se réchauffer
09:28 au charbon laissé par Bertrand Tavernier.
09:30 Une rétrospective à la Cinémathèque française
09:33 du 15 février au 5 mars.
09:35 -Je sors.
09:36 -Une intégrale en salles.
09:38 Et si nous avions su que nous l'aimions tant,
09:41 nous l'aurions aimé davantage.
09:44 Livre-hommage que lui consacre Thierry Frémaux,
09:47 paru aux éditions Grasset.
09:49 ...
09:52 -Just open the vault and there won't be any trouble.
09:55 -No.
09:57 ...
09:58 -We'd admire it if you would.
10:00 -Lorsqu'en 1957, Nicolas Ray se lance
10:03 dans une nouvelle version du brigand bien-aimé,
10:06 pas question de traiter Jesse James en héros mythique.
10:09 -Who are we fighting for ?
10:11 Mom ? Z ?
10:12 ...
10:16 No, Jesse.
10:17 ...
10:19 We're doing this for you.
10:21 ...
10:23 For me.
10:25 -Comme souvent, Ray filme un personnage tourmenté,
10:28 voire faible.
10:29 Il nous montre la trajectoire d'un adolescent humilié,
10:32 battu, pour qui la violence est devenu le seul moyen d'expression.
10:36 Le récit tragique devient alors le moteur de l'histoire.
10:39 Chez Ray, on sent dès les premières images
10:42 que la violence et le drame vont tout emporter,
10:45 sans aucun salut pour le héros.
10:47 Mais voyez plutôt comment le grand Nick ouvre son film.
10:50 ...
11:19 ...
11:45 Le ton est donné, violent et réaliste,
11:48 comme rarement à cette époque.
11:50 Cette vision noire, boueuse et sans concession de Jesse James
11:53 ne sera pas du goût du studio qui reprendra la main
11:56 à la grande colère de Ray,
11:58 imposant une vision historique du récit,
12:00 rythmée par une série de flashbacks.
12:02 La carrière hollywoodienne de Ray s'achèvera 6 ans plus tard,
12:06 après un ultime clash sur les 55 jours de Pékin,
12:09 qu'il ne finira pas.
12:11 Mais revenons à la cavale de Jesse James.
12:13 ...
12:26 Jesse et son frère Frank sont poursuivis par une horde
12:30 après un hold-up raté.
12:31 Ray aime toujours autant filmer les tracks et les traquenards
12:34 dans la nature.
12:36 ...
12:58 On s'en reste tomaqués par cette séquence d'ouverture
13:00 dans laquelle Ray n'hésite pas à faire chuter hommes et montures
13:04 d'une falaise.
13:05 Et si vous voulez encore, regardez l'histoire de Jesse James,
13:08 le brigand bien-aimé de Nicolas Ray, 1957,
13:11 avec Robert Wagner dans le rôle-titre,
13:14 très bientôt sur Ciné+ Classique et sur My Canal.
13:17 ...
13:33 Quand un ancien rockeur du groupe Therapy Taxi
13:36 rencontre une diplômée du conservatoire,
13:38 ça donne Vénus-Vénère, un duo de pop explosif
13:41 à l'esprit délicieusement punk.
13:43 ...
13:44 Félix et Lorraine nous accueillent chez eux
13:47 et nous parlent d'une B.O. qui sent la rage,
13:49 les années 80 et le cambouis.
13:51 ...
14:04 -Nous, on a choisi la B.O. de Ciao Pantin.
14:06 C'est du coup Charlie Lécouture qui la signe.
14:09 C'est une B.O. qui est intéressante parce qu'il y a très peu de chansons.
14:13 Déjà, en fait, ça chante que deux fois,
14:15 dont une fois où c'est des bribes, et sinon, c'est que des nappes.
14:19 En fait, c'est vraiment de l'habillage musical d'un film.
14:22 Et c'est vraiment au service de l'image.
14:25 ...
14:37 -Dans la B.O., on retrouve aussi ce côté nostalgique 80s
14:42 parce qu'il utilise énormément de boîtes à rythmes
14:44 et de synthés analogiques de l'époque
14:46 qui sont devenus ultra à la mode aujourd'hui,
14:49 que tout le monde essaie de se procurer ou d'émuler.
14:51 Et donc, c'est hyper charmant dans le son et à la fois un peu kitsch aussi
14:54 parce que c'était à une époque où on en abusait un petit peu.
14:56 Et donc, ça illiste parfaitement bien et l'ambiance et l'époque.
15:00 ...
15:13 C'est marrant parce qu'il y a une tension constante avec un thème
15:15 qui arrive dès le début comme une sorte de leitmotiv
15:18 qui est là constamment.
15:19 Et quand il se déploie sur la chanson...
15:21 -Ça prend sens. -Ça prend sens.
15:23 Et ça arrive au milieu, je crois, au moment où il y a le meurtre.
