• il y a 2 ans

Category

📺
TV
Transcription
00:00 Dans une salle de cinéma, statistiquement, vous êtes à peu près certain
00:03 d'être assis pas très loin d'un mec qui frappe sa femme.
00:07 J'avais un peu l'idée qu'en intégrant ces groupes de paroles d'hommes,
00:18 j'allais retrouver ce qu'on trouve un peu dans Fight Club
00:20 ou dans un groupe d'alcooliques anonymes,
00:22 c'est-à-dire une reconnaissance avec des mecs qui diraient
00:26 "Bonjour, je m'appelle Mathieu Palin, j'ai 34 ans et je frappe ma femme".
00:31 C'est que cette phrase "je frappe ma femme",
00:33 j'ai eu beaucoup de mal à l'entendre.
00:35 À la place, ce que j'ai entendu, c'est beaucoup de déni.
00:40 "Moi, je n'ai rien à faire là, je ne suis pas comme vous,
00:43 ma femme, c'est une menteuse.
00:44 Moi, ma femme, je ne l'ai pas frappée, sinon je l'aurais envoyée à l'hôpital".
00:49 De toute manière, maintenant, avec Me Too, on ne peut plus rien dire,
00:51 les femmes ont repris le pouvoir.
00:52 Il y a eu une incompréhension à avoir été jugée coupable
00:57 et d'avoir tout perdu, d'avoir perdu la garde de leurs enfants,
01:01 d'avoir plus le droit de s'approcher de leur ex-femme,
01:04 d'avoir pu la maison.
01:05 Il y a eu une inversion de la culpabilité.
01:06 Eux se sentent victimes de leur femme qui les a envoyées en prison,
01:10 mais aussi victimes d'un système qui serait complètement,
01:14 maintenant, entre les mains des femmes,
01:16 notamment depuis l'avènement du mouvement Me Too,
01:19 avec des femmes qui ont pris le pouvoir et qui veulent se venger,
01:21 de siècles de domination masculine.
01:23 Il y a un système judiciaire qui est très féminin aujourd'hui.
01:27 Soit des avocats, des juges,
01:28 les animatrices de ces groupes de parole qui représentent la justice
01:31 sont principalement des femmes.
01:32 À chaque instant de leur vie judiciaire, ils ont rencontré des femmes.
01:35 Donc c'est bien la preuve qu'ils sont, eux, les victimes.
01:39 C'est une lecture totalement biaisée de la réalité.
01:41 On sait très bien que l'immense majorité des victimes ne porte pas plainte,
01:45 que celles qui portent plainte ont beaucoup de mal à le faire.
01:48 C'est très peu suivi par une condamnation.
01:50 Eux, ce qu'ils voient, c'est leur cas personnel
01:52 d'un mec qui sort de prison pour des violences conjugales.
01:55 Et ce qu'il y a derrière, c'est pourquoi moi, j'ai été condamné,
01:59 alors que mon père, personne n'est jamais venu l'emmerder.
02:01 L'idée qu'un coup peut tuer,
02:04 quand cette notion-là a été évoquée dans les groupes de parole,
02:07 il y a eu vraiment un mouvement de rejet.
02:10 De dire "comment vous osez me comparer à ces sauvages qui tuent leurs femmes ?"
02:14 Pourtant, il y en a qui parlaient de violence extrême,
02:18 et du soulagement que ça avait été de voir leurs femmes ne plus parler,
02:25 n'être plus en capacité de parler, enfin le silence.
02:28 Ils n'envisageaient pas non plus que leurs actes
02:32 puissent avoir des répercussions sur leurs enfants.
02:36 Alors que, quand on regardait leur propre histoire,
02:39 ils étaient eux-mêmes la reproduction de la violence de leurs parents.
02:42 Les hommes que je rencontrais,
02:44 qui étaient des hommes qui avaient été condamnés et qui sortaient de prison.
02:47 Après ces six mois d'immersion dans ce premier groupe à Lyon,
02:50 cette série a été diffusée sur France Culture.
02:52 Et j'ai eu énormément de retours.
02:55 Les histoires que me rapportaient les auditrices
02:58 étaient des histoires de violence qui étaient exactement les mêmes,
03:02 mais cette fois, du fait de médecins, d'avocats,
03:07 de gros banquiers du 7e arrondissement de Paris, de cardiologues,
03:11 de gens qui étaient au-dessus de tout soupçon,
03:13 et surtout n'avaient pas été poursuivis.
03:15 Sur la question des violences conjugales, les chiffres sont tels
03:17 qu'on peut pas continuer de penser que ça ne nous concerne pas,
03:22 qu'on n'a pas un père, un frère, un ami
03:25 qui peut-être exerce un rapport de domination permanent
03:29 avec les femmes de son entourage
03:30 et, de temps en temps ou tout le temps, frappe sa femme.
03:34 On est sur environ 210 000 ou 220 000 femmes
03:38 qui déclarent des violences chaque année.
03:41 Que 80 % des victimes de violences conjugales ne portent pas plainte,
03:44 on arrive assez rapidement à un million d'hommes violents.
03:47 La violence, c'est clairement pas quelque chose avec laquelle on naît.
03:52 C'est un comportement, et comme tous les comportements,
03:55 on apprend les comportements, on les intègre en y étant exposés.
03:58 On y est exposés en étant un garçon, puis un adolescent, puis un homme,
04:02 d'abord au sein de notre propre famille, mais également dans la société.
04:05 Et là, ça nous concerne tous.
04:07 Maintenant, je suis père d'une petite fille qui a un an et demi
04:09 et je me dis qu'il est largement temps de changer la barre.
04:13 [Musique]

Recommandations