15:26 ...
15:52 Il y a un côté un peu poète maudit même qui se ressent
15:55 dans les verres qu'il pose.
15:57 Et c'est vrai que c'est une forme de poète maudit.
16:00 Il a une histoire très sombre, on sait pas laquelle.
16:02 Il est là à penser toute la nuit à son boulot et à boire des coups.
16:06 Et moi, je trouve que ça illustre assez bien en termes de texte
16:09 ce qu'il raconte sur les lits de couture.
16:11 ...
16:20 -Les deux seules chansons,
16:22 moi, à mon oreille, il y en a une qui évoque vraiment le personnage
16:26 de Coluche, vraiment sombre,
16:29 et c'est justement celle qui se pose sur le thème.
16:31 Et l'autre, qui est un petit peu plus presque solaire,
16:35 même si c'est du solaire tout relatif à la Tchaopentin.
16:38 ...
16:47 Qui est là pour un peu l'insouciance du jeune
16:51 qui est joué par Richard Onkunina.
16:53 ...
17:23 ...
17:30 -Et c'est intéressant de voir que les seuls moments
17:32 où on met de la parole dans cette B.O.,
17:34 c'est pour parler un peu de l'intériorité des persos,
17:37 qui, en fait, il y en a aucun des deux qui se confie.
17:39 -Je te déçois.
17:40 -Non, je m'en fous, moi, quoi !
17:42 Je m'en fous complètement.
17:52 -A chaque fois, c'est avorté par quelque chose, par la vie,
17:55 et du coup, c'est assez intéressant que, encore une fois,
17:58 la B.O., elle soit là pour porter une petite intériorité
18:01 qu'on n'a pas dans les dialogues.
18:03 -En colère, mais toujours avec le sourire,
18:07 le premier album de Vénus Vénère s'intitule "Anomalie".
18:10 Cette ovnie est déjà disponible partout.
18:12 Foncez l'écouter.
18:13 -Chichichichique et bad, son trip est very, very bad.
18:16 Le pays, ça manque un peu, un peu tous les jours.
18:20 Va partir de la galère, trouve une ambiance,
18:23 ça se foutre en rôleur.
18:24 -"Passe-Montagne", 1978, est le premier des trois films
18:32 réalisés par l'acteur Jean-François Stévenin.
18:35 Cette étrange et belle histoire d'amitié
18:37 a profondément marqué le Grolandais Gustave Kerverne,
18:39 qui nous explique pourquoi il a choisi de le projeter
18:42 dans le cadre du Ciné-Club mensuel de la SRF,
18:45 la Société des réalisatrices et réalisateurs de films.
18:47 Brève rencontre.
18:49 -Ça va être bientôt prêt, hein ?
18:51 Une bonne petite soupe en hiver, c'est...
18:56 Ça requinque.
18:58 -"Passe-Montagne", "Passe-Montagne".
19:06 C'est un film tellement mystérieux
19:09 qu'il mérite plusieurs visions.
19:12 En tout cas, on se laisse toujours happer par ce film
19:16 qui a été réalisé par Jean-François Stévenin
19:18 avec un de mes acteurs préfets, Jacques Villerey,
19:22 et Jean-François Stévenin lui-même.
19:24 C'est une plongée dans un univers campagnard,
19:34 ou plutôt montagnard,
19:36 totalement hallucinant, une espèce de rêverie.
19:40 -Je peux pas partir deux jours
19:42 sans qu'un des deux gosses soit malade.
19:44 Comment ?
19:45 Je te dis, tu les emmènes chez leur grand-mère, ils seront ravis.
19:48 -Ce qui me marque beaucoup, c'est la scène d'entrée.
19:51 Il y a pas que ça, tout le film me marque,
19:54 mais la scène d'entrée dans cette station-service d'autoroute
19:57 ou la première apparition de Villerey,
20:00 qu'on sent déjà en décalage avec ses collègues de travail.
20:03 -Il nous attend.
20:05 -Et donc Stévenin arrive là-dedans,
20:07 et il propose de remorquer sa voiture, et là, c'est parti.
20:11 Cette scène d'introduction, je la trouve magnifique,
20:14 parce qu'elle est très mystérieuse.
20:16 Elle fait presque peur, même.
20:18 Tu te dis, Stévenin a l'air bizarre,
20:21 qu'est-ce qu'il va faire, ce mec ?
20:23 -Le mec, il va pas pouvoir t'arranger, c'est sûr.
20:27 À peu près.
20:29 On va demain...
20:33 Non.
20:34 On va...
20:35 Moi, je suis...
20:36 On prend le train, merde, non ?
20:39 Alors...
20:41 -Le cinéma, pour moi, c'est le mystère.
20:43 Si on explique tout, si on donne tout aux spectateurs,
20:47 c'est pas bon, enfin, je trouve ça...
20:51 Mais les gens sont de plus en plus cartésiens, maintenant,
20:54 donc il faut tout leur expliquer, sinon ils sont largués.
20:58 Mais moi, justement, ce que je recherche au cinéma,
21:01 c'est d'être largué.
21:02 Et ce film-là, c'est le prototype du film
21:05 où on comprend pas bien ce qui se passe,
21:07 où il y a des longueurs, où...
21:09 Moi, je trouve que c'est ça...
21:10 Enfin, pour moi, c'est le cinéma que je recherche.
21:14 -Oh bah là, je sens qu'il y a du monde, là.
21:18 Oh !
21:20 -Bon, là, je vous explique après.
21:29 Vous comptez jusqu'à 7, vous appuyez là-dessus.
21:32 Restez dans la lumière !
21:34 Faut qu'il voit que je suis pas tout seul !
21:38 -Ce qui me plaît aussi, c'est qu'il a fait un travail
21:48 sur le son qui est extraordinaire.
21:50 Et le son, c'est hyper important.
21:53 Et lui, dans son film,
21:55 le fait qu'on comprenne pas bien ce que disent les gens,
21:57 moi, je trouve ça génial.
21:59 Et dans "Altra", par exemple, on avait...
22:01 Comme on traversait plusieurs pays,
22:03 comme ça, la Hollande, l'Allemagne,
22:05 et on comprenait vaguement...
22:07 On comprenait la situation sans avoir besoin de traduire
22:10 les différentes langues.
22:13 Et donc, lui, c'est pareil.
22:14 Moi, c'est ce que j'adore dans ce film-là.
22:16 On comprend pas bien ce qu'ils disent.
22:18 Apparemment, c'est une espèce de patois,
22:20 de dialecte jurassien que je connais pas,
22:23 mais peu importe.
22:24 -La bande des gants !
22:27 -Mais non, mon Dieu !
22:28 -C'est... -Il est en colère, là !
22:30 -Il est pas là.
22:31 -D'habitude, tu ouvres jusqu'à 2h.
22:33 -Ca donne la parole à des vrais gens,
22:35 et puis tu sens que c'est pas...
22:36 C'est quasiment du documentaire, donc...
22:39 Moi, j'aime bien les films qui font documentaire,
22:42 mais qui sont de la fiction.
22:43 C'est sur le fil du rasoir, toujours,
22:45 mais en général, ça donne toujours de bons films.
22:48 -Vous en avez un vrai, mec ? -Ah !
22:50 -Oui ! -Ça va.
22:51 -Il est où, y a-t-il un porc, là ?
22:53 -Vous vous êtes jamais invités ? -Non.
22:55 (Rires)
22:57 -Ce gars-là, je parle de Stéphenin,
22:59 il a une obsession, c'est d'aller dans cette combe,
23:03 et il a essayé d'imaginer, je crois, un engin volant.
23:09 Enfin, il a une obsession,
23:10 et ça, ça nous plaît aussi,
23:12 des personnages qui s'entêtent sur quelque chose.
23:15 -Demain, faut qu'on suive tout.
23:17 -Il faut aller dans la combe. -Oui.
23:20 -Il faut aller dans la combe, maintenant.
23:22 -On vient ? -Lumière, matin...
23:24 (Bruit de sirene)
23:27 Je vais aller à l'autre.
23:28 (Brouhaha)
23:32 -C'est n'importe quoi, il veut franchir cette combe.
23:36 Et on n'a pas besoin de savoir, c'est ça que j'adore dans les films.
23:39 C'est comme David Lynch,
23:41 c'est comme si tu lui demandais à David Lynch d'expliquer son film.
23:45 Une personne ne comprend rien, mais à la fois, c'est magnifique,
23:49 et chacun, il voit un peu...
23:51 Il prend ce qu'il a envie de prendre,
23:53 il voit ce qu'il a envie de voir.
23:55 C'est le cinéma, pour moi, que j'adore.
23:58 Je ne dis pas que je n'aime pas un bon polar avec une résolution à la fin,
24:02 mais j'aime bien les films d'ambiance.
24:05 (Musique)
24:09 -Allez, c'est prêt.
24:11 (Bruit de cuisson)
24:12 À table !
24:13 (Bruits de bouteille)
24:18 -Une ambiance si particulière, encore plus immersive en salle.
24:21 Gustave Kerverne présentera ce bijou le 13 février au cinéma Le Grand Action,
24:25 à Paris, pour une nouvelle séance du ciné-club de la SRF.
24:28 N'oubliez pas, votre Viva vous attend sur les réseaux sociaux de Ciné+,
24:32 mais aussi sur My Channel.
24:34 -Dis donc, où es-tu allé hier ?
24:37 Tu as trouvé des gandes ici, hier ?
24:40 Hein ?
24:42 (Musique)
24:46 ---
25:00 [Musique]

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